Spinoza et les femmes / le "parallélisme"

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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sescho
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Messagepar sescho » 31 déc. 2007, 10:18

Louisa a écrit :... je ne suis pas certain que Spinoza conçoive la conscience d'une telle façon. Pour lui nous pouvons avoir accès, via le troisième genre de connaissance, à l'essence singulière d'une chose. ...

Dans ma compréhension de Spinoza, c'est tout l'inverse : on ne peut pas avoir d'idée adéquate de chose singulière (je souligne bien "singulière.") Peux-tu donc me dire, s'il te plait, où tu vois dans Spinoza le contraire?

E5P23S : "... Les yeux de l’âme, ces yeux qui lui font voir et observer les choses, ce sont les démonstrations."

Par ailleurs, l'esprit est une notion générale, l'entendement qui en est la meilleure partie (et non le désir, par exemple) en étant une lui-même (E2P48.)

Ensuite, le parallélisme se fait non avec toutes les parties du corps, mais seulement avec le rapport qu'ont ces parties entre elles (ce qui explique que nous n'ayons aucune idée de la plupart des parties du corps) : Définition avant l'axiome 3, après E2P13, E2P24, E4P39.

En fait, la connaissance du corps humain, inadéquate, ne se fait que par les sensations, exclusivement :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit : E2P19 : L’âme humaine ne connaît le corps humain lui-même, et ne sait qu’il existe, que par les idées des affections qu’il éprouve.

Démonstration : En effet, l’âme humaine, c’est l’idée même ou la connaissance du corps humain (par la Propos. 12, partie 2), laquelle est en Dieu (par la Propos. 9, partie 2), en tant qu’on le considère comme affecté de l’idée d’une autre chose particulière, ou bien, en tant que le corps humain a besoin de plusieurs autres corps dont il est continuellement comme régénéré ; or, l’ordre et la connexion des idées est le même (par la Propos. 7, partie 2) que l’ordre et la connexion des causes. Cette idée sera donc en Dieu en tant qu’on le considère comme affecté des idées de plusieurs choses particulières. Par conséquent, si Dieu a l’idée du corps humain, ou autrement, si Dieu connaît le corps humain, c’est en tant qu’il est affecté de plusieurs autres idées, et non en tant qu’il constitue la nature de l’âme humaine ; en d’autres termes (par le Corollaire de la Propos. 11, partie 2), l’âme humaine ne connaît pas le corps humain. Mais, d’un autre côté, les idées des affections du corps sont en Dieu, en tant qu’il constitue la nature de l’âme humaine ; ou autrement, l’âme humaine perçoit ces mêmes affections (par la Propos. 12, partie 2) ; et en conséquence (par la Propos. 16, partie 2) elle perçoit le corps humain lui-même ; et enfin elle le perçoit (par la Propos. 17, partie 2) comme existant en acte. C’est donc de cette façon seulement que l’âme humaine perçoit le corps humain lui-même. C. Q. F. D.

J'ai mis du temps à accepter ce passage où Spinoza dit successivement que l'âme est l'idée ou connaissance du Corps humain puis qu'elle ne connaît pas le Corps humain (mais si l’on reprend le corollaire E2P11C, on peut considérer qu’il manque dans cette démonstration « en partie » ou « adéquatement » (… l’âme humaine ne connaît pas [adéquatement] le corps humain.) C'est qu'en fait il passe du "en gros" au "précis" (par approximations verbales successives) : l'âme humaine est liée en premier lieu au corps en vertu du parallélisme en Dieu, mais ce alors même que Dieu a une idée globale du Corps et de tous les autres corps qui sont avec lui en interaction (E2P9). E2P9C introduit la sensation comme étant liée à l'idée du Corps seule. Autrement dit, l'âme n'a pas une connaissance adéquate du Corps, mais elle en a une de la sensation (j’extrapole le « en tant qu’il constitue la nature de l’âme humaine » car je doute fortement que Spinoza accorde l’adéquation à la sensation, parce qu'elle ne correspond à aucun corps clairement identifié). Pour comprendre la démonstration dans la traduction Saisset, il faut impérativement remplacer le "Or" par le "Mais" rendu par Pautrat :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E2P9C : Tout ce qui arrive dans l’objet particulier d’une idée quelconque, Dieu en a la connaissance, en tant seulement qu’il a l’idée de cet objet.

Démonstration : Tout ce qui arrive dans l’objet particulier d’une idée quelconque, Dieu en a l’idée (par la Propos. 3, partie 2), non pas en tant qu’infini, mais en tant qu’il est affecté de l’idée d’une autre chose particulière (par la Propos. précédente). Mais l’ordre et la connexion des idées est le même (par la Propos. 7, partie 2) que l’ordre et la connexion des choses. Par conséquent, la connaissance de tout ce qui arrive dans un objet particulier devra se trouver en Dieu, en tant seulement qu’il a l’idée de cet objet. C. Q. F. D.

La démonstration dit donc (plus justement que ce que j'en ai dit par ailleurs) que l'affection d'une idée, qui correspond à l'affection de son objet, est "propre" à l'idée de cet objet prise seule, c’est-à-dire sans liaison avec les idées de choses extérieures, quoique l’idée elle-même y soit liée, en vertu du parallélisme… En fait, il y a une sorte de « bouclage » car dès E2A4 nous avons : "Nous sentons un certain corps affecté de plusieurs manières." Cet axiome passe – outre un peu trivialement dans E2P11 - par E2P13, c’est-à-dire par l’application du « parallélisme » à l’âme humaine (/ Corps humain), pour revenir en quelque sorte à lui-même (mais cette fois en pleine affirmation de l’étendue de la chose : nous ne connaissons le Corps, les corps extérieur et le Mental lui-même QUE par les sensations, et ce de façon inadéquate (sauf, apprendrons-nous, pour ce qui concerne partiellement le Mental, que des idées adéquates – et donc adéquatement connues – peuvent malgré tout naître de cet état de fait.)

Pour moi, il reste en arrière-goût que toute cette gymnastique n’est quand-même pas en faveur du parallélisme...

Reprise dans E2P19, c’est E2P12 qui introduit (sous les réserves dites plus haut) comme « entière » la sensation dans l’âme humaine, à partir de l'idée du Corps :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E2P12 : Tout ce qui arrive dans l’objet de l’idée qui constitue l’âme humaine doit être perçu par elle ; en d’autres termes, l’âme humaine en aura nécessairement connaissance. Par où j’entends que si l’objet de l’idée qui constitue l’âme humaine est un corps, il ne pourra rien arriver dans ce corps que l’âme ne le perçoive.

Démonstration : En effet, tout ce qui arrive dans l’objet d’une idée quelconque, Dieu en a nécessairement connaissance (par le Corollaire de la Propos. 9, partie 2), en tant qu’on le considère comme affecté de l’idée de ce même objet, c’est-à-dire (par la Propos. 11, part. 2), en tant qu’il constitue l’âme d’une certaine chose. Par conséquent, tout ce qui arrive dans l’objet de l’idée qui constitue l’âme humaine, Dieu en a nécessairement connaissance, en tant qu’il constitue la nature de l’âme humaine ; en d’autres termes (par le Corollaire de la Propos. 11, Partie 2), la connaissance de cet objet sera nécessairement dans l’âme, et l’âme le percevra.

Scholie : Cette proposition devient également évidente et se comprend même plus clairement par le Scholie de la Propos. 7, partie 2.

Notons aussi que E2P11 dit que l’Homme est constitué de manières de penser (mais il l’étend au Corps dès E2P13C, ce qui tombe sous le sens en vertu du parallélisme.)

Ce qu'atteint l'esprit par le deuxième genre de connaissance n'est pas strictement parallèle au corps, c'est une partie de l'essence de Dieu qui naît de ce que ce qui est commun à tout peut être connu adéquatement dans (à l'intérieur de) la sensation (et ne constitue l'essence d'aucune chose singulière) Le troisième genre de connaissance porte sur les mêmes choses que le second mais vues intuitivement, directement en action dans le comportement (propriétés) des choses singulières.

Louisa a écrit : ... Ce qui reste après la mort, ce qui est éternel, ce n'est pas seulement de l'ordre de la pensée ... !! Il n'y a PAS d'OPPOSITION corps-esprit chez Spinoza (forcément, puisqu'il s'agit d'une seule et même chose). Ce qui est éternel, c'est de l'ordre de l'essence: il s'agit donc de l'essence de l'esprit, ayant l'essence du corps comme objet.

Je ne crois pas : ce qui a été perçu adéquatement c'est une partie de l'essence de Dieu, et c'est éternel comme Dieu est éternel. E5P36 et prec. Mais effectivement ceci est contenu dans l'essence de tout corps (chacun ne pouvant par ailleurs se concevoir qu'avec la substance pour cause.)

J'ajouterais pour Hokousai qu'il ne faut pas négliger la mémoire (E2P18) comme parallélisme au corps qui donne l'illusion d'auto-générer des pensées. Cette façon n'est pas de l'ordre de l'adéquat (puisqu'imagination, comme au premier degré la sensation) selon Spinoza (E3P2, E5P23, E5P34, E5P39.) Reste j'en conviens à savoir comment l'on peut développer une pensée rationnelle sans aucune mémoire...

Pour la référence au cerveau comme centre neuronal, je pense que Spinoza en était au fait (déjà connu des Grecs de mémoire), lui qui dit "image peinte dans le cerveau" pour signifier l'aspect corporel de la sensation (E2P48, outre deux mentions dans E1App et E5Pré sur la glande pinéale de Descartes, qui montre bien néanmoins la connaissance du côté central du cerveau. Voir Lettre 58 à Schuller et 76 à Burgh aussi.)

En fait, le parallélisme pur avec le corps est pour Spinoza synonyme d'imagination.


Serge
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Messagepar Louisa » 31 déc. 2007, 12:23

Bonjour Serge!

je prends enfin le temps de te répondre (je dis "enfin", car déjà dans ton intervention précédente dans cette discussion certains éléments que tu soulignes reviennent ici de nouveau, il me semble).

Sescho a écrit :Louisa a écrit:
... je ne suis pas certain que Spinoza conçoive la conscience d'une telle façon. Pour lui nous pouvons avoir accès, via le troisième genre de connaissance, à l'essence singulière d'une chose. ...

Sescho:
Dans ma compréhension de Spinoza, c'est tout l'inverse : on ne peut pas avoir d'idée adéquate de chose singulière (je souligne bien "singulière.") Peux-tu donc me dire, s'il te plait, où tu vois dans Spinoza le contraire?


On peut le voir dans la définition même du troisième genre de connaissance:

- E2P40 sc II: "ce genre de connaître procède de l'idée adéquate de l'essence formelle de certains attributs de Dieu vers la connaissance adéquate de l'essence des choses". Les "choses" en plurieur ne peuvent pas être Dieu (unique) ni les attributs (car il s'agit de partir de la connaissance d'un attribut). Ce sont donc les choses singulières.

- E5P24: "Plus nous comprenons les choses singulières, plus nous comprenons Dieu" que reprend la démo d'E5P25, démo qui commence par rappeler la définition du 3e genre en E2P40, pour tirer de celle-ci ensemble avec 5.24 la conclusion que "plus nous comprenons les choses de cette manière, plus nous comprenons Dieu, et partant la suprême vertu de l'Esprit, c'est-à-dire puissance ou nature de l'Esprit, autrement dit son suprême effort, c'est de comprendre les choses par le 3e genre de connaissance".

Sescho a écrit :Par ailleurs, l'esprit est une notion générale, l'entendement qui en est la meilleure partie (et non le désir, par exemple) en étant une lui-même (E2P48.)


la meilleure partie de l'esprit est celle qui est éternelle, et celle qui est éternelle, c'est l'ensemble de toutes nos idées adéquates, qui constituent notre degré de puissance à nous, c'est-à-dire notre essence. La meilleure partie de l'esprit, c'est donc notre essence singulière. Or celle-ci est précisément défini par le désir (fin de l'E3: "Le Désir est l'essence même de l'homme"). Conclusion: le désir est bel et bien la meilleure partie de nous.

Sescho a écrit :Ensuite, le parallélisme se fait non avec toutes les parties du corps, mais seulement avec le rapport qu'ont ces parties entre elles (ce qui explique que nous n'ayons aucune idée de la plupart des parties du corps) : Définition avant l'axiome 3, après E2P13, E2P24, E4P39.

En fait, la connaissance du corps humain, inadéquate, ne se fait que par les sensations, exclusivement :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit:
E2P19 : L’âme humaine ne connaît le corps humain lui-même, et ne sait qu’il existe, que par les idées des affections qu’il éprouve.

Démonstration : En effet, l’âme humaine, c’est l’idée même ou la connaissance du corps humain (par la Propos. 12, partie 2), laquelle est en Dieu (par la Propos. 9, partie 2), en tant qu’on le considère comme affecté de l’idée d’une autre chose particulière, ou bien, en tant que le corps humain a besoin de plusieurs autres corps dont il est continuellement comme régénéré ; or, l’ordre et la connexion des idées est le même (par la Propos. 7, partie 2) que l’ordre et la connexion des causes. Cette idée sera donc en Dieu en tant qu’on le considère comme affecté des idées de plusieurs choses particulières. Par conséquent, si Dieu a l’idée du corps humain, ou autrement, si Dieu connaît le corps humain, c’est en tant qu’il est affecté de plusieurs autres idées, et non en tant qu’il constitue la nature de l’âme humaine ; en d’autres termes (par le Corollaire de la Propos. 11, partie 2), l’âme humaine ne connaît pas le corps humain. Mais, d’un autre côté, les idées des affections du corps sont en Dieu, en tant qu’il constitue la nature de l’âme humaine ; ou autrement, l’âme humaine perçoit ces mêmes affections (par la Propos. 12, partie 2) ; et en conséquence (par la Propos. 16, partie 2) elle perçoit le corps humain lui-même ; et enfin elle le perçoit (par la Propos. 17, partie 2) comme existant en acte. C’est donc de cette façon seulement que l’âme humaine perçoit le corps humain lui-même. C. Q. F. D.


le parallélisme ne considère par les états immobiles. Il ne s'agit pas de comparer un esprit immobile avec les parties d'un corps. Il s'agit de regarder des chaînes causales, et de voir si systématiquement quand un changement se produit dans l'un, un changement correspondant se produit dans l'autre.

Si donc le corps est affecté, le parallélisme exige que d'une part ce corps est toujours affecté par un corps et jamais par une idée ou un mode d'un autre attribut encore, et d'autre part qu'immédiatement (simul) un changement au niveau des idées y correspond (la production d'une idée). Ainsi, à chaque MODIFICATION du corps correspond une MODIFICATION de l'esprit, c'est-à-dire une idée. Que cette idée soit adéquate ou inadéquate n'a aucune importance (elle sera adéquate ou non en fonction du NOMBRE des causes, mais ces causes restent toujours internes à l'attribut du mode de l'effet qu'elles produisent, et c'est cela ce que stipule le parallélisme).

Sinon, donc si l'on veut prendre en considération non pas les lois qui régissent la production d'effets mais les rapports entre essences, alors là on peut dire qu'à chaque essence d'esprit correspond une essence de corps, les deux étant "immobiles et éternelles". Mais alors il ne s'agit plus de tout et parties non plus, il s'agit de l'expression différente d'une seule et même chose singulière.

Sescho a écrit :J'ai mis du temps à accepter ce passage où Spinoza dit successivement que l'âme est l'idée ou connaissance du Corps humain puis qu'elle ne connaît pas le Corps humain (mais si l’on reprend le corollaire E2P11C, on peut considérer qu’il manque dans cette démonstration « en partie » ou « adéquatement » (… l’âme humaine ne connaît pas [adéquatement] le corps humain.)


ne peut-on pas dire que l'idée ne connaît pas le Corps tout simplement parce que l'esprit n'a des idées que des MODIFICATIONS du corps, donc pas de tout ce qui ne se modifie pas? Là-dessus, l'esprit n'a ni une connaissance adéquate, ni une connaissance inadéquate. Il n'en a simplement pas d'idée.

Sescho a écrit :C'est qu'en fait il passe du "en gros" au "précis" (par approximations verbales successives) : l'âme humaine est liée en premier lieu au corps en vertu du parallélisme en Dieu


je dirais plutôt: en vertu de l'UNION des attributs en Dieu.

Sescho a écrit :mais ce alors même que Dieu a une idée globale du Corps et de tous les autres corps qui sont avec lui en interaction (E2P9). E2P9C introduit la sensation comme étant liée à l'idée du Corps seule. Autrement dit, l'âme n'a pas une connaissance adéquate du Corps, mais elle en a une de la sensation


comme Spinoza n'utilise pas le mot "sensation", je suppose que tu réfères au mot affectio, affection? Si oui: il me semble être assez clair que pour Spinoza, l'idée d'une affection du corps par un corps extérieur est par définition inadéquate, car elle enveloppe les deux natures (E2P27: "L'idée d'une quelconque affection du Corps humain n'enveloppe pas la connaissance adéquate du Corps humain lui-même").

Sescho a écrit : (j’extrapole le « en tant qu’il constitue la nature de l’âme humaine » car je doute fortement que Spinoza accorde l’adéquation à la sensation, parce qu'elle ne correspond à aucun corps clairement identifié). Pour comprendre la démonstration dans la traduction Saisset, il faut impérativement remplacer le "Or" par le "Mais" rendu par Pautrat :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit:
E2P9C : Tout ce qui arrive dans l’objet particulier d’une idée quelconque, Dieu en a la connaissance, en tant seulement qu’il a l’idée de cet objet.

Démonstration : Tout ce qui arrive dans l’objet particulier d’une idée quelconque, Dieu en a l’idée (par la Propos. 3, partie 2), non pas en tant qu’infini, mais en tant qu’il est affecté de l’idée d’une autre chose particulière (par la Propos. précédente). Mais l’ordre et la connexion des idées est le même (par la Propos. 7, partie 2) que l’ordre et la connexion des choses. Par conséquent, la connaissance de tout ce qui arrive dans un objet particulier devra se trouver en Dieu, en tant seulement qu’il a l’idée de cet objet. C. Q. F. D.

La démonstration dit donc (plus justement que ce que j'en ai dit par ailleurs) que l'affection d'une idée, qui correspond à l'affection de son objet, est "propre" à l'idée de cet objet prise seule, c’est-à-dire sans liaison avec les idées de choses extérieures, quoique l’idée elle-même y soit liée, en vertu du parallélisme…


euh ... pour l'instant j'interprétais la démonstration de façon assez différente. Tentative de l'expliquer: d'abord elle ne parle pas d'une affection d'une IDEE. Elle parle de l'affection de l'OBJET d'une idée. Il s'agit ici d'une idée d'une chose singulière, c'est-à-dire de son esprit. L'objet de cette idée est le corps de la chose. Si donc l'objet, c'est-à-dire le corps, est affecté (par un autre corps donc), Dieu a également une idée de cette affection du corps, puisqu'il a en lui l'idée même qu'est cet esprit.
Or contrairement à nous, Dieu a immédiatement une idée adéquate de cette affection, et cela en vertu du parallélisme, c'est-à-dire c'est parce que la connaissance de l'effet (ici l'affection du corps) ENVELOPPE la connaissance de la cause (ici le corps extérieur) que même si l'on ne considère Dieu qu'en tant qu'il a une idée de notre notre corps (objet de l'idée qu'est notre esprit), chez lui immédiatement il y également une idée de la cause, c'est-à-dire une idée ayant le corps extérieur comme objet. Il ne peut pas avoir une idée d'une affection de notre corps sans avoir immédiatement l'idée du corps extérieur. Autrement dit: il lui suffit de regarder uniquement notre esprit et l'affection de notre corps pour déjà avoir une idée adéquate de cette affection, et cela parce qu'il voit immédiatement aussi bien notre corps que l'autre corps de façon adéquate.
Nous-même, au contraire, ne disposons pas dès le début d'une idée adéquate de l'autre corps. C'est pourquoi nous en avons une idée inadéquate.

Sescho a écrit :En fait, il y a une sorte de « bouclage » car dès E2A4 nous avons : "Nous sentons un certain corps affecté de plusieurs manières." Cet axiome passe – outre un peu trivialement dans E2P11 - par E2P13, c’est-à-dire par l’application du « parallélisme » à l’âme humaine (/ Corps humain), pour revenir en quelque sorte à lui-même (mais cette fois en pleine affirmation de l’étendue de la chose : nous ne connaissons le Corps, les corps extérieur et le Mental lui-même QUE par les sensations, et ce de façon inadéquate (sauf, apprendrons-nous, pour ce qui concerne partiellement le Mental, que des idées adéquates – et donc adéquatement connues – peuvent malgré tout naître de cet état de fait.)

Pour moi, il reste en arrière-goût que toute cette gymnastique n’est quand-même pas en faveur du parallélisme...


pour l'instant, je ne vois pas encore le problème?

sescho a écrit :Reprise dans E2P19, c’est E2P12 qui introduit (sous les réserves dites plus haut) comme « entière » la sensation dans l’âme humaine, à partir de l'idée du Corps :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit:
E2P12 : Tout ce qui arrive dans l’objet de l’idée qui constitue l’âme humaine doit être perçu par elle ; en d’autres termes, l’âme humaine en aura nécessairement connaissance. Par où j’entends que si l’objet de l’idée qui constitue l’âme humaine est un corps, il ne pourra rien arriver dans ce corps que l’âme ne le perçoive.

Démonstration : En effet, tout ce qui arrive dans l’objet d’une idée quelconque, Dieu en a nécessairement connaissance (par le Corollaire de la Propos. 9, partie 2), en tant qu’on le considère comme affecté de l’idée de ce même objet, c’est-à-dire (par la Propos. 11, part. 2), en tant qu’il constitue l’âme d’une certaine chose. Par conséquent, tout ce qui arrive dans l’objet de l’idée qui constitue l’âme humaine, Dieu en a nécessairement connaissance, en tant qu’il constitue la nature de l’âme humaine ; en d’autres termes (par le Corollaire de la Propos. 11, Partie 2), la connaissance de cet objet sera nécessairement dans l’âme, et l’âme le percevra.

Scholie : Cette proposition devient également évidente et se comprend même plus clairement par le Scholie de la Propos. 7, partie 2.

Notons aussi que E2P11 dit que l’Homme est constitué de manières de penser (mais il l’étend au Corps dès E2P13C, ce qui tombe sous le sens en vertu du parallélisme.)

Ce qu'atteint l'esprit par le deuxième genre de connaissance n'est pas strictement parallèle au corps, c'est une partie de l'essence de Dieu qui naît de ce que ce qui est commun à tout peut être connu adéquatement dans (à l'intérieur de) la sensation (et ne constitue l'essence d'aucune chose singulière) Le troisième genre de connaissance porte sur les mêmes choses que le second mais vues intuitivement, directement en action dans le comportement (propriétés) des choses singulières.


le troisième genre porte sur les mêmes "choses" (res) mais pas sur le même aspect de ses choses: le deuxième genre voit les propriétés communes des choses, et non pas leur essence (qui elle est définie par le fait de n'avoir RIEN en commun avec les autres essences).

Or si l'enchaînement des idées et le même que l'enchaînement des causes, il faut bien en tirer la conclusion qu'aucune production d'idée adéquate n'est possible sans qu'également au niveau du corps quelque chose change, non? Je ne vois pas ce qui te fais dire que ce ne serait pas le cas?

Sescho a écrit :Louisa a écrit:
... Ce qui reste après la mort, ce qui est éternel, ce n'est pas seulement de l'ordre de la pensée ... !! Il n'y a PAS d'OPPOSITION corps-esprit chez Spinoza (forcément, puisqu'il s'agit d'une seule et même chose). Ce qui est éternel, c'est de l'ordre de l'essence: il s'agit donc de l'essence de l'esprit, ayant l'essence du corps comme objet.

Sescho:
Je ne crois pas : ce qui a été perçu adéquatement c'est une partie de l'essence de Dieu, et c'est éternel comme Dieu est éternel. E5P36 et prec. Mais effectivement ceci est contenu dans l'essence de tout corps (chacun ne pouvant par ailleurs se concevoir qu'avec la substance pour cause.)


ce qui a été perçu adéquatement est en effet une partie de l'essence de Dieu, mais chaque idée adéquate augmente NOTRE puissance, notre degré de puissance, donc notre essence. C'est bien notre essence, spirituelle et corporelle, qui est éternelle, comme toute essence.

Sinon j'avoue que je n'ai pas compris en quoi consiste l'argument que tu veux avancer ici, ni ce que tu veux plus précisément contester dans ce que je viens d'écrire?

Sescho a écrit :Pour la référence au cerveau comme centre neuronal, je pense que Spinoza en était au fait (déjà connu des Grecs de mémoire), lui qui dit "image peinte dans le cerveau" pour signifier l'aspect corporel de la sensation (E2P48, outre deux mentions dans E1App et E5Pré sur la glande pinéale de Descartes, qui montre bien néanmoins la connaissance du côté central du cerveau. Voir Lettre 58 à Schuller et 76 à Burgh aussi.)


En E2P48, Spinoza affirme que ce qui arrive dans l'oeil est traité quelque part "au fond de l'oeil". Il y ajoute: et si l'on veut, au milieu du cerveau. Ce faisant, il ne confirme ni n'infirme l'hypothèse cartésienne de la glande pinéale comme organe cérébrale qui centraliserait toute info qui arrive dans le corps par les sens. D'ailleurs (1e objection à ce que tu dis), à l'époque il n'y avait AUCUNE donnée scientifique à ce propos, donc il n'est même pas possible de parler d'une quelconque "connaissance" de Spinoza à ce sujet, puisque la connaissance n'existait pas. Puis une fois qu'on avait les moyens neurobiologiques pour tester cette hypothèse cartésienne, on a vite trouver qu'elle était fausse.

Spinoza me semble être suffisamment prudent pour mentionner l'idée d'un traitement corporel des affections de l'oeil dans un petit organe qui pend au milieu/centre du cerveau comme une hypothèse (si placet), mais hormis le fait que jamais il ne l'accord comme quelque chose de véritablement prouvé, il est surtout important de NE PAS en conclure que pour Spinoza l'esprit avait un lieu corporel précis!! Car d'une part (2e objection) jamais il ne dit cela (au contraire, il définit l'esprit comme un mode d'un attribut qui n'a RIEN en commun avec l'étendue, et qui donc ne peut être défini en termes spatiaux), et d'autre part (3e objection) ce n'est pas parce que éventuellement une étude scientifique aurait permet de découvrir le trajet du traitement corporel des données visuelles (dont on sait aujourd'hui qu'il va vers le lobe occipital, donc non pas au milieu du cerveau mais au fond du cerveau, en arrière de la tête en bas), que du coup l'on pourrait en déduire que c'est LÁ que se trouve l'esprit!!
Enfin (4e objection), rappelons que dans ce passage Spinoza dit que l'idée n'est PAS une image peinte sur fond de l'oeil ou si l'on veut au milieu du cerveau!! Ce qui oblige d'en conclure que quand Spinoza parle de cette glande pinéale et même simplement du "fond de l'oeil", il y fait référence pour dire que ce n'est PAS là que l'on pourrait trouver l'idée (forcément, puisque l'idée n'est PAS une image, comme il le dit littéralement, c'est-à-dire l'idée n'est pas une affection du corps, mais un mode de l'attribut Pensée).

Sescho a écrit :En fait, le parallélisme pur avec le corps est pour Spinoza synonyme d'imagination.


je ne vois pas quels arguments tu pourrais avancer pour affirmer cela.
Amitiés,
louisa

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hokousai
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Messagepar hokousai » 31 déc. 2007, 12:37

à Louisa


Pourquoi ai-je écrit « se scinde sous nos yeux »
Spinoza écrit : il n’y a même dans la nature rien de plus clair que chaque étant doivent se concevoir sous quelque attribut.( scol pr9/1)
Il me semble donc que cela apparaît aux yeux clairement dans la nature .Je neveux pas dire qu’une opération de scission se fait sous nos yeux mais que sont donnés à l’observation ce que le corollaire 2 pro 14/1 annonce (assez brutalement d’ ailleurs la chose étendue et la chose pensante
Comme je le dis nous distinguons des corps et des idées . Je veux bien que cela soit culturel en tout les cas c’est de la culture de Spinoza .

…………………………………………….

Je cherche à comprendre que le corps et l esprit c’est le même chose mais conçue sous deux attributs différents .Je pars donc de l’hypothèse que c’est la même choses .Et je ne me contente certainement pas de l’image de la pièce de monnaie a deux faces .( je refuse cette image qui maintient le dualisme )

Il me faut donc ramener les deux conception au dénominateur commun qui est donc la puissance d’agir .
Cor pro7 de là il suit que la puissance de penser de Dieu est égale à son actuelle puissance d’ agir .
Je trouve dans la définition générale des affects la base de mon extrapolation (personnelle donc ) sur la distinction entre pensée et étendue sous le dénominateur commun de la puissance d’agir .
La définition des affects dit à mes yeux une chose surprenante pour les contempteurs du libre arbitre et de la liberté en général , Spinoza dit que nous agissons quand nous sommes cause adéquate , ce qui est la cause entière/ non partielle .Nous sommes alors , nous, agissant ,cause entière (ce qui se comprend quand Spinoza évoque la cause partielle /et alors nous pâtissons ) N’ y a-t-il pas cause plus adéquate que la décision de faire tel ou tel acte suivi de l effet ?

Je vous dis donc que l’effet qui n’a pas de cause adéquate sera renvoyé (ou attribué ) à une cause à distance ( et à des causes qui sont plus adéquates) .

……………………………….
Je sais très bien que j’introduis un coin dans la doctrine standard . Qu’importe si j’utilise certains mots ( comme conscience ou moi ou centre du monde ) qui ne sont pas chez Spinoza .Mon idée n’est pas contradictoire avec ce que dit Spinoza par moment et cela me suffit .
En revanche quand Spinoza se montre réaliste ( quand il objective la réalité des corps quand il objective les attributs ) je ne suis pas d’accord avec lui car il est contradictoire .

La doctrine standard ne me convient pas . Je vois deux doctrines chez Spinoza et une longtemps sous- jacente . Cette dernière confère à l’intellect une supériorité sur l’ étendue Cette deuxième doctrine l’emporte à la fin lorsqu’il parle de la partie éternelle de l’esprit humain .
Cette seconde doctrine entre alors en conflit avec la première comme je l’ai montré dans un commentaire sur la partie éternelle de l’esprit humain dans une réponse à Faun sur un autre fil ( mais personne n’ y a répondu )

hokousai

PS

( j’accepte toutes les critiques intelligentes .
J accepte moins les injustifiées, comme celle qui consiste à ramener la philosophie du langage ordinaire à des banalités .La philosophie du langage ordinaire prend pour objet le langage ordinaire et le démonte de manière tout a fait extraordinaire (à mon avis ).Elle n’est pas LA philosophie analytique.
Quant à Deleuze :je préfère ne plus en parler du tout )

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niveaux du problème

Messagepar philonomad » 31 déc. 2007, 12:39

en fait il y a plusieurs niveaux dans vos questions :

1- un niveau archéologique, l'identité corps-mental dans l'ethique de spinoza.
2- un niveau historico culturel : cette identité dans la culture occidentale, où spinoza prend sa place entre autres sources.
3- un niveau psychologico théorique et pratique : cette identité duelle pour nous.
4- un niveau éthique : ce que nous concluons de cette identité duelle pour notre agir.
5- un niveau politique, où il est entre autres choses question de l'identité personnelle et sexuelle.
6- un niveau philosophique où les modes du philosopher sont impliqués par la conception qu'on a de cette identité duelle.

mes remarques ont plutôt tendance à partir de spinoza pour en sortir, je ne suis pas un orthodoxe, enfin pas toujours, enfin seulement aux jours ouvrables.

bonne année spinoziste, c'est-à-dire joyeuse !!! Pat

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Messagepar hokousai » 31 déc. 2007, 12:54

à Philonomad

je retiens cela

6- un niveau philosophique où les modes du philosopher sont impliqués par la conception qu'on a de cette identité duelle.

Sauf que je dirai intuition plutôt que conception ..

Et voila que des intuitions ente en contradictions ( intuition de l'indivisibilité de la substance, intuition de la dualité esprit- corps, intuition de la cause adéquate ) Comment tenir toutes ces intuition dans un même discours théorique ?. Deleuze avait justement pointé sur différents discours ( les prop et le scolies) . Mais plus il me semble y avoir chez Spinoza deux doctrines concurrentes .
On a assez remarqué que la fin de l 'éthique ne débouche pas du tout sur une partie du corps qui serait éternelle mais sur une partie de l' Esprit .Comment ne pas voir à la fin une dissymétrie entre les attributs censés être à égalité dans la première partie.

hokousai

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méthode

Messagepar philonomad » 31 déc. 2007, 13:21

intuitions/problème/concepts/percepts/affects actifs et passifs. telle est la marche de la philo pro ou amateur

Spinoza écrit que nous sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels.


tout est dit ici, il ne dit pas l'esprit est éternel
il ne dit pas quelque chose de nous est éternel une fois que nous sommes disparus ni immortel

cf; le double album Cd de Deleuze. ou les cours transcrits

j'ajoute

quand on pose une question dans un des niveaux, il faudrait répondre dans le même niveau ou dans un niveau identifié et ne pas sauter d'un niveau à un autre à son gré.

mais on peut le faire.

ensuite il y a l'usage qu'on fait de la lecture des philosophes.
moi par prudence (mais la prudence est individuelle) quand je trouve des contradictions dans la pensée d'un auteur j'ai d'abord tendance à penser que je ne l'ai pas compris,
ensuite, si la difficulté persiste je pense qu'il est inévitable que cette pensée soit repensée par soi. C'est très français d'être spinoziste quand on lit spinoza, ou d'être par définition contre spinoza, à partir d'une autre position. soyons libres, car c'est nous qui pensons en acte ici et maintenant...

une méthode pourrait se dégager :

si on pose des questions claires à un niveau idéntifié, on pourrait présenter un corpus de réponses identifiées.
ce me semble être la démarche de notre cher Baruch.

cordialement Pat

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j'ajoute

Messagepar philonomad » 31 déc. 2007, 13:31

(j'accepte même les critiques pas intelligentes.... (surtout si elles sont rigolotes) et même les critiques de LA philosophie analytique, ou LA Philosophie Analytique ou encore LA PHILOSOPHIE ANALYTIQUE (ce sont les hegeliens français qui avaient commencé à se battre avec les majuscules, pour hisser l'esprit à l'Esprit puis l'ESPRIT ) ;)

j' ai lu hier la biographie croisée de deleuze et Guattari par l'excellent françois Dosse,

la description de l'université de l'époque est psychédélique, not. l'opposition de Badiou à Deleuze....

et tiens tant qu'on parle d'éternité, une pensée pour l'excellent François Zourabichvili qui a interrompu son existence en avril 2006

tout ceci étant entre parenthèses et n'ayant aucun rapport avec la question.... mais une remarque d'un psychanalyste m'a touché un jour : rien ne peut être compris s'il n'y a pas un rapport à la sensibilité)

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Messagepar sescho » 31 déc. 2007, 14:22

Je vais procéder point par point :

1) Pas d’idées adéquates de choses singulières

Louisa a écrit :On peut le voir dans la définition même du troisième genre de connaissance:

- E2P40 sc II: "ce genre de connaître procède de l'idée adéquate de l'essence formelle de certains attributs de Dieu vers la connaissance adéquate de l'essence des choses". Les "choses" en plurieur ne peuvent pas être Dieu (unique) ni les attributs (car il s'agit de partir de la connaissance d'un attribut). Ce sont donc les choses singulières.

- E5P24: "Plus nous comprenons les choses singulières, plus nous comprenons Dieu" que reprend la démo d'E5P25, démo qui commence par rappeler la définition du 3e genre en E2P40, pour tirer de celle-ci ensemble avec 5.24 la conclusion que "plus nous comprenons les choses de cette manière, plus nous comprenons Dieu, et partant la suprême vertu de l'Esprit, c'est-à-dire puissance ou nature de l'Esprit, autrement dit son suprême effort, c'est de comprendre les choses par le 3e genre de connaissance".

Je conteste ces deux extrapolations (déjà discuté antérieurement ; par exemple ici.) Je ne vois pas ce que la séquence E5P24-E5P25 y change. D’abord, outre la note de CT2Ch4(8) : « Nous ne pouvons avoir d’aucune créature particulière une idée qui soit parfaite, car la perfection de cette idée (c'est-à-dire la question de savoir si elle est vraiment parfaite ou non) ne peut se déduire que d’une idée parfaite, générale, ou être de raison. », il suffit de rappeler E2P24 à E2P29, dont je redonne encore une fois la fin :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E2P29S : Je dis expressément que l’âme humaine n’a point une connaissance adéquate d’elle-même, ni de son corps, ni des corps extérieurs, mais seulement une connaissance confuse, toutes les fois qu’elle perçoit les choses dans l’ordre commun de la nature ; par où j’entends, toutes les fois qu’elle est déterminée extérieurement par le cours fortuit des choses à apercevoir ceci ou cela, et non pas toutes les fois qu’elle est déterminée intérieurement, c’est-à-dire par l’intuition simultanée de plusieurs choses, à comprendre leurs convenances, leurs différences et leurs oppositions ; car chaque fois qu’elle est ainsi disposée intérieurement de telle et telle façon, elle aperçoit les choses clairement et distinctement, comme je le montrerai tout à l’heure.

Il va falloir m’expliquer par le menu, phrase par phrase dans ce scholie, où la connaissance adéquate des choses singulières peut trouver une place…

Je répète ma courte citation précédente : E5P23S : "... Les yeux de l’âme, ces yeux qui lui font voir et observer les choses, ce sont les démonstrations." Et j’aimerai bien savoir en conséquence en quoi des démonstrations peuvent faire que les « choses » dont il est question peuvent être des choses singulières…

La dernière phrase du scholie introduit en outre tout ce qui concerne ce qui peut être vu de manière adéquate. Or ce qui peut être vu de manière adéquate ne constitue l’essence d’aucune chose singulière. Que la connaissance de Dieu découle de la connaissance des choses singulières, c’est vrai, mais en déduire que la connaissance des choses singulières en question est adéquate per se c’est une extrapolation (fausse.)

Spinoza, Éthique, traduit par E. Saisset, a écrit : E5P12Dm : Les objets que nous concevons clairement et distinctement, ce sont les propriétés générales des choses, ou ce qui se déduit de ces propriétés (voyez la Défin. de la raison dans le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2) ; et conséquemment, ces objets se représentent à notre esprit plus souvent que les autres (par la Propos. précéd.) ; d’où il suit que la perception simultanée de ces objets et du reste des choses devra s’opérer avec une facilité particulière, et par suite que les images des choses se joindront à ces objets plus aisément qu’à tous les autres (par la Propos. 18, part. 2). C. Q. F. D.

Comme je ne vais pas répéter ici tout ce qui a déjà été dit dans le fil que j’ai cité, je le redonne :

La connaissance du troisième genre

Mais si tu as autre chose que des extrapolations, à tout le moins des démonstrations basées sur le texte de Spinoza, je suis néanmoins preneur… Je propose, pour éviter la confusion, de reprendre le fil cité.


Serge
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pour revenir au sujet

Messagepar philonomad » 31 déc. 2007, 14:22

c'est étonnant qu'en presque 2008 une discussion sur Spinoza et les femmes arrivent sur la question de l'esprit et du corps la tête et les jambes, la fleur et la tige....

bon pour revenir au sujet,

je ne crois pas Spinoza macho (drôle)
simplement (!.) les rapports de son temps entre les hommes et les femmes (juives ou pas du point de vue de la synagigue de la communauté ou de la "communauté" chrétienne de son temps) sont tellement complexes que pour tenir sa maxime de prudence, s'engager dans une relation avec une femme c'est nécessairement s'engager dans la voie de la complexité des rapports, comme s'engager dans des rapports amicaux entre hommes entre hommes et femmes entre femmes, etc.... Spinoza le veut-il ?.... pas sûr... la vie de spinoza et sa prudence dans ses relations interpersonnelles comme dans sa correspondance ne l'indiquent pas...
je pense également à la vie de kant (les derniers jours d'emmanuel kant, ou kant intime, etc etc.... ou pour rigoler la vie sexuelle d'emmanuel kant...)

cordialement

Pat

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Re: méthode

Messagepar Pourquoipas » 31 déc. 2007, 14:25

philonomad a écrit :(...)tout est dit ici, il ne dit pas l'esprit est éternel
il ne dit pas quelque chose de nous est éternel une fois que nous sommes disparus ni immortel(...)


Ethique V 23 — Mens humana non potest cum corpore absolute destrui ; sed ejus aliquid remanet, quod aeternum est. — L'âme humaine ne peut être absolument détruite avec le corps ; mais il en demeure quelque chose qui est éternel.


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