Je souhaiterais recueillir votre avis sur ce que dit Spinoza concernant le suicide, car je ne sais pas ce qui l'en est.
D'une part, Spinoza semble dire à Blyenberg que s'il était dans la nature de l'homme de se suicider, il serait absurde qu'il ne le fît pas :
[...] C'est comme si on demandait s'il pouvait convenir à la nature de quelque être qu'il se pendît ; ou s'il y a des raisons pour qu'il ne se pende pas. Supposons cependant qu'une telle nature puisse exister, je l'affirme alors : si quelque homme voit qu'il peut vivre plus commodément suspendu au gibet qu'assis à sa table, il agirait en insensé en ne se pendant pas.
D'autre part, Spinoza semble nous dire que le suicide n'est pas dans la nature de l'homme, à cause du concept de conatus. L'homme qui connaît sa vraie nature ne peut que persévérer dans son être et par conséquent ne peut vouloir se donner la mort.
Voir aussi : http://perso.wanadoo.fr/sos.philosophie/spinoza.htm
Pour Spinoza chaque mode s'efforce de persévérer dans son être et cet effort, ce désir, qu'il appelle conatus, caractérise l'essence de cette chose. [...] Parce que vivre est à soi-même sa propre fin (nous voulons persévérer dans notre être) et parce que la raison n'est pas autre chose que nous-mêmes, la vie de la raison est, chez l'homme, fin en soi et non moyen.
Voir aussi : http://www.yrub.com/philo/spinozaeth3d.htm
[Proposition IV] « Spinoza prend le cas concret du suicide : le comportement de quelqu'un qui se suicide étant en soi illogique, il ne peut s'expliquer que par le fait qu'il est possédé, aliéné par des influences extérieures (des causes) étrangères à sa propre nature. Les phénomènes apparents de destruction de soi concernent un groupe de parties qui sont déterminées à entrer sous d'autres rapports et se comportent en nous comme des corps étrangers. Un autre exemple étant celui des maladies « auto-immunes » (cf. Deleuze, Spinoza, philosophie pratique, p.60) où un groupe de cellules dont le rapport est perturbé par un agent extérieur (un virus) sera détruit par notre système immunitaire. Dans le suicide, c'est le groupe perturbé qui prend le dessus et qui, sous son nouveau rapport, induit nos autres parties à déserter notre système caractéristique. »
De plus, d'après Deleuze, Spinoza distinguerait les parties intensives que nous sommes et qui sont éternelles, des parties extensives que nous avons et qui sont temporaires. Et d'après moi, comme Spinoza était un garçon on ne peut plus rationnel, le suicide devait lui paraître aussi saugrenu qu'inefficace dans la mesure où nous ne pouvons tuer la partie intensive de nous-mêmes puisqu'elle est éternelle.
Voir aussi : http://minilien.com/?44gWYsa8Fh
Et encore une fois, qu'est-ce que ça veut dire, mourir ? Mourir ça ne veut dire qu'une chose: c'est que les parties qui m'appartenaient sous tel ou tel rapport sont déterminées du dehors à entrer sous un autre rapport qui ne me caractérise pas, mais qui caractérise autre chose. [...] Expérimenter que je suis éternel c'est expérimenter que "parties" au sens intensif coexiste et diffère en nature de "parties" au sens extrinsèque extensif. J'expérimente ici et maintenant que je suis éternel, c'est-à-dire que je suis une partie intensive ou un degré de puissance irréductible aux parties extensives que j'ai, que je possède, si bien que lorsque les parties extensives me sont arrachées (= mort), ça ne concerne pas la partie intensive que je suis de toute éternité. J'expérimente que je suis éternel.[Gilles Deleuze]
Enfin, Gilles Deleuze qui vénérait Spinoza choisit de se donner la mort en se défenestrant à l'âge de 70 ans.
Qu'en pensez-vous ?