SpinUp a écrit :(...)
Pouriez vous préciser ce que vous voulez dire par cette seconde option? Vous faites allusions à une interprétation "de variables cachées" ou queque chose comme ça?
Bonjour,
plutôt que les théories à variables cachées, il y a surtout pour moi les propositions d'une sorte d'"empirisme transcendantal" dans un style plutôt wittgensteinien chez M. Bitbol ou plus proprement kantien chez J. Petitot (version texte par Google pour ceux qui n'ont pas les outils adéquats).
L'idée de base est simple : la quantique travaille sur des phénomènes au sens proprement kantien et son formalisme comme ses résultats dépendent des conditions de possibilité de connaissance lesquelles sont fixées par nos systèmes expérimentaux et théories.
Extrait du texte de Petitot :
Jean Petitot a écrit :(...) Le rôle transcendantal des amplitudes de probabilité en Mécanique quantique est donc selon moi analogue à celui que joue l'espace-temps en Mécanique classique. Quitte à choquer certains d'entre vous, j'affirmerai donc que la fonction déterminante de cette instance est l’équivalent, pour l'objectivité quantique, de ce qui, pour l'objectivité classique, est représenté par l'Esthétique transcendantale.
(...)
Bref, la relation entre phénomène et réalité n'est pas binaire. Elle est ternaire: en plus du phénomène observable, et de la réalité indépendante inconnaissable qui en est le fondement, elle implique le concept d'objet en tant que concept légal et normatif. L'objet n'est pas donné dans la donation du phénomène. Il est la position objectale des actes de légalisation des phénomènes. Il est prescriptif. Il est le corrélat des conditions de possibilité de l'expérience. Cette thèse transcendantaliste typique a également été retrouvée par les physiciens. On pourra lire de fort belles pages de Gilles Cohen-Tanoudji sur le fait que “la physique ne produit pas des choses” (pas de valeur représentative), que “l'objet réel de la physique est le concept même de physique” (objet normatif régional corrélatif des actes objectivants) ou que “l'essence du physique” est la “rationalité expérimentale” (le concept d'expérience comme méta-référent).
(...)
Selon Bernard d'Espagnat, et je partage pleinement ce point de vue, la logique naturelle est donc mentale et non objective. Je pense que le problème sous-jacent est que la réalité attribuée aux propriétés est en fait une modalité. A ce titre elle est entièrement dépendante d'une procédure de constitution d'objectivité. En traiter de façon absolue (i.e. métaphysique, non dépendante d'une telle procédure) conduit à des antinomies dialectiques. Un tel conflit entre objectivité physique et dogmatisme logique est caractéristique de l'approche transcendantale. Je vais y revenir.
(...)
Le “tabou” anti-transcendantal rend parfois la situation épistémologique un peu confuse. Par exemple Baas Van Fraassen a redécouvert le caractère fondamentalement modal des concepts physiques d’observable et de réalité. Il faut faire la différence entre les énoncés d’attribution d’état et ceux d’attribution de valeur d’observable:
“states can be identified in terms of observables, but cannot be identified with them.”
Les transitions du possible à l’actuel lors des mesures sont décrites par les états mais ne sont pas des transitions d’état. De même qu’en mécanique classique les résultats des mesures sur le mouvement ne peuvent pas être interprétés ontologiquement comme des prédicats réels des corps, de même en Mécanique quantique les résultats de mesure ne sont pas interprétables ontologiquement comme des prédicats réels des états.
Normalement de telles thèses devraient être considérées comme d’esprit transcendantaliste. Mais étant donné le “tabou”, on doit les présenter comme une nouvelle forme d’empirisme.(...)
Dans la préparation expérimentale on implique d'emblée les phénomènes à produire à partir d'un projet.
On n'est plus dans le cadre d'une relation d'observation neutre sujet/objet mais plutôt dans celui d'une fabrication "machinique" au terme de laquelle on retrouve une information/connaissance/événement.
C'est, à mon sens, un des enjeux des travaux sur la décohérence que d'affiner les conditions dans lesquelles un système est proprement quantique, dans lesquelles on obtient des effets non-représentables par un formalisme classique.
Les positions "post-kantiennes" semblent avoir vocation à éviter une sorte de pythagorisme qui appelle "réel" ce qui n'est pour nous qu'une équation, mais aussi à éviter un subjectivisme personnel.
Il s'agit d'établir les contraintes qui obligeraient tout être rationnel à concevoir les choses comme on les conçoit, d'établir les conditions de toute connaissance possible par notre expérience physique.
Si je devais en faire une lecture "néo-spinoziste", je dirais qu'il s'agit d'établir ce qu'on doit expliquer selon l'attribut "Pensée", c'est-à-dire en termes épistémiques (séparation/non-séparation, traitement holistique des systèmes expérimentaux, corrélations, symétries, parts de conventionnalisme dans les théories physiques etc.) et ce qu'on doit expliquer selon l'attribut "Etendue", en terme de transfert spatio-temporel d'énergie.
Le rapport à la non-localité est, pour moi, liée à la partie épistémique étant donné qu'elle ne correspond pas à un transfert d'énergie et qu'elle se relie à la notion plus générale de non-séparabilité (pour le temps plutôt que l'espace, expériences à choix retardé par exemple).