Pej a écrit :Tu défends l'idée que la fonction crée l'organe...
Non au contraire, c'est bien l'organe qui crée la fonction dans ce que je décrivais : une tête coupée n'est plus vraiment la tête du corps puisqu'elle ne lui est plus liée organiquement : la fonction de diriger le corps est donc bien postérieure à l'organe, compris comme matière organique, liée à l'organisme. Et une tête téléguidée de l'extérieur, au service d'un autre corps, serait un organe qui par cette position et sa configuration rendrait possible l'intérêt de l'autre corps au détriment de celui qui est téléguidé : la fonction ici est bien postérieure à l'organe, seulement le lien organique entre une telle tête et le reste du corps ne serait en fait qu'extérieurement apparent.
...et que donc si une tête ne remplit pas sa fonction de tête, alors elle n'est tout simplement pas une tête. Or, c'est faire disparaître la différence entre le normal et le pathologique. La fonction des reins, par exemple, est de filtrer le sang (si je fais simple) et un rein malade, qui ne parvient plus à assurer sa fonction n'en reste pas moins un rein. Mais d'un rein sain (ou normal), on est passé à un rein malade (pathologique).
Cette idée de normal et de pathologique relève malgré son bon sens apparent du finalisme : il y aurait des imperfections apparaissant dans la nature à un moment donné, le but à atteindre étant de réduire ces imperfections. En fait, comme ce que j'indiquais hier dans le post sur le vieillissement, tout ce qui se produit dans la nature se produit nécessairement, de sorte qu'un état physique à un moment m ne peut pas être "imparfait" ou "anormal". De même, lorsqu'un homme se laisse vaincre par une passion, faute d'assez d'idées adéquates de lui-même et de ce qui l'entoure, étant donnée donc la limitation de sa puissance et non une impuissance qui serait positivement au coeur de son essence même, ce n'est pas anormal : son mental est déterminé par autre chose que lui-même, bien compris, mais ce n'est pas parce que le mental est mauvais, anormal ou pathologique, c'est que la puissance des causes extérieures le surpasse. De même, un foie malade n'est pas un foie qui en lui-même serait anormal, imparfait, même seulement devenu tel, c'est un foie dont la puissance de filtration a été vaincue par un excès d'aliments toxiques pour le corps. Et ainsi, s'il ne filtre plus correctement, ce n'est pas qu'il est devenu un mauvais foie mais parce qu'il commence à mourir en tant que foie, autrement dit parce qu'il cesse d'être un foie jusqu'à un certain point de non-retour éventuel.
Et en parlant d'inverser le rapport en organe et fonction, je crois au final que c'est toi qui semble ne pas pouvoir te faire à l'idée que peu importent les intentions conscientes d'un magistrat ou détenteur d'une autorité (chef, contremaître ou maître) - celles de Sarkozy sont très probablement de faire ce qu'il croit le mieux pour tous -, ce qui compte, c'est le rapport de force à l'oeuvre entre ce qui pousse au service des plus forts d'un côté et ce qui pousse à celui de tous de l'autre, de sorte qu'on a mécaniquement selon le degré de ce rapport de force, soit un chef, soit un contremaître, soit un maître.
Mais peut-être qu'on pourrait s'entendre en admettant qu'il peut exister un chef en train de mourir en tant que tel, vaincu par les causes extérieures (par ex. les pressions des lobbys), après avoir pourtant commencé à agir dans l'intérêt de tous. La question est alors de savoir si pour l'essentiel, car il faut bien sûr faire preuve de précaution avec les leurres en politique, et dans les faits, Sarkozy agit pour quelques uns ou pour tous.
De la même façon, il y a ce que normalement un chef doit faire (sa fonction normale qui fait de lui un bon chef) et ce qu'il fait effectivement (qui peut être pathologique, ce qui fait de lui un mauvais chef).
Dans une logique non finaliste, un chef sert le bien commun ou n'est pas un chef, précisément parce que la fonction ne précède pas l'organe : avoir besoin d'une tête au sommet de l'Etat ne suffit pas en soi à ce qu'on en ait effectivement une du moment qu'on en pose une, indépendamment de la question de savoir de qui c'est véritablement la tête. De même l'esprit d'un homme est utile à lui-même ou revient à pas d'esprit du tout s'il se fait esclave d'un autre ou d'autre chose, puisqu'il n'entre plus en ligne de compte dans le comportement, momentanément ou durablement surpassé par les idées des causes extérieures.
Passons maintenant à Korto :
Korto a écrit :Les lourds oripeaux "philosophiques" dont s'habille la thèse multiforme mais en fait unique de cette discussion, "Sarko est un petit salopard trop malin qui nous a pris le pouvoir", cachent mal la crudité de l'hostilité, de l'amertume, du ressentiment et du parti pris des intervenants.
Ce n'est pas parce que vous avez quelques difficultés à saisir les subtilités et les nuances des propos tenus ici que la grossièreté que vous voulez y voir correspond à une réalité.
Mais il n'y a pas que du faux dans ce que vous dites : ce qu'on reproche au sarkozysme, c'est-à-dire au libéralisme, et à la loi du plus fort qu'il incarne, c'est bien de nous avoir pris le pouvoir, à nous peuple français, y compris donc à vous-même, qui n'êtes cependant ni le premier ni le dernier partisan de la servitude volontaire. Mais bien sûr, le premier responsable de cette situation, c'est le peuple français, à commencer par sa partie gauche, dans ses abandons et ses solutions de facilité.
Une telle opposition de principe est tout à fait légitime en politique mais se comprend moins en philosophie.
Répéter des arguments déjà réfutés n'a jamais suffit à faire une réponse aux objections.
Charger Sarko de racisme, de fascisme, de totalitarisme, d'eugénisme etc... c'est un peu gros quand même... Et ça ne révèle que le vide et l'impuissance d'une certaine opposition, politique, syndicale, médiatique et ... intellectuelle.
C'est vous qui faites gros là où il y avait en fait beaucoup plus de nuances que ce que vous voulez en retenir.
Un mauvais chef au motif qu'il ne s'occupe que d'une minorité, d'une aristocratie, non !
OK, ne nous embarrassons pas avec vous d'une distinction trop subtile entre faux ou mauvais chef, puisqu'autrement vous simplifiez et nivelez toute tentative de comprendre la complexité. Donc vous admettez qu'un mauvais ou un faux chef, peu importe donc, est celui qui sert une minorité au détriment du "peuple". Mais qu'entendez vous par ce terme ? L'ensemble des membres de la nation ou seulement une partie, fût-elle majoritaire ? La récurrence de l'expression "c'est pour tous", donne à penser que vous penchez pour la première option. Mais dans tous les cas de mesures que vous avez signalées, diriez vous que c'est bien pour tous les français que ces mesures ont été décidées, y compris les plus démunis, y compris les fonctionnaires, y compris ceux de gauche, y compris ceux qui se permettent encore d'oser critiquer Sarkozy ? Ou alors considérez-vous que tout ou partie de ces catégories ne font pas vraiment partie du peuple français ?