Bonjour,
Quelqu'un pourrait-il me renseigner sur le spiritualisme de Spinoza?
Le spiritualisme assume diverses formes selon les auteurs, de Platon à Bergson, en passant par Aristote et Leibniz, et il est regrettable de l'identifier aux sottises de Descartes.
Cordialement,
Yves M
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spiritualisme
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Je ne connais pas à première vue de commentateur ayant traité d'un 'spiritualisme' chez Spinoza.
Le spiritualisme de Bergson par exemple ne suppose pas un dualisme ontologique comme chez Descartes. Soit. Chez Bergson, l'élan créateur est aussi bien au fond de la vie physiologique que de la vie de l'esprit. L'instinct ne serait que la rigidification de l'élan vital et si je ne m'abuse, l'intelligence spatiale et utilitaire ne serait qu'un degré de souplesse supérieure, mais de même nature fondamentale que l'instinct. C'est donc
sur une opposition de la vie animale et de la vie proprement humaine que repose le spiritualisme. Mais c'est par accident en quelque sorte que la vie première s'engourdit dans l'habitude, par une déperdition de sa puissance d'exister pour parler le spinozien, par la quantité donc et non par nature.
Cette idée d'une continuité entre les vivants, avec cependant des seuils quantitatifs qui produisent de nouvelles qualités ou essences est certainement présente chez Spinoza. Dans ses [i]Essais spinozistes[/i], Sylvain Zac avait d'ailleurs développé en ce sens une comparaison systématique des thèmes bergsoniens et spinozistes. La natura naturans de
Spinoza se rapprocherait de l'élan vital de Bergson avec certaines différences notables : l'élan vital est d'essence psychique, d'où dans la tradition française le terme de 'spiritualisme' alors que la natura naturans est à la fois pensée et étendue (mais étendue
dynamique contrairement à ce que croit comprendre Bergson de l'étendue spinoziste) ; et la natura naturans est infinie tandis que l'élan vital est fini, ce qui explique qu'il puisse se dégrader dans l'instinct (ce dont il ne saurait être question dans le cadre d'une affirmation éternelle et infinie de soi de la nature).
Si cependant on en revient à la signification exacte du terme de [i]spiritus[/i] en latin, que Spinoza emploie fort rarement, contrairement à [i]mens[/i] (voir mon article à ce sujet), l'usage qu'il a de ce terme (TTP, chap. I, E4P68s et dans une certaine mesure la réf. aux 'esprits animaux' de Descartes dans E5, préface) renvoit globalement à ce qu'il dit du [i]conatus[/i], l'affirmation singulière et finie de soi de la [i]natura naturans[/i]. Il y aurait donc un spiritualisme en ce sens mais s'il n'y a guère de sens à en parler chez Spinoza, c'est que ce spiritualisme ne s'oppose d'abord pas à un matérialisme ni à un mécanisme.
Cordialement,
Henrique
Le spiritualisme de Bergson par exemple ne suppose pas un dualisme ontologique comme chez Descartes. Soit. Chez Bergson, l'élan créateur est aussi bien au fond de la vie physiologique que de la vie de l'esprit. L'instinct ne serait que la rigidification de l'élan vital et si je ne m'abuse, l'intelligence spatiale et utilitaire ne serait qu'un degré de souplesse supérieure, mais de même nature fondamentale que l'instinct. C'est donc
sur une opposition de la vie animale et de la vie proprement humaine que repose le spiritualisme. Mais c'est par accident en quelque sorte que la vie première s'engourdit dans l'habitude, par une déperdition de sa puissance d'exister pour parler le spinozien, par la quantité donc et non par nature.
Cette idée d'une continuité entre les vivants, avec cependant des seuils quantitatifs qui produisent de nouvelles qualités ou essences est certainement présente chez Spinoza. Dans ses [i]Essais spinozistes[/i], Sylvain Zac avait d'ailleurs développé en ce sens une comparaison systématique des thèmes bergsoniens et spinozistes. La natura naturans de
Spinoza se rapprocherait de l'élan vital de Bergson avec certaines différences notables : l'élan vital est d'essence psychique, d'où dans la tradition française le terme de 'spiritualisme' alors que la natura naturans est à la fois pensée et étendue (mais étendue
dynamique contrairement à ce que croit comprendre Bergson de l'étendue spinoziste) ; et la natura naturans est infinie tandis que l'élan vital est fini, ce qui explique qu'il puisse se dégrader dans l'instinct (ce dont il ne saurait être question dans le cadre d'une affirmation éternelle et infinie de soi de la nature).
Si cependant on en revient à la signification exacte du terme de [i]spiritus[/i] en latin, que Spinoza emploie fort rarement, contrairement à [i]mens[/i] (voir mon article à ce sujet), l'usage qu'il a de ce terme (TTP, chap. I, E4P68s et dans une certaine mesure la réf. aux 'esprits animaux' de Descartes dans E5, préface) renvoit globalement à ce qu'il dit du [i]conatus[/i], l'affirmation singulière et finie de soi de la [i]natura naturans[/i]. Il y aurait donc un spiritualisme en ce sens mais s'il n'y a guère de sens à en parler chez Spinoza, c'est que ce spiritualisme ne s'oppose d'abord pas à un matérialisme ni à un mécanisme.
Cordialement,
Henrique
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Cher Henrique,
Merci pour vos précisions. Je viens d'acquérir, pour la somme fantastique de 3$, une édition de l'Éthique de Spinoza. Après que je l'aurai lue, je serai apte à faire des commentaires plus profonds et plus pertinents. Vous connaissez l'édition traduite et (pauvrement) commentée par Roland Caillois? 1954, Éditions Gallimard, collection Idées
Cordialement,
Yves M
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Merci pour vos précisions. Je viens d'acquérir, pour la somme fantastique de 3$, une édition de l'Éthique de Spinoza. Après que je l'aurai lue, je serai apte à faire des commentaires plus profonds et plus pertinents. Vous connaissez l'édition traduite et (pauvrement) commentée par Roland Caillois? 1954, Éditions Gallimard, collection Idées
Cordialement,
Yves M
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Bonjour Yves,
Oui je connais bien cette traduction de Caillois que j'utilise assez souvent parce que c'est également celle qu'on trouve dans l'édition de la Pléïade.
Merci pour le site sur St Thomas que je ne connaissais pas et qui est riche de contenu. Connaissez vous Van Steenberghen et sa [i]Philosophie fondamentale[/i] largement inspirée du thomisme ?
Henrique
Oui je connais bien cette traduction de Caillois que j'utilise assez souvent parce que c'est également celle qu'on trouve dans l'édition de la Pléïade.
Merci pour le site sur St Thomas que je ne connaissais pas et qui est riche de contenu. Connaissez vous Van Steenberghen et sa [i]Philosophie fondamentale[/i] largement inspirée du thomisme ?
Henrique
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Exact. Si l'âme, (Spinoza emploie le terme de [i]mens[/i] à distinguer de [i]anima[/i] et de [i]Spiritus[/i], voir [url=http://www.spinozaetnous.org/modules.php?name=News&file=article&sid=5]cet article[/url]), si l'âme ou plutôt le mental n'est que l'idée du corps, elle disparaît du point de vue de la durée quand le corps est détruit.
Il faut cependant préciser que le mental comporte une partie éternelle - ce qui n'est pas l'immortalité - comme le montre la V° partie de l'Ethique.
Cordialement,
Henrique
Il faut cependant préciser que le mental comporte une partie éternelle - ce qui n'est pas l'immortalité - comme le montre la V° partie de l'Ethique.
Cordialement,
Henrique
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