Plotin et Spinoza

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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survoje
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Plotin et Spinoza

Messagepar survoje » 17 mars 2013, 15:31

Les Nouveaux chemins de la connaissance (France-Culture) ont proposé récemment une semaine sur Plotin.

Le seul philosophe "post -Plotin" cité au cours de la semaine est Spinoza... la nécessité, le libre arbitre...

Qui pourrait en dire un peu plus sur ce "lien" Plotin-Spinoza...? et les divergences !

Histoire d'amorcer (pour moi !) la lecture de Plotin 8O

Bien le merci et bien cordialement !

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AUgustindercrois
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Messagepar AUgustindercrois » 17 mars 2013, 21:55

C'est peut-être une question de lumière... Mais où se trouve la lumière dans l'Ethique?

"Quand [les Stoïciens] disent que toutes les choses sont des corps, ils veulent dire que toutes les choses se définissent par tonos, l’effort contracté qui définit la chose. L’espèce de contraction, la force embryonnée qui est dans la chose, si vous ne la trouvez pas, vous ne connaissez pas la chose. Ce que Spinoza reprendra avec l’expression, «qu’est-ce que peut un corps?»
Autre exemple. Après les stoïciens, au début du christianisme, se développe un type de philosophie très extraordinaire: l’école néo-platonicienne. Le préfixe néo est particulièrement bien fondé. C’est en s’appuyant sur des textes de Platon extrêmement importants que les néo-platoniciens vont complètement décentrer tout le platonisme. Si bien que, en un certain sens, on pourrait dire que ça y était déjà chez Platon. Seulement, ça y était comme pris dans un ensemble qui n’était pas celui-là.
Plotin, on en a recueilli les Ennéades. Parcourez l’Ennéade IV, livre 5. Vous verrez une espèce de prodigieux cours sur la lumière, texte prodigieux où Plotin va essayer de montrer que la lumière ne peut être comprise ni en fonction du corps émetteur, ni en fonction du corps récepteur. Son problème, c’est que la lumière fait partie de ces chose bizarres qui vont être, pour Plotin, les vraies choses idéales. On ne peut plus dire qu’elle commence là et qu’elle finit là. Où commence une lumière? Où finit une lumière? " (Deleuze, cours in webdeleuze)

http://www.webdeleuze.com/php/texte.php ... a&langue=1

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Messagepar cess » 23 mars 2013, 17:53

Je vous conseille paradoxalement un livre d'histoire sur "les origines du christianisme" de Michel Rouche

le néoplatonisme y est recontextualisé, il est plus facile à comprendre si on mesure l'activité intense culturello-religieuse qui melait , radicalisait ou absorbait différents courants religieux.(paganisme, christianisme, judaisme, manicheisme, gnose....)

bien à vous

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Messagepar Miam » 28 mars 2013, 11:20

Bonjour.

L'influence néoplatonicienne sur Spinoza semble évidente mais elle reste très difficile à démêler.

Spinoza n'aurait pas lu Plotin. D'aucuns comparent les trois premières hypostases plotiniennes, l'Un suressentiel, L'intellect et l'Ame, à la Substance (l'Etant), son essence constituée par les attributs et les modes infinis. Mais on pourrait aussi bien y trouver une tripartition stoïcienne, d'autant que le néoplatonisme hérite d'une partie de la pensée stoïcienne via le médioplatonisme.

Le système de Proclus, avec ses "séries" semblables aux attributs spinoziens (une série pour l'Un, une autre pour l'Intellect, une autre pour l'Ame, une autre pour les Intelligibles, etc...) , est lui aussi souvent mentionné comme un ancêtre du spinozisme, d'autant que, chez lui aussi, hormis le "Premier", les termes de la série vont du plus complexe au plus simple. Toutefois ces mentions se trouvent seulement dans les études sur Proclus et non pas dans celles qui examinent la métaphysique spinozienne.

Le néoplatonisme des Juifs médiévaux, de Gabirol à Léon l'Hébreu en passant par Crescas, est très certainement aussi une filière pertinente. Wolfson tente d'en tracer les linéaments, mais hélas il en demeure à une lecture aristotélicienne classique. Car il ne faut pas oublier que ce qu'on nomme habituellement l'aristotélisme a lui-aussi intégré de nombreux éléments néoplatoniciens via le Livre des Causes (faux d'Aristote attribué à Proclus), Avicenne et Averroes. A l'époque d'Albert le Grand, on ne distinguait pas encore le néoplatonisme de l'aristotélisme. Thomas lui-même intègre des éléments néoplatoniciens pour asseoir la tradition aristotélicienne occidentale contre Gabirol les averroïstes, sans oublier l'exploitation faite par l'Eglise du néoplatonicien Pseudo Denys.

Enfin, l'influence sur Spinoza du néoplatonisme infinitiste de la Renaissance (De Cues, Bruno), ne fait aucun doute.

Mais cela ne suffit pas à déterminer l'influence néoplatonicienne sur Spinoza. Ce dernier use plutôt du langage scolastique de son époque et l'"expression" spinozienne, quoiqu'en dise Deleuze, ne suffit pas pour lire Spinoza au moyen d'une grille néoplatonicienne.
L'Etant spinoziste est bien suressentiel mais il est appelé Etant et non pas Un.
La causa sui spinozienne renvoie-t-elle à celle des néoplatoniciens ou à celle des méditations et réponses de Descartes ? A moins que la causa sui cartésienne soit elle-aussi un ballon d'essai d'origine néoplatonicienne pour dépasser une logique ramiste devenue insuffisante (c'est la thèse de Robinet) ?
L'autoconstitution de l'Etant absolument infini au début de l'Ethique s'inscrit-elle dans une problématique aristotélicienne de l'essence et de l'être ou dans celle de l'Un néoplatonicien ? Ou les deux ?
Personne n'a encore pu répondre convenablement à ces questions.

La chose est d'autant plus difficile que nous connaissons le néoplatonisme selon une perspective occidentale et latine qui, après en avoir intégré une partie, rejette cette école dans les affres de la spiritualité orientale gréco-arabe. Or, s'il y a une filiation néoplatonicienne de Spinoza, celle-ci passe forcément par l'Orient et non par la lecture thomiste des néoplatoniciens.

Cet imbroglio fait en sorte que jusqu'ici on peut trouver autant de filiations néoplatonicienne de Spinoza qu'on voudra par analogie ou ressemblance ou, au mieux, selon une identité de structure (par exemple pour Gabirol ou Bruno) mais fort rarement en s'appuyant sur une véritable étude philologique.


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