Bon là c’est clair, je ne peux pas suivre le rythme global... Je dois donc sélectionner, malgré la qualité des débats
... Par ailleurs et en général, dans le prolongement de ce qui a été déjà dit en introduction au sujet de ce forum, il n’est pas question pour moi de repartir sur la base des paradigmes deleuziens, sauf si j’y vois avec une certaine immédiateté un « complément » (angle de vue complémentaire) utile à Spinoza.
aldo a écrit : ... quand vous dites que "l'entendement infini est statique", je m'interroge : comment l'entendement pourrait-il être statique si les choses changent, si on prend en compte l'idée de nouveauté ? (la nouveauté étant ce à quoi que vous ne répondez pas vraiment malgré tout : y a-t-il oui ou non création de nouveauté pour vous ?).
C’est encore le hiatus... Comme déjà dit, en réalité les « choses » ne changent pas : il y a du mouvement (et/dont de la forme) c’est tout, et pas de « choses » à proprement parler (c’est-à-dire comme si elles étaient identifiables d’abord en elles-mêmes.) Dans le même ordre d’idées, il n’y a pas de « nouveauté » dans la Nature, mais seulement éventuellement relativement à un sujet ; mais il y a bien du mouvement dans la Nature. Comme la nature du mouvement ne change pas, l’Entendement infini (concept que je n’accepte pas vraiment, mais c’est un autre sujet) qui en est le parallèle dans la Pensée ne change pas non plus.
aldo a écrit :De deux choses l'une ; ou bien la contemplation est conscience et alors rien n'interdit de définir ce qu'est la conscience ; ou bien elle est une forme particulière de conscience (un état de conscience) et alors on peut la définir sans tant recourir que ça à ce terme de conscience, trop ambigu à mon goût ...
... on est en tous cas d'accord pour dire qu'elle ne semble pas recouvrir une totalité de la pensée.
Il y a une chose qui est mal comprise de manière très générale : la conscience pure non-seulement n’exclut pas les états de conscience, mais elle les implique. La conscience pure est une sorte d’ « abstraction intuitive immédiate » des états de conscience. Autrement dit, les états de conscience varient infiniment, mais la Conscience (
déjà contenue dans la formule « états de conscience », je le fais remarquer) qui est commune à tous, univoque, continue, infinie, éternelle, impersonnelle, non modale, etc., etc., est perçue, ceci parce qu’étant conscience elle est automatiquement conscience d’elle-même par sa nature même. Mais s’il n’y a pas d’état de conscience, il n’y a pas de Conscience.
J’avancerais ensuite sous réserve que la contemplation apparaît ainsi comme une attention à la Conscience même, qui est aussi Dieu = EST. Mais ceci introduit à son tour l’Attention... Celle-ci se réfère dans mon esprit à la volonté et non plus à la présentation (donné, spectacle) (« intérieurement :
activement passif »), une autre part de la volonté étant ce que j’appelle « motrice » (« volitions en action »), qui n’apparaît pas ici (« extérieurement : passivement actif ».) Il semble donc bien manquer à la contemplation une part de l’Acte, comme le veulent Lavelle et Jourdain – en rappelant que l’Acte n’est cependant absolument pas objectivable
per se, et donc n'appartient pas au donné (mais un certain donné y répond.)
Chez Spinoza la Pensée recouvre l'Idée (Entendement), le Désir (Volonté) et Joie/Tristesse ("Émotion"), mais l'Idée est forcément là et donc première, ce qui n'est pas le cas pour le reste. Il me semble difficile néanmoins de réduire la contemplation au seul Entendement.
aldo a écrit : ... parler d'une Conscience Pure qui serait la Pensée, sans vous manquer de respect, ça ne fait pas du tout sens pour moi. Quelle pensée impersonnelle serait "conscience pure" ? Sur la base de la contemplation ? Mais peut-être pouvez-vous développer ?
Si vous ne théorisez pas, vous devez alors voir l’attribut Pensée en direct « live » intuitif. Qu’est-ce que vous pensez comme Pensée (pure, transcendant ses modes)
per se ?
aldo a écrit :... la contingence fait partie du futur, or dans le futur, il y a de la contingence (en tous cas en l'état actuel de nos connaissances).
Dans la Nature, il n’y a aucune contingence ni nouveauté, et le « futur » n’existe pas. Tout cela n’existe éventuellement que
relativement à un sujet. Lavelle est le champion de la vie qui se déroule en direct live dans l’Acte ; centré sur le
sujet en tant qu’Acte, il admet le possible, le passé, le futur, l’auto-création, etc. (ce qui est loin d’être aussi évident chez Spinoza) ; je ne pense pas que Deleuze puisse le dépasser sur ce terrain, à moins de sombrer dans le libre-arbitre absolu.
Partant du sujet, le futur est imaginé, puis le présent réalisé, puis le passé mémorisé. Donc le futur est – du point de vue de ce sujet, bien sûr, qui
doit être là au centre pour que tout cela ait un sens – antérieur au présent, et celui-ci au passé. C’est un renversement de perspective (
qui met non pas le donné mais le sujet-acte au centre) absolument indispensable, rien n’atteignant de ce point de vue la nature de la Nature
per se.
aldo a écrit :... moi je ne vois pas comment la pensée peut "partir" d'ailleurs...
La Conscience n’implique nullement immédiatement la « singularité », et encore moins de pouvoir se limiter à elle (mais je commence à me demander si ce n’est pas une dérivation de E2P19-29, mais oubliant E2P37-47, qui est en fait concomitant et non successif - ce qu'est effectivement le raisonnement ensuite, au niveau du 2ème genre de connaissance.) Encore une fois la sensation pure ne distingue rien. La première distinction mentale devrait à la suite, en faisant intervenir la volonté qui ne concerne que le sujet, se situer entre un « canevas » (forme « en bloc » : objet) et le sujet percevant, avec EST reliant en son sein les deux. Soit Forme, Soi et EST.
aldo a écrit :... à notre humble niveau, comment comprendre la création de nouveau ?
Il n’y pas de nouveau, mais il y a du mouvement. Le mouvement est éternel : sa nature ne change pas, d’où la formule (approximative) « ce qui ne change pas, c’est le changement. »
Il n’y a rien à expliquer. Mais on peut quand-même procéder à une analyse, mais sauf à être la remontée d’une analyse préalable, la synthèse, elle, ne produit jamais rien de bon (Lavelle.)
Pour Spinoza, la Nature est une totale mécanique, y compris la psyché donc. C’est une vision – similaire à celle de la Physique – qui suppose (ou semble supposer, en tout cas) cependant un observateur extérieur à cette Nature, ce qui est parfaitement impossible... et oblige quelque part à reconsidérer le tout à partir du sujet pris en lui-même (acte), qui pense tout cela sans exception, y compris Dieu-Nature, lequel cependant inclut aussi l'objet et non le seul sujet...
Connais-toi toi-même.