hokousai a écrit :Je parlais de l'origine des sentiments moraux.
L'individu humain en tant qu'individu et en tant qu' humain est pris dans un paradoxe. Etre un prédateur et ne pas supporter de l'être. Le premier membre du paradoxe Spinoza l' explique très bien mais pas le second.
Je ne vois pas les choses comme cela ; plus précisément : je ne les vois pas comme cela de façon inéluctable.
hokousai a écrit :Sur la conscience il n'est pas question du mot, apparu dit on chez Locke. Non plus de la pensée ou de la seule pensée ou seulement de la pensée. Ce n'est pas non plus la conscience morale, pas expressément et je dirais pas en première instance.Ce n'est pas penser à quelque chose( Cs intentionnelle). Elle n'est pas objective, ce n'est pas un objet du monde. ni de la nature étendue ni de la nature pensée. Car ce n'est pas un objet de la pensée mais la condition (sine qua non ).La condition c'est se "poser dans la présence" dont parle parfois Spinoza. C' est la condition de la clarté et de la distinction. La condition de l'idée vraie. Et c' est là la question.
Chez Spinoza, après Descartes, tout ce qui est et n'est pas étendu relève de la Pensée. C'est une différence très nette avec l'Orient où "pensée" est réduit à la pensée discursive, appuyée sur la mémoire, et ne comprend ni la Conscience (chit), ni l'intelligence intuitive (proche du troisième genre de connaissance de Spinoza : buddhi), ni même le raisonnement juste (deuxième genre.) Donc chez Spinoza, la conscience ne peut relever que de l'attribut Pensée, et comme c'est à l'origine de tout, ce ne peut être que l'attribut Pensée même (qui est en quelque sorte vu par lui-même.)
Note : on peut cependant s'interroger gravement sur E2P1Dm, qui fait de l'attribut Pensée un concept issu de l'abstraction des pensées particulières... Mais le scolie redresse la chose. Mais effectivement, pour moi, comme en Orient, la pensée discursive DOIT être distinguée d'une manière à préciser (mais qui ne saurait être absolue) de la Conscience, et de la vision / intelligence intuitive.
A la base, comme déjà dit, la Conscience est le pur "Je suis", et le pur "Il-y-a", Dieu étant l'équation des deux : "Je suis = Il-y-a" ; "Je suis il-y-a" ; et au-dessus, sans doute, la Source, qui est acte pur et absolument non-objectivable.
hokousai a écrit :Et avoir conscience c'est avoir l'idée vrai du paradoxe dont je parle plus haut. Ce paradoxe est un désespoir.
Etre prédateur d'autrui et ne pas le supporter.
"Toujours vouloir le bien et néanmoins faire mal" disait St Paul
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En effet, ma façon d’agir, je ne la comprends pas, car ce que je voudrais, cela, je ne le réalise pas ; mais ce que je déteste, c’est cela que je fais.
Spinoza dit la même chose dans E4P17S. Toute cette partie ne traite que de cela : les causes de la servitude. L'attrait de la chose immédiatement accessible, etc. Le poids des habitudes ("compulsion de répétition"), l'écart qualitatif énorme entre le deuxième genre de connaissance et le troisième. Car comme le disent aussi Socrate et Desjardins/Prajnanpad : personne n'a jamais rien fait qu'en vue du bien (tel qu'il lui apparaissait à ce moment-là, spontanément, sans réflexion aucune.) Personne ne fait le mal, ou en sachant que c'est le mal, car sinon tout simplement il ne le ferait pas d'immédiate évidence.
Les hommes s'accordent en tant qu'ils suivent la raison, et s'opposent dans le cas contraire. Je ne vois pas trop la prédation inéluctable.
hokousai a écrit :Spinoza noie le problème dans l'utilitarisme.(pardonnez moi la sévérité )
Ce qui est très clair pour moi c'est l'eudémonisme. Le bien, le mal, ce n'est pas ce qu'a raconté (ce n'est même pas lui d'ailleurs ; c'était déjà ancien, a été ensuite traduit en plusieurs langue successivement, recopié n fois, etc.) un type il y a 2000 ans ! Pourquoi diable m'aliènerais-je à cette histoire, ou à n'importe quelle autre ? La réputation, fumée mentale, serait-elle au-dessus de la vie même ?
Non : je ne peux admettre (durablement, sainement) comme bien que ce que je ressens comme étant bien ("pour moi".) Et là, oui, je peux suivre les indications d'un ami spirituel qui a vécu il y a 2000 ans, ou à toute autre époque, et vérifier par moi-même ("ne le croyez pas parce que je vous le dis...") que ce qu'il pointe comme bien soudainement m'habite, et m'interdit en toute liberté de revenir en arrière de par sa nature de bien (ressenti) même : pure joie d'être sainement.
Bref, le Bien c'est le bien supérieur que je me fais. Ce qui est le plus discutable dans l'affaire c'est le "me" / "moi". Donc opposer le Bien et l'utile est un non-sens : le Bien c'est l'Utile supérieur de moi-même, et de tous. Paul Diel parle d' "égoïsme conséquent." Il est incontournable ! Rien n'a de sens sinon. La différence se fait - dans un sens technique - entre l'inférieur et le supérieur (la survie de l'individu et de l'espèce en faisant forcément partie à la base), mais ne remet pas en cause la satisfaction comme guide absolu. E4P8. D'où le grave problème avec l'orgueil, car il est une joie (accompagnée d'un cortège de tristesses, et plus généralement de toutes les autres passions.) Ceci n'induit en aucune façon la prédation sur autrui : il est bon pour moi de donner, d'être bon avec les autres. C'est pourquoi la Générosité rejoint la Fermeté d'âme. Mais si on m'attaque, il est parfaitement légitime que je me défende, sans haine, mais sans faiblesse. Qui aime bien châtie bien.
Connais-toi toi-même.