Messagepar Vanleers » 20 sept. 2014, 14:58
François Roustang, dans un passage de Savoir attendre (Odile Jacob 2008), définit clairement ce qu’est l’induction hypnotique et ce qu’elle vise :
« L’induction a pour visée la destruction de notre système de coordonnées figé ou restreint et, par le fait même, de nous ouvrir, fût-ce quelques instants, à un nouveau complexe relationnel souple et ample. La force qui est alors ressentie naît du fait que nous ne disposons plus seulement de nos propres forces, mais de toutes celles qui nous sont octroyées par le réseau multiforme dans lequel nous sommes placés et par lequel nous acceptons d’être façonnés. La force ou la faiblesse d’un vivant humain est une fonction relationnelle. Si les liens aux autres et au monde sont limités en nombre et en qualité, ou bien s’ils reproduisent toujours les mêmes formes, nous demeurons exténués, au bord de la dépression ; si, au contraire, ces liens sont innombrables et toujours prêts à s’adapter aux fluctuations de l’environnement, alors la puissance est à notre porte.
Le lâcher-prise que suscite l’induction, dans une cure qui utilise l’hypnose, a précisément pour effet d’ouvrir les portes et les fenêtres de notre demeure pour laisser pénétrer le souffle porteur de toutes les formes d’autres vies. » (pp. 35-36)
Relevons les points de convergence avec Spinoza.
L’Ethique, elle aussi, vise à nous libérer de « notre système de coordonnées figé ou restreint » Elle insiste sur la vertu de l’enrichissement :
« Ce qui dispose le Corps humain a pouvoir être affecté de plus de manières, ou ce qui le rend apte à affecter les corps extérieurs de plus de manières, est utile à l’homme : et d’autant plus utile qu’il rend le Corps plus apte à être affecté, et à affecter les corps extérieurs, de plus de manières ; et est nuisible, au contraire, ce qui y rend le Corps moins apte. » (E IV 38 – voir aussi E II 14 et E V 39)
Le sage a conscience (connaissance) de la richesse de ses « liens aux autres et au monde » et, à la fin de l’Ethique, Spinoza insistera sur la conscience de soi, de Dieu et des choses : trois fois dans le scolie d’E V 39 et une fois dans celui d’E V 42.
Alors que « Nous sommes figés dans nos problèmes d’existence parce que nous avons réduit [la] situation [actuelle] a un nombre limité de facteurs auxquels nous sommes habitués » (op. cit. p. 151), Spinoza expose, dans la cinquième partie de l’Ethique, les moyens de débloquer les situations qui nous attristent (qui restreignent notre puissance).
Il en fait une première synthèse dans le scolie d’E V 10 et il est frappant de constater qu’il s’agit, à chaque fois, de passer outre, de dépasser les conflits auxquels nous sommes accrochés, de nous en dés-inter-esser.
Les conflits sont alors résolus en les replaçant dans un cadre plus large, plus riche dans lequel « leur pauvreté et leur rigidité se dissolvent » (ibid.)
Même si F. Roustang écrit que « les humains tiennent plus à leurs souffrances qu’à leur bonheur » (ibid. p. 53), Spinoza termine le scolie par un mot d’encouragement :
« Et qui observera diligemment cela (et en effet ce n’est pas difficile) et s’y exercera, celui-là oui, en peu de temps il pourra diriger la plupart de ses actions sous l’empire de la raison »