Et pendant ce temps-là, à la même heure, tout là-bas...

Questions et débats d'ordre théorique sur les principes de l'éthique et de la politique spinozistes. On pourra aborder ici aussi les questions possibles sur une esthétique spinozienne.
Pourquoipas
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 387
Enregistré le : 30 déc. 2003, 00:00

Messagepar Pourquoipas » 11 nov. 2009, 07:48

Cher capitaine,

Juste une petite remarque rapide : n'y a-t-il pas contradiction (ou aveu ?) entre les points 1) et 6) ?
Je te cite :

captain-troy a écrit :[...]1) S'énerver, se mettre en colère, insulter, agresser, invectiver, haïr, c'est le signe de l'inquiétude, et de la peur, et la peur c'est le signe de la faiblesse, et l'intuition de se propre débilité et de sa propre faiblesse relativement à l'autre et/ou même dans l'absolu.

[...] 6) La faiblesse de l'autre, la peur chez l'autre, l'humilité chez l'autre, la posture de proie et de reddition chez l'autre, la renonciation à toute résistance ou dissuasion chez l'autre, l'impuissance de l'autre, l'attitude de victime éternelle ou/et de martyre de l'autre (son auto-victimisation), entraînent naturellement et immanquablement en moi, la puissance qui fait face à l'autre, la colère, la menace, le mépris, la démonstration de force, l'agression, la haine, l'attaque.

Troy


Il est, je pense, inutile de développer. Et, puisque dans le point 6, tu parles de toi-même (« en moi »), comment te comportes-tu face aux signes de haine, qui seraient chez l'autre signes de peur, mais chez toi signes de « puissance qui fait face » ?

Porte-toi bien...

Avatar du membre
captain-troy
a déjà pris quelques habitudes ici
a déjà pris quelques habitudes ici
Messages : 74
Enregistré le : 28 juin 2009, 00:00

Messagepar captain-troy » 11 nov. 2009, 07:57

Louisa a écrit :PS: et pendant ce temps-là, à la même heure, tout là-bas .. que pense Captain-Troy de ce qu'on est en train de dire ... ?
L.


(suite)

Remarques préliminaires en vue d'une proposition de chaîne évoluée de la haine (II) :

7) La sérénité, la souveraineté, l’amusement, le détachement, la jubilation continue, la dissolution de tout ressentiment et de tout regret, la paix sont les indices clairs de la réussite d’un bon « alliage » personnel, résultat d’une bonne fusion ou d’une bonne refonte, d’une « coulée » personnelle de qualité.

8) La clairvoyance, la lucidité et la perception nette de la « marionnette » mécanique et dérisoire affleurant sous la peau de l’autre, du robot sous-jacent agitant sa personne, sont également des indices d'un bon équilibre personnel et d'un bonne gestion de sa vie et de son énergie.

9) Les notions de « joie », de « désir », de « haine », de « puissance », d’ « action », de « puissance d’action », de « perfection » de l’action, envisagées par Spinoza sont recevables et pertinentes et peuvent encore être aujourd’hui utilisées et exploitées.
Celles de « tristesse », de « genres de connaissance », de « détermination », de "liberté", d’ « augmentation » ou « diminution » de la puissance d’action sont davantage sujettes à caution et semblent avoir été davantage dictées par le temps et par l’histoire trop individuelle du philosophe.

10) La démarche du rire et de la dérision des attitudes réactives, négatives, mécaniques d’autrui ne doivent pas être perçues comme des haines et des agressions.
Ce sont au contraire des antidotes et des aides positives et libératrices des énergies en sclérose et/ou en régression, pour autrui et pour soi-même, pour éviter la contamination de soi-même par l’autre.
Ainsi tourner en dérision les tentatives de blessure par un « Comme moi je n'y ai rien trouvé d'intéressant chez votre Troy » par exemple, ou par un « un certain marin d'eau douce des "mers du sud" » par des rapprochements ridiculisants ou par des caricatures hilarantes ne doit pas être interprétés comme de l’attaque ou de la contre attaque mais comme mais être lu comme un cadeau salutaire aux envoyeurs de ces flèches bien molles.
On pourrait ainsi parodier l’émetteur rageur du « chez votre Troy » en barbon ivre de dépit amoureux d’une des farces de Molière. Ça ouvrirait certainement les consciences et désamorcerait à coup sûr la haine.

11) La tyrannie du désir est évidemment source de haine, à l’égard des autres et/ou de soi-même. La néantisation du tout désir n’est ni réaliste ni souhaitable.
La sérénité, la souveraineté, l’amusement, le détachement, la jubilation continue, la dissolution de tout ressentiment et de tout regret, la paix évoqués en (7) doivent donner la juste posture par rapport à mon propre désir. Je désire, d’accord, mais je ne suis pas soumis à mon désir : je ne le nie pas, je ne le méprise pas, je ne le crains pas, je ne le rejette pas mais je ne lui suis pas soumis. De même, pas plus que je ne dois nier, mépriser, craindre, rejeter le désir de l’autre, je dois me soumettre à lui.

12) Il n’y a jamais à adorer l’autre, à le louanger, à l’encenser, à le sacraliser, à le sanctifier, à le glorifier, à le réciter, à imiter l’autre. Il faut éventuellement l’admirer, et encore, à peine, sans perdre de vue ses limites, ses manques et ses failles.

13) Les ruptures, le choix des ruptures, le choix de soi-même-en-rupture semble bénéfiques à la valorisation, à une refonte de qualité et à la solidité de soi.

Troy

Avatar du membre
captain-troy
a déjà pris quelques habitudes ici
a déjà pris quelques habitudes ici
Messages : 74
Enregistré le : 28 juin 2009, 00:00

Messagepar captain-troy » 11 nov. 2009, 08:48

Pourquoipas a écrit :Cher capitaine,

Juste une petite remarque rapide : n'y a-t-il pas contradiction (ou aveu ?) entre les points 1) et 6) ?
Je te cite :

captain-troy a écrit :[...]1) S'énerver, se mettre en colère, insulter, agresser, invectiver, haïr, c'est le signe de l'inquiétude, et de la peur, et la peur c'est le signe de la faiblesse, et l'intuition de se propre débilité et de sa propre faiblesse relativement à l'autre et/ou même dans l'absolu.

[...] 6) La faiblesse de l'autre, la peur chez l'autre, l'humilité chez l'autre, la posture de proie et de reddition chez l'autre, la renonciation à toute résistance ou dissuasion chez l'autre, l'impuissance de l'autre, l'attitude de victime éternelle ou/et de martyre de l'autre (son auto-victimisation), entraînent naturellement et immanquablement en moi, la puissance qui fait face à l'autre, la colère, la menace, le mépris, la démonstration de force, l'agression, la haine, l'attaque.

Troy


Il est, je pense, inutile de développer. Et, puisque dans le point 6, tu parles de toi-même (« en moi »), comment te comportes-tu face aux signes de haine, qui seraient chez l'autre signes de peur, mais chez toi signes de « puissance qui fait face » ?

Porte-toi bien...


Mon cher Charcot,
ta remarque est utile. Je pense que tout le monde aura compris qu'ici le "moi" n'est pas le moi exclusif ne désignant que cet excellent Capitaine Troy mais le "moi" (ou nous) inclusif qui désigne et englobe non seulement l'énonciateur mais aussi tous les auditeurs, tous mes lecteurs, c'est à dire l'humanité toute entière (!) quand ce moi universel est face au "toi", à autrui, mais il n'était inutile de le préciser, la preuve.

J'énonce des lois de récurrence et des règles générales.

Maintenant, comment moi, Troy, individuellement, je me comporte face à autrui, quand cet autre est haineux, ou terrorisé, ou s'auto-victimise ?
Comment j'ai fait évoluer ma base "moi" universel en moi-Troy, comment je l'actualise en moi-Troy ?

Je crois honnêtement que j'applique à peu près, intuitivement, depuis assez longtemps, et assez spontanément, le schéma de peur-haine évolué 2 que je suis en train d'essayer de modéliser et de formuler pour pouvoir l'appréhender parfaitement et pour vous le faire partager, pour le bien-être de tous, y compris sur ce forum.

Pourquoi pas ?

Troy

Avatar du membre
captain-troy
a déjà pris quelques habitudes ici
a déjà pris quelques habitudes ici
Messages : 74
Enregistré le : 28 juin 2009, 00:00

Messagepar captain-troy » 11 nov. 2009, 10:40

Louisa a écrit :
Sinusix a écrit :Enfin ... je ne sais pas dans quelle mesure ceci aidera à clarifier les choses ... (en remerciant en passant DGsu, puisque c'est grâce à l'un de ces messages ci-dessus que j'ai commencé à faire attention à l'idée qu'on peut avoir une idée en Haine et qu'il ne suffit peut-être pas de ne pas Haïr un interlocuteur pour briser maximalement le cercle vicieux de la Haine... et si Captain-Troy lit ceci: qu'en penses-tu...?)?


Bonsoir, ou bonjour, Louisa

qu'on me prenne à témoin dans un différend sur spinozaetnous.org est fabuleusement inédit pour moi et ne laisse pas de me perturber et de m'émouvoir profondément.

Qui sait si demain je n'aurai pas à arbitrer une querelle sévère entre Durtal et Hokousai ? Vous vous rendez compte ! Ou à donner mon avis sur DGsu à Henrique en tant que conseiller spécial du prince ? Tout est possible ici maintenant j'ai l'impression.

Sinon, j'aime bien dans l'ensemble le réalisme et le bon sens de Sinusix et j'apprécie l'humanisme, la sérénité, l'insatiable et honnête curiosité intellectuelle et la bonne éducation de Louisa, c'est à dire toi.

Ces deux intervenants étant assez proches de moi, ils ne doivent pas être très éloignés l'un de l'autre et tout ça ne doit pas être très méchant !...

Haine d'une idée ou haine du porteur de cette idée ?
Haine d'une idée à cause de son porteur ou haine du porteur à cause de son idée ?

Dans les faits il arrive souvent qu'on haïsse des gens plutôt aimables à cause de leurs idées détestables et il arrive souvent aussi qu'on haïsse des idées somme toute acceptables à cause des gens détestables qui les soutiennent, tout ça plus ou moins sincèrement, plus ou moins stratégiquement.

Ça devrait nous mettre la puce à l'oreille.

On voit ça en politique, dans un couple, au travail, en famille, en société au cours d'un repas... que ce soit des idées philosophiques, politiques, religieuses ou des idées de management.

Les gens et leurs idées forment-ils un tout, au moins à un moment donné ?
Difficile de répondre à ça définitivement, mais je crois que oui : grosso modo, malgré la fluctuation des idées, je suis mes idées et mes idées sont moi.

Donc, difficile de nous séparer comme des siamois, mes idées et moi.

Dans l'idéal, je pense qu'il ne faut pas s'abandonner à la haine et à la peur des gens, en tout cas pas à une haine brute, non raffinée, non taillée, pour toutes les raisons que j'ai déjà expliqué et dont je vais poursuivre l'exposé.

Si je déteste une idée mais que j'aime son porteur, je me trompe quelque part : soit le porteur et l'idée sont aimables tous deux, soit le porteur et l'idée sont détestables tous deux.

Donc disons qu'il ne faut pas non plus se laisser aller à la haine des idées qui souvent ne méritent guère plus qu'une bonne rigolade.
Moi, par exemple, si j'm'écoutais, j'me mettrai vite à haïr les écolos (des porteurs malsains comme : Bové, Kohn-Bendit, Al Gore, Hulot, Arthus-Bertrand et consorts) et leur écologie (les idées : on va tous mourir, c'est demain la fin du monde, épargnons l'eau et chions tous dans la sciure de bois etc...).

Et ben non, j'me calme, j'te joue des p'tites parodies d'écologisme à mes copains ou mes collègues plus ou moins verts et tout est désamorcé, chez moi la haine et chez eux, souvent, la connerie, ou tout au moins l'extrémisme environnemental.

Voilà, Louisa !
Ça va ?

Troy

PS : Je crois qu'il faut arrêter de s'embêter avec les histoires de "tristesse". Spino s'est vraiment planté sur ce coup-là. Ou en tout c'est complètement dépassé. Ergoter là-dessus, c'est un peu comme si on discutait encore sur la forme du disque terrestre, ou sur les conditions de la génération spontanée.

Avatar du membre
Louisa
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1725
Enregistré le : 09 mai 2005, 00:00

Messagepar Louisa » 12 nov. 2009, 03:59

Captain-Troy a écrit :Remarques préliminaires en vu d'une proposition de chaîne évoluée de la haine :

1) S'énerver, se mettre en colère, insulter, agresser, invectiver, haïr, c'est le signe de l'inquiétude, et de la peur, et la peur c'est le signe de la faiblesse, et l'intuition de se propre débilité et de sa propre faiblesse relativement à l'autre et/ou même dans l'absolu.

2) On ne peut pas agir sur l'autre directement et le modifier, sauf à le supprimer radicalement et définitivement.

3) On peut agir sur l'autre en modifiant l'affichage que nous lui offrons de nous-mêmes et en l'amenant à se modifier lui-même selon ce nouvel affichage et la perception qu'il en a.

4) On ne peut pas commander à l'autre "aime-moi", "crains-moi", "respecte-moi", "déteste-moi" ou "admire-moi". Mais on peut aisément s'afficher aimable, redoutable, détestable ou admirable à ses yeux et obtenir ainsi le même résultat qu'avec les impératifs initiaux.


Bonjour Captain-Troy,

voici quelques réflexions par rapport à ce que tu écris (ou plutôt quelques résultats d'une première réflexion).

1-4: tout à fait d'accord.

Ce qui à mon sens est intéressant dans ce que tu dis, c'est qu'il s'agit de "s'afficher" aimable etc. En effet, pour obtenir un résultat tel que l'autre ne nous haït pas, il ne suffit absolument pas d'avoir l'impression d'aimer l'autre ou de ne pas le haïr (= d'être à ses propres yeux aimable etc.). Il faut aussi arriver à communiquer dans une "forme" telle que l'autre commence à vous trouver aimable. La différence enter "être aimable" et "s'afficher aimable" c'est donc peut-être que dans le premier cas on ne s'occupe que de ce qu'on pense de soi-même, alors que dans le deuxième cas on est dans "l'art de la communication", ce qui implique notamment qu'il faut adapter la forme dans laquelle on communique ce qu'on a à dire à l'interlocuteur en question. Est-ce ainsi que je peux comprendre l'"afficher" dont tu parles, ou s'agit-il d'autre chose encore?

Captain-Troy a écrit :5) On peut et on doit constamment se valoriser et se sur-valoriser soi-même : c'est une hygiène mentale et physique élémentaire, une hygiène intellectuelle et psychologique naturelle.


lol...

je pense pouvoir comprendre ce que tu veux dire ici par "sur-valoriser", et si j'ai bien compris: tout à fait d'accord. Mais ... euh .. dirais-tu que ce que tu dis ici est compatible avec le christianisme?

C'est que j'ai tendance à croire que le christianisme prone plutôt une attitude genre mea culpa mea culpa mea grande culpa, et des valeurs comme l'humilité etc. Pensons, en guise d'exemple, au début des Confessions d'Augustin: "Seigneur, votre grandeur est infinie, et les plus hautes louanges sont infiniment au-dessous de vous. Votre puissance n'a point de limites, et votre sagesse est sans mesure et sans bornes; et cependant un homme ose vous louer, lui qui n'est qu'une si petite partie de vos créatures, qui est accablé du poids de sa misérable et de sa mortelle condition, et qui publie par cet état si funeste le crime qu'il a commis, et la justice avec laquelle vous résistez aux superbes. Un homme, dis-je, qui n'est qu'une si petite partie de vos créatures ose entreprendre de vous louer."

En matière de "sur-valorisation" de soi-même, on aurait envie de répondre à ce cher Augustin: peut mieux faire ... non?

Juste pour le contraste: voici comment Spinoza définit l'Humilité (Ethique partie 3, Définition des Affects 26):

"L'Humilité est une Tristesse qui naît de ce qu'un homme contemple son impuissance ou faiblesse."

Il est donc clair que dans le spinozisme, l'Humilité est tout sauf une vertu (E4P53) (idem d'ailleurs pour le Repentir, autre valeur centrale du christianisme).

Bref, j'aurais tendance à penser que ce que tu dis ici est plus spinoziste que chrétien. Mais je me trompe peut-être en ce qui concerne le christianisme ... ?

Spinoza, E3P53:

"Quand l'Esprit se contemple lui-même, ainsi que sa puissance d'agir, il est joyeux, et d'autant plus qu'il s'imagine plus distinctement, ainsi que sa puissance d'agir."

Captain-Troy a écrit :Comme construite cette force personnelle ?

Utilisons la métaphore métallurgique pour présenter le process de cette auto-valorisation, de cet enrichissement du "nickel personnel" :

- il faut trier et enrichir son minerai
- il faut chauffer, surchauffer, exalter les composants
- il faut rassembler au maximum, fondre ensemble, allier tous les éléments divers, les terres et les métaux initiaux qui nous composent
- il faut éliminer au maximum toutes les peaux, tous les grumeaux, toutes les scories du nouvel alliage liquide personnel
- il faut poursuivre les bains de fusion et les refroidir lentement jusqu'à ce que cet alliage soit le plus massif, le plus homogène, le plus dense, le plus dur possible, Un métal sans paille, ni faille.


rien à redire, cela me semble être parfait (= mon opinion personnelle, vaut ce que ça vaut).

Captain-Troy a écrit :6) La faiblesse de l'autre, la peur chez l'autre, l'humilité chez l'autre, la posture de proie et de reddition chez l'autre, la renonciation à toute résistance ou dissuasion chez l'autre, l'impuissance de l'autre, l'attitude de victime éternelle ou/et de martyre de l'autre (son auto-victimisation), entraînent naturellement et immanquablement en moi, la puissance qui fait face à l'autre, la colère, la menace, le mépris, la démonstration de force, l'agression, la haine, l'attaque.


sachant que tu parles bien sûr en général, et n'est pas en train de raconter l'histoire de ta vie personnelle (pas d'ironie, c'est juste une réponse à Pourquoipas): tu ne penses pas que chez certains la faiblesse de l'autre (ou disons une faiblesse clairement "affichée") provoque plutôt de la pitié?

En attendant ta réponse: je crois qu'à ce sujet Spinoza a des choses très intéressantes à dire.

Je passe à ton message suivant.
Modifié en dernier par Louisa le 12 nov. 2009, 06:18, modifié 1 fois.

Avatar du membre
Louisa
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1725
Enregistré le : 09 mai 2005, 00:00

Messagepar Louisa » 12 nov. 2009, 04:38

Captain-Troy a écrit :7) La sérénité, la souveraineté, l’amusement, le détachement, la jubilation continue, la dissolution de tout ressentiment et de tout regret, la paix sont les indices clairs de la réussite d’un bon « alliage » personnel, résultat d’une bonne fusion ou d’une bonne refonte, d’une « coulée » personnelle de qualité.


oui, tout à fait d'accord. Et cela me semble être très spinoziste, soit dit en passant ... 8-)

Captain-Troy a écrit :8) La clairvoyance, la lucidité et la perception nette de la « marionnette » mécanique et dérisoire affleurant sous la peau de l’autre, du robot sous-jacent agitant sa personne, sont également des indices d'un bon équilibre personnel et d'un bonne gestion de sa vie et de son énergie.


pourquoi "dérisoire"?

Captain-Troy a écrit :9) Les notions de « joie », de « désir », de « haine », de « puissance », d’ « action », de « puissance d’action », de « perfection » de l’action, envisagées par Spinoza sont recevables et pertinentes et peuvent encore être aujourd’hui utilisées et exploitées.
Celles de « tristesse », de « genres de connaissance », de « détermination », de "liberté", d’ « augmentation » ou « diminution » de la puissance d’action sont davantage sujettes à caution et semblent avoir été davantage dictées par le temps et par l’histoire trop individuelle du philosophe.


à vrai dire, je crois que les unes ne vont pas sans les autres. En quoi est-ce que tu penses qu'il vaut mieux se méfier de la deuxième série de notions que tu mentionnes ici?

Captain-Troy a écrit :10) La démarche du rire et de la dérision des attitudes réactives, négatives, mécaniques d’autrui ne doivent pas être perçues comme des haines et des agressions.
Ce sont au contraire des antidotes et des aides positives et libératrices des énergies en sclérose et/ou en régression, pour autrui et pour soi-même, pour éviter la contamination de soi-même par l’autre.
Ainsi tourner en dérision les tentatives de blessure par un « Comme moi je n'y ai rien trouvé d'intéressant chez votre Troy » par exemple, ou par un « un certain marin d'eau douce des "mers du sud" » par des rapprochements ridiculisants ou par des caricatures hilarantes ne doit pas être interprétés comme de l’attaque ou de la contre attaque mais comme mais être lu comme un cadeau salutaire aux envoyeurs de ces flèches bien molles.
On pourrait ainsi parodier l’émetteur rageur du « chez votre Troy » en barbon ivre de dépit amoureux d’une des farces de Molière. Ça ouvrirait certainement les consciences et désamorcerait à coup sûr la haine.


je ne pourrais pas être plus d'accord ... et ceci me semble être absolument fon-da-men-tal, que l'on veuille être spinoziste ou non.

C'est-à-dire, à mon sens c'est déjà le christianisme, dans sa forme "originelle" et donc "révolutionnaire", qui prône ceci.

Ici Spinoza et le Christ se retrouvent donc ... . Autrement dit, il s'agit de ce que Spinoza a pu appeler la religio vera, la vraie religion, l'essence même de la religion, ce dont il n'y a aucune discussion (au sens de mise en question) possible. Comprendre cela, c'est le début de toute sagesse, et sans cela, aucune sagesse n'est possible.

Aussi faut-il à mon sens dire que le remède spinoziste de la Haine (chez soi-même ou chez l'autre, comme tu le dis bien) commence par bien comprendre ceci (cela a l'air d'être facile, et pourtant la réalité montre amplement qu'il ne suffit pas "d'avoir lu" la Bible ou Spinoza pour l'avoir compris ...). Mais on pourrait dire exactement la même chose du message du Christ ... .

Captain-Troy a écrit :11) La tyrannie du désir est évidemment source de haine, à l’égard des autres et/ou de soi-même. La néantisation du tout désir n’est ni réaliste ni souhaitable.
La sérénité, la souveraineté, l’amusement, le détachement, la jubilation continue, la dissolution de tout ressentiment et de tout regret, la paix évoqués en (7) doivent donner la juste posture par rapport à mon propre désir. Je désire, d’accord, mais je ne suis pas soumis à mon désir : je ne le nie pas, je ne le méprise pas, je ne le crains pas, je ne le rejette pas mais je ne lui suis pas soumis. De même, pas plus que je ne dois nier, mépriser, craindre, rejeter le désir de l’autre, je dois me soumettre à lui.


pour moi ce que Spinoza dit à ce sujet est assez puissant: l'essence de l'homme c'est le Désir ... . On ne s'attendrait peut-être pas à une telle idée chez un philosophe dont on dit qu'il prône un "rationalisme absolu", mais pourtant c'est bel et bien une idée très importante chez lui.

Au lieu de parler de "juste posture", il parle de "juste mesure". Certains désirs peuvent être excessifs, et là ça devient problématique. L'Amour de Dieu jamais ne peut devenir excessif (mais un Amour pour Spinoza n'est pas un désir).

Puis (pour déjà anticiper ce que tu écris à la fin) ce qui me semble être assez original chez Spinoza (au sens où cela vaut la peine de s'y attarder un instant), c'est qu'il distingue désir et soumission. C'est pas tellement la tyrannie du désir qui fait problème, la soumission pour lui s'identifie à la "passion" (au sens de pâtir), et les "Affects-Passions" constituent en effet la source de toute Haine. Mais pas le désir en tant que tel (puisqu'il s'identifie à l'essence même de l'homme, et que cette essence est éternelle et donc toujours vraie, c'est-à-dire toujours une idée adéquate, qui par là même ne peut jamais produire une idée inadéquate telle que l'est la Haine).

Captain-Troy a écrit :12) Il n’y a jamais à adorer l’autre, à le louanger, à l’encenser, à le sacraliser, à le sanctifier, à le glorifier, à le réciter, à imiter l’autre. Il faut éventuellement l’admirer, et encore, à peine, sans perdre de vue ses limites, ses manques et ses failles.


De nouveau, tout à fait d'accord.

Et à moins que je t'aie mal compris, je pense que Spinoza serait lui aussi d'accord. Pensons par exemple aux propositions suivantes:

E4P48:
"Les affects d'Estime et de Mépris sont toujours mauvais."

(c'est que l'Estime n'est que l'envers du Mépris; les deux sont tout aussi inadéquats)

E3 Définition des Affects 4: l'admiration n'est qu'une "distraction" (distractio Mentis).

Captain-Troy a écrit :13) Les ruptures, le choix des ruptures, le choix de soi-même-en-rupture semble bénéfiques à la valorisation, à une refonte de qualité et à la solidité de soi.


je ne suis pas tout à fait certaine de bien comprendre à quoi tu réfères. Si tu veux dire que l'homme n'est pas un être fait "une fois pour toutes", qu'il n'y a pas une continuité absolue entre qui on était hier et qui on est aujourd'hui: tout à fait d'accord.

Je crois que le spinozisme nous permet de penser cette évolution par rupture de manière assez nouvelle, mais il faut dire qu'à ce sujet tous les commentateurs ne sont pas d'accord, donc laissons de côté Spinoza en ce qui concerne l'idée de rupture.

A bientôt pour quelques réflexions par rapport à ton dernier message,
L.
Modifié en dernier par Louisa le 12 nov. 2009, 08:14, modifié 1 fois.

Pourquoipas
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 387
Enregistré le : 30 déc. 2003, 00:00

Messagepar Pourquoipas » 12 nov. 2009, 05:26

captain-troy a écrit :
Pourquoipas a écrit :Cher capitaine,

Juste une petite remarque rapide : n'y a-t-il pas contradiction (ou aveu ?) entre les points 1) et 6) ?
Je te cite :

captain-troy a écrit :[...]1) S'énerver, se mettre en colère, insulter, agresser, invectiver, haïr, c'est le signe de l'inquiétude, et de la peur, et la peur c'est le signe de la faiblesse, et l'intuition de se propre débilité et de sa propre faiblesse relativement à l'autre et/ou même dans l'absolu.

[...] 6) La faiblesse de l'autre, la peur chez l'autre, l'humilité chez l'autre, la posture de proie et de reddition chez l'autre, la renonciation à toute résistance ou dissuasion chez l'autre, l'impuissance de l'autre, l'attitude de victime éternelle ou/et de martyre de l'autre (son auto-victimisation), entraînent naturellement et immanquablement en moi, la puissance qui fait face à l'autre, la colère, la menace, le mépris, la démonstration de force, l'agression, la haine, l'attaque.

Troy


Il est, je pense, inutile de développer. Et, puisque dans le point 6, tu parles de toi-même (« en moi »), comment te comportes-tu face aux signes de haine, qui seraient chez l'autre signes de peur, mais chez toi signes de « puissance qui fait face » ?

Porte-toi bien...


Mon cher Charcot,
ta remarque est utile. Je pense que tout le monde aura compris qu'ici le "moi" n'est pas le moi exclusif ne désignant que cet excellent Capitaine Troy mais le "moi" (ou nous) inclusif qui désigne et englobe non seulement l'énonciateur mais aussi tous les auditeurs, tous mes lecteurs, c'est à dire l'humanité toute entière (!) quand ce moi universel est face au "toi", à autrui, mais il n'était inutile de le préciser, la preuve.

J'énonce des lois de récurrence et des règles générales.

Maintenant, comment moi, Troy, individuellement, je me comporte face à autrui, quand cet autre est haineux, ou terrorisé, ou s'auto-victimise ?
Comment j'ai fait évoluer ma base "moi" universel en moi-Troy, comment je l'actualise en moi-Troy ?

Je crois honnêtement que j'applique à peu près, intuitivement, depuis assez longtemps, et assez spontanément, le schéma de peur-haine évolué 2 que je suis en train d'essayer de modéliser et de formuler pour pouvoir l'appréhender parfaitement et pour vous le faire partager, pour le bien-être de tous, y compris sur ce forum.

Pourquoi pas ?

Troy


Cher capitaine,

Dont acte. Le "moi" était un moi général, comme nous l'utilisons tous. Il m'arrive, comme à nous tous, de lire et de répondre trop vite.
N'empêche que le problème m'intéresse. Tu nous évoques deux causes de l'agressivité : la peur en "moi" dont cette agressivité serait le signe ; et la perception des signes de la peur, soumission, faiblesse chez l'autre qui provoqueraient "mon" agressivité. S'agit-il pour toi (le vrai toi, Troy), de la même agressivité ou d'une haine-mépris d'un autre type ?
Ne peut-il y avoir une sorte de troisième agressivité et même haine, qu'on pourrait dire "bonne" ? Celle par exemple de ceux qui ont tenté de tuer Hitler ? plus simplement, celle qui consiste à lever son cul de son banc du RER pour au moins aller voir ce qui se passe et intervenir si on voit un début d'agression quelques mètres plus loin, si faible soit-on physiquement par rapport à l'agresseur ?

C'est juste une piste en passant, là je suis un peu fatigué car un message m'a pris pas mal de temps sur une autre discussion.

Et merci pour le Charcot, vil flatteur... (à moins qu'il ne s'agisse d'ironie, ce qui me serait parfaitement égal).

Porte-toi bien.

Pourquoipas
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 387
Enregistré le : 30 déc. 2003, 00:00

Messagepar Pourquoipas » 12 nov. 2009, 05:32

Cara Louisa,

Louisa a écrit :[...]
sachant que tu parles bien sûr en général, et n'est pas en train de raconter l'histoire de ta vie personnelle (pas d'ironie, c'est juste une réponse à Pourquoipas) [...]


Comme je ne m'adressais pas à toi, tu n'avais rien à me "répondre", ce que Troy avait fait, en bon garçon d'ailleurs, ce que j'ai apprécié.

Porte-toi bien et Dieu vous garde.

Avatar du membre
Louisa
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1725
Enregistré le : 09 mai 2005, 00:00

Messagepar Louisa » 12 nov. 2009, 05:56

Pourquoipas a écrit :
louisa a écrit :[...]sachant que tu parles bien sûr en général, et n'est pas en train de raconter l'histoire de ta vie personnelle (pas d'ironie, c'est juste une réponse à Pourquoipas) [...]


Comme je ne m'adressais pas à toi, tu n'avais rien à me "répondre", ce que Troy avait fait, en bon garçon d'ailleurs, ce que j'ai apprécié.


1. comme déjà dit à Durtal, je crois que si l'on écrit sur un forum "public", on s'adresse d'office à n'importe quel lecteur, ce qui signifie que n'importe qui a le droit de répondre ou de dire ce qu'il en pense ...

2. pour ce que je voulais dire à Troy, il était important de signaler que je n'était pas en train de lui dire ce que toi tu étais en train de lui dire, puisque d'une part dès le début je l'avais compris différemment, et d'autre part ta réponse faisait qu'on était plus ou moins obligé de se positionner par rapport à ta remarque avant de pouvoir être bien compris. Autrement dit: se distinguer d'une autre réponse peut se justifier de manière purement philosophique (au sens où philosopher c'est introduire des distinctions conceptuelles).

Porte-toi bien,
bonne nuit,
L.

Avatar du membre
Louisa
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1725
Enregistré le : 09 mai 2005, 00:00

Messagepar Louisa » 12 nov. 2009, 06:15

Pourquoipas a écrit :Ne peut-il y avoir une sorte de troisième agressivité et même haine, qu'on pourrait dire "bonne" ? Celle par exemple de ceux qui ont tenté de tuer Hitler ? plus simplement, celle qui consiste à lever son cul de son banc du RER pour au moins aller voir ce qui se passe et intervenir si on voit un début d'agression quelques mètres plus loin, si faible soit-on physiquement par rapport à l'agresseur ?


Bonjour Pourquoipas,

en me servant un instant du "droit" mentionné en 1) dans mon message précédent (et sans vouloir répondre à la place de Troy, ce que de toute façon je ne pourrais pas faire) ...

d'un point de vue spinoziste toute Haine est mauvaise (E4P55: "La Haine ne peut jamais être bonne").

Mais faut-il Haïr Hitler pour pouvoir intervenir? Pas du tout. Il suffit d'avoir compris (= Joie Active) que Hitler est une chose singulière particulièrement ignorante (au sens spinoziste de l'ignorance) pour comprendre qu'il vaut mieux l'enfermer dans un endroit bien sécurisé. Tout comme il a suffi (mutatis mutandis!) de comprendre (= Joie Active) que Korto systématiquement ne respectait pas la charte du forum pour lui interdire l'accès à ce forum.

Par conséquent, je ne crois pas que la Haine (= idée inadéquate) soit nécessaire pour pouvoir combattre de manière efficace le nazisme (ou n'importe quel mal), au contraire même: la Haine étant par définition une diminution de notre puissance, elle diminuera aussi l'efficacité de nos actes (parce qu'elle diminue notre puissance de penser donc d'agir).

Vale
L.


Retourner vers « Ethique, esthétique et Politique »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 69 invités