En relisant E1p8 sc 2, j'avais déduit qu'on ne pouvait pas parler du conatus d'un groupe d'hommes.
Mais je reviens sur cet avis pour dire (comme vous) qu'un groupe, un couple, une association d'objets qui constitue un nouvel objet a bien un conatus.
Je comprends maintenant ce scolie comme cela : une énumération n'est pas une définition car elle n'explique rien. La définition de la résistance n'est pas l'ensemble {Jean Moulin + Lucie Aubrac+... }, mais plutot un groupe de gens déterminés à lutter contre les occupants durant la 2eme guerre mondiale. Je crois qu'on peut dire (à vérifier) : un membre particulier du groupe constitut l'essence de la résistance sans en faire partie car selon E2p2 si on enlève le membre la résistance reste (son rapport caractéristique est conservé).
De meme un couple particulier a un certain rapport caracteristique (des habitudes etc.) et un balai particulier définit par le fait de permettre de balayer debout a une certaine essence et existe sans changer de nature (meme en s'usant un peu) tant que les 2 parties qui le composent sont solidaires.
Note : avec le sacrifice, l'objection sur des conflits de conatus tombe de toute façon à coté de son but, car Spinoza dans E4p35-37 ne parle jamais de groupe humain mais de "nature humaine" comme une propriété (comme on parlerait du "caractère résistant" et non de la résistance). Mais le sacrifice pose quand même problème car il parait s'opposer à la morale chrétienne : l'utile propre (c.a.d la vertu) c'est (à priori) survivre, alors que la morale c'est se sacrifier.
A Vanleers et Hokusai, sur le sacrifice et le suicide
Je reprends votre réflexion. Avec mes mots ca devient : dans quelle mesure est-on libre en choisissant la mort ? (suicide ou sacrifice)
D'accord avec votre a) et b).
Mais à partir de c) j'ai un problème car étant donné que la mort est une discontinuité d'existence à non existence et j'ai l'impression que vous la traitez comme une affection/affect (qui est un passage plus "continu" ).
Vous dites par exemple :
nous ne pouvons pas dire que nous agissons lorsqu’il se fait en nous quelque chose (la mort) puisque...
C'est dur de s'exprimer proprement vu qu'il n'y a plus rien juste après. Et ensuite ca vous dites :
il est donc possible, selon Spinoza, de compenser, au moins partiellement, la tristesse passive irrémédiable de la mort
Est ce que ca ne s'applique plutôt à toutes les passions qui peuvent précéder la mort : colère, peur... ?
Ou alors : imaginons un super-résistant théorique, libéré de toute colère, haine et peur (un mix Jesus/Chuck Norris). Si je regarde l'instant précédant sa mort (la balle est en train de pénétrer dans son crane), pour moi il n'a qu'un affect, une tristesse immense : la douleur physique. (La douleur se "caractérise" (plus qu'elle ne se définit) en E3p11sc comme la tristesse qui n'affecte qu'une partie du corps). Là évidemment on ne peut rien faire, meme avec la 5eme partie.
On est bien d'accord sur le fait qu'il y a à terme beaucoup de passivité. Mais comme vous parlez vous-même d'activer autant que possible quelques passions, est-ce-qu'on peut comparer les 2 attitudes suivantes en terme de vertu/puissance :
1) Le résistant sacrifie son caractère loyal au profit de sa persévérance dans l'existence. (Il peut d'ailleurs faire cela sans passions tristes, par un raisonnement froid )
2) Le résistant reste intègre, fidèle à lui-même et sacrifie sa vie. ( mieux du point de vue de la morale )
Ma solution pour sauver la morale serait de dire que l'homme libre privilégie son essence. Mais bon, ce n'est peut-etre pas au point...
Bien à vous