Que serait le libre arbitre ? La possibilité de choisir en pleine connaissance de cause un mal contre un bien (je parle évidemment d’un mode – humain – dans la Nature et non de la Nature dans son entier) ? C’est absurde : personne ne fait cela (en pleine conscience.) Même s’il y a « mal » inclus quelque part dans l’action, une compensation spéculée comme « bien » et de niveau au moins égal y est associée d’autre part. C’est une loi de la Nature, ressentie clairement.
La possibilité de décréter « bien » quoi que ce soit ? Un tout petit peu d’expérience montre que c’est impossible : il ne suffit pas de nommer la souffrance « bien » pour qu’elle le devienne. Clairement, il ne nous appartient pas de décréter le vrai « bien » : à nouveau, il nous est imposé par la Nature. Et c’est heureux, car s’il ne l’était pas, il n’y aurait tout simplement aucun bien, c’est-à-dire de joie de vivre : tout acte la produirait et donc « bien » n’aurait aucun sens ni verbal ni réel, ce que nous savons qui est faux. Première contradiction au libre-arbitre.
Agir sans aucune détermination et sans égard au « bien » et au « mal » ? L’expérience montre déjà – comme déjà dit en substance – que c’est faux : il y a toujours un mobile à l’action, et ce mobile (spéculatif et donc souvent erroné) est une plus grande satisfaction, une plus grande joie de vivre, autrement dit le « bien » supposé (sachant qu’en outre l’impermanence règne et que se conserver doit toujours demander quelque effort.) Alors quoi ? Comme la feuille se balançant dans le vent ? Soumis manifestement aux lois physiques de la Nature. Déterminé par le vent. Sans conscience.
Bon. Comme le flip-flap permanent (hors approche du zéro absolu, je présume, ce qui est déjà une objection majeure à la non-dépendance vis-à-vis de l’environnement - qui de fait n’existe pas) de la molécule d’ammoniac alors, avec une sorte d’image de l’action, double de l’action même (la même chose selon Spinoza) qui serait la conscience de l’action ? Hum ! Pas b…t comme libre-arbitre…

Bien. Soit une molécule que nous imaginons confinée dans un plan. Nous lui offrons de se déplacer dans la troisième dimension. Elle gagne donc un degré de liberté. A-t-elle augmenté sa joie de vivre ?
La liberté telle que nous la ressentons avec force est en fait un affect de mode conscient qui se confond avec la notion (fondée dans la Nature comme propre aux modes conscients) de « bien ». Cette liberté, paradoxalement, n’existerait pas sans la détermination. Et comme personne ne choisit librement la non liberté, le mal-être, il n’y a finalement rien d’indéterminé (ni, s’agissant un mode fini, d’absolument permanent et d’absolument indépendant.)
Autre question : comment pouvons-nous progresser si nous sommes entièrement déterminés ? C’est en fait exactement la même question : l’évolution vers la liberté (ou vers l’enfermement) est déterminée comme la liberté même. Dans l’état de pseudo-équilibre où nous sommes, la vision de « plus de bien » est « à 50% erronée » ou des mouvements psychiques subconscients la compensent (ce qui équivaut à dire en général que le principe de l’erreur est inhérent à la conscience.) Le mouvement, et donc la déstabilisation, suppose une action extérieure (passion ; c’est une des raisons pour laquelle Spinoza a raison de dire que seule une passion peut dissoudre une passion.) Exemple : j’entends dire que tel auteur apaise l’esprit ; je le lis ; je comprend par la Raison ce qu’il veut dire ; cette compréhension se sublime en ressenti pur de la vérité de la chose, soit de la joie de vivre gagnée : j’ai progressé. J’entends dire la même chose d’un autre ; j’intègre son mal-être : j’ai régressé.
J’ai conscience de mon désir et par cela je crois avoir un libre-arbitre qui n’existe pas (mais effectivement, comme Spinoza le dit, en tant que mode fini, partiel au regard de la Nature, il vaut malgré tout souvent en pratique de considérer les choses comme contingentes bien qu’elles ne le soient pas, et comme liberté propre ce qui n’est que désir déterminé.) Toutefois la conscience de ceci ne saurait me conduire sainement à l’inaction – qui est une forme particulière d’action – car de toute façon la Nature me détermine à chercher plus de joie de vivre. Ceci d’autant plus qu’il est un stade où, à conditions extérieures similaires, le bien appelle le bien, ou en tout cas résiste au mal.
Amicalement
Serge