Les idées expriment-elles des propriétés d'objets?

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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bardamu
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Messagepar bardamu » 18 juin 2005, 18:54

Louisa a écrit :Bonsoir à tous,
Notons que Spinoza ne parle ici ni d'essence éternelle (à bardamu: en effet, ni dans l'E1, ni dans l'E2, il est question d'une essence éternelle sauf celle de Dieu. Rien n'indique donc qu'il existerait une essence éternelle de l'Esprit), ni d'essence actuelle, mais simplement d'essence.
(...)
Concernant les 'essences éternelles': en parcourant l'E5, je ne les rencontre pas non plus. Pas d'essence éternel de l'Esprit donc. Par contre ... il y a bel et bien un éternité de mon Esprit ... ! E5P31 scolie : '... l'Esprit est éternel, en tant qu'il conçoit les choses sous une espèce d'éternité'. L'être éternel de l'Esprit consiste en la conception de l'essence de son Corps sous l'aspect de l'éternité.
Donc: il n'y a pas d'essence éternelle sauf l'essence de Dieu. (...)
Mais ici, l'éternité est liée à la 'subsistance' (remanere). Comme il s'agit d'un subsister après la mort, il me semble comme si on lie ici quand même l'éternité à une durée infinie ... ?

Bonjour Louisa,
je crois que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il y a eu abus de langage en parlant d'essence éternelle. Sous cette expression, il s'agissait de désigner de la part éternelle du corps, une part qui appartient à l'essence du Mental (E5P23 dém.).
Mais lorsque il est dit que cette part "remanet" ce n'est pas selon la durée mais sub specie aeternitatis, c'est-à-dire en tant que le Mental est considéré en dehors de sa relation à l'existence du corps (E5P40 scolie).
On prend le Mental, on enlève la part liée à l'existence du corps, et il reste la part proprement active, celle qui entre dans la constitution de l'entendement infini de Dieu, activité pure.
Louisa a écrit : Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour moi, cette idée est assez étrange. Elle a des 'états', qui sont ou bien innés (??? c'est quoi un état inné de l'essence?), ou bien cet était lui est arrivé du dehors. L'essence humaine est donc elle-même affectée.

C'est la révolution spinozienne.
L'essence de l'homme est le Désir qui fluctue avec la Joie et la Tristesse.

Mais je vais me concentrer sur les questions de la chose, de sa définition et de son essence, et cela devrait nous rapprocher de la thématique de Miam qui a sans doute raison lorsqu'il dit que la compréhension de la constitution des essences dans la durée est indispensable à la compréhension des choses.

La chose, sa définition, son essence
Spinoza a écrit :E1P8 scolie
1° La vraie définition d'une chose quelconque n'enveloppe ni n'exprime rien de plus que la nature de la chose définie.

E1P16 dém.
(...) de la définition d'une chose quelconque, l'entendement conclut un certain nombre de propriétés qui en découlent nécessairement, c'est-à-dire qui résultent de l'essence même de la chose ; et ces propriétés sont d'autant plus nombreuses qu'une réalité plus grande est exprimée par la définition, ou, ce qui revient au même, est contenue dans l'essence de la chose définie.

E1P33
(...) l'existence d'une chose résulte nécessairement, soit de son essence et définition, soit d'une cause efficiente donnée.

E3P4 Dém.
(...) la définition d'une chose quelconque contient l'affirmation et non la négation de l'essence de cette chose ; en d'autres termes, elle pose son essence, elle ne la détruit pas.


Ces 4 citations montrent le lien fort entre l'essence de la chose et sa définition. Il y a une juste manière de penser où les choses sont bien définies et qui permet de saisir simplement les essences.

Sachant que l'essence est une puissance, un "effort vers", un appétit ou un désir, qu'elle fluctue selon les instants et qu'elle est pourtant stable dans l'éternité, cela donne des indices sur la manière de bien définir les choses.
Parler de "l'essence de M. Dupond" manque sans doute de précision.
Pour avoir une juste définition, il faudra parler de l'essence de M. Dupond entre 20 et 30 ans, de l'essence de M. Dupond à l'instant t, de l'essence de M. Dupond depuis son inscription à l'état civil comme être vivant jusqu'à son inscription comme être mort ou même de l'essence de M. Dupond après sa mort corporelle celle-ci pouvant s'enrichir par exemple d'honneurs posthumes.

E4P39 Scolie : (...) Je n'ai en effet aucune raison qui me force à établir que le corps ne meurt pas s'il n'est changé en cadavre, l'expérience paraissant même nous persuader le contraire. Il arrive quelquefois à un homme de subir de tels changements qu'on ne peut guère dire qu'il soit le même homme.

Il n'y a pas de chose en soi et donc l'essence n'est pas fixée par la mort physique en cela que la relation de la chose à la totalité peut se faire par-delà les questions de temps et d'espace, et selon sa définition-essence :
- il y a le Nietzsche auteur : essence correspondant à un corps de 1870 à 1888
- le Nietzsche malade : de 1890 à sa mort biologique
- le Nietzsche récupéré par les nazi : mélange de Nietzsche auteur, de sa soeur, de Hitler etc., mélange qui permet d'affirmer "ce n'est pas Nietzsche" sous-entendu, ce n'est pas un Nietzsche correspondant au corps ayant vécu de 1870 à 1888.

En d'autres termes : l'idée d'une chose implique une définition à laquelle correspond une essence. Une chose implique généralement une durée sauf si on la définit explicitement comme "instantanée" ou éternelle.

Modèle mathématique de la relation chose-idée-essence

Parce que je suis victime comme les autres du penchant à exprimer mes petites théories, je me permettrais un copier/coller d'une analogie mathématique faite il y a quelques temps, et qui j'espère sera éclairante :

soit une chose = x
soit une idée I de la chose, fonction de celle-ci : I = f(x)
soit une essence E fonction de l'idée de la chose : E = g(I) = g(f(x))

Dans un système "existentialiste" on aura des applications injectives :
x -> I -> E
A une chose correspondent une pluralité d'idées imparfaites et une pluralité d'essences, de conventions. On en vient là par la croyance en une chose en soi même si elle est inconnaissable.

Dans un système "essentialiste" on aura des applications surjectives :
x <- I <- E
A une essence correspondra une pluralité d'idées imparfaites et une pluralité de choses imparfaites. On en vient là par la croyance en des essence en soi même si elles ne s'incarnent jamais.

Dans le système de Spinoza, pour peu qu'on parle d'idée adéquate on a des applications bijectives :
x <-> I <-> E
Et donc x <=> I <=> E
A chaque chose correspond une idée adéquate et une essence, et vice-versa.
Lorsque la chose est un corps, la même activité de la substance s'exprime à la fois dans ce corps, dans cette essence et dans l'idée adéquate.

Fluctuation des essences
Une chose peut être définie dans l'instant et sa puissance évaluée dans l'instant. On aura une essence "instantanée" et chaque chose en chaque instant sera parfaite, c'est-à-dire effectuera au mieux sa puissance.
De cette puissance instantanée dépend la force des affects :

E4P5 : La force et l'accroissement de telle ou telle passion et le degré où elle persévère dans l'existence ne se mesurent point par la puissance avec laquelle nous faisons effort pour persévérer dans l'existence, mais par le rapport de la puissance de telle ou telle cause extérieure avec notre puissance propre.

On rencontre donc une chose et, elle et nous, effectuons au mieux notre puissance. En résulte une orientation de notre puissance soit vers le haut (Joie), soit vers le bas (Tristesse), soit à l'équilibre. Il s'agit là des affects, dont la variété est grande selon le type de chose rencontrée, mais dont le résultat sur notre essence est toujours une intensification, ou un amoindrissement ou une neutralité.

Def. des affects : La joie est le passage de l'homme d'une moindre à une plus grande perfection.

Une essence varie donc en puissance mais pas en nature, pas en orientation. Chaque changement d'essence est une mort, lorsque sa puissance ne peut plus s'effectuer, et nous pouvons "mourir" plusieurs fois le temps de notre vie biologique.
Si il n'y avait que les essences instantanées, chaque instant serait un changement de nature, il n'y aurait pas de durée mais une succession d'instants sans lien. Mais les choses sont dans la durée, sont indissociable d'une variation de puissance et ce sont les affects qui leur indique si elles vont dans le sens de leur essence ou pas, si elles sont en train de mourir ou si elles vivent plus intensément.

Est affirmé ici un continuum, un plein, qui impose une variation continue et non pas une variation par sauts, par "atomes", séparés par du vide.

Et là encore, l'essence se révèle ouverte, liée à la totalité et non pas isolée. L'essence d'une chose et donc sa juste définition, doit intégrer sa réalité de mode d'un attribut, de mode local d'un être global.
Louisa a écrit :'Mental' a pour moi des connotations trop 'froides' pour pouvoir l'utiliser avec aisance chez Spinoza.

L'idée n'était pas tellement de vous amener à cet usage mais comme il n'est pas commun, il me sembait utile d'indiquer pourquoi nous le pratiquions.

Louisa a écrit :quoique je ne suis pas encore convaincue que chez Spinoza, essence = nature. Si c'était la même chose, pourquoi utiliserait-il tantôt essence, tantôt nature?

Miam vous soutiendra dans cette distinction !
Par contre, selon moi, elle n'est pas vraiment légitime. Je n'ai pas pu le vérifier, mais je pense que la distinction nature-essence était indispensable aux scolastiques qui pouvaient mettre la nature dans le monde et l'essence en Dieu, et que Spinoza reprend les termes mais s'efforce de les mêler puisque chez lui cette distinction n'a pas lieu d'être.
Exemple en E4P33 dém.
Affectuum natura seu essentia non potest per solam nostram essentiam seu naturam explicari
La nature ou essence des affects ne peut s'expliquer par notre seule essence ou nature

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Louisa
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Messagepar Louisa » 19 juin 2005, 03:57

Bonsoir bardamu,


bardamu a écrit :
je crois que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il y a eu abus de langage en parlant d'essence éternelle. Sous cette expression, il s'agissait de désigner de la part éternelle du corps, une part qui appartient à l'essence du Mental (E5P23 dém.).
Mais lorsque il est dit que cette part "remanet" ce n'est pas selon la durée mais sub specie aeternitatis, c'est-à-dire en tant que le Mental est considéré en dehors de sa relation à l'existence du corps (E5P40 scolie).
On prend le Mental, on enlève la part liée à l'existence du corps, et il reste la part proprement active, celle qui entre dans la constitution de l'entendement infini de Dieu, activité pure.


Jusqu'à présent je voulais bien accepter l'idée d'une éternité en tant que hors durée au lieu d'être une durée infinie, mais j'avais beaucoup de difficultés à sentir de quoi il pourrait s'agir. Même la penser en tant que 'présent pur' reste un peu embêtant, vu qu'on se réfère quand même à nouveau à une partie de la temporalité, même si on évacue la durée. Si on 'enlève' la durée ou toute référence à une temporalité à l'éternité, qu'est-ce qui reste? Autrement dit, je pouvais bien m'imaginer ce qu'il ne fallait PAS associer à cette notion, mais pas trop comment la donner sens positivement alors.
En ajoutant le mot latin dans mon message précédent, je n'avais pas encore vraiment fait attention à ce 'remanere', mais le fait que vous le repreniez ici, a fait que j'étais quand même curieuse de savoir quelles connotations ce 'remanere' a d'habitude. Cela pourrait éventuellement aider à 'remplir' la notion d'éternité, une fois qu'elle est vidé de tout contenu temporel.
Ce que j'ai trouvé: 'durare' semble avoir une connotation plus 'temporelle' que 'remanere', qui semble plus 'spatial'. Même si 'durare' a beaucoup à voir avec 'devenir dûr', il y a quand même aussi l'idée de permanence dans le temps. Et alors en effet: SI on regarde l'Esprit dans temps, sa partie éternelle ne peut être connu qu'APRÈS que son Corps soit mort. Mais si on regarde l'Esprit hors temps, la partie éternelle 'remanet'. Même si une des significations de remanere, c'est 'rester de façon permanente', il est possible de concevoir les autres significations de manière moins temporelle. Une 'mansio', pe, c'est une résidence. 'Rester', serait alors peut-être plus clair que 'subsister' (la traduction de Pautrat), dans le sens où en français, ce 'subsister' est à nouveau plus 'temporel' (mais aux francophones ici de juger) qu'en latin (sub-sistere vient de 'stare', qui veut dire à nouveau plutôt: rester au même endroit).
Cette partie éternelle de l'Esprit, ce serait alors plutôt une entité purement 'artificielle', résultat d'une expérience de pensée de celui qui veut comprendre. Je veux dire: SI on veut essayer de concevoir l'Esprit dans ce qu'il a d'actif et de passif, et SI on faisait comme si on sait séparer les deux, ce qui reste si on enlève le passif (lié aux rencontres fortuites du Corps), on peut la nommer partie éternelle, parce qu'elle serait conforme à la définition spinoziste de l'éternité (l'existence de cette partie suit nécessairement de la seule définition de la chose). L'idée confuse que je me suis formée ce matin en passant devant l'arbre dans la rue, ne suit pas du tout nécessairement de la définition de mon Esprit. Elle constitue mon existence actuelle, et donc l'essence actuelle de mon Esprit, mais n'a rien à voir avec sa partie éternelle.
Le 'sub specie aeternitatis' ne serait alors pas seulement 'conçu hors de toute durée' (définition négative de cette notion), mais également 'conçu sans prendre en compte tout ce qui dans la chose ne suit pas nécessairement de sa définition' (déf. positive).
Autrement dit: pour pouvoir concevoir la partie éternelle de mon Esprit, dans une expérience de pensée (chère aux anglosaxons), voici la recette: 1) on prend mon Esprit, est on l'installe ici devant moi, éclaire par mon attention comme un spot éclaire un chanteur. 2) on regarde tout ce qui, dans cet Esprit, est passif. 3) on prend ce passif, et on le jette dans l'obscurité (ou: on focalise notre lumière, si vous voulez). 4) ce qui reste là, 'in the spotlight', c'est la partie éternelle de mon Esprit.

Voici comment je concevrais donc, après nos derniers échanges ici, pour l'instant une éternité qui n'a rien à voir avec une durée. Cela vous semble-t-il spinoziste?
Petit nuance par rapport à ce que je viens d'écrire: cette éternité ne serait alors aussi peu 'spatiale' que 'temporelle', évidemment. Ce ne serait pas une éternité spatiale (ce qui ne voudrait probablement rien dire), mais il faut plutôt concevoir la chose de manière 'spatiale', 'géométrique' (on met deux parties, 2 'formes' ou figures l'une à côté de l'autre, et on a l'Esprit en général. Puis on enlève le 'côté' passif, et on tient dans la main le côté actif, c'est-à-dire celui qui, dans la définition spinoziste de l'action, est éternel). Donc: ce n'est pas l'éternité en soi qui serait spatiale, tout comme elle n'est pas temporelle. Mais il faut concevoir la chose de manière spatiale pour pouvoir déterminer si il y a quelque chose 'dedans' qui est éternelle ou non. Il faut donc un langage plutôt spatial.

bardamu a écrit :Louisa a écrit:
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour moi, cette idée est assez étrange. Elle a des 'états', qui sont ou bien innés (??? c'est quoi un état inné de l'essence?), ou bien cet état lui est arrivé du dehors. L'essence humaine est donc elle-même affectée.

C'est la révolution spinozienne.
L'essence de l'homme est le Désir qui fluctue avec la Joie et la Tristesse.


Oui!! Dans la partie 3, cela me semblait tout à fait révolutionnaire (et, comparé à ma propre expérience personnelle, très pertinente; un des problèmes que j'ai avec 'la' psychanalyse, c'est justement le fait qu'elle semble essentialiser le désir humain, dans le sens 'courant' du terme, donc dans le sens de 'fixe dans le temps', immuable, etc., mais cela est évidemment un tout autre débat).
Jusqu'à présent, en parcourant (vite) la partie 5, je concevais l'essence de manière beaucoup plus 'épistémologique' que dans la partie 3. Finalement, en effet, ces 'états' de l'essence restent très logiques par rapport à tout ce que Spinoza a déjà écrit avant, mais je n'avais pas encore fait le lien si clairement, en ce qui concerne les conséquences sur une théorie de la connaissance. Comment connaître l'essence de cet arbre, si cette essence 'change'?? Oui, Aristote a déjà essayé de construire une science du devenir. Mais jusqu'à présent, je n'avais pas encore conçue la théorie spinoziste de la connaissance comme une théorie qui s'applique au devenir. Cela ne peut donc qu'augmenter ma fascination pour Spinoza ... .
Première tentative de réponse: connaître l'essence de quelque chose qui change, c'est connaître sa puissance. Cela serait-il l'équivalent de connaître la chose dans toutes ses possibilités, aussi celles qui ne s'actualiseront jamais? Et/ou connaître la chose dans tous les états qui se sont et se seront actualisés?

bardamu a écrit :
Mais je vais me concentrer sur les questions de la chose, de sa définition et de son essence, et cela devrait nous rapprocher de la thématique de Miam qui a sans doute raison lorsqu'il dit que la compréhension de la constitution des essences dans la durée est indispensable à la compréhension des choses.


Question à Miam, s'il était d'accord avec ce que viens d'écrire ici bardamu: cette compréhension est-elle nécessaire pour pouvoir faire la part, dans la chose, de son côté actif et son côté passif? Pas de connaissance adéquate possible d'une chose active (mon idée adéquate/mon Esprit adéquate) directement à une autre chose active? Il faut passer par le passif? Mais pourquoi alors? Parce que cela nous dit également quelque chose sur les possibilités de la chose, ne fût-ce que ses possibilités de pâtir, et donc d'être affecté?

bardamu a écrit :
La chose, sa définition, son essence
Spinoza a écrit:

E1P8 scolie
1° La vraie définition d'une chose quelconque n'enveloppe ni n'exprime rien de plus que la nature de la chose définie.

E1P16 dém.
(...) de la définition d'une chose quelconque, l'entendement conclut un certain nombre de propriétés qui en découlent nécessairement, c'est-à-dire qui résultent de l'essence même de la chose ; et ces propriétés sont d'autant plus nombreuses qu'une réalité plus grande est exprimée par la définition, ou, ce qui revient au même, est contenue dans l'essence de la chose définie.

E1P33
(...) l'existence d'une chose résulte nécessairement, soit de son essence et définition, soit d'une cause efficiente donnée.

E3P4 Dém.
(...) la définition d'une chose quelconque contient l'affirmation et non la négation de l'essence de cette chose ; en d'autres termes, elle pose son essence, elle ne la détruit pas.


Ces 4 citations montrent le lien fort entre l'essence de la chose et sa définition. Il y a une juste manière de penser où les choses sont bien définies et qui permet de saisir simplement les essences.

Sachant que l'essence est une puissance, un "effort vers", un appétit ou un désir, qu'elle fluctue selon les instants et qu'elle est pourtant stable dans l'éternité, cela donne des indices sur la manière de bien définir les choses.


Avant d'avoir écrit ce que je viens d'écrire, donc dans une première lecture de votre message, je ne voyais pas trop comment concevoir ce 'stable dans l'éternité' ensemble avec l'idée de fluctuer tout le temps.
Mais ... on pourrait dire que ce n'est pas l'essence elle-même qui soit stable dans l'éternité, mais seulement la partie éternelle d'elle?

bardamu a écrit :Parler de "l'essence de M. Dupond" manque sans doute de précision.
Pour avoir une juste définition, il faudra parler de l'essence de M. Dupond entre 20 et 30 ans, de l'essence de M. Dupond à l'instant t, de l'essence de M. Dupond depuis son inscription à l'état civil comme être vivant jusqu'à son inscription comme être mort ou même de l'essence de M. Dupond après sa mort corporelle celle-ci pouvant s'enrichir par exemple d'honneurs posthumes.


Oui, en effet. Génial, ce Spinoza ... :)

bardamu citant Spinoza a écrit :E4P39 Scolie : (...) Je n'ai en effet aucune raison qui me force à établir que le corps ne meurt pas s'il n'est changé en cadavre, l'expérience paraissant même nous persuader le contraire. Il arrive quelquefois à un homme de subir de tels changements qu'on ne peut guère dire qu'il soit le même homme.


N'ayant pas encore de petites/moyennes/grandes théories personnelles sur l'interprétation de Spinoza, je me contente de vous livrer ici l'affect causé par une telle proposition sur ma personne (info sans doute moins intéressante, mais bon ... vu qu'il existe des losi de contamination d'affects ...): :D :D :D

bardamu a écrit :Il n'y a pas de chose en soi et donc l'essence n'est pas fixée par la mort physique en cela que la relation de la chose à la totalité peut se faire par-delà les questions de temps et d'espace, et selon sa définition-essence :
- il y a le Nietzsche auteur : essence correspondant à un corps de 1870 à 1888
- le Nietzsche malade : de 1890 à sa mort biologique
- le Nietzsche récupéré par les nazi : mélange de Nietzsche auteur, de sa soeur, de Hitler etc., mélange qui permet d'affirmer "ce n'est pas Nietzsche" sous-entendu, ce n'est pas un Nietzsche correspondant au corps ayant vécu de 1870 à 1888.


Tout à fait.

bardamu a écrit :En d'autres termes : l'idée d'une chose implique une définition à laquelle correspond une essence. Une chose implique généralement une durée sauf si on la définit explicitement comme "instantanée" ou éternelle.


En fait .. ici j'ai plus de difficultés à vous comprendre. Une chose définié sub specie aeternitatis, serait 'instantanée' ET hors durée? Mais l'instant, n'est-il pas juste la limite infiniment petite de la durée (tout comme le 'pur présent' reste un présent, et donc une partie de la durée)?
Et tous les chimères, qui n'ont pas de durée du tout?
Puis j'ai un deuxième problème avec ce que vous venez d'écrire, mais il devient plus clair dans la suite:

bardamu a écrit :
Modèle mathématique de la relation chose-idée-essence

Parce que je suis victime comme les autres du penchant à exprimer mes petites théories, je me permettrais un copier/coller d'une analogie mathématique faite il y a quelques temps, et qui j'espère sera éclairante :

soit une chose = x
soit une idée I de la chose, fonction de celle-ci : I = f(x)
soit une essence E fonction de l'idée de la chose : E = g(I) = g(f(x))


J'ai l'impression que cette image pourrait en effet être très intéressante, mais le problème que j'ai avec, c'est que du coup, cela me semble assez idéaliste. Trop idéaliste pour être conçu dans un spinozisme. Comment une essence pourrait-elle être fonction d'une idée? Cela ne signifierait-il pas que l'idée devrait être antérieure? Une fonction n'est-elle pas antérieure à son objet, à qui on l'applique? Je croyais que la définition d'une chose devrait correspondre à l'essence de la chose. Et qu'on pouvait avoir une idée de la chose, et une (éventuellement autre) idée de son essence (voire ne pas avoir d'idée du tout de son essence).
Si chez Spinoza, l'attribut Pensée exprime la Substance, et exprime toutes les essences, donc si une idée exprime une essence, comment une essence pourrait-elle être 'fonction' d'une idée????
Je sais bien qu'ici, je suis déjà dans le langage spinoziste, tandis que vous vouliez juste définir le point de départ de votre théorie. Mais si le point de départ ne correspond déjà pas à celui d'une des trois pensées que vous caractérisez, comment comprendre la suite?
Je suis d'accord avec la façon dont vous posez ici les relations entre l'idée, l'essence et la chose chez Spinoza, mais vous ne parlez que de correspondances bidirectionnelles. Il me semble qu'en définissant x comme la chose, I comme étant fonction de la chose (I = f(x)), et E comme l'essence de la chose, indépendamment de l'idée ou des idées que nous ou Dieu pouvons avoir de cette chose (il peut donc exister un E(x): pour tout x, E(x) € x; en lisant le signe de l'euro ici comme 'appartient à', voire, pour suivre la terminologie de miam, avec laquelle je suis ici d'accord, 'constitue').

Alors on aurait dans un système existentialiste:
x -> I, mais I(x) n'aura jamais d'accès (total) à E(x), donc il n'existe pas de I(x) = E(x) (si on croit aux essences en soi) ou bien il n'y a tout simplement pas de E(x) (position de Hokusai), il n'y a que des x et des I(x))

système essentialiste:
x -> I, et il existe au moins une I(x) = E(x) (ne fût-ce qu'en Dieu), tout comme il existe au moins une I(x) qui ne contient rien de E(x)

système spinoziste:
x -> I, et toute I(x) enveloppe E(x). Il existe au mons une I(x) = E(x) (ne fût-ce qu'en Dieu), mais il n'existe aucune I(x) qui ne contient rien de E(x).

Qu'en pensez-vous?

bardamu a écrit :Fluctuation des essences
Une chose peut être définie dans l'instant et sa puissance évaluée dans l'instant. On aura une essence "instantanée" et chaque chose en chaque instant sera parfaite, c'est-à-dire effectuera au mieux sa puissance.
De cette puissance instantanée dépend la force des affects :

E4P5 : La force et l'accroissement de telle ou telle passion et le degré où elle persévère dans l'existence ne se mesurent point par la puissance avec laquelle nous faisons effort pour persévérer dans l'existence, mais par le rapport de la puissance de telle ou telle cause extérieure avec notre puissance propre.

On rencontre donc une chose et, elle et nous, effectuons au mieux notre puissance. En résulte une orientation de notre puissance soit vers le haut (Joie), soit vers le bas (Tristesse), soit à l'équilibre. Il s'agit là des affects, dont la variété est grande selon le type de chose rencontrée, mais dont le résultat sur notre essence est toujours une intensification, ou un amoindrissement ou une neutralité.


Oui, en effet. Les termes d'intensification, d'amoindrissement et de neutralité/équilibre me semblent justifiés. N'existerait-il pas un terme qui désigne l'amoindrissement de la perfection en terme d'intensité? Il n'y a pas de mot français spécifique pour 'perte d'intensité'?
En ce qui concerne la neutralité: dans la mesure où il s'agit d'une affection qui n'oriente notre puissance ni vers le haut, ni vers le bas, mais nous fait juste nous efforcer de persévérer dans notre être (affection sans affect donc), cela me semble cohérent avec ce que j'ai jusqu'à présent lu/compris.
Mais ce qui est un peu bizarre, c'est que dans ce cas, c'est le Désir lui-même qui est appelé 'neutre'. Ou en tout cas, ce serait plutôt assez 'révolutionnaire' aussi, dans la mesure où traditionnellement, c'est la présence d'un désir qui fait que les choses ne sont pas neutres, ou qu'on n'est pas dans un état d'indifférence. Ces oppositions ne seraient-elles éventuellement plus valables non plus?

bardamu a écrit :
Def. des affects : La joie est le passage de l'homme d'une moindre à une plus grande perfection.

Une essence varie donc en puissance mais pas en nature, pas en orientation.


Mais ... si l'affect, c'est un changement d'orientation de la puissance (comme j'ai compris dans ce que vous venez d'écrire), comment la puissance peut-elle varier sans que l'orientation change?
Et une essence, n'est-ce pas un degré de puissance? Comment peut-elle alors varier en puissance? Si sa puissance change (et comment une puissance pourrait-elle changer, si ce n'était que de degré?), ne change-t-elle pas elle-même? (on pourrait dire que ce n'est pas l'essence qui change en fonction de ses affections. Ce ne sont que ses 'états' qui changent. Mais alors, il existerait des choses qui constituent une essence, sans qu'elles soient 'essentielles' à cette essence? Cela n'est peut-être pas tout à fait absurde. Après tout, il n'y a qu'une partie de mon Esprit pe qui est éternelle, tandis qu'il y a beaucoup d'idées inadéquates qui le constituent également. Mais dans ce cas, qu'est-ce qui constitue cette puissance, ou ce degré de puissance? )
Enfin, comme vous le voyez, je suis un peu dans la confusion par rapport à ce que vous écrivez ici.

bardamu a écrit :Chaque changement d'essence est une mort, lorsque sa puissance ne peut plus s'effectuer, et nous pouvons "mourir" plusieurs fois le temps de notre vie biologique.


ici aussi, cela m'étonne un peu. La mort, n'est-elle pas juste, chez Spinoza (comme l'explique Deleuze; merci d'ailleurs pour le lien vers ce cours-là, mais c'était en fait le seul cours que je connaissais, vu que j'ai les 2 CDs. J'ai téléchargé le reste du cours il y a quelques semaines, mais je n'ai pas encore eu l'occasion de le lire), le fait qu'il n'y a plus de corps extérieurs que je peux m'approprier pour effectuer un rapport à moi? Dès lors, mon essence actuelle cesse d'être 'en acte', mais change-t-elle pour autant?

Si vous dites que nous pouvons mourir plusieurs fois dans la vie (conception qui me semble assez intéressante en soi), n'inversez-vous pas les rôles? C'est qui qui meurt, ce 'nous'? Notre Corps effectuerait tantôt une essence A, tantôt une essence B, etc. Mais cela donne l'impression que ce serait le Corps qui reste invariable, ce qui me semble assez impensable.
Ou bien ... en réfléchissant à la E4P39: là, un Corps plus ou moins uni continue à exister, tandis qu'on ne parle plus, au sujet de ce Corps, du même homme. Dans ce sens, oui, il s'agit bien de la mort de l'homme sans mort du Corps, dans le sens où l'essence de ce Corps n'a peut-être pas changée, mais que les corps extérieurs qui effectuent le rapport caractéristique de ce Corps, n'effectuent plus le rapport caractéristique de l'Esprit d'avant (d'avant un trauma etc). Ils effectuent maintenant le rapport caractérisant un autre Esprit (voir un autre homme). Mais à nouveau: qui meurt alors? L'Esprit d'avant? Mais un Esprit, peut-il mourir? L'homme qui 'occupait' avant ce Corps? Mais pourquoi alors dire que c'est 'nous' qui mouront plusieurs fois dans la même vie? Car dans ce cas, l'homme qui possèdera le même Corps après que moi je l'ai quitté, il n'est pas 'moi'. Ce 'nous' serait alors le Corps, car c'est ça qui reste? Le rapport qui caractérise notre Corps continue à être effectué, donc le Corps n'est pas mort, mais existe toujours.

bardamu a écrit :Si il n'y avait que les essences instantanées, chaque instant serait un changement de nature, il n'y aurait pas de durée mais une succession d'instants sans lien. Mais les choses sont dans la durée, sont indissociable d'une variation de puissance et ce sont les affects qui leur indique si elles vont dans le sens de leur essence ou pas, si elles sont en train de mourir ou si elles vivent plus intensément.


Evidemment, n'ayant pas compris ce qui précède, je ne vois pas trop comment penser ceci non plus. Chaque instant de 'nous' serait un changement de nature, je suppose que vous voulez dire? Mais qu'est-ce qui ferait alors l'unité de ce 'nous', si ce n'est plus une essence?

Bref, j'ai l'impression que ce qui pose question, c'est les termes 'état d'essence' - 'constitutio' (et nature?). Si je ne m'abuse, c'est Miam qui vient d'attirer notre attention sur le fait que 'état', c'est 'constitutio'. Une variation d'une essence, une variation d'un degré de puissance, est-ce pour autant un changement d'une essence vers une autre? Cela me semble contradictoire. Ou bien les états d'une essence changent, mais alors l'essence, c'est ce qui garde l'unité (je ne vois pas pourquoi il faudrait de la durée pour ça). Ou bien c'est l'essence elle-même qui change, et qui passe donc dans une autre essence.
En tout cas, cela pose pour moi à nouveau le problème de l'essence et de la nature. Si l'essence peut avoir des états différents, mais n'aurait qu'une seule nature, pe, ne pose-t-on pas un genre d'essence d'essence? Si les différents états 'constituent' l'essence, cette regression à l'infini disparaît. L'essence n'est alors constituée par rien d'autre que par ses états. Et si l'état de l'essence consiste pe dans le fait d'être passé à une plus grande perfection, cette partie-là de l'essence constituera l'éternité de la chose (problème: il n'y a que l'Esprit humain qui est dit avoir une partie éternelle, et pas le Corps; or l'essence du Corps doit quand même aussi avoir de différents états ...)?

bardamu a écrit :Et là encore, l'essence se révèle ouverte, liée à la totalité et non pas isolée. L'essence d'une chose et donc sa juste définition, doit intégrer sa réalité de mode d'un attribut, de mode local d'un être global.


d'accord

bardamu a écrit :Louisa a écrit:

'Mental' a pour moi des connotations trop 'froides' pour pouvoir l'utiliser avec aisance chez Spinoza.

L'idée n'était pas tellement de vous amener à cet usage mais comme il n'est pas commun, il me sembait utile d'indiquer pourquoi nous le pratiquions.


Je ne me sentais aucunement 'orientée' vers l'une ou l'autre traduction, mais en effet, je me posais déjà la question de quelle traduction ce 'Mental' pourrait provenir. L'info était donc la bienvenue.

bardamu a écrit :Louisa a écrit:
quoique je ne suis pas encore convaincue que chez Spinoza, essence = nature. Si c'était la même chose, pourquoi utiliserait-il tantôt essence, tantôt nature?

Miam vous soutiendra dans cette distinction !


Je n'irais pas si loin de dire que je la trouve pertinente. Par principe, je laisse ouverte la possibilité qu'il s'agit de deux choses différentes s'il y a deux termes différents, mais pour l'instant, je n'ai pas d'idée comment caractériser une éventuelle différence. Mais je n'ai rien trouvé non plus qui obligerait à les identifier. Miam pouvait peut-être, si cela l'intéresse, expliquer en quoi consisterait, selon lui, la différence?

bardamu a écrit :Par contre, selon moi, elle n'est pas vraiment légitime. Je n'ai pas pu le vérifier, mais je pense que la distinction nature-essence était indispensable aux scolastiques qui pouvaient mettre la nature dans le monde et l'essence en Dieu, et que Spinoza reprend les termes mais s'efforce de les mêler puisque chez lui cette distinction n'a pas lieu d'être.
Exemple en E4P33 dém.
Affectuum natura seu essentia non potest per solam nostram essentiam seu naturam explicari
La nature ou essence des affects ne peut s'expliquer par notre seule essence ou nature


La seule chose que j'ai trouvée après une recherche très rapide: apparemment, selon Pierre Pellegrin, Aristote donnait 4 sens au terme 'nature', dont un que Pellegrin appelle le 'sens fondamental' pour Aristote, et là, nature = essence (= substance). Il ajoute: 'La nature d'une chose, c'est l'état de plein épanouissement vers lequel elle tend'.

En ce qui concerne le 'seu': je me souviens avoir lu quelque part que le statut de ce seu ou sive serait assez ambigue, mais hélas, je ne sais plus du tout où. S'agit-il de deux choses identiques A = B) ? Ou veut-il dire une seule et même chose de deux choses différentes (C se dit de A sive B)?
Pe: très rarement, pour autant que je sache, Spinoza écrit 'esse objectivum, sive idea'. Pour moi, cela veut dire que dans ce contexte, il veut dire quelque chose C de l'être objectif d'une chose, en y ajoutant donc que ce C vaut d'office aussi pour l'idée de la chose. Mais pour l'instant, je préfère là aussi tenir la possibilité ouverte que l'idée n'est pas partout remplaçable par l'expression 'être objectif'. Une chose a un être objectif, ce qui veut dire qu'elle peut être conçue sous l'attribut de la Pensée (Dieu en a l'idée qu'elle est, et l'homme peut se former des idées concernant cette chose). Et une chose peut avoir une idée, mais dans ce cas, cette chose elle-même doit appartenir à l'attribut Pensée (pe: un Esprit peut avoir une idée, mais un corps pas).
Par contre, dans l'usage que Miam en fait, 'idée' et 'être objectif' semblent pour lui tout à fait interchangeables.

Bonne nuit,
Louisa

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Messagepar Miam » 19 juin 2005, 14:30

Salut à tous,

Que ce soit dans ce sujet ou dans celui qui concerne les notions communes, je vois que l'on pose des questions fort intéressantes auxquelles je me suis attelé voici peu, Toutefois, je m'en excuse, je ne pourrai participer à leur élucidation avant demain soir au plus tôt (trop crevé et pas assez de temps).

Juste comme cela, puisque l'assertion de Louisa précède immédiatement ces quelques lignes : comment cela, pour moi "être objectif" et "idée" sont interchangeables ? Je distingue quand-même bien les idées comme modes de l'attribut pensée et les êtres objectifs ou idées qui suivent de l'idée de Dieu. Les premières sont constituées par la puissance d'agir de Dieu. Les seconds par sa puissance de penser. Comme les unes sont l'application des autres sur l'infinité des attributs, ce sont pourtant les "mêmes" idées,.. hormis cette différence qui, je pense, est corrélative de l'écart (et rapport) cognitif (et constitutif) de l'essence du Mental au Corps existant en acte et aussi du Mental éternel à l'essence du Corps considéré sub specie aeternitatis.

Je n'assimile donc pas simlement les termes "être objectif" et "idée". Et je pense que Spinoza est contraint de dire "l' être objectif, autrement dit l' idée" (ou le plus souvent "son" idée) pour également distinguer les idées-modes des idées-êtres objectifs d'une part et d'autre part exprimer la notion d'idée à part entière qui n'est pas explicitement comprise dans le terme d'"être objectif"

(En effet pour Descartes par exemple, l'être objectif de la chose, c'est la chose telle qu'elle est dans l'idée (définition scolastique) de sorte que l'être objectif ou la réalité objective est celui (celle) de l'idée (ça c'est spécifiquement cartésien : voir les objections et lettres d'Arnauld et réponses). La frontière entre le formel et l'objectif partage alors l'idée elle même (réalité formelle/objective). Chez Spinoza, à l'inverse, l'être objectif est une idée à part entière parce qu'il n'est pas seulement le contenu représentatif de l'idée.)

A demain donc.

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Messagepar hokousai » 19 juin 2005, 18:20

à miam

"""""""l'être objectif est une idée à part entière parce qu'il n'est pas seulement le contenu représentatif de l'idée.) """""""tout le monde le comprend comme ça .
Sauf qu 'il n y a plus d'être objectif .
......................................................................................

"""""""""""""""Je distingue quand-même bien les idées comme modes de l'attribut pensée et les êtres objectifs ou idées qui suivent de l'idée de Dieu. Les premières sont constituées par la puissance d'agir de Dieu. Les seconds par sa puissance de penser. """""""""""

Cette obscure clarté qui tombe des étoiles .
Il y aurait deux régimes des idées celle qui suivent de l’attribut pensée et d’ autres qui suivent de l’idée de Dieu . Je n’avais jamais envisagé ce scénario là .

1) Les idées ( ordinairs) suivent de la puissance d’agir ) bon d’accord .
2)D’ autres idées ( lesquelles exactement )suivent de la puissance de penser ( les essence probablement ).

Je rappelle donc la comparaison entre chien aboyant et le chien céleste laquelle comparaison nous interdit pratiquement d oser envisager ce que pourrait être la pensée de Dieu .Un peu de modestie dans vos distinctions.

Mais plus important et vraiment important""Les seconds par sa puissance de penser.""""""
Ce qui signifie que Dieu est essentiellement un intellect, qu il pense ses attributs hors ou antérieurement ,que les attributs ( l’étendue par exemple ) sont pensés hors de l’attribut pensée .Qu’il pense mais que nous ne pensons pas que ce qu ‘il pense ne pourrait avoir de convenances que de nom .Ainsi qu’on en parle sans vergogne .

Ce qui fait de Dieu un être éminemment pensant . Cela est le dieu des scolastiques .Je regrette mais ce n’est pas le Dieu de Spinoza . "l’intellect en acte qu’il soit fini ou infini doit être rapporté à la nature naturée et non à la naturante "" pro31 par 1)

La dimension transcendantale du spinozisme est exprimée avec force par cette parabole du chien .La théologie de Spinoza est une théologie négative ce que je rappelais il y a quelques jours à henrique.

hokousai

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Messagepar Louisa » 20 juin 2005, 01:24

Cher Miam,

sur base de votre avant-dernier message, je commençais juste à avoir l'impression que ce qui semble parfois être de l'ordre du malentendu entre nous pourrait avoir à voir avec un usage différent des termes 'idée' et 'être objectif', et voici que vous indiquez déjà que je ne vous avais pas bien compris.

Conséquence : pour mieux se comprendre, il me semble que je devrais en fait relire tout dès le début, et pas uniquement les parties de vos messages que je n'avais pas encore eues le temps de lire. Hélas, je ne vois pas du tout quand faire cela. Solution pragmatique: on avance pas à pas .. . Certes, cela ne va pas du tout remédier à votre problème d’avoir l'impression de devoir vous répéter parfois, mais peut-être qu'après tout, ces répétitions ne seraient pas très efficaces non plus, dans le sens où pour comprendre une pensée, il vaut parfois mieux de l'aborder de différentes manières que de prendre toujours la même entrée.

Donc, reprenant ici juste votre tout dernier message:

Miam a écrit :Je distingue quand-même bien les idées comme modes de l'attribut pensée et les êtres objectifs ou idées qui suivent de l'idée de Dieu.


Serait-il éventuellement possible d'indiquer des endroits où Spinoza lui-même utiliserait cette caractérisation, ou nous amenerait à la supposer?

Comme vous dites ci-dessous qu'il s'agit pourtant de la même idée: pourrait-on dire que ce que vous appelez 'idées' sont les idées x, y, z etc 'conçues' sous l'attribut Pensée, tandis que les êtres objectifs sont ces mêmes idées x, y, z mais conçues / en tant qu'elles suivent de l'idée de Dieu?
Un pas en plus: si oui, pourrait-on dire ceci: prenons les 'idées' comme vous les entendez ici. Seraient-elles identifiables à l'être formel d'une idée x? L'être formel d'une idée étant le fait qu'elle appartienne à l'attribut de la Pensée.
Tandis que les êtres objectifs, étant des idées qui suivent de l'idée de Dieu, concernent l'idée x en rapport (causale) avec l'idée de Dieu. L'idée x en tant que objet de l'idée de Dieu donc?

Si oui: j'ai l'impression qu'on se situe ici à un niveau 'méta' de l'idée. Pour l'instant, je partais de l'hypothèse que l'être objectif de quelque chose, concernait toujours en premier lieu la chose, et pas un statut quelconque de ce qui était déjà de l'ordre d'une idée (même si, le cas échéant, cette chose pourrait également être une idée). Tandis qu'on parle ici d'idées déjà réfléchies par la conscience, ou, dans un certain sens, des idées dans leurs propriétés intrinsèques.
Autrement dit: pour l'instant, je situais une différence potentielle entre 'idée' et 'être objectif' au niveau de l'idée x, y, z dans la relation avec son objet, donc au niveau des propriétés extrinsèques de l'idée, au niveau de la relation de l'idée avec quelque chose qui ne soit pas de l'ordre de l'idée (donc ni l'idée de Dieu, ni l'idée conçue sous l'attribut de la Pensée). Chaque chose a un être objectif (il en existe au moins une idée, celle en Dieu). Mais cela n’est qu’une propriété de la chose. Et si elle a un être objectif, il sera possible de former des idées prenant cette chose comme objet. Mais là où je dirais qu'une chose a un seul être objectif (comme les hommes ont LA propriété d’avoir 2 jambes, propriété unique en soi), j'ai l'impression qu'une chose peut avoir beaucoup de différentes idées (si elle a un Esprit), et être prise comme objet de beaucoup d'idées différentes également (l'idée que je me forme de la chose, l'idée que mon voisin se forme de la chose, etc). Donc je dirais : chez Spinoza, l’être objectif a à voir avec la chose elle-même (son essence, ses propriétés), tandis que l’idée n’est pas une propriété de choses, mais un mode de l’attribut Pensée. On peut alors concevoir ce mode ‘tel quel’ (pe l’idée x en tant que ce qui caractérise mon Esprit à ce moment précis, et qui peut pe être adéquate ou non), ou le concevoir en tant que suivant de l’idée de Dieu (l’idée x en tant qu’elle est toujours déjà adéquatement en Dieu). Mais cela ne concerne que l’idée, et pas l’être objectif.

Or, si j'ai bien compris votre distinction, elle semble opposer 'être objectif' et 'être formel' au sein même de quelque chose qui soit de l'ordre de l'idée, tandis que pour moi, il s'agit plutôt de quelque chose qui soit de l'ordre de l'être (donc d'une chose en général). L'être objectif de la chose se distingue de l'être formel de la chose, ce dernier comprenant toute sa réalité. Si la chose est une idée, alors l'être formel de la chose consiste dans le fait d'être un mode de l'attribut Pensée.

Miam a écrit :Les premières sont constituées par la puissance d'agir de Dieu. Les seconds par sa puissance de penser. Comme les unes sont l'application des autres sur l'infinité des attributs, ce sont pourtant les "mêmes" idées,.. hormis cette différence qui, je pense, est corrélative de l'écart (et rapport) cognitif (et constitutif) de l'essence du Mental au Corps existant en acte et aussi du Mental éternel à l'essence du Corps considéré sub specie aeternitatis.


Que voulez-vous dire par là exactement ?
Je peux bien m’imaginer que les modes de l’attribut Pensée sont consitués par la puissance divine de penser, tandis que, si on les considère en tant que ‘entités telles quelles’, ils sont des produits directs de la puissance d’agir de Dieu. Si c’est ça la différence que vous vouliez faire entre ‘idée’ et ‘être objectif’, je comprends bien la différence, et elle me semble tout à fait spinoziste, mais je ne vois pas en quoi on serait obligé de recouper cette différence avec celle entre l’idée et l’être objectif. Donc même problème qu’au début : où avez-vu lu que Spinoza liait ces deux différences entre elles ?

Miam a écrit :En effet pour Descartes par exemple, l'être objectif de la chose, c'est la chose telle qu'elle est dans l'idée (définition scolastique) de sorte que l'être objectif ou la réalité objective est celui (celle) de l'idée (ça c'est spécifiquement cartésien : voir les objections et lettres d'Arnauld et réponses). La frontière entre le formel et l'objectif partage alors l'idée elle même (réalité formelle/objective). Chez Spinoza, à l'inverse, l'être objectif est une idée à part entière parce qu'il n'est pas seulement le contenu représentatif de l'idée.)


ah! voici que vous ne serez donc probablement pas d'accord quand je viens d'écrire que vous semblez faire de la distinction idée-être objectif une distinction intra-idéelle ... (chez Spinoza donc). Alors comment
comprendre vos citations ci-dessus ... ?

Puis: si vous dites que l'être objectif chez Spinoza est 'plus' que le contenu représentatif de l'idée, vous semblez dire que chaque idée aurait donc, chez Spinoza, un contenu représentatif (et quelque chose en plus)? Il ne m'est alors pas très clair ce que vous voulez dire par 'représentation'. Dans nos messages précédents, là où moi je ne voyais pas de représentation, vous sembliez interpréter ce que je disais comme 'représentation' et dès lors le rejeter comme trop cartésien pour être spinoziste. Par contre, j'ai souvent l'impression que vous gardez vous-même de temps en temps une place pour la représentation chez Spinoza qui est beaucoup plus grande que celle que lui accorde Spinoza (toujours dans mon interprétation, évidemment), et qui pour moi est déjà trop 'cartésienne'. Une autre possibilité de clarifier serait donc d'essayer d'expliciter ce qu'on comprend par 'représentation'.

Entre-temps, voici encore une fois Rousset concernant l'objectif ([ ] de moi) : "... l'on voit ainsi le premier [Suarez, scolastique, conceptus objectivus] être attentif à la structure interne du concept, le deuxième [Descartes, realitas objectiva] au rapport du sujet à un objet que lui présente son idée, le troisième [Spinoza, essentia objectiva] à l'être même de l'objet défini dans son idée;"
Autrement dit: "pour .. Suarez, ... le conceptus objectivus est le concept, non pas en tant qu'acte de concevoir de l'entendement, mais en tant qu'être conçu dans l'entendement; pour Descartes, ce terme, la realitas objectiva, est la réalité (ou perfection, ou quantitié d'être, ou encore degré d'existence) pensée dans l'idée de la chose ... . Pour Spinoza, ce terme, l'essentia objectiva ... est l'essence même de la chose en tant que cette essence est pensée dans une idée."

Rousset ajoute qu'à son avis, aussi bien les scolastiques que Descartes et Spinoza comprennent tous l'être objectif comme la chose en tant qu'elle est l'objet d'une idée.

Tandis que quand vous écrivez:

En effet pour Descartes par exemple, l'être objectif de la chose, c'est la chose telle qu'elle est dans l'idée (définition scolastique)


vous semblez déjà voir une différence entre Spinoza d'un côté, et Descartes et les scolastiques d'un autre côté. Or la différence pour Rousset (selon ma compréhension) ne se trouve pas du tout là, mais plutôt dans la façon spécifique de définir la relation entre la chose et l'idée, ou entre l'idée et son objet..
On pourrait éventuellement dire, sur base de ce qu’écrit Rousset (que, encore une fois, je ne prends pas comme ‘auctoritas’, mais juste comme une de mes sources de la pensée de Descartes, n’ayant pas encore eu l’occasion de lire Descartes lui-même ; son livre traite des commentaires de Spinoza des objections faites à Descartes), qu’aussi bien Suarez que Descartes parlent essentiellement de l’idée (même si Descartes parle déjà des deux, de l’idée et de la chose ; mais chez Descartes, c’est encore la chose telle qu’elle est présente dans l’esprit du sujet), quand ils parlent de l’objectif, tandis que Spinoza parle vraiment de la chose elle-même. Donc dans ce sens, je serais d’accord pour opposer Spinoza à Descartes et Suarez.
Mais comme chez Descartes, l’être objectif de la chose traite déjà de l’idée que s’en fait le sujet, l’être objectif de la chose est égale à l’objet de l’idée. C’est ce que j’ai voulu dire quand je continuais à insister sur l’hypothèse que l’objet = chose chez Descartes, tandis que cela n’est plus du tout le cas chez Spinoza.
Et si objet = chose, alors en effet, qualifier la relation idée-objet ou idée-chose comme une représentation me semble tenir la route (pour être précis : selon Rousset, Descartes lui-même nuançait l’usage de ‘représentation’. Mais cela n’a pas trop d’importance ici, je crois. Dans les Réponses aux 2es Objections, il dit en tout cas que ‘objectivement’ signifie ‘par représentation’ (voir Jean Laporte). Dans la Préface des Méditations, il dit que ‘le mot idée peut être pris objectivement pour la chose qui est représentée par cette opération.’ Comme le dit Laporte : ‘la réalité objective, c’est l’idée dans son rapport … à l’objet éxtérieur dont elle est la ‘ressemblance’.) Donc : pour Descartes, l’être objectif n’est pas seulement la chose en tant qu’elle est l’objet d’une idée (comme pour Spinoza et les scolastiques), mais en effet, comme vous dites, il s’agit d’un rapport spécifique où l’être objectif de la chose est aussi ‘la chose telle qu’elle est dans l’idée’. On ne parle jamais de l’essence de la chose elle-même. C’est parce qu’il devient alors tout à fait incompréhensible qu’il y ait une ressemblance entre la chose et son ‘être objectif’, que Descartes doit poser l’innéité des idées.

Mais chez Spinoza (et ce serait donc une invention qui porte son nom), l’être objectif concerne l’essence de la chose. Et alors tout change. L’idée n’est plus, en premier lieu, liée à l’entendement humain qui le pense, mais à la chose elle-même. De chaque chose, Dieu en a l’idée. Donc l’être objectif devient une propriété de la chose, et pas de l’idée. A cause du parallélisme, tout problème de correspondance entre l’idée et la chose disparaît. Chaque chose EST l’objet de l’idée qu’elle est en Dieu (en tant qu’il est Pensée). Spinoza parle alors de l’idée qu’EST la chose. Mais le ‘sujet’ humain est également une idée, et surtout A des idées. Ces idées peuvent être causées par l’idée d’une chose, mais alors, l’objet de l’idée qu’a l’homme de la chose n’est plus du tout la chose elle-même. C’est une affection du Corps, et cette affection enveloppe la nature de la chose ET la nature du Corps.
Et alors, quand on crée une telle distinction entre objet et chose, à mon avis il n'est pas nécessaire de situer l'être objectif dans ce qui suit de l'idée de Dieu pour éviter toute notion de représentation entre une idée et une chose. Il suffit de poser, comme le fait Spinoza, que l'idée enveloppe la nature de la chose aussi bien que la nature du Corps, pour dévalider la notion de représentation (pas de ressemblance, mais enveloppement). L'être objectif reste alors juste une propriété d'une chose (le fait qu’elle peut être prise comme objet d'une idée), et rien de plus. En quoi cela nous empêcherait-il de concevoir l'être objectif comme 'à part entière'?

Bon repos,
Louisa

PS à Hokusai: si vous vouliez dire par la première phrase de votre dernier message que tout le monde comprend l'être objectif comme représentation: en ce qui concerne Spinoza, je ne serais donc pas d'accord (et Miam non plus, pour autant que je l'ai compris; il me semble que pour lui aussi, l'idée spinoziste n'est plus représentative, comme elle l'était chez Descartes).

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Messagepar Louisa » 20 juin 2005, 06:33

Réponse au 2e message de Miam posté le 14.06 (pg. 11 de ce fil).

Avant de commencer: un 2e PS à hokusai: je ne crois pas que Miam fait de Dieu un Dieu surtout pensant, comme vous l'écrivez. Il dit que l'être objectif et le mode de l'attribut Pensée concernent finalement la même idée. A mon avis, il ne pose donc pas de priorité de la puissance de penser de Dieu par rapport à la puissance d'agir. Il ne s'agit pas de deux puissances différentes du même Dieu, dont l'une aurait une quelconque antériorité par rapport à l'autre, mais du même Dieu en tant qu'on le considère tantôt comme idée productrice d'idées, tantôt comme action productrice d'idées. Mais cela revient au même. C'est peut-être le fait que miam (à mes yeux) 'idéalise' l'être objectif, c'est-à-dire qu'il en fait quelque chose qui appartient déjà à la Pensée, et plus à la chose elle-même, qui vous donnait cette impression de réduire tout à la pensée?

Miam a écrit :10)

"le terme qu'utilise Spinoza est 'confondre', confundi. Si un nombre précis d'images est dépassé, ces images commencent pe à se confondre "

Où tyrouvez-vous "confundi" ? Je n'ai pas ici le matériel pour le retrouver. Mais je pense qu'il s'agit de l'indistinction de l'imagination. Cela n'a rien à voir avec notre sujet car nous supposons ici une affection dont l'idée enveloppe deux natures alors que dans ce cas de l'imagination indistincte, il s'agit de plusieurs affections ou images trop proches temporellement ou spatialement pour que l'imagination puisse les distinguer.


E2P40 Scolie I:

Spinoza a écrit :At, ubi imagines in corpore planè confunduntur, Mens etiam omnia corpore confusè sine ullâ distinctione imaginabitur ... .

Et, quand les images dans le corps se confondent entièrement, l'Esprit aussi imaginera tous les corps confusément sans aucune distinction, ...


(trad. Pautrat). Que je le mentionnais à cet endroit, était parce que pour moi, cela a tout à voir avec ce dont nous parlons. E2P26 : 'Quand l'Esprit humain contemple les corps extérieurs à travers les idées des affections de son propre Corps, nous disons qu'il les imagine; et l'Esprit n'a pas d'autre façon d'imaginer les corps extérieurs comme existant en acte. Et par suite, l'Esprit, en tant qu'il imagine les corps extérieurs, n'en a pas la connaissance adéquate.' Quand un corps extérieur affecte notre Corps, notre Corps forme une image (et pas une idée, comme chez Descartes) de ce corps, et alors, notre Esprit imagine. Ce qui caractérise précisément cette imagination, c'est qu'elle n'a pas d'idée distincte du corps extérieur, mais une idée confuse, car cette idée confond littéralement la nature du corps extérieur ET la nature de notre Corps. La confusion est l'opposé de la distinction, et caractérise l'imagination.

Miam a écrit :11)

"Je croyais juste avoir compris que la notion commune ne touche nullement à l'essence de la chose, vu que cette essence est unique? "

Pour Bardamu oui. Pour moi non comme je l'ai déjà expliqué puisque selon moi les notions communes perdurent dans le troisième genre et que toute notion commune est l'idée d'un individu.


Il est évident que sur base de ceci, je ne comprends pas grand-chose. Je suppose qu'il vaut mieux que j'essaie de lire vos messages sur les notions communes et les essences pour mieux saisir de quoi vous parlez.

Miam a écrit :14)

" (vous) « L'être formel, par contre, c'est la chose dans sa 'réalité'. C'est ce qui constitue la chose dans son être même, voire son essence, hors l'attribut de la Pensée. »

(moi) Premièrement il y a des êtres formels d’idées contenus dans l’attribut pensée. Ce que vous excluez dans cet énoncé."

(vous) "1) mais non. La réalité de l'idée, c'est d'appartenir à l'attribut de la Pensée. C'est ça son être formel. "

Vous ne pensez pas que vous vous contredisez quelque peu là ?


Vous voulez dire que vous ne comprenez pas la cohérence entre ces deux énoncés? Le problème c'est que, en effet, quand on ne pose pas une question précise, il est difficile de savoir ce qu'il faut expliquer pour que l'autre comprenne ce qu'on veut dire.
J'essayerai donc juste de formuler la même chose autrement:
- l'être formel, c'est la réalité de la chose, sans que cette chose soit déjà prise comme objet d'une idée
- l'être formel d'une idée: il suffit d'appliquer la même définition. Donc: l'être formel d'une idée (donc ici, la 'chose' de la première définition, est instantiée par 'idée'), c'est la réalité de cette idée, sans que cette idée soit déjà prise comme objet d'une idée. Autrement dit: la réalité de l'idée X, c'est le fait d'être un mode de l'attribut Pensée, et cela sans qu'il faut concevoir une deuxième idée Y qui a l'idée X comme objet, donc sans prendre l'idée X en tant qu'objet d'une autre idée. Car dès qu'on prend l'idée X en tant qu'objet d'une autre idée, on parle de l'être objectif de X, et plus de son être formel.
Evidemment, je comprends bien, maintenant que j'ai lu votre message d'aujourd'hui, que dans vos définitions de l'être objectif, cela pose problème. La 'contradiction' apparaît dès qu'on veut réduire la 'sphère' de l'être objectif à celui des idées (qui suivent de l'idée de Dieu). Alors il n'y a plus d'être objectif 'hors pensée' pensable. Mais, encore une fois, cela ne me semble pas très spinoziste, mais plutôt cartésien (donc ici, Spinoza et Descartes s'opposent, à mon avis).


miam a écrit :15)

"Evidemment que cette idée peut être tout à fait réelle, mais à nouveau, si on veut considérer l'idée dans sa réalité, il faut la considérer dans son être formel, et pas dans son être objectif, c'est-à-dire pas en tant que cette idée peut elle-même être prise comme objet d'une deuxième idée."

L'être objectif n'est pas moins réel que le mode de penser car l'être obectif est l'application de l'attribut pensée sur tous les autres attributs.


oui oui, tout est réel. L'idée aussi bien que l'être objectif que la chose etc. Le problème n'est pas là, il me semble.

Miam a écrit :C'est donc la même idée, hormis une distinction que je pense temporelle.


A mon avis non. L'idée X de la chose Z n'est pas la même idée que l'idée Y de l'idée X. Les objets sont différents (Z pour X, X pour Y).

Miam a écrit :Et il n'y a ni plus ni moins d'êtres objectifs qu'il n'y a de modes de penser. Quant à la distinction des genres de connaissance, il ne s'agit pas de diférents types d'essences mais de constitution. L'être objectif d'un corps correspondant à un mode de penser (selon la "chose") constitue également d'autres modes de penser. Et ainsi en est-il aussi de ce second mode de penser tandis que le premier également est constitué par l'être objectif de corps "étrangers". Il est également constitué par d'autres idées que celle de son Corps parce que ce Corps est perçu par les idées des rencontres avec d'autres corps, etc... ad infinitum. Parce que la relation entre essences est synthétique et n'est rien d'autre que ces essences en relation. Or dans l'attribut, tous les modes sont en relation et participent à la production de tous les autres. Cela fait maintes fois que je le dis.


Désolée, mais ceci est pour moi un bon exemple de la non efficacité de la répétition ... . Si vous vous plaignez ici, en vertu de la loi de contamination des affects, cela ne peut que m'attrister à mon tour, mais hélas, je ne vois pas du tout quoi faire pour y remédier. Il y a trop d'hypothèses soujacentes non explicitées pour que je puisse comprendre ce que vous voulez dire. Répéter la même chose encore une fois ne sert à rien. Ce mot de 'synthèse' pe est historiquement tellement chargé que si vous voulez en créer une signification propre à votre interprétation de Spinoza, il faudrait (si vous voulez qu'un lecteur non averti peut faire quelque chose avec) très bien expliciter comment vous construisez ce concept et où se trouve spécifiquement le lien avec Spinoza. Un peu comme le fait bardamu quand il veut parler de sa 'propre théorie'. On explique les notions de base, on montre clairement le raisonnement, et on termine en faisant le lien avec Spinoza. Dans ce cas, un interlocuteur peut partager le mouvement de pensée, et s'en faire une idée soi-même, puis être d'accord ou non.
Evidemment, vous n'êtes pas du tout 'obligé' de respecter cette façon d'introduire des concepts à vous. Je voulais juste dire que si vous espérez qu'en répétant que c'est embêtant de devoir vous répéter, ma réponse sera un peu plus 'à la hauteur', je ne peux que vous décevoir.

Si vous voulez une question plus précise sur ce passage: ça veut dire quoi pour vous, 'la relation entre essences est synthétique'?

Miam a écrit :Selon vous l'être objectif est représentatif ? (répondez-moi ce serait une première). C'est une lecture certes courante mais selon moi intenable pour les raisons invoquées au paragraphe précédent.


Ce que vous écrivez ici me choque tout de même un peu. Je croyais déjà avoir fait le maximum pour expliquer comment j'interprète l'utilisation du mot 'repraesentari' de Spinoza dans un de mes messages précédents. Que cela ne soit pas clair, mea culpa mea grande culpa, mais dire que ce serait une première d'y répondre me semble un peu négliger le fait que j'ai au moins déjà essayé quelques fois ... .
Entre-temps, j'ai plutôt l'impression que parfois, vous lisez ce que j'écris surtout sur base de l'usage qui pour vous est 'courant' de certains termes, malgré le fait que parfois je ne connais pas cet usage spécifique, ou que parfois, j'ai déjà essayé de donner une explicitation de mon propre usage de ces termes, qui semble parfois assez différent de ce que vous avez vous-même rencontré comme 'usage courant'.
Pe: dans nos derniers message, il apparaît très clairement que nous avons une autre interprétation des termes 'idées' et 'être objectif' chez Spinoza. Que dans ce cas, vous n'avez pas compris ce que je voulais dire quand je parlais du repraesentari chez Spinoza me semble assez logique. Je ne crois pas qu'aller chercher une 'faute' chez l'un ou l'autre nous avance beaucoup. Il faut juste parfois du temps avant de comprendre où pourraient se trouver les divergences. Et on ne l'apprend qu'en essayant d'expliciter toujours plus.
Enfin. Si vous n'avez pas envie d'entrer dans une discussion sur les modalités de communication sur un forum comme celui-ci: pas de problème!

Donc, pour répondre d'une manière que j'espère être claire: NON, l'ÊTRE OBJECTIF chez Spinoza N'EST PAS DU TOUT REPRESENTATIF. Cela l'est déjà beaucoup plus chez Descartes, mais même lui tient apparemment à nuancer cette 'image' de sa pensée (voir Objection 1, pg 92 de l'édition Adam-Tanery, 1964). Si cette affirmation vous semble étrange par rapport à ce que j'ai déjà écrit: voir mon dernier message. Peut-être que cela aidera déjà (j'espère) à clarifier certaines choses.

Miam a écrit :16)

"« (vous) A mon avis, aussi bien chez les scolastiques que chez Descartes et Spinoza, l'être objectif a un objet »

(moi) Vous êtes sûre ?


(vous) Réponse: pas du tout! Je n'ai que Rousset comme référence, puis ma propre lecture de Spinoza, où pour l'instant rien ne m'oblige de changer d'avis. C'est tout. Il est très bien concevable que d'autres le voient différemment et cela m'intéresse vraiment beaucoup d'en discuter. "

En vérité là je me moquais de vous. Que l'être objectif soit l'idée d'un objet, c a d cet objet dans la pensée est évident chez tous ceux-là pour la bonne raison qu'il s'agit d'un être "objectif".


A part le fait que je ne suis pas tout à fait convaincue de l'efficacité communicationnel de se moquer ... :) (il y a une très belle proposition de Spinoza là-dessus, mais je ne sais plus exactement où elle se trouve), je vois que j'ai été un peu imprécise: je ne crois pas que cela a du sens de dire que 'l'être objectif a un objet'. J'ai probablement repris un peu trop vite une expression à vous (ou sinon je me suis tout simplement trompée). L'idée a un objet, mais justement, l'idée n'est pas l'être objectif. Je dirais éventuellement que l'être objectif d'une chose peut constituer une idée, mais là aussi, l'être objectif n'a pas un objet.
Ce que je voulais en fait dire par cet énoncé, c'est ce que je viens de reprendre dans mon dernier message. J'ai l'impression que nous interprétons assez différemment ce qui distingue et ce qui rassemble Descartes, les scolastiques et Spinoza sur ce sujet. C'était pour essayer d'aborder cela que j'avais écrit l'énoncé ci-dessus.
En tout cas, je n'ai pas dit du tout ici que 'l'être objectif soit l'idée d'un objet', comme vous traduisez ici la phrase que vous citez. A mon avis:
1) l'être objectif n'est pas une idée
2) l'idée a un objet; dans ce sens on peut parler de l'idée d'un objet, mais j'ai l'impression qu'éventuellement, vous voulez parler ici d'un génitif de sujet et pas de possession (si cela est correcte en français): donc pas dans le sens où l'idee possède un objet, mais dans le sens où l'idée, c'est ce qui pense un objet. On risque alors à nouveau d'identifier cet objet avec la chose extérieur, comme le faisait Descartes.
C'était pour essayer d'aborder toute cette problématique que j'avais mis la phrase ci-dessus.

Miam a écrit :17)

"Je ne suis pas sure si la notion d'envelopper est si différente que celle de contenir"

Si, comme le cartésien Condillac, vous traduisez "involvere" par "contenir" ou "enfermer", cela vous posera de nombreux problèmes.

I A4 : "La connaissance de l'effet dépend de la connaissance de la cause et l'enveloppe"

Cela voudrait dire pour vous que la connaissance de l'effet contient la connaissance de la cause. On pourrait alors en toute logique remonter de l'effet à la cause. Or Spinoza dit précisément le contraire : la connaissance se fait par la cause : il faut connaître la cause pour connaître l'effet. Comment une chose pourrait-elle dépendre e e qu'elle contient ? L'ensemble des pommes dépend-t-elle des différentes couleurs des pommes ?


vous ne croyez pas que c'est un peu gratuit d'associer mon interprétation à une pensée très spécifique, après les quelques messages qu'on a échangé ici? La chance que je sais me reconnaître dans la pensée de Condillac ne me semble pas très grande ... . Et la chance que vous comprenez bien ce que je veux dire si vous me mettez déjà dans un sac très précis, sans vérifier, ne me semble pas très grande non plus ... :)

Non, je ne 'traduis' pas l'involvere par 'contenir', et encore moins par 'enfermer', qui suggère en plus une clôture. Tout ça, ça va BEAUCOUP plus loin que la simple phrase que j'ai écrit. J'ai juste dit que je me demande dans quelle mesure on pouvait associer envelopper et contenir. Et j'utilisais alors aussi bien l'envelopper que le contenir dans un sens tout à fait courant et non philosophique: si une enveloppe enveloppe la lettre, on peut tout aussi bien dire que cette enveloppe contient la lettre. Ma question était: est-ce que chez Spinoza, qui utilise les deux mots, il y a une différence absolue, ou est-ce qu'il y a des liens à faire, et si oui, lesquels?

Sinon: je ne comprends pas votre exemple des pommes, mais le reste me semble clair. En effet, j'ai aussi l'impression que Spinoza veut connaître l'effet par la cause. Mais je ne vois pas en quoi cela écarterait l'hypothèse d'une connotation de 'contenir' dans l'envelopper. Ce n'est pas l'effet qui doit envelopper la cause, on n'est pas à un niveau ontologique, mais Spinoza parle de connaissance, donc on est à un niveau épistémologique. Quel problème y aurait-il de dire que pour bien connaître un effet, il faut que cette connaissance contient aussi la connaissance de la cause? Cela n'empêche quand même pas qu'il faut passer par la connaissance de la cause pour connaître l'effet?
Inversément: quelle serait selon vous la différence, dans la phrase de Spinoza que vous venez de citer, entre envelopper et contenir?
Puis: comme Spinoza utilise deux mots différents (involvere et contineri), j'applique comme toujours l'hypothèse qu'il soit intéressante (dans le sens 'invitation au voyage' :) ) de laisser ouverte la possibilité d'une différence. Mais comme le dit Spinoza: des choses peuvent ou bien convenir entre elles, ou bien être différentes, ou bien s'opposer. Je me demande donc en quoi l'involvere et le contineri pourraient éventuellement être différents, c'est-à-dire peut-être pas être vraiment opposés ni identiques. Cela est tout à fait autre chose que de traduire involvere par contineri, comme le ferait apparemment, si je dois vous croire, Condillac.

Que dit Spinoza lui-même? La E1P8 est un bel exemple d'un endroit où il utilise les deux termes, et où l'on peut donc se poser la question de la relation éventuelle entre les deux. Il dit d'abord (scolie II) que la vraie définition de chaque chose enveloppe la nature de la chose définie. Puis que donc aucune définition n'enveloppe un nombre précis d'individus. Et il ajoute, qu'il y a nécessairement, pour chaque chose existante, une certaine cause précise qui fait qu'elle existe. Puis: "il faut remarquer que cette cause qui fait qu'une certaine chose existe doit, ou bien être contenue dans la nature même et la définition de la chose existante (et c'est qu'à sa nature appartient d'exister), ou bien se trouver hors d'elle."
Un peu plus loin: "Si pe dans la nature des choses il existe 20 hommes, ... il ne suffira pas (j'entends, pour rendre raison du fait qu'il existe 20 hommes) de montrer en général la cause de la nature humaine; mais il faudra, en plus, montrer la cause qui fait qu'il n'en existe ni plus ni moins que 20; puisque pour chacun il doit nécessairement y avoir une cause qui fait qu'il existe. Or cette cause ne peut être contenue dans la nature même de l'homme, puisque la vraie définition de l'homme n'enveloppe pas le nombre vingt; et par suite la cause qui fait qu'existent ces 20 hommes, et par conséquent qui fait que chacun existe, doit nécessairement se trouver hors de chacun, et pour cela il faut conclure absolument que tout ce dont la nature est telle qu'il peut en exister plusieurs individus doit nécessairement, pour qu'ils existent, avoir une cause extérieure."

Donc : la cause qui fait que chacun d'un ensemble de 20 hommes existe, ne peut pas être contenue dans la nature même de l'homme. Pourquoi pas? Parce que la vraie définition de l'homme n'enveloppe pas le nombre 20. Et en effet, nous avons vu que la vraie définition de la chose doit envelopper la nature de la chose. Donc: si la vraie définition de l'homme n'enveloppe pas le nombre 20, cela veut dire que .. la cause qui fait qu'il y en a 20 (et donc dont l'effet est '20') n'est pas contenu dans la nature de la chose! Si une idée peut 'envelopper' la nature d'une (ou de plusieurs) chose(s), la nature de la chose elle-même 'contient' une certaine cause ou non. Si la nature de la chose X ne contient pas la cause Y, alors la définition de X n'enveloppe pas l'effet Y' de cette cause Y.
Et si on essaie de faire le lien avec l'axiome IV: la connaissance de l'effet enveloppe la connaissance de la cause. Si on veut connaître Y', il faut connaître Y. Dans ce cas, il y aura une chose X dont la définition enveloppe Y', et dont la nature contient Y. Si on veut connaître l'effet, qui est enveloppé par la définition de la chose, il faut connâitre la cause, qui est contenue dans la nature de la chose.
Peut-on donc dire, comme je l'essaie ci-dessus, que la connaissance de l'effet 'contient' la connaissance de la cause? Non, à mon avis. La définition enveloppe l'effet, la cause est contenue dans la nature de la chose, et la connaissance de l'effet enveloppe la connaissance de la cause. Mais comme la vraie définition enveloppe en tout cas la nature de la chose, et comme la cause est contenue (ou non, selon le cas) dans la nature de la chose, pourrait-on dire que la vrai définition 'contient' la connaissance de la cause (après tout, il dit que "il faut remarquer que cette cause qui fait qu'une certaine chose existe doit, ou bien être contenue dans la nature même et la définition de la chose existante (et c'est qu'à sa nature appartient d'exister)", donc ici, la cause elle-même est contenu dans la définition) ? Dans un certain sens, oui, je crois. Mais je ne le ferais pas. Il me semble plus intéressant de continuer à chercher pourquoi Spinoza utilise quand même deux mots différents. Qu'en pensez-vous?

Miam a écrit :17 bis)

"Là où je ne serais, pour l'instant, pas du tout d'accord, c'est quand vous caractérisez cet 'envelopper' par une relation de cause à effet. Comme nous l'avons dit dès le début, Spinoza souligne fréquemment qu'il n'y a pas de relation causale entre deux attributs."

I A5 : "Les choses qui n'ont rien de comun entre elles ne peuvent non plus se connaître l'une par l'autre, autrement dit le concept de l'une n'enveloppe pas le concept de l'autre"

II 3d : "Si elles n'ont rien de commun entre elles, elle de peuvent donc (Axiome 5) se connaître l'une par l'autre et ainsi (Axiome 4) L'UNE NE PEUT ETRE LA CAUSE DE L'AUTRE."

Je vous laisse conclure.


Merci ... :) . Vous voulez que j'en conclus que toute relation d'enveloppement est une relation causale? Je regrette, mais je vous demande alors de construire clairement cette conclusion vous-même, parce que moi-même, j'en suis pas capable.

Pour moi, il dit juste ici que SI on veut une relation causale entre une chose et une autre, il faut que ces deux choses ont quelque chose en commun. Et si elles n'ont rien en commun, le concept de l'une ne pourra pas envelopper le concept de l'autre. Il ne dit rien d'autre.

Ce qu'on peut donc en conclure, à mon avis, c'est que, pour connaître une chose par l'autre, il faut que le concept de l'un enveloppe le concept de l'autre. Mais ici, on ne parle pas d'une définition (ou un concept) qui enveloppe une nature (ou, si bardamu a raison, une essence) d'une chose. On parle d'un concept qui enveloppe un concept, ce qui est nécessaire pour avoir une connaissance (ce qui est logique: la connaissance a à voir avec des idées d'idées). Il s'agit donc d'un autre usage du verbe 'envelopper' (il y en a beaucoup; j'ai fait une première liste dans un de mes messages précédents).

Donc: pour connaître une chose A par l'autre B, il faut que le concept de A enveloppe le concept de B. Pour que cette relation d'enveloppement puisse exister, il faut que A et B elles-mêmes aient quelque chose en commun. Quoi? Une relation de cause à effet me semble en effet possible, vu que le concept de l'effet enveloppe le concept de la cause. A pourraît donc éventuellement être l'effet de B. Mais Spinoza ne dit pas du tout que la relation causale est la seule façon d'avoir quelque chose en commun entre deux choses. Et donc, pour moi, il ne dit pas non plus que toute relation d'enveloppement doit être une relation causale. Si vous voulez réduire toutes les relations d'enveloppement à des relations causales, vous y allez un peu trop vite, pour moi. Il faudrait démontrer pour chaque relation d'enveloppement qu'il s'agit sans exception d'une relation causale. Il ne suffit pas de dire que, dans le cas d'une relation causale, il y a enveloppement de concepts.

Miam a écrit :Il s'agit certes d'une cause transitive mais d'une cause quand-même :
enveloppement - cause transitive / expresion - cause immanente (et constitution).
Et l'on comprend fort aisément que la nature de mon Corps et du corps extérieur soient les causes transitives de l'idée de l'affection.


:) en ce qui me concerne, vous pouvez laisser tomber ce 'aisément' ... . Spinoza ne parle pas de 'causes transitives', pour autant que je sache. Serait-il donc possible d'expliquer ce que vous voulez dire par là?
En tout cas, les relations entre l'enveloppement et l'expression me semblent assez complexe. Parfois Spinoza utilise les deux (la même E1P8: "la vraie définition de chaque chose n'enveloppe et n'exprime rien d'autre que la nature de la chose définie"), mais s'il utilise deux termes qui veulent dire exactement la même chose, pourquoi les utiliser tous les deux? Puis il y a plein d'endroit où il ne les associe pas. Ma conclusion: la relation entre l'enveloppement et l'expression reste à étudier. Idem pour la constitution et l'enveloppement.
Donc: à nouveau, ici vous allez beaucoup trop vite pour moi (c'est fort bien que vous ne voulez pas être sexiste, mais n'oubliez tout de même pas que la femme appartient au sexe faible ... :cry: ).

Miam a écrit :
Ensuite vous confondez affection et nature mais peu importe.


si ce serait le cas, cela m'importe beaucoup! Si vous trouvez quelque part encore le temps de me montrer où et comment je les confonds, je ne pourrais que vous être très reconnaissante ... :amen:

Miam a écrit :
Je dis que parler de la "nature" d'une chose, c'est parler de son essence en tant qu'on la définit par une idée claire et distincte, c a d par les idées des effets de cette essence, c a d par ses propriétés. Référence à Descartes que vous défendez sans le connaître. La nature d'une chose est donc une idée. Spinoza distingue essence et nature, come je l'affirme depuis fort longtemps contre Bardamu.


bon, là, votre vitesse commence à être celle d'un TGV :fou:
Je sais bien que je ne viens d'arriver dans ce forum, et que donc je n'ai pas de connaissance du tout des messages qui précèdent mon apparition. Si vous n'avez pas envie de 'recommencer' votre histoire, je peux très bien le comprendre.
Enfin, vous commencez à le sentir, je suppose: autant que j'apprécie le contenu de ce que vous écrivez, autant (enfin, parfois) j'ai quelques difficultés avec votre style ... :) Mais bon, le style de quelqu'un, ne fait-il pas son charme?

En tout cas, j'essayerai de me concentrer sur le contenu: la nature, ce serait donc l'essence conçue sous l'attribut de la Pensée? C'est une idée intéressante! Risque: à nouveau 'idéalisation' de Spinoza. Car si pe la définition vraie enveloppe la nature de la chose, cela voudrait dire que la définition enveloppe l'idée de la chose. Mais alors tout change. Idem en ce qui concerne l'imagination: l'idée d'un corps extérieur X qui m'affecte, envelopperait l'idée de ce corps X aussi bien que l'idée de mon propre Corps. Mais l'idée de mon Corps, c'est mon Esprit. Quand j'imagine, j'aurais donc des idées qui enveloppent mon Esprit. Vous seriez d'accord avec ça?
Question: où trouvez-vous qu'on peut identifier 'idée claire et distincte d'une essence' et 'idée des effets de cette essence'? Et où trouver vous l'identification 'effets des essences' - 'propriétés des essences'?

Miam a écrit :18)

"L'idée a comme objet l'affection de mon Corps, et enveloppe la NATURE du Corps humain aussi bien que celle du corps extérieur. Il ne dit pas que cette idée enveloppe l'IDEE du Corps humain et l'IDEE du corps extérieur."

Il y a bien une idée du Corps et une idée du corps extérieur puisque le Mental perçoit ces deux (l'enveloppement est donc bien celle d'idées). Alors : - soit vous supposez que l'idée de l'affection se divise en deux idées. - soit comme moi vous tenez l'idée de l'affection pour la synthèse de l'idée du corps et de l'idée du corps extérieur.


Oui, il y a une idée du Corps et une idée du corps extérieur, mais je n'ai pas encore rencontré un endroit où Spinoza dit que ces deux ont une relation d'enveloppement. Comme souvent, je ne me retrouve donc pas dans le choix que vous me laissez. Pourquoi l'idée de l'affection se diviserait-elle en deux idées? Spinoza ne dit jamais ça. Et pourquoi une idée d'une affectio serait-elle la synthèse de deux idées? Il ne dit jamais cela non plus. Certes, ça peut être une intérprétation intéressante. Mais alors je crains qu'il va falloir expliciter ce que vous voulez dire par synthèse, et quelles propositions vous expliquer en introduisant ce concept.

Miam a écrit :19)

"Il me semble que ce n'est pas si simple que ça. 'Repraesentari', encore une fois, c'est SE représenter (même s'il utilise parfois quand même 'repraesentare'). Dans le l'E2P40 scolie 2 ce ne sont pas les sens qui représentent, mais les singuliers qui se représentent à nous par le moyen des sens."

Dans II 40s2, il s'agit bien des "notions générales" c a d d'idées, "qui tiennent leur origine 1° des objets singuliers qui nous sont représentés par les sens"

Cela me paraît fort clair : ce sont des idées qui affirment les objets représentés par les sens. II 40s2 se rapporte à II 29 coroll. qui distingue l'ordre des affections, c a d des images ou représentations par les sens, de l'ordre de l'entendement.

Et mes yeux, que sont ils devenus ?


Les yeux sont les instruments, pour moi.
Mais pour le reste ... les notions générales sont pour vous des idées qui affirment les objets 'représentés' par les sens ... alors là, je ne vous suis plus du tout. Il existerait donc quand même des idées qui ont avec leurs objets une relation de représentation, chez Spinoza ??? Spinoza garderait la notion de représentation pour qualifier la relation entre l'idée et son objet, voire entre l'idée et un corps extérieur / chose ... ????

Miam a écrit :
20)

"Dans ce sens, il me semble très risqué d'identifier chez Spinoza 'image' et 'représentation'. Cela est tout à fait valide pour Descartes, mais j'ai l'impression que chez Spinoza, cela ne vaut plus du tout."

C'est très exactement l'inverse. Descartes ne se lasse pas de distinguer les images et les idées qui sont "comme des images" selon la doctrine augustinienne des idées sans images. TAndis que Spinoza les identifie au niveau des seuls sens et expulse la représentation de l'idée. Mais il est vrai que vous ne conaissez pas Descartes...


Non, je n'ai pas lu Descartes, donc je me base pour l'instant encore sur ses commentateurs. Et donc je ne connais pas Descartes. Et donc je ne comprends rien de ce que vous écrivez ici ... . Si vous voulez donc dire quelque chose sur Descartes, et SI vous voulez que je comprenne, je crains qu'il va falloir bien expliciter ce que vous voulez dire. Un 'oneliner' ne fera hélas pas l'affaire ... (si cette expression existe en français).

N'ayant lu que Spinoza, je sais juste qu'il n'utilise jamais dans l'Ethique la notion de 'représentation'. Donc: à mon avis Spinoza n'identifie pas 'image' et 'représentation'. Oui, je sais bien que Descartes a voulu se distancier de l'idée que l'idée ne serait que représentative, mais à vous de m'expliquer, si cela vous intéresse, en tant que lecteur de Descartes, ce que cela veut dire exactement. Je ne connais pas la 'doctrine augustinienne' des idées et images.
Je ne peux donc que vous dire que Spinoza ne parle de 'représentations' que dans le TTP, et que cela ne concerne que les visions qu'ont les prophètes. A mon avis, cela a peu à voir avec ce que Descartes ou même St.Augustin entendaient par 'représentation'. Spinoza trouverait-il que les sens sont trompeurs? Non. Les images ne contiennent pas d'erreur, pour lui.

Miam a écrit :21)

"Ah, cela m'étonne. Pourquoi Spinoza parlerait-il tantôt d'un corps (voire les lemma's de l'E2), tantôt de corps extérieur, si la différence était négligeable? Les corps qui composent mon corps, ce sont quand même des corps qui m'appartiennent, aussi longtemps qu'ils me composent, contrairement aux corps extérieurs ?"

Le corps extérieur n'est pas etérieur au Corps entendu comme un morceau de matière mais en tant qu'on le considère dans son essence actuelle comme rapport interne. Donc si un corps "intérieur" ne se compose pas de façon à former l'individu qualifié par ce rapport interne, il demeure extérieur : autant qu'un chewing gum ou un caillou que vous chiez dans le même étatr que vous l'avez avalé. Est-ce assez explicite ?


l'exemple est vraiment émouvant ... je vois que la tendance scatologique dans l'art contemporain a des racines profondes dans la métaphysique implicite de l'homme de la rue ... :)

Mais, soyons sérieux: j'ai un problème avec votre identification de rapport - essence. Pour l'instant, je croyais que le 2e genre de connaissance s'occupait des rapports, tandis que le 3e s'occupait des essences. Vous ne seriez donc pas d'accord?
Puis: un caillou avalé demeure-t-il un 'corps extérieur'? Je ne vois pas pourquoi. Tout corps extérieur qui compose à un certain moment notre Corps à nous, nous quittera tôt ou tard. Cela n'empêche que aussi longtemps qu'il est 'dedans', il effectue notre rapport à nous, et donc nous appartient. Je dirais donc: aussi longtemps que le caillou fait paisiblement son chemin entre ma bouche et la sortie, il compose notre Corps.
Mais en fait, l'exemple n'a rien à voir avec ce que je voulais dire. Je voulais dire qu'à mon avis, il est important de respecter la différence entre 'corps extérieur' - Corps humain chez Spinoza. Eventuellement, je veux bien accepter que le caillou ne s'intègre pas autant dans notre Corps que les parties de la protéine que je mange, mais cela ne me semble qu'une question de degré. L'essentiel, c'est que ce qui rentre dedans, n'est plus extérieur. Oui, quand on parle de l'Etendue, tout reste extérieur à tout, dans un certain sens, mais si Spinoza dit dans le lemme IV de l'E2 que "ce qui constitue la forme d'un Individu consiste en une union entre corps", il me semble que la distinction entre les corps qui me composent à un moment t, et les corps extérieurs, soit pertinente. S'il dit dans le premier postulat de l'E2 que le Corps humain est composé d'un très grand nombre d'individus composé, et s'il parle dans les postulats V et VI de 'corps extérieurs', il me semble clair que les corps qui composent mon Corps sont à distinguer des corps qui ne composent pas mon Corps, mais sont extérieurs à mon Corps, non?
En tout cas, l'essence de mon Corps doit enveloppe le concept de l'attribut auquel il appartient, c'est-à-dire le concept de l'Etendue. Il appartient donc à l'essence de mon Corps d'être composé d'une infinité de corps, corps qui entrent et quittent sans cesse mon Corps, mais qui sont 'mes corps' aussi longtemps qu'ils sont entrés (indépendamment de la mesure dans laquelle ils s'intègrent dans mon Corps), et qui deviennent 'extérieur' dès qu'il quittent mon Corps, non? Sinon, quel sens y aurait-il de parler de corps extérieur et Corps?

Miam a écrit :22)

"Pire encore .. je ne comprends rien du tout de ce que vous écrivez ici ... . Désolée! Être un mode fini n'est pas toujours très gai ... . "

Je viens de vous l'expliquer encore une fois juste ci-dessus.


Je propose de laisser tomber de tels commentaires dans le futur. Si vous ne reprenez pas le contexte dans lequel j'ai dit ceci, je ne sais pas du tout à quoi vous référez quand vous dites que vous avez déjà répondu à la question. Et je ne peux donc pas du tout vous dire dans quelle mesure cette réponse était vraiment une réponse à ma question, ou dans quelle mesure vous avez juste mal compris la question. Cela ne peut que vous donnez le sentiment que vous répétez tout le temps, tandis qu'entre-temps, je ne sais même pas de quoi vous parlez ... :cry:

Miam a écrit :23)

"il est clair que j'aborde cette pomme (cette chose) dans son être objectif, c'est-à-dire dans sa capacité d'être pris comme objet d'une idée (la mienne, en l'occurence). Mais la pomme en tant que essence est aussi exprimée par l'idée qu'elle EST. C'est être objectif est une autre façon d'être objet d'une idée que celle où il a à voir avec le fait que la pomme a affecté mon Corps à moi"

J'ai déjà expliqué cela maintes fois et un peu plus haut lorsque j'ai dit que les êtres objectifs étaient l'application de l'attribut pensée sur les autres attributs.


Idem. Vous n'expliquez rien en disant que vous avez déjà répondu à la question.

Miam a écrit :24)

"quand l'Esprit imagine, il se représente un CORPS EXTERIEUR comme étant présent à son propre Corps. Ce corps n'est pas du tout l'objet de l'idée. Il participe à cet objet que dans la mesure où sa nature est également enveloppé par l'idée. Il est tout à fait possible que l'Esprit a une idée d'un corps extérieur non existant et qu'il sait que ce corps n'existe pas. Son objet, ce sera alors une affection qui le fait prendre connaissance aussi bien de la nature de ce corps extérieur que de son non existence. Dans ce cas, l'Esprit affirme comme toujours la présence de son objet, mais il n'affirme pas du tout l'existence de ce corps extérieur dont la nature fait partie de son objet. A nouveau, ici, à mon avis, vous prenez l'objet dans le sens cartésien, où l'objet est censé être le corps extérieur lui-même. Mais cela n'est plus du tout le cas chez Spinoza."

Relisez. Je parlais du corps extérieur IMAGINAIRE, pas de celui dont l'idée de l'affection envelope la nature.


mais ... chez Spinoza, si l'Esprit imagine, c'est que précisément, l'idée enveloppe la nature du corps extérieur autant que celle du Corps ... !

(puis: si vous voulez que je vous relise, il vaut mieux vous citer vous-même également ... mais n'attendez pas de miracles de ça .. la chance que je vais interpréter Spinoza comme vous le faites juste en lisant votre interprétation deux fois est assez minime ...)

Miam a écrit : Et je ne voulais rien dire de plus que ce que j'ai déjà dit plus haut : à savoir que ce corps imaginaire et mon Corps imaginaire sont aussi les objets de l'idée de l'affection qui envelope les natures du Corps et du corps extérieur "réels". En effet les idées de ces corps imaginaire (je l'ai déjà dit)


oui .. je sais bien qu'il y a des théories (surtout anglosaxonnes) qui disent qu'à force de répéter certaines choses, on finit par les considérer comme étant évident, mais en tant qu'argument philosophique, cela ne me semble pas avoir beaucoup de poids ...

puis: il me semble que vous accordez au terme 'imaginaire' une autre signification que Spinoza. Chez Spinoza, cela veut juste dire que l'Esprit se représente ce corps extérieur comme étant présent/existant en acte. Ce ne sont pas les corps qui sont imaginaires (là vous retombez dans le sens courant du terme), mais les idées que nous avons des corps extérieurs quand nous ne sommes que dans le 1e genre de connaissance. Et ce ne sont pas les corps qui sont les objets d'idées, mais les affections. L'idée enveloppe la nature des corps, mais cela me semble autre chose que de dire que l'idée envelopperait les corps. Je ne peux que vous répéter qu'ici, à mon avis, vous confondez 'chose' ou 'corps extérieur', et 'Corps', ou éventuellement, 'corps'.

Miam a écrit : sont les effets de l'idée de l'affection en tant qu'affect de mon Mental.


cela ne me semble pas spinoziste. Pourriez-vous indiquer un endroit où Spinoza combine ces termes comme vous venez de le faire?

Miam a écrit :Celui-ci doit donc avoir et être ces idées, c a d que son essence en sera constituée. Je n'ai jamais dit que les natures du Corps et du corps "réels" étaient les objets de l'idée de l'affection mais que les natures ou idées de ces corps étaient les causes de l'idée de l'affection et que, par suite, celle-ci est la synthèse de ces deux idées : l'idée du Corps et du corps extérieur "réels". Je ne peux avoir d'idée de mon Corps sans rencontre avec un corps extérieur.


Où est-ce que Spinoza dirait cela? A mon avis, il dit seulement que je ne peux avoir d'idée de mon Corps sans avoir une idée des affections de mon Corps. Mais cela ne nous oblige pas du tout à croire que ce ne seraient que des corps extérieurs qui pourraient affecter notre Corps. Vous basez-vous sur une quelconque proposition pour supposer cela, ou est-ce juste une hypothèse à vous?

Miam a écrit : J'ai donc l'idée de la relation (l'affection) entre ces corps et l'idée confuse de ces corps en relation en une fois parce qu'ils sont pris dans un rapport de production (cause transitive seulement, donc enveloppement) où l'idée du Corps et l'idée du corps "réels" ont comme effet l'idée de l'affection. Et tout rapport de cause à effet est synthétique. Par conséquent : l'idée de l'affection, l'idée confuse de mon Corps et l'idée confuse du corps extérieur sont la même idée. Il en va des idées comme de toute essence : ce ne sont pas des entités subsistantes et simples mais des êtres dynamiques et composés synthétiquement. Mais bien sûr ce n'est pas facile de faire entendre cela après 2500 ans de platonisme et 1600 ans de christianisme augustinien.


Ben .. disons que ce n'est surtout pas facile à comprendre vu que Spinoza lui-même n'utilise jamais les notions de synthétique, d'entités subsistantes, d'êtres dynamiques, et d'êtres composés synthétiquement, et que vous n'explicitez pas du tout ce que vous comprenez par là, et comment vous liez ces concepts à Spinoza. Je peux très bien m'imaginer qu'éventuellement, ces notions nous aideraient beaucoup à comprendre Spinoza, mais sans lien explicite avec sa pensée, je ne pourrais jamais dire si pour moi, c'est le cas ou non ... .

Donc: si vous voulez faire entendre votre interprétation personnelle de Spinoza après une 50aine de messages sans l'expliciter systématiquement, et si vous croyez que le problème se situe d'office dans l'idée que votre interlocuteur serait beaucoup plus 'déterminé' par une certaine tradition philosophique que vous-même, bon, on se trouve un peu dans une impasse, je crains. Pourquoi pas simplement faire le pari que ce qu'écrit votre interlocuteur, réflète sa façon personnelle de lire Spinoza, qui par définition est différente de la vôtre, et qui donc demandera certaines efforts de compréhension, puis d'explicitation avant qu'on puisse se comprendre mutuellement ... ??? Qu'est-ce qui vous fait croire que, vu que nous sommes ici en Occident tous nés dans une certaine tradition philosophique, ce ne serait que vous qui avez pu vous libérer de cette tradition, tandis qu'il faudrait interpréter d'office tout ce qu'écrit l'autre en tant que réflet de cette tradition? A mon avis, cela ne peut que prêter à confusion. Ce qui est dommage dans un cadre spinoziste, où l'on n'aime pas trop la confusion ... :) . En plus, ces hypothèses sur la personne de l'autre obligent quasiment à rendre la discussion assez 'personnelle', dans le sens où il faut commencer à parler des opinions et intentions très subjectives de chacun, choses qui n'ont à mon avis peu à voir avec le sujet, et qui ne peuvent donc qu'alourdir la discussion sur l'essentiel: la pensée de Spinoza. Cela invite l'interlocuteur tout le temps à répondre non pas sur base de sa lecture du texte lui-même, mais d'aborder ses 'intentions' et préférences/affects personnels. Et quelle tradition a ajouté la notion d'intention individuelle à l'appréciation de tout acte, sinon justement la chrétienne ... ? Mais, vous le voyez, je me suis déjà laissée séduire à vous renvoyer le même genre d'arguments que ceux avec lesquels vous m''attaquez' (autrement dit: que ceux que vous utilisez comme prétexte pour hélas remettre à plus tard d'essayer de comprendre ce que je veux dire). Ce qui est dommage, dans le sens où je ne crois pas que cela va nous aider beaucoup dans notre compréhension de Spinoza.

Ce qui n'empêche, évidemment, que mise à part cette 'Grundstimmung' assez négative dans vos message (dans ma perception), j'apprécie beaucoup vos contributions.

Donc: au plaisir de vous lire,
Louisa

PS: je sais bien que je n'ai pas encore répondu à votre avant dernier message. Vu que mes capacités de lecture ne sont pas infinies: ce que je proposerais, c'est que ou bien on attend de répondre à un message jusqu'à l'autre a pu lire tout, ou bien on décide de continuer la discussion sur base des messages les plus récentes. Les deux façons de travailler me semblent intéressantes, mais mélanger les deux, comme on le fait un peu maintenant, ne m'attire pas trop. Cela va vous donner tout le temps l'impression que vos écrits ne rencontrent pas vraiment des 'oreilles attentives', comme vous l'écrivez, tandis que je n'ai tout simplement pas encore lu tout ce que vous avez écrit. Et donc cela ne peut qu'ajouter aux malentendus. A vous donc de me dire ce que vous préférez: ou bien vous (idem en ce qui me concerne) attendez de répondre à mes deux messages d'aujourd'hui jusqu'à ce que j'ai lu et répondu à l'avant-dernier, ou bien on décide de continuer sur base des messages qu'on envoie directement, sans laisser le temps à l'autre de répondre vraiment à tout. Troisième possibilité: aucun de ces deux choix ne vous convienne. A vous alors de me dire ce que vous préférez.

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Messagepar hokousai » 20 juin 2005, 13:46

à louisa

"""""""l'être objectif est une idée à part entière parce qu'il n'est pas seulement le contenu représentatif de l'idée.) """""""tout le monde le comprend comme ça .""""""hokousai""""""""""

l'être objectif est exprimé par l'idée par la chose étendue et par une infiité d' attribut il est autant une idée ( à part entière ) que chose etc .
Mais on ne peut parler alors d' objectif selon moi .

Tout le monde signifie : chez les spinozistes.


""""""""""""""""""""""Il dit que l'être objectif et le mode de l'attribut Pensée concernent finalement la même idée. A mon avis, il ne pose donc pas de priorité de la puissance de penser de Dieu par rapport à la puissance d'agir. Il ne s'agit pas de deux puissances différentes du même Dieu, dont l'une aurait une quelconque antériorité par rapport à l'autre, mais du même Dieu en tant qu'on le considère tantôt comme idée productrice d'idées, tantôt comme action productrice d'idées. Mais cela revient au même"""""""""louisa""""""""""""""



Idée productrice d' idée ?
vous (ou miam ?)considérez Dieu comme une idée productrice d' idées, il s’agit alors d'un être pensant et créateur d' idées .Serait- ce une idée elle est créatrice ( productrice ) d'idées . On peut considérer Dieu comme ceci c'est le Dieu scolastique .
Action productrice d' idée c’ets la même chose certainement cela revient au même . Dieu est créateur des idées .

Or à la nature de Dieu n’appartient ni intellect ni volonté (scolie prop 17 part 1)


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Messagepar Louisa » 20 juin 2005, 18:43

cher hokusai,

hokusai a écrit :
"""""""(miam) l'être objectif est une idée à part entière parce qu'il n'est pas seulement le contenu représentatif de l'idée.) """""""tout le monde le comprend comme ça .""""""hokousai""""""""""

(hokusai)l'être objectif est exprimé par l'idée par la chose étendue et par une infiité d' attribut il est autant une idée ( à part entière ) que chose etc .
Mais on ne peut parler alors d' objectif selon moi .

Tout le monde signifie : chez les spinozistes.


Je dois avouer que je ne comprends pas trop ce que vous voulez dire. Ce serait quoi, l'être objectif chez Spinoza, selon vous?

hokusai a écrit :""""""""""""""""""""""Il dit que l'être objectif et le mode de l'attribut Pensée concernent finalement la même idée. A mon avis, il ne pose donc pas de priorité de la puissance de penser de Dieu par rapport à la puissance d'agir. Il ne s'agit pas de deux puissances différentes du même Dieu, dont l'une aurait une quelconque antériorité par rapport à l'autre, mais du même Dieu en tant qu'on le considère tantôt comme idée productrice d'idées, tantôt comme action productrice d'idées. Mais cela revient au même"""""""""louisa""""""""""""""

Idée productrice d' idée ?
vous (ou miam ?)considérez Dieu comme une idée productrice d' idées, il s’agit alors d'un être pensant et créateur d' idées .Serait- ce une idée elle est créatrice ( productrice ) d'idées . On peut considérer Dieu comme ceci c'est le Dieu scolastique .
Action productrice d' idée c’ets la même chose certainement cela revient au même . Dieu est créateur des idées .


Qu'est-ce que vous appelez exactement le 'Dieu scolastique'? J'avais compris que vous vouliez dire: un Dieu qui n'est que pure Pensée. Et je voulais juste dire qu'à mon avis, on ne pouvait pas déduire ça de ce que Miam avait écrit, au contraire. Il y a, chez Spinoza, une infinité d'attributs qui expriment Dieu. Un d'entre eux, c'est la Pensée. Il existe donc forcément une pensée/idée qui exprime l'essence de Dieu. Comme Dieu est la cause efficiente de tout, il l'est aussi des idées. Mais à cause de la non communication entre les attributs, Dieu ne peut pas créer des idées à partir d'un autre attribut. C'est donc Dieu en tant qu'il est idée qui cause les autres idées. Mais cela n'empêche que 'parallèlement', Dieu crée/produit/cause également un nombre infini de modes dans tous les autres attributs (Etendue, etc). Je ne vois ni dans ce passage chez Miam, ni chez Spinoza une primauté du Dieu-idée sur les autres attributs qui expriment son essence.

hokusai a écrit :Or à la nature de Dieu n’appartient ni intellect ni volonté (scolie prop 17 part 1)


dans la suite du scolie, on voit que Spinoza dit qu'à la nature de Dieu n'appartient en effet ni notre intellect fini, ni ce que nous appelons volonté, mais que cela n'empêche que son essence soit bel et bien notamment constituée par son intellect à lui (qui n'a plus rien à voir avec le nôtre) :

Spinoza a écrit :si à l'essence éternelle de Dieu appartiennent intellect et volonté, il faut à coup sûr entendre par l'un et l'autre l'attribut tout autre chose que ce que les hommes, d'ordinaire, entendent vulgairement par là. ... mais au contraire, si la vérité, et l'essence formelle des choses, est telle, c'est parce que telle, elle existe objectivement dans l'intellect de Dieu.
Et donc l'intellect de Dieu, en tant qu'on le conçoit constituer l'essence de Dieu, est en vérité cause des choses ...


Donc: l'essence formelle des choses existe objectivement dans l'intellect de Dieu. Mais cela n'exclut pas du tout que l'essence formelle des choses existe formellement en Dieu. Je ne vois pas où Spinoza affirmerait une primauté de cet 'exister objectivement' sur l'exister 'formellement', si c'était ça ce que vous vouliez dire?

Bien à vous,
Louisa

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Messagepar Louisa » 20 juin 2005, 20:20

PS à hokusai:

voici que je tombe par hasard sur une info qui concerne ce que nous venions de dire: dans 'La philosophie juive' de M-R Hayoun,

Starobinski-Safran a écrit :Dans une lettre datée de septembre 1661 adressée à celui-ci [Oldenburg], Spinoza répond à différentes questions philosophiques que son correspondant avait soulevées concernant la nature de Dieu et les erreurs commises par F. Bacon et Descartes. Il y nie trois dogmes fondamentaux de la philosophie médiévale et cartésienne: premièrement, que Dieu est un être purement spirituel et intellectuel;


Je suppose que c'était donc en effet ce que vous vouliez dire: que le Dieu scolastique est pure pensée. Ensuite, ceci confirme ce que je voulais dire moi-même: que chez Spinoza, cela n'est pas le cas.
Bonne soirée,
Louisa

PS2: cc l'intellect de Dieu: voir également pe (dans la traduction de ce site):

Notre Mental est une partie de l'intellect infini de Dieu en tant qu'il perçoit les choses véritablement.
(Mens nostra quatenus res vere percipit, pars est infiniti Dei intellectus.)
Éthique II, scolie de la prop. 43.

PS3: question aux traducteurs: y avait-il une raison spécifique pour changer l'ordre des parties de la phrase en latin dans la traduction? C'est qu'en français, il y a un peu une ambiguïté cc le 'il' qui perçoit: ça pourrait être aussi bien le Mental que Dieu, tandis qu'en latin, aussi bien l'ordre des mots que le virgule, permettent clairement d'éliminer la deuxième possibilité. Enfin, ce n'est qu'un détail, évidemment.

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Messagepar Louisa » 21 juin 2005, 02:10

Réponse au message de bardamu du 17.06, pg 12

bardamu a écrit :Nous avons donc ce qui constitue notre Mental, à savoir des idées.
Nous avons ensuite l'essence qui est l'effort de conservation, la tendance, correspondant à ce complexe d'idées.
Une (notre) essence actuelle s'exprime dans ce complexe, dans ce mélange, ce rapport.

Mais, les idées inadéquates sont du 1er genre, ce sont des affections du corps qui dépendent des relations fortuites dans la durée. En d'autre terme, ces idées ne peuvent exprimer une essence que en tant qu'elle est considérée en rapport avec la durée.

Dès lors qu'on considère le corps sous le caractère de l'éternité, on considère l'essence du Mental sans idées inadéquates puisque celles-ci ne sont que par rapport à la durée.

Ce qu'on a appelé "l'essence éternelle" du Mental, c'est l'idée qui exprime l'essence du corps humain sub specie aeternatis (E5P23 scolie).

Et c'est là que l'introduction de l'intensif par rapport à l'extensif est intéressant.
Les quantités extensives s'additionnent et donc, si l'essence était une quantité extensive, nous aurions :
essence selon la durée = puissance des idées inadéquates + puissance des idées adéquates
essence selon l'éternité = puissance des idées adéquates
et donc, essence selon la durée > essence selon l'éternité


ah! comme vous l'écrivez ici, cela me semble très clair, et je ne trouve rien là-dedans qui ne colle pas avec ma lecture actuelle de Spinoza. Merci donc pour l'explicitation.

bardamu a écrit :
Dans les quantités intensives, comme la température, on n'additionne pas.
essence selon la durée = froid (idées inadéquates) + chaud (idées adéquates) = tiède
essence selon l'éternité = chaud
et donc, essence selon l'éternité > essence selon la durée

Et pourquoi peut-on dire que les idées inadéquates sont aux idées adéquates comme le froid est au chaud ?
C'est que les idées inadéquates mélangent ce qui n'est pas nous avec ce qui est nous, que les "images", les affections du corps, enveloppe notre nature mais aussi celle du corps extérieur et tout un tas de choses confuses.


idem. La métaphore me semble très parlant, et correcte.

bardamu a écrit :C'est comme au niveau des corps : l'individu comme rapport de mouvement et de repos, mélange particulier, voit son mélange altéré par la rencontre avec un être qui n'est pas lui : la vapeur rencontre la paroi et devient buée, la vapeur meurt. Et plus la vapeur se refroidit, plus elle perd de son essence, de sa puissance.
Malgré tout, même morte, même devenue buée, l'essence de vapeur existe éternellement, et il ne suffira qu'un peu de chaleur pour qu'à nouveau une vapeur s'élève.

La vapeur est un mode d'existence qui s'exprime dans la durée dès lors qu'on a de la vapeur et qui existe aussi éternellement impliqué dans le liquide qui est, a été, sera, peut devenir vapeur, impliqué dans un devenir.
Dans son essence actuelle, la vapeur est plus ou moins "vapeur" selon qu'elle se condense (Tristesse) ou se vaporise (Joie), mais cela ne change pas la part éternelle de son essence qui est une "vaporité".

Note pour tenter de désamorcer des mésententes : la vapeur n'est pas un genre, n'est pas une espèce selon des caractères extrinsèques tels que "ça brûle", "ça vole" ou autre, mais un rapport de mouvement de l'Etendue, un rapport d'idées de la Pensée, et un mode d'existence divin. La "vaporité" d'une vapeur n'est pas la "vaporité" d'une autre vapeur.


entièrement d'accord. Je n'aurais pas pu le décrire comme ça moi-même (notamment parce qu'il faut encore que je m'attèle à la 5e partie de l'Ethique, sans quoi une bonne compréhension de l'essence est impossible), et la métaphore de la vapeur est pour moi très belle. En plus, elle me semble tout à fait cohérente avec ce que Spinoza écrit dans l'E1-4. Ou, pour nuancer cela, avec ma propre interprétation de ce qu'il écrit là.
D'où ma question à Hokusai et Miam: seriez-vous d'accord avec ceci, ou concevez-vous les essences chez Spinoza autrement?

Puis quand même une petite question à bardamu. Le seul endroit dans ce que vous écrivez qui me fait hésiter, c'est là où vous parlez de 'quantités' intensives. Pour l'instant, je concevais l'extensif comme domaine de la quantité, et l'intensif comme domaine de la qualité. Pour cette raison, le fait que vous écrivez 'essence selon l'éternité > essence selon la durée' est un peu bizarre pour moi. Que l'essence selon l'éternité soit plus 'intensive', oui. Mais qu'elle soit plus grande? Qu'est-ce qui vous fait penser cela?
Je sais bien qu'entre-temps, on a dit qu'une essence dont la puissance augmente, est une essence qui atteint une plus grande perfection, et là, on parlait déjà d'intensité. Donc oui, dans un certain sens, je peux concevoir l'intensité comme étant quantitative. Quelque chose peut être plus intensif, ou moins intensif. Mais le froid, est-il 'moins intensif' que la chaleur? Je ne sais pas trop. En fait, je dirais: non. Si une chose devient moins froide, l'intensité du froid diminue, et l'intensité de la chaleur augmente. Et évidemment que cela se passe 'simul', en même temps. Mais il s'agit de deux qualités différentes. Sont-elles convertibles? Je ne sais pas.
Cela me fait penser un peu à la façon dont Deleuze caractérise le devenir dans Logique du sens, au sujet d'Alice (Lewis Carroll). Après avoir bu la potion magique, le corps d'Alice devient plus grand, mais en même temps, plus petit que ce qu'elle deviendra. Ne faut-il pas parler, dans ce devenir-là aussi, de deux qualités, ou de deux intensités différentes? Ne devrait-on pas dire que grand et petit, ce sont deux extrêmes de la même extensionnalité (donc: différence quantitative), tandis que, vu sous l'angle de l'intensité, ce sont deux intensités différentes, qui sont certes liées entre elles, mais quand même, en tant que qualité, incomparable? Ou, pour reprendre une autre métaphore très parlante que vous avez utilisé ici: celle de la courbe mathématique. Si l'intensité, ce sont les points où change la courbe, comment dire que quelque chose a plus ou moins d'intensité? Ce serait quoi, dans cet exemple-là, une intensité plus grande? Une courbure plus nette, plus grande? Serait-elle plutôt de l'ordre d'un changement d'orientation, de direction? Mais comment y voir alors quelque chose de quantitatif ... ?

Et si l'intensif est également quantitatif, pourquoi dire, comme vous le faites ci-dessus, que là, les quantités ne s'additionnent pas? Qu'est-ce qui nous empêche d'additionner, dès qu'on parle de quantitatif, pour vous?

Donc: oui, je peux bien concevoir une intensité comme quantitative. Mais en quoi est-ce qu'elle se différencie alors d'une extensionnalité?
Question annexe: les notions d'intensité et d'extensionnalité, ne viennent-elles pas de Deleuze? Je ne les ai jamais trouvé chez Spinoza. Pourtant, cela me semble assez défendable comme interprétation de Spinoza. Mais peut-être qu'il me faudrait lire la partie 5 avec ces distinctions en tête, pour pouvoir répondre aux questions que je viens de formuler ici.

Ciao,
Louisa


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