hokousai a écrit :Sescho a écrit :Personne ne fait le mal, ou en sachant que c'est le mal, car sinon tout simplement il ne le ferait pas d'immédiate évidence.
Il n'y aurait jamais de sentiment de culpabilité si c'était le cas.
La remarque est très pertinente, mais ne règle pas la question pour autant selon moi. Cela peut nous emmener loin...
Il faut déjà préciser que nous parlons-là uniquement de l'action en train de se faire, ici et maintenant (et ni de la préparation mentale de l'action, avec les dilemmes, etc., ni du souvenir de l'action faite antérieurement, avec ses remords, etc., même il y a une fraction de seconde.) Il n'y a aucun sentiment de culpabilité accompagnant une action pure, de quelque nature qu'elle soit. J'entends par "action pure" ce qui n'est pas redoublé de pensée discursive au même moment (mais la précision est sans doute inutile, car a priori il y a toujours un décalage et plus généralement : soit on agit, soit on pense. En passant, une énorme base de l'erreur consiste à s'imaginer agir - y compris voir - quand on ne fait que penser ; autrement dit : rien.)
Note : "pensée" est entendu là au sens restreint (oriental) évidemment. On peut objecter que même dans ce cas penser est une action. Si cela est recevable, on peut dire au moins que penser au sens restreint est la plus passive des actions (mémoire et imagination chez Spinoza, mémoire mécanique chez Krishnamurti, etc.). Et si on poursuit de même (c'est un point d'appui de Jean Klein) : on ne peut faire deux actions en même temps de manière générale et donc en particulier soit agir activement - y compris la pensée-vision -, soit penser passivement. L'expérience (en particulier chez les femmes) semble pourtant montrer au contraire la capacité à agir et penser en même temps... Time-sharing ?
Bref... Le sentiment de culpabilité au sens classique est uniquement le fruit de la pensée au sens restreint. Paul Diel le retient comme un des 4 piliers de la fausse motivation : vanité / culpabilité, sentimentalisme / accusation. (C'est fou - c'est le bon mot... - ce que cela résume bien certains mouvements actuels, d'ailleurs...) Il traduit une contradiction interne au niveau de l'entendement (pris en général), une chose étant affirmée ainsi que son contraire, ceci de façon plus ou moins consciente et chargée d'énergie (subconscient.) Le regret, à la rigueur, mais pas le remord : les choses étant faites, il n'est pas possible de les refaire, et la Nature jamais ne peut le demander : elle ne demande jamais l'impossible (puisque dans tous les cas c'est elle-même...) Quant à l'idée que les choses auraient pu se passer autrement, c'est une pure aberration, qui affirme le libre-arbitre absolu et nie le "rien ne vient de rien". L'éternel problème sur lequel on tombe toujours... L'action étant passée (c'est-à-dire n'existant plus du tout, sauf en tant que trace dans la mémoire) il ne reste comme toujours que le "qu'est-ce que je peux faire (de bon) ?"
Mais alors, si nous évacuons la culpabilité comme passion ordinaire - associée à la mauvaise foi structurelle, par exemple -, où se situe donc l'enjeu éthique basé sur le bien ressenti ?
Je le garde pour un autre message...
hokousai a écrit :Je suis (nolens volens) prédateur d autrui. Je prends.
J'ai des besoins qu'il me faut satisfaire. Je ne vois pas le lien direct avec la prédation (qui suppose de prendre un autre être vivant - d'une autre espèce très généralement - comme du gibier), ni aucune perversion chez les animaux prédateurs. La question ici concernerait la concurrence, ou le vol, entre les humains, donc...
Cette concurrence n'est pas automatique, alors même que je saisis ce qui sert à ma conservation : la Nature me fournit de quoi vivre, et m'enjoint on ne peut plus naturellement et impérativement de le prendre. Je ne le prends pas forcément "à quelqu'un d'autre." Il y a eu répartition collective du travail, c'est sûr. Après les hommes diffèrent non par l'essence de l'Homme, évidemment, mais par "l'essence totale", qui inclut les passions ; dans ce cadre ils s'opposent nécessairement tôt ou tard. Mais ce n'est pas de la prédation, alors, mais de l'attaque-défense.
Les faits s'imposent. Purs (ce qui est très très rare : en général c'est fortement mixé de vanité), les idéaux-guides dirigent l'action, mais en aucun cas ils ne doivent - ni ne peuvent - être substitués aux faits : ils ne sont pas du même ordre. Être complaisant avec les pires passions, nier les faits patents (enfin : souvent c'est seulement vis-à-vis de certains, et le contraire vis-à-vis d'autres), sous prétexte d'idéaux supérieurs d'amour universel, etc. est de la bêtise grave (et très dangereuse : la correction ne tarde jamais bien longtemps, et elle est proportionnelle en bêtise en sens inverse...)
hokousai a écrit :Il est remarquable que ce n'est pas le don qui peut culpabiliser mais la prise. C'est le voleur qui est coupable pas le donateur.
Cette affirmation est très fréquente chez "les spirituels" comme vous dites. La joie, ce n'est pas recevoir, mais donner.
hokousai a écrit :Ce qui peut troubler le plus généreux donateur c'est l'incertitude quand aux bienfaits escomptés de ses dons ( mal employés ou à conséquences funestes) et c'est bien alors parce qu'il se trouve ramené au statut de prédateur d' autrui.
Un véritable don n'attend absolument rien en retour : rien ! Sinon ce n'est pas un don, c'est du commerce, dirait Baret. Ceci n'empêche pas d'analyser le résultat de l'action. Un don qui n'est pas reçu n'est pas vraiment un don au sens bilatéral du terme, et n'a pas à être renouvelé en l'état, etc.
Je dirais que contrarier la Générosité est une contradiction interne qui génère du mal-être. La pulsion de puissance ne peut être satisfaite que de l'harmonie avec la Nature entière, aussi loin que possible. A prolonger...