La méditation de pleine conscience a d’abord été développée à des fins thérapeutiques aux Etats-Unis par Jon Kabat-Zinn.
Elle utilise quatre moyens simples :
1) être attentif à sa respiration
2) être attentif à son corps
3) être attentif aux sons qui nous parviennent
4) être attentif aux pensées qui surviennent et qui nous sortent de l’exercice d’attention des points 1, 2 et 3.
On en trouve une description en :
http://christopheandre.com/meditation_C ... o_2010.pdf
Que dit Spinoza, dans l’Ethique, à propos de la méditation ?
Ce mot n’y a que 5 occurrences :
- fin de la partie I
- II 40 sc. 1
- IV 20 fin du scolie
- IV 67 proposition et démonstration
- V 10
La proposition E IV 67 énonce :
« L’homme libre ne pense à aucune chose moins qu’à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie. »
La méditation de pleine conscience est une méditation concrète de la vie puisqu’il s’agit de prendre conscience que l’on est un être vivant.
N’est-elle pas un moyen qui s’ajoute à ceux que décrit la partie V de l'Ethique aux fins de « réprimer et maîtriser les affects » ?
Ethique et méditation de pleine conscience
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Re: Ethique et méditation de pleine conscience
Le plus étonnant est qu'il ait fallu théoriser une telle chose.
- hokousai
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Re: Ethique et méditation de pleine conscience
C'est un médecin archi compétent et hyper sérieux.(voir sa fiche wikipédia)Tous les ans, il dirige des retraites de méditation de pleine conscience
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jon_Kabat-Zinn
Moi ce que je me demande ingénument
c'est
1) ce que pourrait signifier la méditation a demi consciente ou sans conscience du tout ?
2) Si ce genre de méditation obscure a été déjà préconisée ?
3) et si ce n'est pas le cas pourquoi alors présenterait-on la méditation de pleine conscience comme une nouveauté ?


( Mindfulness =de pleine conscience" pourrait d' ailleurs être traduit par "en pleine conscience" )
- Vanleers
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Re: Ethique et méditation de pleine conscience
La méditation de pleine conscience est un remède aux affects consistant à focaliser son attention sur le corps vivant hic et nunc et, ainsi, de prendre conscience d’être une expression particulière de la Vie, c’est-à-dire de Dieu.
C’est une façon de remettre le corps dans le jeu, alors que, dans l’Ethique, le salut est surtout l’affaire de l’esprit, ce que remarque Pierre Macherey dans une note de son commentaire d’E V 39 :
« Il reste que cette égalité [du corps et de l’âme], qu’il faut sans cette réaffirmer, est aussi sans cesse remise en cause, ou tout au moins oubliée, d’où la nécessité de la réaffirmer : comme nous en avons déjà fait la remarque, la présence du corps est indiquée dans le texte de l’Ethique comme en pointillé, sur une sorte de ligne d’accompagnement, l’exécution de la mélodie principale restant réservée à l’âme. » (Introduction… V p. 182)
La méditation de pleine conscience est quelque chose de très simple connu depuis au moins 2000 ans. En faire un remède aux affects et la rattacher à l’Ethique ne signifie pas que cette dernière soit l’une de ces techniques du bien-être qui ont prospéré outre-Atlantique avant de déferler en Europe.
L’Ethique est plutôt une vision du monde (Weltanschauung) au sens qu’en donne Freud,en 1932, dans la trente-cinquième Conférence Sur une Weltanschauung :
« Une Weltanschauung est une construction intellectuelle qui résout de façon homogène tous les problèmes de notre existence à partir d’une hypothèse qui commande le tout, où par conséquent aucun problème ne reste ouvert et où tout ce à quoi nous nous intéressons trouve sa place déterminée. »
C’est une façon de remettre le corps dans le jeu, alors que, dans l’Ethique, le salut est surtout l’affaire de l’esprit, ce que remarque Pierre Macherey dans une note de son commentaire d’E V 39 :
« Il reste que cette égalité [du corps et de l’âme], qu’il faut sans cette réaffirmer, est aussi sans cesse remise en cause, ou tout au moins oubliée, d’où la nécessité de la réaffirmer : comme nous en avons déjà fait la remarque, la présence du corps est indiquée dans le texte de l’Ethique comme en pointillé, sur une sorte de ligne d’accompagnement, l’exécution de la mélodie principale restant réservée à l’âme. » (Introduction… V p. 182)
La méditation de pleine conscience est quelque chose de très simple connu depuis au moins 2000 ans. En faire un remède aux affects et la rattacher à l’Ethique ne signifie pas que cette dernière soit l’une de ces techniques du bien-être qui ont prospéré outre-Atlantique avant de déferler en Europe.
L’Ethique est plutôt une vision du monde (Weltanschauung) au sens qu’en donne Freud,en 1932, dans la trente-cinquième Conférence Sur une Weltanschauung :
« Une Weltanschauung est une construction intellectuelle qui résout de façon homogène tous les problèmes de notre existence à partir d’une hypothèse qui commande le tout, où par conséquent aucun problème ne reste ouvert et où tout ce à quoi nous nous intéressons trouve sa place déterminée. »
- Vanleers
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Re: Ethique et méditation de pleine conscience
Jon Kabat-Zinn a introduit dans sa pratique médicale ce qu’il appelle la MBSR (Mindfulness-based stress reduction) ou réduction du stress basée sur la pleine conscience.
Wikipédia définit le stress comme suit :
« Le stress (issu par l'anglais de l'ancien français destresse) est, en biologie, l'ensemble des réponses d'un organisme soumis à des pressions ou contraintes de la part de son environnement. Ces réponses dépendent toujours de la perception qu'a l'individu des pressions qu'il ressent. Selon la définition médicale, il s'agit d'une séquence complexe d’événements provoquant des réponses physiologiques, psychosomatiques. Par extension tous ces événements sont également qualifiés de stress. Dans le langage courant, on parle de stress positif (eustress en anglais) ou négatif (distress). Le stress est différent de l'anxiété, celle-ci est une émotion alors que le stress est un mécanisme de réponse pouvant amener différentes émotions, dont l'anxiété. »
Est-il question d’anxiété dans l’Ethique ?
La notion n’y apparaît que deux fois que Misrahi traduit par angoisse :
- dans le scolie d’E IV 58 :
« […] c’est pourquoi celui qui se glorifie de l’opinion de la foule est angoissé par un souci quotidien » (ut qui vulgi opinione gloriatur, quotidiana cura anxius nitatur)
- dans le scolie d’E V 20 :
« […] on n’est jamais soucieux ou angoissé que pour une chose qu’on aime » (nam nemo de re ulla, nisi quam amat, sollicitus, anxiusve est)
Mais l’angoisse n’est pas définie dans l’Ethique, sauf à traduire timor, le plus souvent rendu par « peur » par « angoisse », ce que fait Pierre Macherey et que salue Jean-Marie Vaysse en :
https://philonsorbonne.revues.org/410
« La peur [timor] introduit ainsi dans la crainte [metus] une dimension stratégique de calcul d’intérêt qui se phénoménalise comme une anxiété. C’est ce qui d’ailleurs permet à P. Macherey de traduire timor par « angoisse ». »
Avec P. Macherey, on traduira donc E III Déf Aff. 39 comme suit :
« L’angoisse [timor] est le désir d’éviter par un moindre mal un mal plus grand que nous craignons [quod metuimus] ».
Or, Spinoza définit le désir comme l’appétit conscient, l’appétit étant le conatus quand on le rapporte à la fois à l’esprit et au corps. Le désir, et donc l’angoisse, est un affect psychophysique qui concerne à la fois l’esprit et le corps.
Dans un cadre spinoziste, il n’est donc pas nécessaire, comme le fait Wikipédia dans sa définition du stress, de scinder émotion et mécanisme corporel de réponse.
En résumé, la méditation de pleine conscience, qui est censée réduire le stress, peut être intégrée à l’Ethique comme remède à l’angoisse (timor), nom spinoziste du stress.
Wikipédia définit le stress comme suit :
« Le stress (issu par l'anglais de l'ancien français destresse) est, en biologie, l'ensemble des réponses d'un organisme soumis à des pressions ou contraintes de la part de son environnement. Ces réponses dépendent toujours de la perception qu'a l'individu des pressions qu'il ressent. Selon la définition médicale, il s'agit d'une séquence complexe d’événements provoquant des réponses physiologiques, psychosomatiques. Par extension tous ces événements sont également qualifiés de stress. Dans le langage courant, on parle de stress positif (eustress en anglais) ou négatif (distress). Le stress est différent de l'anxiété, celle-ci est une émotion alors que le stress est un mécanisme de réponse pouvant amener différentes émotions, dont l'anxiété. »
Est-il question d’anxiété dans l’Ethique ?
La notion n’y apparaît que deux fois que Misrahi traduit par angoisse :
- dans le scolie d’E IV 58 :
« […] c’est pourquoi celui qui se glorifie de l’opinion de la foule est angoissé par un souci quotidien » (ut qui vulgi opinione gloriatur, quotidiana cura anxius nitatur)
- dans le scolie d’E V 20 :
« […] on n’est jamais soucieux ou angoissé que pour une chose qu’on aime » (nam nemo de re ulla, nisi quam amat, sollicitus, anxiusve est)
Mais l’angoisse n’est pas définie dans l’Ethique, sauf à traduire timor, le plus souvent rendu par « peur » par « angoisse », ce que fait Pierre Macherey et que salue Jean-Marie Vaysse en :
https://philonsorbonne.revues.org/410
« La peur [timor] introduit ainsi dans la crainte [metus] une dimension stratégique de calcul d’intérêt qui se phénoménalise comme une anxiété. C’est ce qui d’ailleurs permet à P. Macherey de traduire timor par « angoisse ». »
Avec P. Macherey, on traduira donc E III Déf Aff. 39 comme suit :
« L’angoisse [timor] est le désir d’éviter par un moindre mal un mal plus grand que nous craignons [quod metuimus] ».
Or, Spinoza définit le désir comme l’appétit conscient, l’appétit étant le conatus quand on le rapporte à la fois à l’esprit et au corps. Le désir, et donc l’angoisse, est un affect psychophysique qui concerne à la fois l’esprit et le corps.
Dans un cadre spinoziste, il n’est donc pas nécessaire, comme le fait Wikipédia dans sa définition du stress, de scinder émotion et mécanisme corporel de réponse.
En résumé, la méditation de pleine conscience, qui est censée réduire le stress, peut être intégrée à l’Ethique comme remède à l’angoisse (timor), nom spinoziste du stress.
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Re: Ethique et méditation de pleine conscience
Malheureusement, nombreux sont ceux qui s'emparent de l'idée d'une technique pour mieux ne jamais découvrir ce qui fait l'essence de la méditation.
- Vanleers
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Re: Ethique et méditation de pleine conscience
Que voulez-vous dire ? Qu’est-ce que l’essence de la méditation ?
-
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Re: Ethique et méditation de pleine conscience
Vanleers a écrit :Que voulez-vous dire ? Qu’est-ce que l’essence de la méditation ?
Bonjour Vanleers,
“Choiceless awareness”
- Vanleers
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Re: Ethique et méditation de pleine conscience
Bonjour Krishnamurti
C’est un peu court.
Pouvez-vous être plus explicite, nous dire si ça s’articule à l’éthique de Spinoza et, si oui, de quelle façon ?
C’est un peu court.
Pouvez-vous être plus explicite, nous dire si ça s’articule à l’éthique de Spinoza et, si oui, de quelle façon ?
- Vanleers
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Re: Ethique et méditation de pleine conscience
La méditation de pleine conscience pourrait être simplement considérée comme un moyen, parmi d’autres, de « se refaire et recréer ».
Dans le scolie du deuxième corollaire d’E IV 45, Spinoza écrit que :
« Il est d’un homme sage de se refaire et recréer en mangeant et buvant de bonnes choses modérément, ainsi qu’en usant des odeurs, de l’agrément des plantes vertes, de la parure, de la musique, des jeux et exercices du corps, des théâtres et autres choses de ce genre dont chacun peut user sans aucun dommage pour autrui ».
Si Spinoza avait vécu aujourd’hui, peut-être aurait-il ajouté à cette liste le jogging et la méditation de pleine conscience.
Mais on peut également envisager la méditation de pleine conscience comme un moyen fort de réduire le stress (timor). Or, on sait que :
« Un affect ne peut être réprimé ni supprimé si ce n’est par un affect contraire et plus fort que l’affect à réprimer » (E IV 7)
La méditation de pleine conscience produit-elle un affect contraire plus fort que la timor et, si oui, lequel ?
C’est sans doute l’acquiescentia dont parle l’Ethique et qui, selon Pierre Macherey :
« […] exprime un ensemble subtil de nuances affectives dans lesquelles dominent les impressions de tranquillité et de sécurité associées généralement à l’idée de « repos » (quies). Il est particulièrement difficile de rendre par un terme français unique cette notion qui évoque, selon les cas, un état d’apaisement ou d’assurance que rien ne peut troubler ». (Introduction … V p. 139)
Mais ne pensons pas que la méditation de pleine conscience « produise » cette acquiescentia. Nous ne faisons que prendre conscience d’un sentiment intérieur qui est toujours déjà là.
Dans le scolie du deuxième corollaire d’E IV 45, Spinoza écrit que :
« Il est d’un homme sage de se refaire et recréer en mangeant et buvant de bonnes choses modérément, ainsi qu’en usant des odeurs, de l’agrément des plantes vertes, de la parure, de la musique, des jeux et exercices du corps, des théâtres et autres choses de ce genre dont chacun peut user sans aucun dommage pour autrui ».
Si Spinoza avait vécu aujourd’hui, peut-être aurait-il ajouté à cette liste le jogging et la méditation de pleine conscience.
Mais on peut également envisager la méditation de pleine conscience comme un moyen fort de réduire le stress (timor). Or, on sait que :
« Un affect ne peut être réprimé ni supprimé si ce n’est par un affect contraire et plus fort que l’affect à réprimer » (E IV 7)
La méditation de pleine conscience produit-elle un affect contraire plus fort que la timor et, si oui, lequel ?
C’est sans doute l’acquiescentia dont parle l’Ethique et qui, selon Pierre Macherey :
« […] exprime un ensemble subtil de nuances affectives dans lesquelles dominent les impressions de tranquillité et de sécurité associées généralement à l’idée de « repos » (quies). Il est particulièrement difficile de rendre par un terme français unique cette notion qui évoque, selon les cas, un état d’apaisement ou d’assurance que rien ne peut troubler ». (Introduction … V p. 139)
Mais ne pensons pas que la méditation de pleine conscience « produise » cette acquiescentia. Nous ne faisons que prendre conscience d’un sentiment intérieur qui est toujours déjà là.
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