bardamu a écrit :Morale pratique ou pas ? Individuelle ou sociale ? Morale universelle réservée à une élite ou appliquée à tous à la hauteur de ce que peuvent les hommes ? Appliquée comment ?
J'ai employé "Philosophie morale" et non "morale", parce que cela me semble le terme consacré ; j'aurais pu dire "Philosophie Éthique" ou "Éthique." J'entends par-là exactement la même chose que Spinoza, savoir une psychologie scientifique ("automate spirituel".) A ce titre c'est, idéalement, une pure et simple loi de la Nature et donc elle s'applique évidemment à tout le monde, quelle qu'en soit sa manifestation concrète (de l'ignorant guidé par la passion au sage) :
Spinoza a écrit :E5P42S : Les principes que j’ai établis font voir clairement l’excellence du sage et sa supériorité sur l’ignorant que l’aveugle passion conduit. Celui-ci, outre qu’il est agité en mille sens divers par les causes extérieures, et ne possède jamais la véritable paix de l’âme, vit dans l’oubli de soi-même, et de Dieu, et de toutes choses ; et pour lui, cesser de pâtir, c’est cesser d’être. Au contraire, l’âme du sage peut à peine être troublée. Possédant par une sorte de nécessité éternelle la conscience de soi-même et de Dieu et des choses, jamais il ne cesse d’être ; et la véritable paix de l’âme, il la possède pour toujours. ...
C'est une seule et même loi (ou ensemble de lois) qui est à l'œuvre dans les deux cas. L'individu qui la voit intuitivement dans toute son amplitude (ce qui implique la connaissance ultime et donc l'absence de toute passion) est forcément très rare :
... La voie que j’ai montrée pour atteindre jusque-là paraîtra pénible sans doute, mais il suffit qu’il ne soit pas impossible de la trouver. Et certes, j’avoue qu’un but si rarement atteint doit être bien difficile à poursuivre ; car autrement, comment se pourrait-il faire, si le salut était si près de nous, s’il pouvait être atteint sans un grand labeur, qu’il fût ainsi négligé de tout le monde ? Mais tout ce qui est beau est aussi difficile que rare.
Comme elle est universelle, elle n'est réservée à personne, mais constitutive sans réserve de tout le monde. Dans ce cadre même, du fait de cette partie d'elle-même qui détermine les passions, les clairvoyants sont naturellement très rares, c'est tout. Le commun que nous sommes se débat, lui, comme il peut, et prend donc la barre qu'il peut atteindre, puis la suivante s'il y parvient, etc. Quant à l'enseignement dispensé, il ne sert vraiment qu'à qui peut atteindre la barre. Dans le Bouddhisme c'est le maître qui adapte le niveau de la barre. Spinoza, lui, en peu de mots finalement, a mis les barres qu'il a eu le temps de poser tout de suite très haut. C'est mon sentiment. C'est aussi le cas d'un traité de Bouddhisme de haut niveau.
Serge