hokousai a écrit :Mais le point c'est au sujet de la "vision sans tête" de Douglas Harding
Là j' ai un vrai problème de fond.
L'Expérience en question, plus ou moins aisée ...produit un état mental particulier qu'on peut assimiler à de la non séparabilité.
La vidéo de Terreaux (sans prétention... et un diamant en même temps) montre bien que c'est naturel ; il n'y a rien de plus naturel, en fait. Il y a forcément de la résistance, mais il ne faut pas tant d'effort que cela pour le voir, au moins par flash. Bon, en fait, il ne faut surtout pas faire d'effort, juste écouter...
J'en profite pour relever un point important que j'ai omis de préciser plus haut : la conscience pure, la "conscience du sage", etc. est TOUJOURS LA ; ce n'est donc pas du tout quelque chose à acquérir mais à libérer (mais le volontarisme n'y peut rien : il fait même lui-même partie du "problème") en "dissolvant", "laissant s'évanouir", ... : ce sont des illusions - intermittentes, en fait, mais assez fréquentes et marquantes pour être artificiellement ressenties comme permanentes, des couches de Mental, qui l'enfument et la polluent en sur-couche. Donc la conscience ordinaire est un vernis "frelaté" qui recouvre la conscience pure. Le contraste vient de ce que tant qu'on n'a pas retiré toute la couche de vernis, le miroir n'apparaît pas, ou pas du tout franchement. La couche de vernis est en outre plus ou moins épaisse à l'instant...
hokousai a écrit :Mais supposons là sans vision. Sans tête mais aussi sans vision ( c'est à dire les yeux fermés, mais aussi les oreilles, l'odorat, le touché... enfin bref in fine sans corps ... Encore faudrait-il que mon corps ne me cause aucune souffrance ou plaisir en ces moments là .
Cette expérience là serait très heureuse ( je ne sais trouver le mot ), comme l' expérience de l' hypnose est très heureuse.
Sans corps, ni extérieurs, ni intérieurs , c'est à dire effectivement sans Ego, mais sans présence non plus de quoi que ce soit .
Je n' y suis plus en fait. Et quand je n'y suis vraiment plus, je ne suis ni heureux ni malheureux, je n'éprouve plus rien du tout .
Peut-être que le problème c'est que vous revenez-là à l'idée préconçue - pure pensée : rien ! (Jourdain) - d'un "je" qui n'y est plus. Ce qui est vrai ce n'est pas que vous n'y êtes plus (cela, c'est encore réifier l'imagination, croire la pensée), c'est que la pensée que vous n'y êtes plus vient d'apparaître. Peut-être faut-il surtout ne pas lui ajouter un poids qu'elle n'a pas et la laisser repartir comme elle est venue : pffft ...
"Absence d'absence" dit Jean Klein...
Comme dit U.G. (il y a quand-même un "mais") en substance : il n'y a pas de solution parce que vous ne voulez surtout pas mourir. Je vois trois explicitations de cela : 1) Mourir est une pure pensée, sans aucune réalité ici et maintenant. 2) L'objet de la mort n'est pas le sujet mais un pseudo-sujet qui est en fait un pseudo-objet ; donc : de même. Comme ce pseudo-sujet est bidon, qu'il apparaît quand on lui ajoute une consistance qu'il n'a pas, il est extrêmement vulnérable (et à juste titre puisque la meilleure chose qui puisse arriver c'est qu'il meure...) ; c'est pourquoi la vanité est extrêmement susceptible - et il n'y a qu'elle qui le soit - si on la heurte vraiment. 3) La pulsion de conservation (là la volonté apparaît) s'est faite intoxiquer par les illusions 2) et 1) et a mis de l'énergie vitale dans l'affaire. L'énergie ne se réoriente pas spontanément : si rien ne vient ébranler la structure du 2) et du 1), "c'est foutu"...
hokousai a écrit :Et je me demande si alors l analogie ne peut pas se faire avec l'inconscience . Car il me semble que sortant de cette absorption, je m'en réveille ( ou plutôt ) je me réveille.
Je dirais : 1) Que s'il y a quelque chose et non pas rien, c'est que vous êtes conscient. 2) Le retour d'une vieille habitude perpétue l'habitude et "tranquilise". 3) Si notre nature fondamentale est le vide, le pseudo-sujet en a peur bleue : il est un agrégat de bruits mentaux, alors le vide, c'est la mort assurée. 4) Que peut-être, effectivement, comme déjà dessiné plus haut, notre nature fondamentale est vide (et pas le néant). 5) Que l'existence la plus pleine ne consiste pas pour autant à la passer dans le sommeil profond (là, on a même forte tendance à vouloir débrancher le gars au bout d'un certain temps...) mais à la passer dans la vie la plus naturelle dans un fond de vide plein, de calme absolu où tout apparaît (la conscience "pure") : "Nature naturante ET naturée", "Dieu ET ses modes" : pas Nature naturante seule ; c'est d'ailleurs contradictoire. "Avant l'éveil : puiser de l'eau et ramasser du bois ; après l'éveil : puiser de l'eau et ramasser du bois." "Si tu opposes le nirvana au samsara, c'est que tu es dans le samsara."
P.S. :
Mais je suis très circonspect quant à l'usage durable (ponctuellement, à des fins thérapeutiques : OK) de drogues (dont les médicaments) et de techniques. Cela ne veut pas dire pour autant que l'expérience forcément n'engendre pas un aperçu de ce qu'est la parfaite santé spirituelle.
Par ailleurs, sur Joie / Béatitude : Spinoza parle de Joie à propos de la Béatitude aussi, mais en ajoutant bien quelque chose du genre "qu'on me laisse encore me servir de ce mot." Et pour cause : antérieurement la Joie est 1) Transitoire puisque assortie d'une augmentation. 2) Appelle son contraire : la Tristesse. Quand on se réjouit du transitoire, on s’attriste forcément du transitoire, puisqu'il est transitoire... La névrose maniaco-dépressive est d'ailleurs classée dans les maladies mentales. Le fait de ne pas ressentir d'exaltation quand "ça va bien" et d'abattement quand "ça va mal" (en passant, ceci est dit être aussi une caractéristique de Barak Obama, relevée comme un haut critère de réalisation par Desjardins), loin d'être juste "plutôt pas mal" est une caractéristique essentielle de la Béatitude. La tristesse peut quand-même se manifester, et donc la joie ordinaire aussi, sans doute, mais tout en même temps sur ce fond-là. 3) La pire des passions, l'orgueil, est une joie, et la pire parce qu'elle est une joie. Il y a une proximité infiniment plus grande au niveau des causes entre la Joie ordinaire et la Tristesse (elles s'appellent l'une l'autre) qu'entre la Joie ordinaire et la Béatitude. Néanmoins on tend à les relier, car elles recèlent toutes deux un ressenti de contentement, tout simplement. Dans la Béatitude il est éventuellement moins vif (mais l'extase est une expérience qu'elle induit), mais il est continu, fait de présence (de il-y-a), de calme infini, d'humour, de détachement, etc. Cela ne supprime rien : simplement tout "le reste" apparaît et disparaît dans ce fond permanent.
Note : il est bien possible que la Béatitude rejoigne la Joie plus nettement dans ce que la Béatitude n'est PAS un état passif qui ne bouge pas, mais un geste qui suppose une activité permanente (même si "sans effort") qui renvoie à soi, en écartant simultanément l'erreur (l'erreur est forcément un pendant potentiel immédiat de la conscience, sinon l'erreur ne serait pas l'erreur.) Alors la Béatitude peut bien être appelée une augmentation infinitésimale de puissance de tous les instants (c'est-à-dire : dans l'éternel présent.)