Korto a écrit :En revoyant hier le film d'Harold Ramis avec Bill murray et Andie MacDowell, "Un jour sans fin", où un présentateur vedette odieux, persévérant dans son égoïsme et dépourvu de tout sens du bien et du mal, se retrouve enfermé dans la journée du 2 février (le Jour de la Marmotte), condamné à la revivre indéfiniment chaque matin à son réveil, je me suis puissamment senti plongé dans le monde-divin spinozien, un monde sans fin.
Le héros malgré lui de cet éternel retour quotidien devient un dieu. Il parvient, après plusieurs milliers de retours, à augmenter jusqu'à la perfection sa puissance d'agir et sa connaissance du monde dont il est une des parties et dont il partage l'éternité. Son amoralisme perdure et ses agitations ou actes sans but, s'accordent parfaitement avec cette nature sans évolution et sans progrès.
L'horreur de cette condition de deus sive natura ne tarde pas cependant à lui apparaître et de multiples suicides ne lui permettent même pas d'échapper à ce monde sans lendemain et sans espoir puisque la nature ne saurait se suicider (autre mode d'être-plus) et qu'il se réveille intact chaque matin.
Seul l'amour de sa collaboratrice, mille fois revue dans cette journée et mille fois "réinitialisée" et ignorante, atteint par la sincérité et par l'abandon de soi pour un "nous" supérieur et non par une instrumentalisation de l'autre-objet pour s'attacher une joie (multiples tentatives vaines du héros), lui permet de vaincre cette malédiction et de se retrouver enfin un lendemain 3 février, au matin de leur première nuit d'amour. Durée et évolution retrouvées !
Très jolie fable illustrant les charmes de notre condition humaine imparfaite face à l'immuabilité et à l'immortalité d'un monde sans devenir, qui heureusement n'existe pas.
Un jour sans fin est une comédie américaine que j'aime beaucoup, c'est un de mes "films culte". Parvenir à allier aussi bien les intuitions métaphysiques, la lucidité, le rire et l'interrogation éthique, le tout dans un langage accessible à un enfant de 13 ans, c'est rare...
J'y vois une belle illustration de la signification éthique de l'éternel retour chez Nietzsche. Votre analyse est intéressante Korto, mais vous ne serez pas étonné que je ne la partage pas entièrement. Depuis le début le héros , Phil Connors, désire Rita et dès la moitié du film il commence à s'intéresser à elle pour elle-même, à l'aimer vraiment, non plus par égoïsme. Mais il est condamné à revivre à chaque fois la même journée tant qu'il ne vit pas cette dernière comme une journée parfaite qu'il pourrait revivre éternellement. Cette dernière journée, qui est parfaite parce qu'il la vit sans culpabilité ni plus aucune haine de soi, voilà une image charmante de l'acquiescentia in se ipso dont nous parle Spinoza.
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