alcore a écrit :Louisa a écrit :
je ne crois pas que Spinoza dise quelque part que l'univers est une production de la nature. Par conséquent, il faut préciser en quel sens l'on veut entendre le mot "univers" avant de pouvoir dire que l'univers est une production de la nature, idem pour ce qui concerne le mot "nature".
Si par "univers" on décide d'entendre l'ensemble des modes, et si par "nature" on décide d'entendre l'essence divine (c'est-à-dire l'ensemble des attributs), alors je suis d'accord pour dire que dans le spinozisme l'univers est une production de la nature.
a) je conteste une interprétation naturaliste de SPinoza qui à mon sens n est pas plus athée que panthéiste. En effet, Dieu c est au mieux la nature naturante pas naturée, et il faut bien maintenir un écart sinon pquoi en parler ?
voici quelques arguments pro l'idée que la nature naturée est elle aussi divine, ou Dieu:
- E1P15: "Tout ce qui est est en Dieu". On sait qu'il n'y a que la substance (au sens d'attributs) et ses affections (les modes). Les deux, les attributs et les modes, doivent donc être "en Dieu". Donc la nature naturée est "en Dieu", il n'y a aucun "écart" entre Dieu et les modes.
- E1P29 démo: "(...) les manières de la nature divine": les modes ne sont rien d'autre que des modifications
de la nature divine. Comment pourrait-il y avoir un "écart" entre une chose et ses modifications, à ce point que ces modifications n'appartiennent plus à ce qu'elles modifient ... ?
- argument principal: E1P29 scolie:
"
(...) je veux expliquer ici ce qu'il nous faut entendre par Nature naturante, et par Nature naturée, (...). (...) Par Nature naturante, il nous faut entendre (...) tels attributs de la substance, (...) c'est-à-dire Dieu considéré en tant que cause libre. Et par NATUREE, j'entends tout ce qui suit de la nécessité de la nature de Dieu, autrement dit de chacun des attributs de Dieu, c'est-à-dire toutes les manières des attributs de Dieu, EN TANT QU'ON LES CONSIDERE COMME DES CHOSES QUI SONT EN DIEU (...)".
Conclusion: la Nature naturée est entièrement "en Dieu", il n'y a aucun "écart" entre les modes et Dieu, ils sont donc tout aussi divins que les attributs, seulement les attributs sont logiquement (mais non pas chronologiquement) antérieurs à leurs affections.
On a ici l'une des grandes innovations par rapport au cartésianisme: si je ne m'abuse (à vérifier), Descartes est celui qui, en refusant les soi-disant "qualités occultes", refuse également l'autonomie des qualités, et en fait des "modes" c'est-à-dire des modifications de substances, c'est-à-dire des choses qui sans la substance qu'elles modifient ne pourraient être ni se concevoir. Spinoza accepte cette révolution "qualitative", en faisant un pas en plus: constatant que seule la nature entière peut être dite "substance" (puisque rien ne peut se trouver en dehors d'une substance), tout ce qui n'est pas cette nature entière (donc toutes les choses singulières, déterminées) doit être un mode de cette substance. Et c'est précisément cette décision qui fait qu'il doit abandonner l'idée de création, telle qu'elle figure encore dans le
CT: il n'y a plus de "monde" qui se trouverait en dehors de Dieu, la distinction "Dieu-monde créé" est remplacée par la distinction "essence de la substance - modifications de la substance", ce qui change tout.
alcore a écrit :ds le CT l'unvers est le Fils
O. Borch, chercheur en sciences naturelles et contemporain de Spinoza, dit déjà du
CT que "par Dieu, ils n'entendent rien d'autre que l'ensemble de l'univers" (cité par F. Mignini dans l'introduction à la nouvelle traduction du
CT, édité chez PUF).
Je suppose que tu n'es pas d'accord avec cette interprétation? Si non, sur quel passage du
CT te bases-tu pour dire que dans le
CT l'univers est le Fils?
Sinon rappelons que dans le
CT, on n'a qu'une première ébauche de la pensée spinoziste, qui reste en moitié redevable des théologiens, notamment, justement, en ce qui concerne l'idée de création du monde
et donc de séparation entre le monde créé et son créateur, séparation qui disparaît de l'
Ethique, comme je viens d'essayer de le montrer.
alcore a écrit :ms pls profiondément il me semble que le concept de substance absolue, cad le principe de la multiplicité des substances qui deveinnent du coup des attributs et l unité de cette multiplicité implique un peu de transcendance, ce qui autorise à garder le mot Dieu ! ms bon ca fodriat le justifier
en attendant ta justification: je crois plutôt l'inverse. Spinoza a laissé tomber la caractéristique traditionnelle de "transcendance", en ce qui concerne Dieu, et cela précisément pour pouvoir maintenir les autres caractères divins (infinité, éternité, cause de toutes choses, etc.). C'était le prix à payer, si l'on veut.
alcore a écrit :Louisa a écrit :
n'oublions pas que la distinction a priori - a posteriori que tu introduis ici est postérieure au langage spinoziste. Du coup, je ne suis pas certaine que ce soit pertinent de poser le problème ainsi chez Spinoza. Ce serait quoi, des "données empiriques", dans le spinozisme, par exemple?
b) a priori et a posteriori sont des termes scolastiques que Spinoza lui meme emploie, pas souvent, ms parfois, ds la démonstration de Dieu notamment
oui tu as raison. J'aurais dû préciser ce que je voulais dire par là. Je le ferai ci-dessous:
alcore a écrit :Louisa a écrit :
Sinon je ne vois pas pourquoi les modes infinis seraient imaginaires. Ils sont par définition éternels, donc existent hors de toute temporalité, et donc par définition aussi hors de toute imagination, non?
c) en fait si les modes infinis sont vraiment infinis ils doivent être fondés ds les attributs mas alors en quoi se distinguent ils des attributs ? Spinoza répète qu il n y a rien en dehors des ubstances et des modes. S'ils sont indéfinis alors ce ne sont pas des attributs, ni peuvent etre immédiatement dérivés des attributs, ils peuvent en dériver médiatement ms alors ce sont des modes, certes, ms pas ifninis, seulement indéfinis; or l'indéfini est constitutif de notre imagination: espace, temps, etc tout ça c est relatif à notre imagination, ce qui ne veut pas dire que les choses finies sont seulement des phénomènes, puisqu elles ont une essence qui exprime leur attribut
je ne suis pas certaine de bien comprendre ton raisonnement. Tu dis: "si les modes infinis sont vraiment infinis ils doivent être fondés dans les attributs". Là-dessus nous sommes d'accord. Je dirais donc: ils sont effectivement fondés dans les attributs (les E1P21-23 le montrent).
Tu demandes ensuite en quoi ils se distingent des attributs? Je dirais: précisément par le fait d'être produits par les attributs, et donc par le fait de ne pas pouvoir exister en soi ni de pouvoir se concevoir par soi, contrairement aux attributs (en vertu des définitions E1D4 et 5).
Puis je ne vois pas ce qui te fait dire que les modes infinis serait "indéfinis"... en quoi le seraient-ils, et pourquoi (nous sommes d'accord pour dire que l'indéfini a trait à l'imagination)?
alcore a écrit :alcore a écrit :donc ds ta lecture tu intégres les modes infinis à l'attribut; ils deviennent des émanation de l'attribut mas alors pouorquoi ne peut on les déduire a priori ?
c) en fait je ne sais pas ce que sont les modes infinis, je pense que Spinoza n etait pas satisfait lui meme de sa conception, ms que faute de temps il n a pu la remanier
qu'est-ce qui te fait penser cela?
alcore a écrit :Louisa a écrit :
Spinoza élimine la notion de cause "émanente", donc non, les modes infinis ne sont pas des émanations de l'attributs. Ils sont produits ou bien sans autre intermédiaire par l'attribut (pour ce qui concerne les modes infinis immédiats) ou bien par le biais d'un mode étant lui-même infini (pour ce qui concerne les modes infinis médiats). Je ne vois pas en quoi dire cela serait équivalent à "intégrer" les modes infinis à l'attribut. Tout mode, qu'il soit fini ou infini, ne se conçoit que par l'attribut, et n'existe que dans l'attribut. Cela n'empêche que tout mode est essentiellement différent de l'attribut, du fait même d'être un mode et non pas un attribut.
d) ms qu est ce qui peut bien etre infini en dehors de la substance et de ses attributs ? si on a besoin d'une médiation pr constituer le mode infini, alors il est seulement indéfini, pas infini;
je ne sais pas si les modes infinis dérivent directement de l attribut.
si le mode est essentiellement différent de l'attribut comme tu dis, raison de plus: il ne peut pas être infini
Ou Spinoza evoque t il la possibilité d'un infini actuel distinct d ela substance et de ses attributs ?
là est la question. si l on peut prouver qu il existe des infinis non substantiels, alors ok
sinon les modes infinis, sont indéfinis
l'idée centrale c'est que tout ce qui est infini ne peut que produire de l'infini, et tout ce qui est fini ne peut produire que du fini.
Cela implique que les attributs, en tant qu'infini, ne produisent que des modes infinis, et
non pas des modes finis. Par conséquent, les modes finis, qui sont toujours déjà là même s'ils sont logiquement postérieurs aux attributs, ne sont pas produit par les attributs, ils sont produits par des modes finis. On a toujours déjà des modifications des attributs, puisque les modifications co-existent avec les attributs, au lieu de devoir recourir à un schéma traditionnel théologique où les modes sont non seulement logiquement postérieurs à l'essence divine, mais aussi chronologiquement postérieures (c'est alors qu'on parle d'un monde "créé").
Les premiers modes infinis dérivent sans aucun doute
immédiatement des attributs: c'est ce que montre l'E1P21 (si tu ne vois pas en quoi cette proposition le montre, n'hésite pas à expliciter tes objections, j'essayerai ensuite d'argumenter davantage).
La médiation ne se fait qu'à partir des modes infinis médiats, qui, comme le dit leur nom, sont produits non plus par l'attribut infini mais par un mode infini immédiat (E2P22).
Sinon pourquoi penses-tu que ce qui est produit "médiatement" devrait d'office être "indéfini"... ?
alcore a écrit :Louisa a écrit :alcore a écrit :je penche plutot pr lautre voie: les modes sont tous produits y compris l'univers en sa totalité; Dieu ce n'est pas la nature (contrairement à un préjugé répandu) et la nature ce n'est âs l'univers; l 'univers est un mode.
par définition, tout mode est produit. Si par "univers" tu entends "l'ensemble des modes", on est d'accord pour dire que l'univers est produit.
Mais comment soutenir l'idée que Dieu n'est pas la nature lorsque Spinoza lui-même parle d'un
Deus sive natura ... ?
Je réponds: La nature naturante, pas la naturée ! Et Spinoza élève la nature au niveau de Dieu, soit, mais Dieu c est la substance absolue, constituée d'une infinité d'infinis substantiels, et par là meme deviennent ses attributs, ss que d ailleurs ce soit tres clair.
en effet, Dieu est le principe de la multipliciité inifnie des infinis ts substantiels
ms il est aussi unique, et principe d unité extra numérique
(je dirais, avec Macherey: principe d'union qui n'est pas une "unité")
alcore a écrit :
son unicité toutefois n'entame pas la multiplicité infinie des substances qui, chacun, apporte sa détermination substantielle à Dieu (ce pquoi les attributs existentn vraiment par soi contrairtement à ce que Deleuze dit)
les attributs existent en effet par définition par soi. Où Deleuze dirait-il selon toi l'inverse ... ???
alcore a écrit :Dieu est donc principe d'un multiple de multiples, mais aussi, en meme temps, ss extériorité, unité de ce multiple de ce multiple !
je dirais: union, et non pas unité.
alcore a écrit :je trouve qu on est tres loin là d identifier Dieu avec l 'ensemble des modes, les petits oiseaux, etc.
ce pquoi Spinoza conserve le mot Dieu, et là c est un fait indéniable
le fait même que les modes ne sont rien d'autre que des modifications ou affections des attributs, qui n'existent que dans l'attribut et par l'attribut, fait que l'on ne peut pas penser la substance (donc Dieu) dans sa totalité sans penser les modes. Il faut donc certainement identifier Dieu avec l'ensemble des modes, seulement, il est plus que cela, il est aussi les attributs dont ces modes sont des modes.
alcore a écrit :Louisa a écrit :Si tu veux appeler "univers" l'ensemble des modes, tu décides d'appeler "univers" ce que Spinoza appelle "nature naturée". L'essence divine, ou les attributs, en revanche, c'est ce que Spinoza appelle "nature naturante". Mais dans les deux cas, il parle bel et bien de "nature". C'est ce qui lui permet de dire que Dieu, c'est la nature (la nature naturante si l'on parle des attributs, la nature naturée si l'on parle des modes), toute la nature, qu'il s'agisse de modes ou d'attributs.
Les textes où Spinoza dit que Dieu est la nature ne sont pas légion. ms bien sur il intégre la nature à Dieu;
prenons par exemple l'E2 Lemme VII scolie: "
(...) la nature tout entière est un seul Individu, dont les parties, c'est-à-dire tous les corps, varient d'une infinité de manières sans que change l'Individu tout entier."
On sait que la seule chose qui ne change pas, qui est "immuable", c'est l'essence divine, c'est-à-dire les attributs. On a donc ici l'une des affirmations explicites de l'idée que Dieu c'est la "nature tout entière", non?
alcore a écrit :Louisa a écrit :
je crois que c'est plus compliqué que ça. La causalité transitive est une causalité qui se caractérise par le fait que la cause est différente de l'effet. C'est en ce sens que mes parents sont les causes transitives de mon existence à moi. Je ne suis ni ma mère, ni mon père. J'ai une essence singulière à moi. Du point de vue de l'éternité (sub specie aeternitatis), cette essence est même éternelle. Ce qui signifie que dans la réalité, chaque mode à sa propre singularité et existence. Les différences entre les modes ne sont donc pas seulement imaginaires, elles sont (pour certaines parmi elles) tout à fait réelles.
oui les modes ont, en tant qu'ils ont une essence, une réalité fondée dans leur attribut, expressif de la substance absolue, infiniement infinie. Ce pourquoi chacune de nos pensées (vraies) est une idée de Dieu et non un phénomène neuronal. Eth II, 1
ok, d'accord là-dessus.
alcore a écrit :Louisa a écrit :
Hypothèse:
- Dieu est cause efficiente de toutes choses en tant qu'il est mode qui existe actuellement dans le temps: Dieu en tant que ma mère (mode 1) et Dieu en tant que mon père (mode 2) ont produit mon existence actuelle dans le temps (mode 3)
- Dieu est cause immanente de toutes choses en tant que son essence est exprimée par tout mode, et cela de toute éternité; ou en tant que tout mode est divin lui-même, est "du Dieu", comme le dit Pautrat.
C'est oublier que les modes sont des degrés de puissance, et donc ont par définition un pouvoir de cause eux-mêmes. Ce que les modes causent comme effets, ils le causent bien sûr en tant qu'ils sont eux-mêmes divins, mais les modes en tant que causes ne sont divins qu'en tant que Dieu s'exprime en tant que modes ... . L'essence de la substance, en revanche, est cause divine au sens où là il s'agit de Dieu en tant qu'attribut. A mon avis il y a donc bel et bien deux types de cause, et à l'intérieur de chaque type de cause, il y a une infinité de causes "concrètes":
- les causes de type "attribut" (et il y a une infinité d'attributs)
- les cause de type "mode" (et il y a une infinité de modes)
L'idée de modes comme degrés de puissance estr deleuzienne, elle n'apparait pas clairement ds le texte. Ramond lui a fait un sort. Mais admettons.
non, l'idée de modes comme degrés de puissance se trouve
texto chez Spinoza (mais il est vrai que c'est Deleuze qui le premier intègre cette idée dans sa compréhension du spinozisme). Spinoza parle d'un
gradus realitatis, d'un degré de réalité, en ce qui concerne les modes, alors qu'on sait que dans le spinozisme la réalité c'est la perfection qui est la puissance. Les modes étant une partie de la puissance infinie de Dieu, ils en expriment qu'un certain degré de puissance, puisqu'ils n'ont qu'un certain degré de réalité, et non pas une réalité absolue (comme c'est le cas pour l'essence de la substance).
Quant à Ramond: pourrais-tu préciser de quel passage de quel livre il s'agit?
alcore a écrit :d accord les modes ont une réalité consistante et donc à certains égards sont causes; mais bien sur ces causes sont des variations de la cause unique; ou alors on retombe dans la multiplicité des substances !
non, je ne crois pas. La substance ne se définit pas par le fait d'être une cause.
Tout ce qui existe est nécessairement une cause. Cela signifie que l'essence de la substance est tout aussi bien une cause que les affections de cette essence le sont. C'est exister qui implique d'être cause, alors que pour exister en tant que substance, il faut beaucoup plus que juste être une cause, il faut se concevoir par soi et exister en soi.
En général, ne faudrait-il pas dire que tu as tendance à identifier Dieu (et la substance) à ce qui n'est que l'essence de la substance, alors que toute substance (et donc aussi Dieu) est toujours aussi bien son essence que les modes de cette essence?
alcore a écrit :ce que je crois comprendre de ce que tu dis contredit ce que tu disais plus haut: ta distinction entre deux causes ne conduit elle pas à distinguer Dieu du monde?
non, pourquoi serait-ce le cas? A mon avis, il est important de distinguer Dieu en tant qu'il est l'essence de la substance (cause immanente de toutes choses) de Dieu en tant qu'il est un mode de cette essence (cause efficiente d'un autre mode). Mais cela ne rend pas les modes moins divins ou "extra-divins" ... .
Enfin, pour te paraphraser, il n'y rien de "tranché" dans ce que je viens de dire, donc toute mise en question est la bienvenue.
En te remerciant par avance,
L.