Ils répondent aux problèmes philosophiques de manière plus analogue que je ne le pensais. Je pars de cet indice de Bergson, lorsqu'il proclame que tout philosophe a deux philosophies, celle de Spinoza et la sienne.
Bergson, sa vie durant, ne cessera de répondre de manière superficiellement négative à Spinoza. On pourait croire qu'il répond biologie contre physique, mouvement contre statique, liberté contre détermination. Tous deux partagent une même ambition: la déconstruction philosophique du sujet pensant.
Première intuition: conatus et durée.
On a coutume de dire que Bergson découvrit le concept de durée lors d'un cours sur les paradoxes de Zénon d'Elée.
Je me plais à croire qu'il n'en est rien, et que tout est contenu dans le fameux "persevare" du conatus de Spinoza (E III,7): "Conatus, quo unaquaeque res in suo esse perseverare conatur, nihil est praeter ipsius rei actualem essentiam".
Le terme perseverare possède au XVIIe une dimension durative. Vivre, c'est d'abord s'efforcer de durer.
Spinoza, affronté à la maladie, insère une dimension particulière dans la proposition 7 de la troisième partie. Nul mieux que lui n'a surmonté la perte du père, de la mère, le malheur de la ruine, la fatalité de l'ostracisme des sien, mais, surtout, l'épreuve continuée de cette maladie respiratoire, qui, à chaque souffle, confère sa dimension d'effort.
Donc, durée chez Spinoza, qui doit s'éprouver sur le mode de l'éternité. Car, finalement, qu'est-ce que cette éternité promise dans la cinquième partie de l'Ethique, sinon cette pensée continuée de l'arrachement au temps en soi, c'est à dire cette a - temporalité présente partout au monde?
Durée qui sera, chez Bergson, la pierre angulaire de ce système philosophique de déconstruction du sujet.
Y-a-t-til donc, selon vous, un possible rapprochement entre les deux philosophes, au-delà du prétendu matérialisme de SPinoza (dont lui-même se défendait avec véhémence), et du spiritualisme de Bergson?
Petit clin d'oeil à mes amis belges, qui ne lisent pas à l'université le philosophe français, malheureusement...


