(Compléments apportés à mon message précédent à Hokousai) :
- E1P31 : bon, finalement, je comprends cette proposition / démonstration : Spinoza affirme que nous savons assurément qu'il y a au sein de la Pensée des modes (du penser, donc), qu'ils soient finis ou infinis peu importe,
qui se distinguent en nature. Précisées par la suite ces "manières du penser" sont : 1) l'idée, qui est affirmation ; 2) le désir, qui est effort... et conscience d'effort... ; 3) l'émotion, joie / tristesse, qui est... "ressenti d'évolution de valeur intrinsèque." Par conséquent il est impossible d'assimiler l'Entendement (idées seules), fut-il infini, à l'attribut Pensée.
(Une discussion avait déjà été amorcée
ici sur ce sujet.)
- Cela n'est cependant pas sans poser de délicats problèmes...
- Sauf erreur, Spinoza ne traite tout simplement pas du désir et de l'émotion - ou Joie-Tristesse - (qu'il qualifie de notions générales, mais il le fait aussi pour l'entendement
humain) en tant que "modes infinis en leur genre" (traduction des différentes "natures du penser" précédentes) - si toutefois cela, qui n'existe pas chez Spinoza, du moins explicitement, a un sens. De fait, il zappe la chose (traduction en Dieu de ces "modes du penser différents en nature de l'idée" ?) intégralement, sauf omission de ma part (des extraits sont donnés dans
Désir, joie et amour, tristesse, béatitude.)
- L'idée précède forcément le désir et l'émotion (E2A3) MAIS (même axiome) il peut y avoir idée sans désir ni émotion. Ceci 1) oblige à mettre l'idée en précédence. Et Spinoza dit bien en plusieurs lieux que le mode infini de la Pensée est l'Entendement absolument infini, point (Idée de Dieu dans la Pensée que nous connaissons) ; 2) interdit en même temps de faire du Désir et de l’Émotion des "modes infinis en leur genre" parallèles à l'Entendement (et même remarque) ; 3) interdit de faire du désir et de l'émotion des "modes infinis en leur genre" parallèles entre eux dans l'Entendement, parce que cela mettrait au même niveau les modes finis de l'Entendement (idées) et ces supposés modes infinis en leur genre. En outre, il conviendrait de s'interroger sur l'implication mutuelle du désir et de l'émotion.
Cela interdit d'en faire des prétendus "modes infinis médiats", qui n'en devraient pas moins découler de l'attribut de manière absolue (E1P22), autrement dit en hériter infinité (absolue) et éternité (automaticité.) De fait, E1P31, loin de la conforter, coule cette option... Ceci est en fait déjà impliqué par ce qui précède. Cela n'a en outre aucun rapport à la
facies totius universi.
Quant à la
facies totius universi ("face de l'univers entier" : canevas de
modes finis sur tout l'attribut infini à un instant donné), dite changer par Spinoza, elle ne peut être éternelle, outre d'être évidemment liée aux modes finis. En tant que "toujours la même" il s'agit de l'attribut équipé de son mode infini ("immédiat") - c'est probablement la même chose, en fait, mais passons ici - qui en effet ne se distingue que par une distinction de Raison, et donc pas réellement, de "l'infinité des
facies totius universi changeantes réunies". Exit donc aussi la
facies totius universi comme prétendu "mode infini médiat" (et donc de tout "mode infini médiat", puisque la phrase de la lettre 64 est bien là, et bien de Spinoza...)
En bref, il y a un problème à subordonner le désir et l'émotion à l'idée - l'Entendement étant bien dit mode infini ("immédiat") de la Pensée -, tout en disant qu'ils sont de natures différentes (au sein de la Pensée) de cette idée, et entre eux.
Si l'on se réfère maintenant à l'Amour intellectuel de Dieu pour lui-même, il faut convenir que l'Amour vrai (vraie joie, ou béatitude, qu'accompagne, etc.) accompagne automatiquement l'idée vraie (et Dieu n'a que des idées vraies), la joie ordinaire et la tristesse n'accompagnant - ou n'accompagnant pas : neutre - que les idées inadéquates. Mais comment peut-on dire alors qu'Entendement et Amour se distinguent ? Le désir à l'avenant... Ce dernier pourrait aussi être dit - Spinoza dit bien que ce n'est pas à proprement parler - être en Dieu en tant qu'expression / affirmation de sa puissance, ne se distinguant pas de celle-ci, laquelle ne se distingue pas de son Entendement.
Lequel ne se distingue pas de l'Amour qu'il se porte ?
Ceci est clairement l'option de loin la plus économique, vu le bazar précédent. Mais ne colle pas à E1P31 et E2A3 ; au moins à E1P31 pour la partie "infini." Et si l'on veut éliminer cela (donc supprimer au moins E1P31, qui ne coûte rien de plus à l'
Ethique), il va falloir travailler plus avant sur le désir et l'émotion en tant que modes différents en nature de l'idée, tout en étant subordonnés à l'idée mais non automatiques... On pourrait par exemple considérer le désir et l'émotion plutôt comme des propriétés intrinsèques de l'idée, qui peuvent prendre la valeur "zéro", etc. Mais j'arrête là n'ayant aucune intention de, ni prétention à, plier le sujet ici...
Connais-toi toi-même.