voici une réponse un peu plus tard que voulu .. .
Spinoza_Powa a écrit :J'ai appris beaucoup plus en 20 minutes de lecture qu'en 10 ans d'école![]()
N'oublie pas que l'école n'est pas vraiment faite pour satisfaire au désir de comprendre de jeunes hommes comme toi ...

Car si à tes 13 ans tu as visiblement déjà tout ce qu'il faut pour pouvoir bien ressentir la "flamme de la philosophie", comme l'appelle Platon, tu auras sans doute déjà compris aussi que pour la majorité des enfants de ton âge ce n'est pas toujours le cas. Or l'école est une institution "démocratique", ce qui signifie qu'elle a pour premier but de faciliter l'accès aux études à un maximum d'enfants, c'est-à-dire d'éveiller maximalement le désir de comprendre chez chacun, aussi chez ceux qui vivent dans des circonstances qui le rendent parfois particulièrement difficile de cultiver un tant soit peu ce désir.
D'autre part .. tu n'es pas obligé de "limiter" ce que tu apprends à l'école à ce que tes professeurs te disent .. . Car un deuxième but de l'école, c'est de permettre à des enfants qui parfois sont très différents d'apprendre à s'intéresser les uns aux autres, à vivre ensemble (tout comme dans la société des adultes il faut aussi tout un apprentissage pour pouvoir vivre ensemble), à s'entre-aider ... .
Or pour pouvoir aider quelqu'un, il faut non seulement ne pas le "juger" trop vite, mais surtout aussi faire beaucoup d'efforts pour comprendre comment il fonctionne, dans quel monde il vit, pourquoi, quand un enseignant explique quelque chose, certains ne semblent pas du tout comprendre ce qui te semble pourtant être tout à fait clair et logique

C'est bien à cela qu'un enseignant doit tout autant penser qu'à l'idée de comment "nourrir" intellectuellement ceux qui ont déjà un grand envie d'apprendre. Mais, comme tu l'auras peut-être déjà découvert toi-même ... rien n'empêche qu'un élève qui trouve que les cours sont parfois assez ennuyeux ou vont trop lentement s'occupe lui aussi un peu, à sa façon, des élèves qui ont davantage de difficultés, afin d'essayer de comprendre comment cela se fait et comment contribuer un peu à "augmenter" leur "puissance de penser et d'agir", ce qui, comme le dit Spinoza, ne pourra qu'augmenter ta propre puissance de penser et donc ton "intelligence" du monde, non ... ?
Spinoza_¨Powa a écrit :Merci Louisa ! Tu m'as fait comprendre que Spinoza n'était pas le seul philosophe et qu'il ne détenais pas la " sagesse " elle même. J'ai une subite envie ( une envie adéquate ! ) de lire tout ce qui a pu se faire en matière de philosophie.
Tu as tout à fait compris l'essentiel de ce que je voulais dire!
Car en effet, Spinoza n'est absolument pas le seul philosophe, et comme tout philosophe, il est moins lui-même un "sage" (au sens de Platon (donc au sens "platonicien") de quelqu'un qui aurait une fois pour toutes tout compris, qui possèderait un savoir parfait et achevé) que quelqu'un qui essaie d'inventer un nouveau "concept", une nouvelle Idée de ce que cela pourrait être pour un homme, la "sagesse".
Comme tu le sais, Spinoza reprend, pour fabriquer son Idée de la sagesse, la notion de "béatitude", qui en Occident a déjà une trèèès longue histoire. Si tu as envie de savoir un peu ce que d'autres très grands philosophes ont pu proposer à ce sujet, tu liras certainement avec plaisir le livre La Béatitude d'un autre philosophe très passionnant qui s'appelle Thomas d'Aquin (il s'agit de ce qu'on appelle le livre "IaIIaeQu1-5" de la Somme Théologique, son chef d'oeuvre qui traite un peu de tout; le livre sur la béatitude est publié séparément chez les Editions du Cerf). Tu vas voir qu'au début on dirait que cela ressemble un peu à ce qu'en dit Spinoza, mais plus tu lis, plus tu constateras les différences.
Spinoza_Powa a écrit :" D'autres gens ne seront pas du tout d'accord. " Alors qu'ils s'expriment ! Je pense que ma question a été répondue plus que correctement.
oui on pourrait le dire, mais il y a tout de même un petit problème. C'est que souvent ceux qui trouvent que la philosophie est malgré tout de l'ordre d'une sagesse, justement, ne s'expriment pas toujours si facilement. Car souviens-toi qu'on avait dit qu'un philosophe cherche des concepts de la façon la plus "rationnelle" possible. Cela veut dire que pour lui, remettre une croyance en question, en discuter à fond etc, c'est un grand plaisir, une grande source de bonheur, car cela lui permet tôt ou tard d'avancer, d'acquérir toujours un nouveau savoir.
Cependant, le sage (ou celui qui s'en inspire, son élève), lui il n'a pas du tout la même idée là-dessus. Pour lui, l'essentiel du savoir étant déjà découvert, il n'est pas tellement avide d'un autre savoir encore. Puis pour lui la "raison" ne peut pas avoir le dernier mot, il y a autre chose encore, plus fondamental, et qui ne peut pas se dire si facilement (idée pas si folle que ça tout de même, non?). C'est pourquoi pas mal de sages s'expriment non pas par un langage more geometrico, à la manière des géomètres, comme l'a fait magistralement Spinoza, mais de façon plus "mystérieuse" ou énigmatique, dans un langage plus poétique.
Par conséquent, si cela a du sens d'exiger d'un philosophe des objections précises et rationnelles quand il n'est pas d'accord, c'est plus délicat dans le cas d'un sage. Si là on veut comprendre quelque chose de ce qu'il pense, il faut une autre attitude par rapport à lui, attitude qui demande notamment qu'on attend patiemment le moment que lui il trouve propice pour nous apprendre quelque chose de son savoir.
Autrement dit, si tu veux que ceux qui défendent l'idée que la philosophie (ou du moins celle de Spinoza) est au fond une "sagesse" s'expriment, il va falloir s'y prendre un peu prudemment ... ! En attendant, il vaut peut-être mieux ne pas encore "rejeter" la sagesse, afin de pouvoir mieux comprendre comment fonctionne un "sage" ... ?
Spinoza_Powa a écrit :Pourrais tu silteplait me faire une liste de livre à lire absolument
oui avec plaisir, seulement ... cette liste est trèèèèèèèèèèèèès longue! Hormis ce que Nepart vient de dire, voici juste quelques exemples de livres qui pour la plupart sont plus ou moins incontournables et/ou remarquables:
- tout ce que tu peux trouver de Platon!
- De l'âme et (deuxième livre) Rhétorique - Des Passions d'Aristote
- Pensées pour moi-même, Marc Aurèle
- La Béatitude, Thomas d'Aquin
- Méditations métaphysiques, Descartes (très important pour mieux comprendre LEthique de Spinoza!)
- Leviathan, Thomas Hobbes
- Traité théologico-politique, Spinoza (où il cherche la vérité historique concernant la Bible, et développe sa pensée politique)
- De la recherche de la vérité, Malebranche
- Essai sur l'entendement humain, Locke
- Nouveaux essais sur l'entendement humain, Leibniz (à lire après que tu as lu Locke, car comme l'indique le titre, il s'agit d'une réponse de Leibniz à Locke)
- Traité de la nature humaine, David Hume
- Critique de la raison pure, Critique de la raison pratique et Critique de la faculté de juger, Kant (3 livres différents)
- Le livre du philosophe, Nietzsche
- Préface et introduction de la Phénoménologie de l'esprit, W. F. Hegel
- L'énergie spirituelle, Henri Bergson
- La volonté de croire, William James
- Remarques mêlées, Wittgenstein
- Mot et objet, Quine
- Dialogues avec Claire Parnet et Qu'est-ce que la philosophie? de Gilles Deleuze
- L'espoir de Pandore, Bruno Latour
- Théorie de la justice, John Rawls
- De la pluralité des mondes, David Lewis
- Soi-même comme un autre, Paul Ricoeur
En matière de psychologie "spéculative":
- tout ce que tu peux trouver de Freud
- tout ce que tu peux trouver de Tobie Nathan
- Ces émotions qui nous fabriquent. Ethnopsychologie des émotions, Vinciane Despret
Enfin, cette liste est tout sauf exhaustive (= complète) ... d'autant plus qu'au XIXe et XXe siècle il y a pas mal de grands philosophes, tandis que plus on s'approche du présent, plus un "choix" est discutable.
De très grands noms ne se trouvent donc pas dans cette liste (tels que Husserl, Heidegger, Russell, Lévinas, Schopenhauer, Rousseau, Fichte, Sartre, Merleau-Ponty, Goodman, Frege, ...). Mais aussi pour les Moyen-Âge (notamment les grands philosophes arabes, tels qu'Averroès, Avicenne, mais aussi le nombre très élevé de grands philosophes chrétiens et juifs fort intéressants...) et pour l'Antiquité tardive (St.Augustin, Plotin, ... ) l'essentiel manque. Or voici qu'au moins tu auras déjà quelques grands noms, que tôt ou tard tout philosophe essaie d'avoir lu.
Encore une fois ... bonne lecture!

Nepart a écrit :Louisa permet en effet au débutant comme nous de gagner beaucoup de temps, et personnellement je lui en suis très reconnaissant.
le plaisir est tout à fait mutuel! Le fait d'avoir des "débutants" sur un forum comme celui-ci est un grand avantage, car celui qui commence pose souvent des questions assez fondamentales, mais qu'on a tendance à oublier lorsqu'on s'occupe déjà depuis quelque temps de tel ou tel philosophe. Puis rien de mieux pour vérifier si l'on a soi-même bien compris que d'essayer d'expliquer en des termes pas trop compliqués à quelqu'un d'autre, puisque cela te permet très souvent de détecter quelques erreurs dans ton propre raisonnement, tandis que c'est toujours une bonne occasion pour essayer d'approfondir certaines choses.
A bientôt!
louisa