Vanleers a écrit :Poursuivons la lecture de l’article de Laurent Bove signalé dans le premier post de ce fil. A la fin du premier chapitre, il écrivait :
« Cette liberté que Spinoza conquiert vis à vis du langage, et qui est la liberté même de la pensée par rapport à l’ordre des signes dans lequel elle s’exprime et se communique, se comprend selon trois axes qui sont :
— sa conception épistémologique de la définition
— sa théorie ontologique de l’idée adéquate que cette conception suppose
— une sémiologie indépendante de la question de la vérité, conséquence des deux premiers points. »
Nous avons déjà examiné le premier axe, passons au second.
Il est clair que, selon Spinoza, ce que rappelle L. Bove, l’idée adéquate d’une chose qui se forme dans un esprit n’est pas une représentation de la chose mais la chose elle-même considérée sous l’angle de l’attribut Pensée.
Soulignons que ni un esprit, ni une idée, ni tout ce qui relève de l’attribut Pensée ne sont localisés. Seuls les corps, c’est-à-dire ce qui relève de l’attribut Etendue, sont localisés. Si un corps, à tel moment, est bien ici et non là-bas, par contre l’esprit, qui est l’idée de ce corps, n’est jamais nulle part. Quand on dit que l’esprit « a » l’idée adéquate d’une chose, c’est-à-dire que la chose elle-même est « dans » l’esprit, cela ne veut pas dire qu’elle y est comme la pomme est dans le panier.
Allons plus loin.
Lorsque Spinoza a une idée adéquate et la note sur un papier pour, progressivement, rédiger l’Ethique, il faut dire que c’est Dieu qui a cette idée, ce que souligne également L. Bove. C’est ce que démontre le corollaire d’E II 11 :
« De là suit que l’Esprit humain est une partie de l’intellect infini de Dieu ; et partant, quand nous disons que l’Esprit humain perçoit telle ou telle chose, nous ne disons rien d’autre sinon que Dieu, non en tant qu’il est infini mais en tant qu’il s’explique par la nature de l’Esprit humain, autrement dit en tant qu’il constitue l’essence de l’Esprit humain, a telle ou telle idée ; et quand nous disons que Dieu a telle ou telle idée non seulement en tant qu’il constitue la nature de l’Esprit humain, mais en tant qu’il a en même temps que l’Esprit humain également l’idée d’une autre chose, alors nous disons que l’Esprit humain perçoit une chose en partie, autrement dit de manière inadéquate. » (traduction Pautrat)
Si l’on admet que ce que dit l’Ethique relève de la connaissance du deuxième genre, alors toutes les idées que développe Spinoza sont adéquates. Ceci signifie que c’est Dieu qui a écrit l’Ethique, non pas Dieu en tant qu’il est infini mais Dieu en tant (Deus quatenus) qu’il s’explique par l’esprit de Spinoza.
Je pense que certains vont tomber de leur chaise. C’est ce que pensait déjà Spinoza qui écrivait dans le scolie qui suit le corollaire :
« A partir d’ici je ne doute pas que les lecteurs seront dans l’embarras et que bien des choses leur viendront à l’esprit qui les arrêteront, et c’est pourquoi je leur demande d’avancer avec moi à pas lents, et de ne pas porter de jugement avant d’avoir tout lu. »
Les premiers lecteurs furent horrifiés par le Dieu de Spinoza. S’ils l’avaient mieux compris, ils l’auraient été davantage comme peuvent l’être nos contemporains quand on leur dit que Spinoza est un prête-nom et que l’Ethique a été écrite par un certain Deus quatenus que personne n’a jamais vu.
Ajoutons, pour consoler les esprits chagrins, que l’Ethique est une doctrine du salut et que c’est Dieu lui-même qui vient nous sauver.
Alléluia
C'est reparti : "lorsque Spinoza a une idée adéquate, c'est Dieu qui à cette idée."
Donc si c'est une explication, elle ne sort jamais du texte lui-même : seul le texte explique le texte. En clair, il est question de cohérence du texte et de cela seul... comme dans l'ensemble de ce qui vous fait parler de "vérité" !
Spinoza est certes cohérent (enfin mon objet n'est pas de dire le contraire), mais en expliquant comme le fait le Larousse en ligne "Dieu" par le "sacré" et le "sacré" par "Dieu", on peut, c'est vrai, faire vaguement mieux comprendre Spinoza, c'est-à-dire son langage, mais c'est tout (et vous répondez ainsi déjà au questionnement de l'intitulé du fil).
Alors on voit bien que vous tentez d'expliquer ensuite le sens de l'idée adéquate, c'est-à-dire (et si je comprends bien et ayez s'il-vous-plaît la bonté de ne pas objecter que sur ce point) que celle-ci ne peut venir que d'une sorte de conscience de l'existence d'une cause ultime. Admettons. Mais vous n'arrivez pas à le faire clairement, c'est-à-dire qu'à chaque fois, vous mélangez donc le langage commun et sa logique et le spinozien et la sienne (qui ne sont certes pas deux logiques différentes). Dit autrement, vous faites la même erreur que le Larousse en ligne.
Là par exemple, vous voilà obligé, pour " faire comprendre" votre explication de l'idée adéquate, de faire intervenir ex nihilo une notion qu'il vous faudrait expliquer, à savoir d'admettre que "ce que dit l'Ethique relève du deuxième genre de connaissance""
Mais qui comprend ça si justement il ne comprend pas déjà le spinozien ?
Je soutiens donc que vous parlez français quand ça vous chante et spinozien quand ça vois sied... et que donc s'il est quelque part affaire de logique avec Spinoza, vous-même ne vous conformez à aucune sorte de cohérence de la façon dont vous vous y prenez, et que par conséquent, il vous faut sérieusement réfléchir à votre méthode avant que de poursuivre dans cette voie en inondant le forum de vos fils.
Au passage, je répète donc que vous cherchez à faire comprendre le langage de Spinoza... qui certes permet de comprendre l'Ethique. Bref la question du fil est réglée et non en suspens : oui, selon vous, il faut parler spinozien pour comprendre l'Ethique. La réponse était donc déjà faite au moment où la question fut posée.
Donc et bref, si l'on ne discute pas de la vraie question posée, à savoir si une philosophie peut être exprimée en langage commun, ce sera ma dernière participation à ce fil.
Amen
PS : en tombant d'une chaise, on tombe de mois haut qu'en tombant d'un piédestal, où là on tombe de toute la hauteur d'un homme (pardon, camarade )
NB : dans un souci de clarté, je me permets de reposer ici une question déjà posée : êtes-vous croyant, Vanleers ?