A hokousai
Pierre Macherey écrit :
« […] le de Deo, qui est en fait un de Causa omnium rerum, aurait pu s’intituler de Omnibus Rebus ou de Natura rerum (La formule « la nature des choses » (natura rerum), dont Lucrèce s’est servi pour intituler son ouvrage dont l’Ethique se trouve proche à bien des égards… » (Introduction… I p. 14)
On trouve d’autres parallèles avec Lucrèce chez Deleuze :
« Comme Lucrèce, Spinoza sait qu’il n’y a pas de mythe ou de superstition joyeuse. Comme Lucrèce, il dresse l’image d’une Nature positive contre l’incertitude des dieux : ce qui s’oppose à la Nature n’est pas la culture, ni l’état de raison, ni même l’état civil, mais seulement la superstition qui menace toutes les entreprises de l’homme. Comme Lucrèce encore, Spinoza assigne au philosophe la tâche de dénoncer tout ce qui est tristesse, tout ce qui vit de la tristesse, tous ceux qui ont besoin de la tristesse pour asseoir leur pouvoir. […] La dévalorisation des passions tristes, la dénonciation de ceux qui les cultivent et qui s’en servent, forment l’objet pratique de la philosophie. Peu de thèmes dans l’Ethique apparaissent aussi constamment que celui-ci : tout ce qui est triste est mauvais, et nous rend esclave ; tout ce qui enveloppe la tristesse exprime un tyran. » (Spinoza et le problème de l’expression pp. 249-250 – Minuit 1968)
Encore une fois, la question éthique, selon Spinoza, n’est pas tellement de donner un sens mais plutôt de « dévaloriser les passions tristes, de dénoncer ceux qui les cultivent et qui s’en servent ».
Ce qui nous y aide, c’est de savoir que la Nature, dont nous sommes des modes, n’est pas orientée à la tristesse mais à la joie.
Est-ce que la Nature selon Lucrèce est orientée à la joie ? C’est une autre question.
Conscience et conscience de soi
- hokousai
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Re: Conscience et conscience de soi
à bien des égards certainement ...mais pas à tous les égards.Macherey a écrit :se trouve proche à bien des égards…
oui certes ... mais personnellement la question du pouvoir n'est pas ma préoccupation.Deleuze a écrit :[…] La dévalorisation des passions tristes, la dénonciation de ceux qui les cultivent et qui s’en servent, forment l’objet pratique de la philosophie.
La logique non plus, soit dit en passant (désolé) ...
Ce qui m'importe c'est la problématique si bien exprimée par Albert Camus dans le mythe de Sisyphe
et oui c' est un philosophe tenu partout pour mineur qui a néanmoins pu exprimer clairement mon problème ...
Camus a écrit :. Je juge donc que le sens de la vie est la plus pressante des questions. Comment y répondre ? Sur tous les problèmes essentiels, j'entends par là ceux qui risquent de faire mourir ou ceux qui décu-plent la passion de vivre, il n'y a probablement que deux méthodes de pensée, celle de La Palisse et celle de Don Quichotte. C'est l'équilibre de l'évidence et du lyrisme qui peut seul nous permettre d'accéder en même temps à l'émotion et à la clarté. Dans un sujet à la fois si humble et si chargé de pathétique, la dialectique savante et classique doit donc céder la place, on le conçoit, à une attitude d'esprit plus modeste qui procède à la fois du bon sens et de la sympathie.
amicalement
Re: Conscience et conscience de soi
Le "sens de la vie"...
Ah là là...
On en parle très généralement, mais au juste cette expression a-t-elle une signification précise?
En fait de sens, je ne vois que des projets divers et variés que les hommes s'efforcent d'accomplir, chacun suivant sa complexion ou son ingenium. Parfois ces projets sont concourants parfois ils sont concurrents. Les hommes peuvent même s'accorder sur une fin et trouver à se combattre à propos des moyens-comme il arrive en politique par exemple.
Le sens de ma vie est déjà à peine quelque chose que je conçois de façon précise, et il n'est certainement pas facile de dire ce qu'il en est. Est-ce que je suis animé par une finalité unique ou bien plutôt par une multitude de fins plus ou moins déconnectées les unes des autres, et qui viennent se greffer les unes aux autres au gré des circonstances et des occasions?
Donc, pour ce qui est d'un sens de la vie universel et nécessaire, dans lequel tout ce qui vit se reconnaîtrait pour ce qu'il serait justement universel et nécessaire, qu'il me soit permis de douter que ceux qui l'affirment ont une idée précise de ce qu'ils avancent...
Ah là là...
On en parle très généralement, mais au juste cette expression a-t-elle une signification précise?
En fait de sens, je ne vois que des projets divers et variés que les hommes s'efforcent d'accomplir, chacun suivant sa complexion ou son ingenium. Parfois ces projets sont concourants parfois ils sont concurrents. Les hommes peuvent même s'accorder sur une fin et trouver à se combattre à propos des moyens-comme il arrive en politique par exemple.
Le sens de ma vie est déjà à peine quelque chose que je conçois de façon précise, et il n'est certainement pas facile de dire ce qu'il en est. Est-ce que je suis animé par une finalité unique ou bien plutôt par une multitude de fins plus ou moins déconnectées les unes des autres, et qui viennent se greffer les unes aux autres au gré des circonstances et des occasions?
Donc, pour ce qui est d'un sens de la vie universel et nécessaire, dans lequel tout ce qui vit se reconnaîtrait pour ce qu'il serait justement universel et nécessaire, qu'il me soit permis de douter que ceux qui l'affirment ont une idée précise de ce qu'ils avancent...
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Re: Conscience et conscience de soi
A hokousai
Albert Camus entre dans la catégorie des philosophes tragiques, ceux pour qui l’absurdité de la mort rend nécessaire de donner un sens à la vie.
Spinoza n’est pas un philosophe tragique.
La proposition E IV 67 énonce :
« L’homme libre ne pense à aucune chose moins qu’à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie. »
L’homme libre ne se demande pas si la mort est absurde ou pas, tout simplement parce qu’il a cessé d’y penser. En conséquence, il ne cherche pas à donner un sens à la vie, d’autant plus qu’il est dans le sens de la Vie (Phusis, Natura, Dieu) et qu’il le sait.
Pour la logique, ego te absolvo.
Albert Camus entre dans la catégorie des philosophes tragiques, ceux pour qui l’absurdité de la mort rend nécessaire de donner un sens à la vie.
Spinoza n’est pas un philosophe tragique.
La proposition E IV 67 énonce :
« L’homme libre ne pense à aucune chose moins qu’à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie. »
L’homme libre ne se demande pas si la mort est absurde ou pas, tout simplement parce qu’il a cessé d’y penser. En conséquence, il ne cherche pas à donner un sens à la vie, d’autant plus qu’il est dans le sens de la Vie (Phusis, Natura, Dieu) et qu’il le sait.
Pour la logique, ego te absolvo.
Re: Conscience et conscience de soi
Envisager d'affirmer un sens précis à la vie est effectivement hasardeux, mais ce n'est pas là ce dont il est question. Le problème est que la question du "sens de la vie" réfère à un vrai problème : celui de l'absence de sens (d'une vie, par exemple)... sur lequel je ne reviendrai pas indéfiniment s'il s'avère trop étranger à l'entendement de certains ici (ce qui est peut-être aussi une question d'âge, mais pas seulement : une question philosophique en tous cas).
Maintenant et à propos de logique, un minimum de cohérence ne me semble pas non plus totalement étranger ce type de questionnement. Aussi quand je lis Vanleers parlez "d'homme libre", je me demande si le "ah la la" n'est pas un tout petit peu excessif, cher Naoh...
Maintenant et à propos de logique, un minimum de cohérence ne me semble pas non plus totalement étranger ce type de questionnement. Aussi quand je lis Vanleers parlez "d'homme libre", je me demande si le "ah la la" n'est pas un tout petit peu excessif, cher Naoh...
Re: Conscience et conscience de soi
Je me permettrai de faire remarquer au vénérable Aldo , et cela au nom de la cohérence logique, que si il existe un problème de "l'absence de sens" d'une vie alors c'est qu'il y a corrélativement un problème "du sens de la vie".
Et donc que contrairement à son affirmation selon quoi là n'est pas le problème, il me semble à moi que nous sommes en plein dedans.
Voyons: Si je trouve en effet qu'une tarte manque de sucre je présuppose l'existence de quelque chose comme...du sucre.
Si je trouve que la vie manque de sens, c'est que je présuppose qu'elle devrait en avoir un.
Maintenant je demande ce que peut bien être ce sens et l'on me répond que c'est "hasardeux".
Mais ce n'est pas du tout hasardeux. C'est une idée qu'on peut préciser en parlant comme je l'ai fait d'un projet particulier. Je veux par exemple conquérir la présidence de la république, voilà qui donne un "sens" à ma vie. Et ici nous comprenons celui qui parle de "sens de la vie": cela signifie en gros "mes buts" "mes objectifs".
Ce qui est hasardeux, et à bien y regarder tout à fait vide, c'est parler du "sens de la vie" sans autres spécifications, comme paraît le faire notre bon Hokusaï ou plus directement comme le fait Camus. En effet ainsi posée la question risque fort d'être insoluble, et pour cause: on ne sait pas vraiment de quoi on parle.
A moins bien sûr que l'on montre quel sens à l'existence (prise sans autre spécification), ce qui ne se fait pas en se contenant d'affirmer de manière vague "qu'elle en a un".
De quel grand dessein mon existence est-elle supposée être un moment?
Et donc que contrairement à son affirmation selon quoi là n'est pas le problème, il me semble à moi que nous sommes en plein dedans.
Voyons: Si je trouve en effet qu'une tarte manque de sucre je présuppose l'existence de quelque chose comme...du sucre.
Si je trouve que la vie manque de sens, c'est que je présuppose qu'elle devrait en avoir un.
Maintenant je demande ce que peut bien être ce sens et l'on me répond que c'est "hasardeux".
Mais ce n'est pas du tout hasardeux. C'est une idée qu'on peut préciser en parlant comme je l'ai fait d'un projet particulier. Je veux par exemple conquérir la présidence de la république, voilà qui donne un "sens" à ma vie. Et ici nous comprenons celui qui parle de "sens de la vie": cela signifie en gros "mes buts" "mes objectifs".
Ce qui est hasardeux, et à bien y regarder tout à fait vide, c'est parler du "sens de la vie" sans autres spécifications, comme paraît le faire notre bon Hokusaï ou plus directement comme le fait Camus. En effet ainsi posée la question risque fort d'être insoluble, et pour cause: on ne sait pas vraiment de quoi on parle.
A moins bien sûr que l'on montre quel sens à l'existence (prise sans autre spécification), ce qui ne se fait pas en se contenant d'affirmer de manière vague "qu'elle en a un".
De quel grand dessein mon existence est-elle supposée être un moment?
Re: Conscience et conscience de soi
Il y a quelque chose qu'on pourrait rapprocher à mon avis de la question du sens de la vie chez Spinoza. Cela se trouve dans le Traité Politique :
Lors donc que je dis que le meilleur gouvernement est celui où les hommes passent leur vie dans la concorde, j’entends par là une vie humaine, une vie qui ne se définit point par la circulation du sang et autres fonctions communes à tous les animaux, mais avant tout par la véritable vie de l’âme, par la raison et la vertu.
Il y a quelque chose comme une vie proprement humaine qui dépend de l'établissement des sociétés politiques. Par contraste l'on pourrait dire que l'état de nature ou la guerre civile qui y tend, est le retour à la vie organique et animale, dépourvue de sens et d'esprit.
Le sens de la vie c'est l'affirmation de soi, de ses fins ou de ses buts, conformément aux lois qui permettent aux êtres humains de collaborer à promouvoir leurs fins et leurs buts dans une société politique. Ce sont la "raison" et la "vertu" "en action", pour ainsi dire...
Lors donc que je dis que le meilleur gouvernement est celui où les hommes passent leur vie dans la concorde, j’entends par là une vie humaine, une vie qui ne se définit point par la circulation du sang et autres fonctions communes à tous les animaux, mais avant tout par la véritable vie de l’âme, par la raison et la vertu.
Il y a quelque chose comme une vie proprement humaine qui dépend de l'établissement des sociétés politiques. Par contraste l'on pourrait dire que l'état de nature ou la guerre civile qui y tend, est le retour à la vie organique et animale, dépourvue de sens et d'esprit.
Le sens de la vie c'est l'affirmation de soi, de ses fins ou de ses buts, conformément aux lois qui permettent aux êtres humains de collaborer à promouvoir leurs fins et leurs buts dans une société politique. Ce sont la "raison" et la "vertu" "en action", pour ainsi dire...
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Re: Conscience et conscience de soi
NaOh a écrit :comme paraît le faire notre bon Hokusaï ou plus directement comme le fait Camus. En effet ainsi posée la question risque fort d'être insoluble, et pour cause: on ne sait pas vraiment de quoi on parle.
Je dirais déjà que je sais ce dont je ne parle pas ...ce qui évacue bien des "sens "...ie devenir ceci ou cela, vivre dans la Joie, dans la concorde mutuelle, ce que je ne décrie pas pour autant.
Mais l' hédonisme comme philosophie ne suffit pas.
Il ne suffit pas de vivre et au mieux même, de bien vivre.
C' est de vIvre (et même bien vivre) au milieu d'un océan absurde et soumis au hasard (j 'y tiens)...voila où est la question du sens de ma vie.
Je n'affirme pas qu'elle en a un mais j' affirme que si elle n'en a pas, cela induit plus de tristesse que de joie.
Peut- être dans la cas de Camus, chez Heidegger c'est manifeste et chez beaucoup d'autres.Vanleers a écrit :Albert Camus entre dans la catégorie des philosophes tragiques, ceux pour qui l’absurdité de la mort rend nécessaire de donner un sens à la vie.
Ce n'est pas ma mort qui est ma préoccupation, encore que je ne ferais pas trop le bravache là dessus .
C' est plutôt l'intégration du sens que je donne continûment à ma vie dans un sens que la Nature aurait en elle même .
Nous sommes endeuillé de la mort de Dieu.
Pascal a très bien vu que nous nous divertissons.
Ce n'est pas Dieu qui nous manque, pas Dieu en soi comme puissance, mais Dieu comme ayant un sens.
Un Dieu ou une Nature un cosmos... que sais- je de l'infiniment grand coexistant à l'infiniment petit, celui de Nicolas de Cues ... mais une Dieu qui ait du sens.
Il ne suffit pas à Dieu d'être,( ce qui est le quantitatif) s' il n'est pas pour (en vue de, avec l' intention de).
Il ne suffit pas de boucler la tautologie en étant pour être...cette infinité d' attributs et infinité de modes sans autre raison que de l'être.
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Re: Conscience et conscience de soi
Cela dit j'ai apprécié que Vanleers et NaOh s' engagent un peu dans cette discussion.
Peut-être n'en tirerons- nous rien de concluant... mais c'est déjà ça .
Peut-être n'en tirerons- nous rien de concluant... mais c'est déjà ça .
Re: Conscience et conscience de soi
Hokusai,
La nature de Spinoza n'est ni "absurde", ni "sensée" elle est nécessaire.
Nécessaire donc indéfiniment compréhensible.
Que voulez vous d'autre que comprendre ce qui est nécessaire?
Par définition du nécessaire vous êtes condamné à imaginer ce qui devrait être mais n'est pas.
En l'espèce ce Dieu dont nous sommes paraît-il endeuillés.
La nature de Spinoza n'est ni "absurde", ni "sensée" elle est nécessaire.
Nécessaire donc indéfiniment compréhensible.
Que voulez vous d'autre que comprendre ce qui est nécessaire?
Par définition du nécessaire vous êtes condamné à imaginer ce qui devrait être mais n'est pas.
En l'espèce ce Dieu dont nous sommes paraît-il endeuillés.
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