Panache a écrit :Sinon, il me semblait que j'avais distingué dans mon post deux formes de reconnaissance. La première, conforme au droit naturel en qq sorte, est essentiellement stratégique et vise la satisfaction des désirs. On se conforme a la complexion des autres afin de satisfaire ses désirs.
La seconde, dans une logique de droits sociaux, est en deux temps.
Tout d abord il y a affirmation d'un collectif qui fasse une place à ce que je suis.
Ensuite il y a au sein de ce collectif, recherche de reconnaissance dans les catégories érigées collectivement il est fort possible que cela s'apparente a une captation du pouvoir de la multitude.
Je crois que réexaminer et préciser le sens de "reconnaissance" ne sera pas de trop... Comme dit Spinoza, les gens s'opposent souvent parce qu'ils ne voient pas qu'ils ne parlent pas de la même chose. Les mots n'ayant pas de sens en eux-mêmes il convient d'abord de s'entendre sur leur définition, ainsi que Spinoza nous le montre en permanence par son soin à le faire.
Pour avancer quelques éléments, outre le fait que le mot comprend ce "re" qui s'ajoute à "co-naître," ce qui suppose une connaissance antérieure qui est réaffirmée, je dirais sans vérifier qu'il y a 3 acceptions principales dans l'usage courant traditionnel (dans des exemples) : reconnaître un visage (c'est la plus simple et directe), reconnaître une faute (c'est une extension de la précédente, comportant une expression, et qui lorsque s'appliquant à un autre devient : "reconnaître à quelqu'un des droits, des qualités") et "montrer de la reconnaissance" (qui est une extrapolation disant qu'on garde à l'esprit le souvenir d'un bien passé reçu et éventuellement la volonté d'en faire en retour.) C'est un synonyme de "gratitude."
Spinoza utilise la troisième (la plus éloignée de ce qui est dit sur ce fil) :
Spinoza a écrit :E3P41 : ... Or, cet amour réciproque et l’effort qui en est la suite (par la Propos. 39, partie 3) pour faire du bien qui nous aime et veut ainsi nous faire du bien se nomme reconnaissance ou gratitude ...
E3AppD34 : La reconnaissance ou gratitude est ce désir ou ce mouvement d’amour par lequel nous nous efforçons de faire du bien à celui qu’un même sentiment d’amour a porté à nous en faire. (Voy. la Propos. 39 et le Schol. de la Propos. 41, partie 3.).
E4P71 : Les hommes libres seuls sont très reconnaissants les uns à l’égard des autres.
Démonstration : Les hommes libres seuls sont très utiles les uns aux autres, et unis par une étroite et réciproque amitié (en vertu de la Propos. 35, part. 4 et son premier Coroll.). Seuls ils s’efforcent de se faire du bien les uns aux autres par le zèle d’un attachement mutuel (en vertu de la Propos. 37, part. 4). Donc (par la Déf. 34 des passions) les hommes libres seuls sont très reconnaissants les uns pour les autres. C. Q. F. D.
Scholie : La reconnaissance qu’ont les uns pour les autres les hommes qu’un désir aveugle conduit est plutôt un marché ou une fourberie qu’une reconnaissance véritable.
Quant aux acceptions plus modernes, il y a à boire et à manger : parler de "reconnaissance" pour obtenir une augmentation de salaire a certes un lien avec le sens de "gratitude" (je dis que c'est être ingrat avec moi, compte tenu de ce que j'ai fait pour la collectivité, que de ne pas me donner l'augmentation que je demande...) mais celui-ci est pour le moins vaseux (c'est souvent plus du "politiquement correct", de l'"habillage" ou de la langue de bois syndicale qu'autre chose ; et lorsque c'est mieux que cela, seule la gratitude sincère vaut, pas l'ersatz.)
"Se faire reconnaître comme..." semble d'emblée tordu, et ne correspond vraiment à aucune des acceptions précédentes, hormis le côté "remémoration". Si l'on peut dans certains cas enlever le "re" et ce "comme", c'est mieux : "se faire connaître..." Mais c'est sans doute là le problème, dans cette discussion il y a "reconnaître" sans forcément "connaître" (ou alors le plus bas "premier genre" : le "ouï-dire") ; il s'agit en fait de faire en sorte d'être associé ("identifié") dans une mémoire / imagination plus ou moins collective à "ceci"(de particulier) ou "cela" ; la seule distinction faite
a posteriori, au sujet de l'émetteur, consiste à savoir si cette identification est "juste" ou "factice." C'est de la publicité, quoi ? Laquelle peut être mensongère ou sincère.
Dans ce cas, c'est de l'ordre du moyen, comme un marteau. Comme pour un outil, le niveau de puissance dégagé dépend de l'usage que l'on en fait.
Amicalement
Connais-toi toi-même.