Les opinions politiques et le travail philosophique .

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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Avinash
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Re: Les opinions politiques et le travail philosophique .

Messagepar Avinash » 03 janv. 2016, 22:08

Faut pas rêver, la philosophie ne bouleversera pas les hommes. Lordon lecteur assidu de Spinoza nous donne à voir. Cet économiste apporte une bouffée d'air frais mais il rêve sans doute d'une société communiste. J'étais communiste à 20 ans mais à 65 ans mon point de vue est à peu de choses près celui que André Compte Sponville, lui aussi grand lecteur de Spinoza exprime:
Le communisme et le capitalisme : André comte-sponville
Les individus poursuivent uniquement leur intérêt particulier, lequel, à leurs yeux, ne coincide nullement avec leur intérêt commun.

Marx

Pour que le communisme, tel que Marx l'avait conçu, ait une chance de réussir, il fallait au moins une chose : que les hommes cessent d'être égoistes et mettent enfin l'intérêt général plus haut que leur intérêt particulier.
Si l'on obtenait ça, le communisme avait une chance de réussir, autrement non.
Il était donc inévitable qu'il échoue, puisque les hommes sont égoistes et mettent toujours, à l'échelle des grands nombres, leur intérêt particulier plus haut que l'intérêt général.
Il était donc à peu près inévitable que le communisme devienne totalitaire puisqu'il fallut bien imposer, par la contrainte, ce que la morale individuelle s'avéra incapable d'obtenir.
C'est ainsi que l'on passe de la belle utopie marxiste à l'horreur totalitaire.
Il fallait renoncer au rêve ou transformer l'humanité. On entreprit donc de la transformer ( propagande, bourrage de crâne, camps de rééducation, hôpitaux psychiatriques...) et ce fût l'échec sanglant que l'on sait.

Le coup de génie du capitalisme, c'est de ne rien demander d'autre aux gens que d'être exactement ce qu'ils sont. Soyez égoistes, occupez vous de votre intérêt, si possible intelligemment, et tout ira non pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, qui n'est qu'un rêve, mais à peu près correctement dans le plus efficace des mondes économiques réels, qui est le marché...

L'erreur sympathique et néfaste de Marx, ce fût, au fond, de vouloir ériger la morale en économie.
A l'inverse, le capitalisme n'a pas besoin d'être sympathique pour exister, ni même pour réussir.

Ce n'est pas une raison pour jeter Marx à la poubelle. Sa vision du communisme est obsolète. Son analyse du capitalisme reste, à bien des égards, l'une des plus éclairantes.
C'est encore moins une raison pour se mettre à adorer le capitalisme.
Mieux vaut le penser dans sa vérité, ce qui suffit d'ailleurs à dissuader d'y croire, au sens quasi religieux du terme.

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NaOh
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Re: Les opinions politiques et le travail philosophique .

Messagepar NaOh » 04 janv. 2016, 09:47

Bonjour Avinash,

Je trouve ce texte de André Compte-Sponville assez décevant.

Marx n'avait rien d'un naïf sentimental relativement à la "nature humaine". Il voyait l'avènement du socialisme comme une conséquence historique nécessaire du mode de production capitaliste. Aussi n'était-il pas question de "moraliser" ni la nature humaine, ni a plus forte raison le Capitalisme. C'est pour son intérêt tout d'abord que la classe ouvrière devait s'approprier les moyens productifs capitalistes. Et la lutte des classes est une lutte pour les intérêts dominants de chacune des deux classes en présence.

Marx s'est sans doute trompé-comme se trompent en général les grands philosophes, c'est à dire de manière grandiose-en voyant le socialisme comme une étape nécessaire de la négation interne du capitalisme. Comme auparavant la féodalité avait accouché de la bourgeoisie.

Et une des questions qu'on peut se poser est effectivement celle de Lordon dans la conférence dont vous avez donné le lien. Marx prédit et appelle de ses vœux le "dépérissement de l'Etat" (en ce sens les pays de l'ex bloc soviétique, avec leurs hypers-états bureaucratiques ne réalisaient pas du tout le programme de Marx). Mais -c'est là la question de Lordon: une société sans structure étatique d'aucune sorte est-elle concevable? Et si la question se pose c'est que fondamentalement-les philosophes du XVIIem siècle nous l'ont montré- l'Etat est la solution que l'humanité a trouvé pour contenir la violence qui lui est inhérente.

Cette prise en considération de la violence est la part de "réalisme anthropologique" que Lordon revendique dans cette vidéo et que l'on ne doit pas perdre de vue dans un programme révolutionnaire.

Bien à vous

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Avinash
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Re: Les opinions politiques et le travail philosophique .

Messagepar Avinash » 04 janv. 2016, 11:07

Noah,

Tout à fait d'accord pour le réalisme anthropologique: un état est nécessaire pour contenir la violence.

Le texte de Sponville renvoie à un dialogue qu'il a eu avec son ami Althusser. Althusser était en clinique psychiatrique :

( Sponville )"Je l'entends prononcer le mot "communisme". j'avais quitté le Parti quelques années plus tôt. "Tu y crois encore ?, lui demandai-je. pas moi. C'est fini , Louis, cette histoire là..."
Je n'oublierai jamais sa réponse: "Le communisme comme système social ou politique, oui, bien sûr, c'est terminé..."

Je me souviens. J'étais en cité universitaire . Mon voisin de chambre était Althussérien et il se préparait à l'agrégation de philo. Il collectionnait les Maspéro et était un fervent lecteur d'Althusser. Nous échangions.Une époque révolue. Depuis j'ai vécu et heureusement pour moi, j'ai changé. Je vivais à l'époque dans l'univers des livres.
Quand j'écoute Lordon, je m'interroge : ceux qui sont intéressés sont très minoritaires en France." France, peuple de droite", disait de Gaulle... Tout ça passera et nous aussi. Seule la vieille humanité centrée sur elle et incurable perdure.


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