Je vais donc essayer de fournir une interpretation qui n'est pas consistente avec celle que j'ai cru comprendre de vos (Lousia) descriptions de la beatitude/liberte. Cette presentation va aussi me permette d'illustrer certains points que j’ai fait dans le passe--et que vous m'avez refuses sur la base que je n'offrais pas d'exemples ou illustrations.
Vous semblez definir la liberte comme soit une maximation (accumulations?) de joies (voir vos citations plus bas). Je ne crois pas que cela soit la demarche proposees par Spinoza. Je crois que Spinoza associ deux mouvements principaux dans tout projet d'atteindre le 'connaitre' du troisieme genre (Cd3G). Le premier est celui de la Raison (deuxieme genre). Et le second est celui de l'Entendement (troisieme genre). Je crois que votre interpretation ce rapporte entierement au dynamiques du premier et ignore celles du second.
Quelles sont ces dynamiques et le travail que la Raison nous demande? Je crois ceux-ci sont bien decrits dans les premieres propositions de la cinquieme partie et resumes dans la 20eme proposition. Discutons brievement les etapes de ce travail.
1)- dans la connaissance mкme des affects (voyez le Schol. de la Propos. 4, part. 5)
J'amerais souligner que la proposition a laquelle cette etape se rattache inclue toutes les affections. Donc il n'y a pas a mon avis aucune raison, EN PRINCIPE, de chercher certains types d'affects au depend de d'autres. EN PRINCIPE (voir plus bas a ce sujet), tout affect vaut tout autre selon 5p4s. De plus, cette proposition nous dirige principalement vers les passions car c'est seulement de celles-ci que nous avons besoin de former un concept clair et distinct. Cette idee est renforcee je crois par les deux propositions precedentes lesquelles discutent les passions en particulier.
Qu'est-ce que cela indique a mon avis? Que le travail que nous devons faire n'est pas de rechercher et d'accumuler de nouvelles idees qui seraient adequates et actives, donc joies (bien que cela ne peut pas nuire:) ), donc la maximisation de nouvelles idees adequates, mais de 'transformer' les idees confuses que nous avons en idees adequates. Je crois que cette dynamique est le sujet du deuxieme point.
2)- dans la SEPARATION que l'вme effectue entre telle ou telle passion et la pensйe d'une cause extйrieure confusйment imaginйe (voyez la Propos. 2 et son Schol., et la Propos. 4, part. 5) ;
Nous devons separer, ou DETACHER, afin de neutraliser les actualites d'une idee qui nous amene a souffrir pour ne conserver que celles qui sont adequates.
Spinoza a écrit :chacun de nous a le pouvoir de se former de soi-mкme et de ses passions une connaissance claire et distincte, sinon d'une maniиre absolue, au moins d'une faзon partielle, et par consйquent chacun peut diminuer dans son вme l'йlйment de la passivitй. Tous les soins de l'homme doivent donc tendre vers ce but, savoir, la connaissance la plus claire et la plus distincte possible de chaque passion ; car il en rйsultera que l'вme sera dйterminйe а aller de la passion qui l'affecte а la pensйe des objets qu'elle perзoit clairement et distinctement, et oщ elle trouve un parfait repos ; et par suite, la passion se trouvant sйparйe de la pensйe d'une cause extйrieure et jointe а des idees vraies, l'amour, la haine, etc., disparaоtront aussitфt (par la Propos. 2, part. 5)
Ce que Spinoza veut dire par 'idees vraies' (notion communes et idees de Dieu?) est ouvert a interpretation. Neanmoins, ce qui nous reste ce sont donc les actualties des idees qui se rapportent seulement a notre nature--et de ce fait nous en obtenons une joie, une joie que Spinoza decrit souvent comme une forme de satisfaction--ce qui rappele l'idee de conatus n'ont pas comme augmentation de perfection en tant que telle (laquelle s'effectue en raison de notre interraction necessaire avec un monde 'exterieur') mais une certaine maintance dynamique mais 'stationaire' d’une Joie qui est inherente et naturelle a notre presence.
Ce que nous devons rechercher ce ne sont donc pas les affects qui sont deja actifs (c'est-a-dire considerer que nous devons rechercher une conception adequate de nos amants EN PLUS de nos conceptions confuses de ceux-ci) --quelques soient leurs actualities que nous experimentons--mais bien la neutralisation des actualites passives qui sont l'expression d'une connaissance mutilee (2p4s). Est-ce la passion change apres avoir ete sujette a ce processus? Oui mais Spinoza nous dit que ce changement n'affecte pas le principe sous-jacent d'individualite or d'identite qui determine cet affect. Toute difference quant a l'identite de l'affect n'est qu'abstraite; en realite, nous avons toujours affaire a la meme idee (selon le principle du “une seule et meme chose”) mais seulement a ses actualites qui sont actives en rapport a notre nature.
Spinoza a écrit :une affection passive, c'est une idйe confuse (par la Dйf. gйnйr. des passions) ; si donc nous nous formons de cette affection mкme une idйe claire et distincte, cette idйe ne se distinguera de l'affection, en tant que l'affection est rapportйe uniquement а l'вme, que d'une distinction abstraite (par la Propos. 21, part. 2, et son Schol. 1), et en consйquence (par la Propos. 3, part. 3) l'affection passive cessera d'кtre passive.
Je crois que cette proprosition et sa demonstration sont assez claires.
L'idee est de faire ce travail avec assez de passions pour qu'eventuellement la connaissance adequate en vienne--au fil du temps--a dominer (Spinoza n'est pas tres clair ici) nos passions de telle sorte que l'ordre de l'Entendement et la force naturelle en nous qui cherche a comprendre vont se manifester (bien cette dynamique soit encore une fois un peu nebuleuse) et prendre (de facon partielle) le dessus (5p10).
3)-/4)- Ce travail, selon Spinoza, produit des cercles vertueux (5p20s(IV);5p15).
Qu'est-ce que je vois dans tout cela. En autre, le travail qui nous est demande n'est pas une accumulation de d'affects NOUVEAU qui soient actifs (i.e. joie); il n’y a necessairement un mouvement vers l’exterieur afin de recherchй de nouvelles experiences. Celles que nous avons presentement sont, EN PRINCIPE, toutes aussi bonnes que les autres. Je n’ai pas besoin d’avoir une epouse merveilleuse, de l’argent, voyager, atteindre le sommet du l’Everest, scuba diving au Bahamas, gagner un prix Nobel, trouver une cure pour le cancer, etc. pour etre heureux--c'est-a-dire satisfait avec ce que je suis. Il s'agit au lieu de la decouverte d'une joie qui est deja presente (car toutes les idees inadequates sont egalement adequates sous certaines expressions ou actualites; 3p2;5p4) 'en nous'; et l'experience de cette joie est mieux decrite par l'expereince d'une satisfaction. Je crois que le choix d'expressions comme 'acquiesentia' est indicatif ou revelateur a ce niveau.
Tout ce travail je le situe au niveau de la Raison.
J'aimerais ajouter un point--que nous pouvons discuter plus tard.
Quel est le conseil de Spinoza, au debut, lorsque nous sommes 'trop faible'? Penser, mediter, reflechir, faire de la 'philosophie' (quoique vous vouliez dire pas cette expression), argumenter beton nos pensees, discuter a n’en plus finir l’Ethique? Non--il nous invite au lieu a vivre selon des maximes bien simples (mais si difficile a vivre) 2p10s. Tout comme la foi qui nous amene a la Beatitude, les debuts du travail de la Raison nous demandent quelque chose qui ait bien simple en principe mais difficile en pratique. Il ne dit pas de ‘reflechir’ et ‘mediter’ sur ou bien comprendre intellectuellement et de facon discursive sa vie … car bien des gens et philosophes on fait justement cela et ont obtenus des resultants desastreux (selon le modele exemplaire de l'homme selon la quatrieme partie). Il dit seulement de vivre les maximes (et eventuellement l'ordre de l’Entendement devra faire son travail) et de travailler directement sur nos passions. Je dois dire que j'ai de la misere a reconnaitre vos interpretations dans les conseils de Spinoza car vos conseils m'apparaisent comme exigeant surtout des formes d'intellectualites que je n'arrive pas a reconnaitre dans les textes de Spinoza. (et SVP ne me citez plus la methode geometrique comme justification fourre-tout a ce sujet).
J'ai donc de la difficulte a reconnaitre soit dans mes interpretations ou dans les 20 premieres proposition de la cinquieme partie de telles observations
Louisa a écrit :"Puis vivre selon la Raison signifie precisement augmenter la possibilite d'etre affecte par le monde exterieur au lieu d'essayer de s'en detacher maximalement."
"mais une pensee de l'"union" avec la Nature entiere (ou l'on "complexifie" toujours plus son rapport au monde, ou l'on comprend toujours plus de choses distinctes et differentes, toujours plus de choses qui de prime abord sont incomprehensibles ou difficiles a com-prendre"
Ce que Spinoza decrit, il me semble, c'est un travail de simplification vers le clair et distinct; separer (detacher et neutraliser) ce qui nous est, comme cause, 'exterieur' de l'affect lui-meme et le 'reduire' a une actualite qui se rapporte seulement a notre nature (et celle de l'idee de Dieu bien sur). Dans Spinoza, la 'complexification' est tout aussi bien une simplification. Voir a ce sujet cet excellent article :
Simple Wholes and Complex Parts: Limiting Principles in Spinoza
# William Sacksteder
# Philosophy and Phenomenological Research, Vol. 45, No. 3 (Mar., 1985), pp. 393-406
Considerons ce passage:
Louisa a écrit :"seulement cela a l'effet inverse que chez les mystiques: ici cela signifie se tourner vers le monde, se laisser maximalement affecter par lui, aimer le monde lui-meme, aimer telle ou telle chose dans le monde et cela parce que elle aussi est Dieu"
Nos avons vu que l'association de nos affects avec l'idee de Dieu n'est jamais sans ambiguite et nuance--c'est a dire sans une perte qui est celle du 'monde' comme cause exterieure. Comme le dit Pascal Severac "Pour saisir la nйcessitй du devenir actif, il faut commencer par s'interroger sur le PARADOXE de la joyeuse passivitй : en tant que joie, elle est augmentation de la puissance ; en tant que passivitй, elle est nйgation de cette mкme puissance."
'Etre affecter par lui' n'est-ce pas en quelque sorte la definition de la passivite? Car de toute facon, du point de vue du modal et du fini, tout ce que nous avons l'experience ce n'est pas le monde exterieur--sa nature--mais les affects du corps que les choses produisent en nous. Votre 'romantisme' (aimer le monde lui-meme) semble suggerer que vous oubliez ce dernier fait.
Spinoza indique au moins deux 'resources' a notre disposition dans notre demarche vers la neutralisation des actualites passives d'une passion: la connaissance des proprietes communes, ou notions communes (2p38;2p39);
Spinioza a écrit :"Supposons maintenant que le corps humain soit modifie par un corps exterieur dans ce qu'il a de commun avec lui, par consequent dans A, l'idee de cette affection enveloppera la propriete A (par la Propos. 16, partie 2) ; et par consequent, l'idee de cette affection (par le Corollaire de la Propos. 7, partie 2), en tant qu'elle enveloppe la propriete A, sera adequate en Dieu, en tant qu'il est affecte de l'idee du corps humain, c'est-a-dire (par la Propos. 13, partie 2), en tant qu'il constitue la nature de l'ame humaine ; par consequent enfin (en vertu de la Propos. 11, partie 2), cette idee se trouvera dans l'ame humaine d'une facon adequate. "
ou bien, l'idee de Dieu (5p14)
Spinoza a écrit :L'ame peut faire que toutes les affections du corps, c'est-a-dire que toutes les images des choses se rapportent a l'idee de Dieu.
Dans ce dernier cas, le but du travail est de nourrir notre amour pour ou vers dieu afin de participer eventuellement a l'apparition de cercles vertueux d'amour. Dans tous les cas, l'object du travail est la 'transformation' des passions, c'est-a-dire les affections du corps (2p14). D'une certain facon, le travail de la Raison ne nous dirige pas tant vers le monde en tant que tel mais plus strictement vers sa dependence ou union avec Dieu (au travers de l'idee de Dieu) (2p14-2p16;2p45) ou ce qui est commun a tous ses elements. Donc aucun besoin de se diriger vers un aspect du monde en particulier; ce qui est devant moi en cet instanst "va faire [en principe] l'affaire". Ce n'est qu'au travers l'idee de Dieu ou les notions communes que nos passions deviennent adequates et non une exposition elusive au 'monde lui-meme' (car encore une fois ce que nous connaissons ce sont nos affects et non pas le monde lui-meme).
L'emergence et le nourrissement de cette amour est le bien le plus grand que l'esprit puisse realiser au travers de l'Imagination/Raison et la consideration de notre existence corporelle:
Spinoza a écrit :"Quant a la nature de cet amour, en tant qu'il se rapporte uniquement a l'ame, c'est ce que nous verrons plus tard."
Est-ce par ce dernier commentaire Spinoza n'embrouille pas un peu la demarcation entre l'eternel et le temporel?
Tout ce qui precede se rapporte au travail de la Raison. Un travail qui consiste a accroitre LE RAPPORT d'idee idequate/inadequate par la transformation (car il n'y a pas un ancient et un nouveau mais une seule et meme idee/affect selon 5p4d) de passions en affects actifs dont nous avons maintenant pour chacun un concept clair et distinct, donc l'idee-comme-passion devient une idee adequate mais c'est toujours une seule et meme idee.
Spinoza marque la transition du travail de la Raison au connaitre de l'Entendement avec le fameuse remarque:
"Le moment est donc venu de traiter de ce qui regarde la duree de l'ame consideree sans relation avec le corps."
Je suis desole Louisa mais ce passage est en un certain sens contradictoire et ambivalent. Ce n'est pas seulement mon opinion mais celui de nombreux commentateurs--lesquel(le)s ont tous ete bien traine dans l'art de la 'philosophie'. Ici, je decide personellement (vous n'avez pas a etre d'accord) que c'est a vous de m'expliquer pourquoi ce passage est 'clair et evident'. La contradiction est peut-etre difficile a eviter lorsque nous essayons d'etablir une recontre directe entre le durationel et l'eternel.
Que Spinoza nous dit-il au sujet de l'eternite de l'esprit et du troisieme genre de connaissance? Je vais me concentrer sur un aspect de ses discussions: la nature de l'amour pour Dieu en tant qu'elle se rapporte a l'essence (ET NON PLUS LES AFFECTS) du corps ou de l'esprit, i.e. l'amour intellectual de Dieu ["Quant a la nature de cet amour, en tant qu'il se rapporte uniquement a l'ame, c'est ce que nous verrons plus tard."], et non plus aux affects du corps.
Spinoza a écrit :L'ame ne concoit rien sous le caractere de l'eternite qu'en tant qu'elle concoit l'essence de son corps sous le caractere de l'eternite (par la Propos. 29, part. 5), c'est-a-dire (par les Propos. 21 et 23, part. 5) en tant qu'elle est eternelle ; par consequent (en vertu de la Propos. preced.), en tant que l'ame est eternelle, elle possede la connaissance de Dieu, et cette connaissance est necessairement adequate (par la Propos. 46, part. 2) ; d'ou il suit que l'ame, en tant qu'eternelle, est propre a connaitre toutes les choses qui resultent de cette meme connaissance (par la Propos. 40, part. 2), c'est-a-dire a connaitre les choses d'une connaissance du troisieme genre
Pour l'ame, l'eternite passe par l'essence du corps (sous le charactere de l'eternite)--au lieu des affects du corps comme dans le travail de la Raison. Et de cette 'activite' (fouillez-moi pour savoir ce que cela puisse dire concretement) de connaissance, toute connaissance qui suit correspond a une connaissance du troisieme genre. (Note de l'editeur: je paraphrase rapidement Spinoza ici; je crois que c'est bien inutile mais je veux eviter le plus possible les reproches de Louisa que certains d'entre nous ne faisons que 'dumper' les citations sans dire quoique ce soit.)
Et puis FINALEMENT (ouf!) nous avons l'amour intellectuel de Dieu:
"Cette connaissance du troisieme genre produit necessairement l'amour intellectuel de Dieu ; car elle produit (par la Propos. preced.) une joie accompagnee de l'idee de Dieu comme cause, c'est-a-dire (par la Def. 6 des passions) l'amour de Dieu, non pas en tant que nous imaginons Dieu comme present, mais (par la Propos. 29 part. 5) en tant que nous le concevons comme eternel. Or cet amour est justement ce que j'appelle l'amour intellectuel de Dieu." 5p33
Pourquoi suis-je si interesse en l'amour intellectuel de Dieu? Car voici ce que Spinoza nous dit a son propos, en plus d'en avoir parle comme Amour et (donc) Joie. Elle est la seule a etre eternelle (5p34c). Elle est infinie (5p35). Elle est constante.
Et qu'a-t-il a propos de notre access a cette amour?
"l'amour intellectuel de l'ame pour Dieu est une partie de l'amour infini que Dieu a pour soi-meme."
Encore une fois, ce que le mot partie (peut-on vraiment diviser ou separer un amour infini et eternel?) veut bien dire ici est une chose difficile a etablir. Mais de toute facon, voici ce que Spinoza nous dit: " Il resulte de la que Dieu, en tant qu'il s'aime lui-meme, aime aussi les hommes, et par consequent que l'amour de Dieu pour les hommes et l'amour intellectuel des hommes pour Dieu ne sont qu'une seule et meme chose."
Une seule et meme chose ... tout comme l'etre dont le corps et l'ame (2p7) sont l'expression d'un seul et meme etre ... ou l'existence et l'essence de Dieu ... une seule et meme chose ... une expression que Spinoza utilise pour qualifier des realites/actualites qui sont a la fois identiques et differentes ... un peu ambivalent a mon avis et celle de nombreux commentateurs (mais ce n'est pas une mauvaise chose -- au contraire !)
Continuons ...
Cette amour c'est la beatitude, ou notre Liberte:
Spinoza a écrit :"Ceci nous fait clairement comprendre en quoi consistent notre salut, notre beatitude, en d'autres termes notre liberte, savoir, dans un amour constant et eternel pour Dieu, ou si l'on veut, dans l'amour de Dieu pour nous."
Encore ... une seule et meme chose ...
Spinoza a écrit :Que l'on rapporte en effet cet amour, soit a Dieu, soit a l'ame, c'est toujours cette paix interieure qui ne se distingue veritablement pas de la gloire (voyez les Def. 25 et 30 des passions). Si vous le rapportez a Dieu, cet amour est en lui une joie (qu'on me permette de me servir encore de ce mot) accompagnee de l'idee de lui-meme (par la Propos. 35, part. 5) ; et si vous le rapportez a l'ame, c'est encore la meme chose (Par la Propos. 27, part. 5).
Mon point est que cette Amour, en tant que realite eternelle, donc constant, n'est pas associee avec aucune forme de transition. Cette observation me semble etre confirmee par les trois passages suivants:
Spinoza a écrit :
"Bien que cet amour intellectuel de Dieu n'ait pas eu de commencement (par la Propos. preced.), il a cependant toutes les perfections de l'amour, absolument comme s'il avait une origine, ainsi que nous l'avons suppose dans le Coroll. de la Propos. precedente. Et il n'y a la d'autre difference, sinon que l'ame a possede eternellement ces memes perfections que nous avons suppose qu'elle commencait d'acquerir, et cette possession eternelle a ete accompagnee de l'idee de Dieu comme de sa cause eternelle ; et certes, si la joie consiste dans le passage a une perfection plus grande, la beatitude doit consister pour l'ame dans la possession de la perfection elle-meme. " 5p33
"Ceci nous fait clairement comprendre en quoi consistent notre salut, notre beatitude, en d'autres termes notre liberte, savoir, dans un amour constant et eternel pour Dieu, ou si l'on veut, dans l'amour de Dieu pour nous."
Que l'on rapporte en effet cet amour, soit a Dieu, soit a l'ame, c'est toujours cette paix interieure qui ne se distingue veritablement pas de la gloire (voyez les Def. 25 et 30 des passions). Si vous le rapportez a Dieu, cet amour est en lui une joie (qu'on me permette de me servir encore de ce mot) accompagnee de l'idee de lui-meme (par la Propos. 35, part. 5) ; et si vous le rapportez a l'ame, c'est encore la meme chose (Par la Propos. 27, part. 5).
Ici je considere que c'est a Louisa de nous dire ou elle peut 'inserer' l'idee de transition dans ces descriptions (car je considere les passages soulignes en gras comme evident). Et je suis pret a me soumettre a l'opinion de la foule sur ce point.
L'amour de Dieu, or la liberte, or la beatitute, ne serait etre relative. Cependant, ce n'est pas aussi simple que cela. Car lorsque Spinoza aborde "l'experience" de l'eternite (5p37-5p39) il semble parler de cette experience en terme de changement ... Je comprends tres bien si Louisa veuille utiliser ces passages afin d'avancer sa these. Mais quelques soient les differentes interpretations que nous pouvons en avoir -- nous ne pouvons nier les commentaires de Spinoza "(qu'on me permette de me servir encore de ce mot)" et "et certes, si la joie consiste dans le passage a une perfection plus grande, la beatitude doit consister pour l'ame dans la possession de la perfection elle-meme."
Donc lorsque vous avancez des choses comme
Louisa a écrit :"Or c'est bien de cela qu'il s'agit dans la Liberte spinoziste: celle-ci etant l'Amour de Dieu, elle est avant tout un Amour, c'est-a-dire "rien d'autre qu'une Joie accompagnee de l'idee d'une cause exterieure".
la Liberte spinoziste est un Amour et donc une Joie que l'on ressent par rapport a telle ou telle chose, notre propre essence d'abord (E5P31), puis celle de toujours plus de choses exterieures (puisque l'Amour a besoin d'une idee d'une cause exterieure (remarquons que cela va plus loin encore que de dire qu'elle a besoin d'une "chose" exterieure)).
je pense que vous faites des rapprochements naifs qui ne sont pas consistents avec ce que Spinoza a lui-meme ecrit tres clairement. Parfois, je suit le defilement de vos arguments et ce que je vois c'est un certain manque de profondeur ; une hate qui semble camoufler un manque de nuances -- les idees s'enchainemt est un peu trop vite des fois comme dans ce cas:
Amour ... donc Joie ... donc necessairement transition ... mais non relisez la definition de la troisieme partie!!!
Nous ne parlons plus des affects du corps ici mais de quelque chose d'autre ... Spinoza l'affirme lui-meme que l'expression ecrite est peut-etre inappropriee ici ["(qu'on me permette de me servir encore de ce mot)"]... Mais non selon vous si Spinoza a ecrit que le joie est transition elle doit etre transition, envers et contre tous ... meme Spinoza ... mais ce n'est peut-etre que moi qui voit un probleme ici.
Dans ce cas, je crois que Louisa ne considere pas la nature particuliere de l'Amour de Dieu par rapport a celle des autres affects--une distinction qui a ete souligne par Spinoza lui-meme. De plus, s'il est vrai que l'Amour de Dieu est une "Joie" accompagnee de l'idee de Dieu comme cause. Peut-on considerer Dieu comme etant absolument exterieur a nous? Encore une reflection hative et sans nuance a mon avis. Dieu est la cause immanente de toute chose.
Louisa a écrit :Sinon ce que vous ecrivez de la puissance spinoziste m'etonne. Vous savez que chez Spinoza toute idee adequate est une Joie, et toute Joie une augmentation de la puissance. En meme temps, Spinoza dit clairement que le but de l'ethique c'est de devenir sage, donc d'avoir un maximum d'idees adequates
La Liberte spinoziste consiste a mon avis a apprendre a aimer non seulement son amant d'un tel type d'Amour, mais egalement un maximum de choses singulieres differentes.
Le passage suivant est plus ou moins correct si nous nous comptentons d'ignorer l'eternite de l'ame. Je ne percois pas de difference fondamentale dans vos commentaires entre le produit du travail de la Raison et la Beatitude. Car avec l'eternite nous avons de facon explicite l'Amour intellectuel de Dieu, laquelle n'admet pas de transition. Un 'maximum' (je crois que vous devriez vous defaire de cette expression; elle prete a confusion) d'idees adequates n'est pas une FIN EN SOI mais un MOYEN afin de realiser la connaissance du troisiemee genre. La dynamique d'un cercle vertueux est decrit avec les propositions 5p14-5p16. Par contre, vous semblez suggerer parfois que la Raison peut nous amener a un maximum de joie--et c'est le tout du tout.
Louisa a écrit :Or que permet le fait de disposer d'un bon remede aux Affects? Precisement cela, d'enchainer nos idees selon un ordre pour la Raison. A partir de ce moment-la, c'est notre rapport meme au monde exterieur qui change. Ce monde exterieur n'est plus une source de misere, puisque nos idees ne s'enchainent plus de facon totalement arbitraire, au gre des rencontres que l'on fait tout a fait par hasard, sans ordre "logique". Notre Esprit n'est plus ballote d'une affection a une autre, d'un desir a un desir tout a fait incompatible ou contraire, notre Esprit peut ordonner ses idees selon ce qui est reellement le mieux pour nous, c'est-a-dire selon ce qui nous procure le plus de Joie de la maniere la plus durable, ce qui fait augmenter maximalement et le plus longtemps possible notre puissance.
"Puis vivre selon la Raison signifie precisement augmenter la possibilite d'etre affecte par le monde exterieur au lieu d'essayer de s'en detacher maximalement."
Selon moi, en principle, vivre selon la Raison c'est ramener le tout du connaitre de l'imagination a notre nature propre et a l'idee de Dieu. Vos affects presents sont en principe tout aussi 'bon' que vos affects 'possibles'. Ce qu'il faut augmenter ce n'est pas la POSSIBILITE mais le RAPPORT entre les idee adequates/inadequates.
En theorie et en pratique, le monde exterieur est aussi bien advantageux q'un obstacle (nuance)... Mais comme le decrit fort bien Spinoza dans la quatrieme partie, bien qu'en principe un affect est un affect, il est vrai que certains conditions peuvent faciliter et favoriser le travail de la Raison et ces conditions devraient etre recherchees. Mais en principe ces conditions ne sont pas necessaires car nous pouvons avoir une connaissance adequate de TOUTES les passions; DE PLUS, SPINOZA A REUSSI A ATTEINDRE LE CONNAITRE DU 3 GENRE SANS L'AIDE D'UN SAGE OU D'UNE METHODE DECRITE GEOMETRICO MAIS PAR LUI-MEME--SANS TROP SAVOIR (REFLEXIVEMENT ET ABSTRAITEMENT PARLANT) CE QU'IL FAISAIT.
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En finissant:
Louisa a écrit :Puis j'avoue que je ne vois vraiment pas pourquoi augmenter sa puissance y serait synonyme d'ecraser quelque chose de moins puissant.
La dynamique que Spinoza et (moi dans sa suite) a decrit semble suggerer que l'augmentation de puissance de l'homme qui s'efforce de vivre selon la Raison n'est pas necessairement synonyme d'une perte de puissance pour quiconque--ce qui inclut l'affect en question. Car
"La force et l'accroissement de telle ou telle passion et le degre ou elle persevere dans l'existence ne se mesurent point par la puissance avec laquelle nous faisons effort pour perseverer dans l'existence, mais par le rapport de la puissance de telle ou telle cause exterieure avec notre puissance propre." 4p5
Un affect est un mode en lui-meme dans le Spinozisme comme Louisa l'a indique elle-eme ("Pour lui, toute idee est avant tout une chose singuliere qui comme toute chose singuliere a une essence, et dont l'essence est comme c'est le cas pour toute essence"). La puissance d'un affect, ou mode, devrait en fait augmenter si la force contraire provenant de l'exterieur est eliminee. Il y a donc pas une perte mais un gain (par rapport a un ame particuliere) ...
La 'perte' de l'apport exterieur devient notre 'gain'!
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Aussi:
Vous avez ecrit:
Louisa a écrit :Par consйquent, si vous trouvez qu'ici je n'applique pas trиs bien la mйthode que je prйconise, je vous remercie dйjа de m'expliquer pourquoi vous le trouvez, car cela ne pourra que me permettre de progresser dans l'apprentissage mкme de l'application de cette mйthode.
Vous savez Louisa parfois il est difficile ou impossible de vous nourrir philosophiquement "a la petite cuillere". Parfois, nous ne pouvons pas argumenter et developer certaines theses/idees/interpretation en quelque lignes ou paragraphes. La profondeur et les interconnections qui characterisent le systeme de Spinoza demandent que ces theses soient developees sur plusieurs pages ou meme un petit livre. Et pour certains de nous, il est parfois impossible (contrainte de temps) de tout expliquer dans les moindres details. Donc si parfois nous enoncons certaines idees sans les justifier ou expliquer (de facon qui satisfasse votre 'espoir' d'un plus grand apprentissage et plus grande comprehension) c'est parce-que nous avons nos raisons; nous savons tous que "cela ne pourra que me permettre de progresser dans l'apprentissage mкme de l'application de cette mйthode". Tout comme vous nous avons tous de bonnes intentions Je ne pense pas que vous vous pensiez 'meilleure' que les autres a ce niveau?
Pour etre tres honnete, si vous pouvez developer et presenter toutes vos theses et idees en quelques lignes ou paragraphes (ce que vous semblez demander des autres), je m'inquieterais de la profondeur et validites de vos idees en me basant sur ce simple fait. Il n'y a rien qui nous empeche -- sauf peut etre vos attentes personelles -- de decrire sommairement certaines interpretations sans avoir a les justifier beton. NOUS POUVONS TOUS AUSSI BIEN BENEFICIER DE CETTE APPROCHE que celle que vous decrivez comme la 'seule' facon de faire. Par exemple, si je croise une interpretation que je n'avais pas consideree. Je peux faire moi-meme l'effort de la verifier et reprendre ma lecture de Spinoza avec cette idee comme hypothese de travail. Je n'ai pas besoin d'attendre que quelqu'un me la demontre a la petite cuillere. J'ai appris beaucoup de chose de cette maniere. Tout ce qu'il faut c'est d'avoir un esprit ouvert et savoir reconnaitre les limites intrinseques a toute activite de lecture ou interpretation (et de ne pas etre paresseux). Donc en principe je crois qu'il n'y ai rien qui empeche quiconque d'exprimer des interpretations ou opinions sans les justifier (d'une facon qui satisfasse vos attentes): votre temperament ne serait etre le compas philosophique ('il n'y a qu'un moyen, la seule facon de faire , etc.) de ce forum ou de n'importe quel echange.