Cher Hokousai,
hokousai a écrit :je ne sais pas si vous réalisez qu’on est là dans le cauchemar des commentateurs .
1) Je n’ai jamais (jusqu'à présent) trouvé très claire l'explication de Eternité.
Spinoza dit : par éternité, j’entend l’existence même (jusque là ça peut aller) en tant qu’on la conçoit suivre nécessairement de la seule définition d’une chose éternelle.
Cette définition est pour moi une
tautologie et je ne résite pas de citer ce que R. Barthes en disait :
R. Barthes a écrit :"La Tautologie est toujours agressive : elle signifie une rupture rageuse entre l'intelligence et son objet, la menace d'un ordre où l'on ne penserait pas."
hokousai a écrit :Donc (moi) j’entends par éternité : l’existence même (point barre)
Tout ce qui peut se concevoir comme non existant, son essence n’enveloppe pas l’existence. (c’est à dire l'éternité).
cc qui est fini (tout singulier) aucune existence déterminée n’a pu être produit par la nature absolue d’un attribut de Dieu, car tout ce qui suit de la nature absolue un attribut dieu est infini et éternel .
Sur ce sujet de l'Eternité, sur lequel je vous suis car je n'ai rien compris au galimatias dont m'a honoré Louisa, j'observe que :
Les Modes infinis, qu'ils soient immédiats (Mouvement et Repos, Entendement infini) ou médiats (
facies totius universi, ???) se réciproquent absolument avec la substance/attributs. Autrement dit, il n'y a aucune perte d'Etre entre ces trois "étages" logiques, lesquels, rappelons-le, n'introduisent aucune "hiérarchie créationniste" chez Spinoza.
Ce premier ensemble absolument infini est en acte (conception 17ème siècle). C'est donc (ce qui choque notre vision moderne sous l'influence des mathématiques) un ensemble
fermé, même si cette qualification est totalement illogique, puisqu'un ensemble fermé a une limite, et qu'il faut penser un au-delà de la limite. Mais il me semble que nous ne pouvons pas raisonner autrement, si nous devons essayer de "comprendre" quelque chose. Ce n'est donc pas un infini numérique, lequel ne pourrait jamais être en acte, puisque non bornable par construction (il y a toujours possibilité de penser N+1).
Cet ensemble infini a un propre qui s'appelle Eternité.
Mais, du fait du Scolie du Lemme VII de E2P13, nous savons aussi que, immanence oblige, cet infini est également l'Individu que constitue la Nature entière, laquelle
subsume l'infinité des individus de rang inférieur, autrement dit des choses singulières.
Il est patent que Spinoza ne laisse rien transparaître, comment l'aurait-il pu, du franchissement du
Rubicon métaphysique menant de E1P23 à E1P28.
Or, le Rubicon franchi, nous trouvons, dans un enchaînement infini, des choses singulières, dont le déterminant principal est d'exister dans la durée. Donc, à partir du Lemme VII, on est conduit à conjecturer que l'Individu Nature a une durée infinie.
Puisqu'il n'y a pas de perte d'Etre, j'en conclus que, si Spinoza omet de s'intéresser au Rubicon Métaphysique, c'est que cela l'aurait contraint à
réciproquer Eternité et Durée infinie, sans commencement ni fin, ce qu'il ne voulait ni ne pouvait, ayant besoin de cette non assimilation pour laisser prospérer sa démarche géométrique à partir de l'idée de Dieu.
J'observe que c'est un raisonnement simlaire qui me fait rejeter l'idée de l'essence singulière, version éternelle de Louisa.
En effet, à partir du moment où cette essence est Désir, Puissance d'agir, Conatus de la chose singulière, le même raisonnement que ci-dessus nous conduit à réciproquer la Puissance d'agir (et de penser) de Dieu à la sommation infinie des Conatus, à chaque instant de la vie (c'est-à-dire de la durée) de l'Individu Nature.
Or, si ces essences singulières sont
capitalisées, parce qu'elles sont éternelles, cela veut dire que la Puissance d'agir que réciproque l'individu nature à chaque "instant" doit être capitalisée, autrement dit : dP/dt = P.
La Puissance de Dieu est alors obligatoirement un multiple infini de ce qu'elle est à chaque instant de la durée de la modification de Dieu que constitue l'Individu Nature (ou que la puissance de l'Individu Nature est un infiniment petit par rapport à la puissance d'agir de Dieu). Ce n'est plus l'immanence.
Donc la quote-part de puissance d'agir de Sinusix, quand il cessera d'exister, passera bien en puissance d'agir de vers, de méthane, de tout ce que vous voulez. En cela, elle est est éternelle, mais en tant qu'elle est partie de la puissance de Dieu/Nature, et non en tant que réserve de puissance qui attend son heure de toute éternité.
J'essaie de vous suivre sur le reste, qui me plaît.
Vous l'aurez compris, j'ai tendance à suivre Bergson quant au statut de la durée (qui n'est pas le Temps), et il m'arrive de penser, en lisant Spinoza, qu'il a déjà entrevu que la conscience, c'est-à-dire le changement corrélatif lié aux affections, est indissociable de la durée, qu'elle révèle donc.
Raison pour laquelle, la conscience n'étant pas en Dieu, qui n'est pas atteint par les processus réflexifs, Dieu ne connaît pas la durée, mais elle est bien la conséquence nécessaire de sa production nécessaire.
Donc l'Eternité est bien la réciproque de la durée infinie, sans commencement ni fin.
Je me réjouis d'avance de lire Louisa.