Car pensez-vous un seul instant que Spinoza ait entendu accorder du crédit aux "anges", à une "voix créée", à des "visions", par lesquels "Dieu" serait susceptible de "révéler" certaines vérités aux humains, sous prétexte que dans le TTP, au chapitre que vous citez, on lit encore : "C’est par l’âme du Christ (nous l’avons prouvé au chap. Ier) que Dieu a révélé au genre humain certaines vérités, comme il avait fait auparavant aux Juifs par l’intermédiaire des anges, par une voix créée, par des visions, etc." ?
Ces occurrences me semblent pour le moins devoir être prises avec des pincettes (nous renvoyant en permanence à la méthode du TTP et à la pensée philosophique de Spinoza par ailleurs développée...) ce que ne fait pas forcément, je le crains, votre auteur jésuite citant des bouts de phrases où il est question "du Christ", alors qu'il rattache lui-même à la figure de Jésus toutes sortes de choses rendues impossibles, c'est-à-dire conspuées, par Spinoza. Son "Dans le Christ Spinoza reconnaît l’essence et l’existence de la perfection de la nature humaine. Le Christ est en tout point exemplaire." me paraît à ce titre de nature à susciter d'éventuels glissements burlesques.
A titre personnel, je comprends ainsi l'appel à la prudence qu'avait lancé sur la question Robert Misrahi (élégamment synthétisé dans la note 86 de sa traduction d'Ethique 4).
Ce que dit Spinoza en E IV 68, dans sa lettre 73, c'est à mon sens que tel que décrit par les Ecritures, Jésus était détenteur d'une sagesse parfaite ("son esprit"), dont il sut faire bénéficier ses disciples. L'idée théorique d"'être à l'affût d'une sagesse parfaite" est ce à quoi nous convie Spinoza, et c'est ce qu'est susceptible d'inspirer la figure de Jésus... sans toutefois la possibilité de voir comme un modèle appliqué de cette sagesse parfaite tout ce qui est rapporté sur Jésus, dans les Ecritures, consécutivement à cette quête : si la charité rattachée à Jésus lui plaît (lettre 38), Spinoza eût-il par exemple tenu pour tout à fait sage une affirmation comme "Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font"... ?
La nuance me paraît fine et périlleuse.
Vanleers a écrit :Voir dans le Christ, « un modèle d’excellence disponible pour toute l’humanité » me paraît donc bien fondé dans les textes de Spinoza et, surtout, être très intéressant du point de vue pratique en éclairant la proposition E IV 28 qui définit le souverain bien de notre esprit.
Pouvez-vous encore préciser ? Auriez-vous s'il vous plaît des exemples de ce en quoi ces références à Jésus vous éclairent effectivement quant à la portée d'E IV 28 ?
Tout à fait d'accord quant à cet usage équivoque du mot "perfection", mais que je trouve au passage malheureux (on en avait déjà discuté ici) ; aussi malheureux que si Spinoza s'était soudainement mis à évoquer, dans l'exposé de sa propre philosophie, un "Dieu" bien différent de celui sur lequel il avait pourtant fait reposer l'ontologie de son Ethique. Après s'être évertué à expliciter des définitions aussi subversives, autant s'y tenir !? Enfin, il s'agit d'un post-scriptum...