Je ne sais pas si les questions stylistiques sont importantes mais j'ai essayé de trouver un style rappelant la concision et la netteté latine. Pour "raccourcir" le français qui est plus "long" ne serait-ce que par l'usage des articles, je n'hésite donc pas à faire des ellipses notamment pour "sive" et "hoc est". A vous de voir si l'effet est perceptible et/ou intéressant.
Je souligne les points commentés. Les commentaires sont en italiques.
Henrique a écrit :I. Par cause de soi, je comprends ce dont l'essence enveloppe l'existence, en d'autres termes, ce dont la nature ne peut être conçue que comme existante.
I. Par cause de soi, j'entends ce dont l'essence enveloppe l'existence,[__] ce dont la nature ne peut être conçue que d'un existant.
[- ellipse de "sive"
- je ne sais pas si c'est moi, mais lorsque je lis "existante", j'ai l'impression qu'on parle de la nature du "ce" et pas du "ce" lui-même. Dire : "la nature de ceci est existante", n'est pas "ceci a pour nature d'être existant". Mais c'est peut-être ma lecture qui est bizarre...]
Henrique a écrit :II. Une chose est dite finie en son genre lorsqu'elle peut être limitée par une autre chose de même nature. Par exemple, un corps est dit fini parce que nous pouvons toujours en concevoir un autre plus grand. De même, une cogitation est limitée par une autre cogitation. Mais un corps n'est pas limité par une cogitation, ni une cogitation par un corps.
II. Une chose est dite finie en son genre lorsqu'une [__] chose de même nature peut la limiter. Par exemple, un corps est dit fini parce que nous en concevons toujours un plus grand. De même, une cogitation est limitée par une autre cogitation. Mais un corps n'est pas limité par une cogitation, ni une cogitation par un corps.
[ellipse du "autre" pour alléger la phrase]
Henrique a écrit :III. Par susbtance, je comprends ce qui est en soi et se conçoit par soi, c'est-à-dire ce dont le concept n'a pas besoin du concept d'une autre chose pour être formé.
III. Par substance, j'entends ce qui est en soi et par soi se conçoit,[__] ce dont le concept n'a pas besoin du concept d'une autre chose pour être formé.
[ellipse de "hoc est"]
Henrique a écrit :IV. Par attribut, je comprends ce que l'intellect perçoit d'une substance comme constituant son essence.
IV. Par attribut, j'entends ce que l'Intelligence perçoit d'une substance comme constituant son essence.
["intellect" me semble souffrir d'une connotation abstraite et tendre à l'intellectualisme. Intelligence (majuscule pour les termes au sens non-commun), ouvrirait sur les affects et l'intuition du 3e genre de connaissance.]
Henrique a écrit :V. Par mode, je comprends les affections d'une substance, en d'autres termes, ce qui est en autre chose et se conçoit également par cette autre chose.
V. Par mode, j'entends les affections d'une substance, autrement dit ce qui est en une autre chose et par laquelle, aussi, elle se conçoit.
["autrement dit" : variation sur "sive" pour amorcer une définition que j'ai toujours trouvé difficile. Je ne sais pas si mon essai est plus clair que les autres...]
Henrique a écrit :VI. Par Dieu, j'entends un étant absolument infini, c'est-à-dire, une substance consistant en une infinité d'attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie.
Explication. Je dis absolument infini, et non pas infini en son genre car nous pouvons nier une infinité d'attributs de ce qui est seulement infini en son genre ; alors que tout ce qui exprime une essence et n'enveloppe aucune négation se rapporte à l'essence de ce qui est absolument infini.
VI. Par Dieu, j'entends un étant infini dans l'absolu, [__] une substance consistant en une infinité d'attributs dont chacun exprime une éternelle et infinie essence.
Explication : je dis infini dans l'absolu, et non pas en son genre. Pour tout ce qui est infini seulement en son genre, nous pouvons nier une infinité d'attributs ; mais pour ce qui est infini dans l'absolu, se rapporte à son essence tout ce qui exprime une essence et n'enveloppe nulle négation.
["Dans l'absolu" plutôt que "absolument" pour faire echo au "en son genre". Ellipse de "hoc est". Et sinon, je reste plus près de la syntaxe latine en essayant de garder un cachet un peu ancien.]
Henrique a écrit :VII. Une chose est dite libre lorsqu'elle existe par la seule nécessité de sa nature et n'est déterminée que par elle-même à agir. On appelle au contraire nécessaire, ou plutôt contrainte, celle qui est déterminée par une autre à exister et à oeuvrer selon une raison précise et déterminée.
VII. Une chose est dite libre, qui existe de la seule nécessité de sa nature et qui par elle seule se détermine à agir ; mais nécessaire, ou plutôt contrainte, celle qui par une autre est déterminée à exister et à opérer selon une règle certaine et déterminée.
[maintien du constrate ex-a par un contraste de-par.
Forme positive pour "determinatur".
"opérer" pour "operandum".
Il y a une divergence entre la version latine de Meijer et celle de G. Louise : chez Louise on a un point après "determinatur" et ici un ":". J'ai fait original : j'ai mis un point-virgule.
"règle" plutôt que "raison". Selon G. Louïse, "ratione" a plusieurs fois le sens de "manière, façon", notamment dans l'expression "certa ac determinata ratione". "Règle" me semble conserver le rapport à la raison et permettre de s'orienter vers l'autre sens.
"certaine" plutôt que "précise" : il me semble que déterminé implique déjà la notion de précise, et par "certaine" on fait passer l'idée de nécessité.
]
Henrique a écrit :VIII. Par éternité, je comprends l'existence elle-même, en tant qu'elle est conçue comme suivant nécessairement de la seule définition d'une chose éternelle.
Explication : Une telle existence est en effet conçue comme vérité éternelle, de même que l'essence de la chose ; c'est pourquoi elle ne peut être expliquée par la durée ou le temps, quand bien même on concevrait une durée sans commencement ni fin.
VIII. Par éternité, j'entends l'existence même, en tant qu'elle se conçoit comme suivant nécessairement de la seule définition d'une chose éternelle.
Explication : Une telle existence en effet, se conçoit comme vérité éternelle de même que l'essence de la chose, ce pourquoi elle ne peut s'expliquer par la durée ou le temps, quand bien même la durée se concevrait sans début ni fin.
["se conçoit" plutôt que "est conçu" : il s'agit de conserver l'esprit du passif de "concipitur" et d'éviter qu'on identifie la conception au travail d'un sujet qui concevrait la chose.]
P.S. : pour la discussion du vocabulaire, on reste là où les discussions ont été initiées ou bien on regroupe les questions sur le fil "Lexique" ?