essence et existence; causalité

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar Louisa » 03 mai 2009, 02:18

alcore a écrit :MAis là où je ne te suis pas c'est que les attributs sont d'abord définis et déduits comme des substances et ont toute les propriétés des substances: elles sont "en soi", conçues "par soi", existent nécessairement en vertu de leur essence. Donc l'attribut EST en soi, se conçoit PAR soi, EXISTE en vertu de sa propre essence, mais n'est pas absolu, ce pourquoi il n'est qu'attribut. La seule propriété qui lui manque ce n'est pas d'être, c'est l'absoluité de l'être. Il est en soi, mais au sein de l'en soi, il n'est pas absolu.
Sinon on ne comprend pas que les attributs soient définis comme des substances depuis le CT.


pourrais-tu citer un passage où Spinoza définit les attributs comme des substances?

A mon avis il ne le fait pas (à vérifier). Ce qu'il y a, c'est qu'au début, il reprend l'idée traditionnelle qu'une substance n'a qu'un seul attribut. Mais cela ne veut pas dire qu'attribut et substance sont identiques. Ensuite il établit qu'il n'y a qu'une substance d'un même attribut possible (une substance A ayant l'attribut X et une substance B ayant le même attribut X n'est donc pas possible). Ici on obtient un monde où plusieurs substances sont toujours concevables, mais elles se distinguent du fait même d'avoir un autre attribut. Puis il dit que de la définition même de la substance suit qu'il n'y a qu'une seule substance possible. Et l'E1P9 introduit du coup l'idée que plusieurs attributs par substance est également possible. Alors il suffit de tenir compte de la nature absolument infinie de la substance pour conclure à une infinité d'attributs constituant la substance.

Questions:
- si tu dis que dans le CT les attributs sont définis comme des substances, pourrais-tu citer un passage précis qui mentionne cette définition?
- où Spinoza dirait-il que les attributs sont "en soi"?

alcore a écrit :Dans ta lecture, tu fais comme si, une fois intégrés à la substance, les attributs perdaient certaines propriétés de la substance, comme d'être en soi, mais pourquoi ? En apportant leur détermination à la substance absolue, ils ne perdent pas leur inséité, sinon ils s'engloutiraient dans la substance et n'en seraient que...des modes.


non je ne crois pas, le fait d'être en soi n'est pas une propriété de la substance, c'est ce qui définit l'essence de la substance. Or cette essence est absolue. Les attributs, en revanche, n'ont pas une essence absolue, ils n'ont qu'une essence infinie en son genre. Ils ont donc une autre essence que celle de la substance (c'est pourquoi ils peuvent constituer cette essence substantielle).

Cela ne fait pas encore des attributs des modes, car les modes ne se conçoivent pas par soi, alors que c'est bel et bien le cas pour les attributs (autrement dit, les modes sont toujours produits par autre chose qu'eux-mêmes, alors que les attributs ne sont pas produits, ils expriment immédiatement l'essence absolue (mais cela chacun en son genre)).

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Messagepar Louisa » 03 mai 2009, 02:22

alcore a écrit :J'admets que les attributs ne sont pas des substances absolues, puisque la seule substance absolue est Dieu.


ok. Mais comment supposer que dans le spinozisme il pourrait y avoir quelque chose comme une substance non absolue, puisqu'il n'y a qu'une seule substance, et que celle-ci par défintion est absolue?

alcore a écrit :Le problème c'est qu'il n'y a pas plusieurs êtres, tout simplement parce que nous n'avons pas le droit de penser la pluralité en termes numériques.


oui en effet

alcore a écrit : Donc en ce sens, il n'y a que la substance absolue qui existe, et l'être de l'attribut est le même que celui de la substance absolue.


si par "être" on entend "existence", je ne crois pas que c'est vrai (pour les raisons mentionnées ci-dessus). Mais tu as peut-être une bonne raison pour ne pas identifier à ce stade être et exister?

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Messagepar Louisa » 03 mai 2009, 02:30

alcore a écrit :Mais il y a un point sur lequel je ne suis pas d'accord, c'est lorsque tu dis que l'attribut est une qualité de la substance.
Cela je ne le crois pas du tout.
J'en donne la raison dans mon article sur la proposition 1.
En effet, chez Aristote le terme affections est quasi synonyme de "qualités" justement, cad de détermination. Et Aristote range parmi les affections aussi bien les accidents que les attributs essentiels.
Spinoza bouleverse la donne en creusant l'écart entre la substance et lesmodes et en intégrant les attributs,comme substantifs, dans la constitution de la substance, ce qu'Aristote ne faisait pas.
Par conséquent, qualités est un synonyme d'affections; la substance n'a jamais été ni pour Aristote ni pr Spinoza une qualité; or les attributs constituent l'essence de la substance, ils ne peuvent donc pas être des qualités.
Si tu en fais des qualités tu fais des attributs encore une fois des modes !
mais alors les attributs deviennent des choses mortes, sans dynamisme intérieur


je suis d'accord pour dire que Spinoza ne parle pas lui-même de qualité. Dire des attributs que ce sont des qualités, c'est donc interpréter le texte. Seulement, pour l'instant le raisonnement de ceux parmi les commentateurs qui décident de l'interpréter ainsi m'a plus ou moins convaincu. Or dans ce cas il est clair qu'il faut changer le sens du terme "qualité", car si on le comprend de manière aristotélicienne, on n'obtient que des contresens. Autrement dit, si l'on veut appeler les attributs spinozistes des "qualités", il faut dire aussi que Spinoza a révolutionné l'idée de qualité, sinon on peut effectivement croire qu'il n'y a pas de différence entre un attribut et un mode, alors que la différence y est très nettement maintenue (d'ailleurs, comme déjà dit, la révolution a déjà commencé par Descartes, qui refuse de considérer les qualités comme des choses qui existent "en soi" (ce sont les fameuses "qualités occultes"), et les intègre déjà dans la substance qu'elles qualifient).

alcore a écrit :En réalité les attributs sont des EXPRESSIONS de la substance, cad selon moi des modulations de l'AGIR de la substance.


puisque Spinoza ne parle pas de "modulations": que veux-tu dire par là?

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Messagepar alcore » 03 mai 2009, 10:51

Louisa a écrit :
problème: si tu dis qu'un attribut est en soi et se conçoit par soi, tu dis qu'un attribut est une substance, ce qui va à l'encontre des définitions de la substance et de l'attribut. C'est pourquoi aussi Spinoza peut dire des attributs que "Nous les concevons seulement dans leur essence et non dans leur existence, nous ne les concevons pas de telle sorte que l'existence découle de leur essence". Autrement dit: les attributs ne sont pas des causa sui, et donc pas de substances non plus. Ils recoivent leur existence de la substance, elle n'est pas enveloppée par leur essence. Ils constituent une substance, mais ne s'y identifient pas entièrement (ce n'est que l'ensemble des attributs qui est identique à la substance, et non pas chaque attribut considéré en soi).


Admettons. Mais alors comment distinguer l'attribut du mode si tu dis que l'attribut a son être dans la substance comme dans un autre ?

ensuite tu invoques la définition de l'attribut. Mais quand Spinoza évoque ce qui existe hors de l'entendement, il dit seulement : les substances et les modes. Il ne mentionne jamais les attrbuts. Pourquoi ? Parce que les attributs et la substance c'est tout un et que justement les attributs ne sont pas dans la substance comme les modes sont dans elle.

Ensuite, la notion de causa sui: hélas, cette notion n'apparaît que très peu et uniquement au début de l'éthique pour qualifier les substances. Spinoza, à ma connaissance, ne dit jamais que Dieu est infini, ni qu'il est causa sui: ce sont les substances qui le sont.
Or pourquoi perdraient elles cette causa sui en s intégrant à la substance ?
Diras tu qu'alors c'est la substance absolue qui est causa sui ? Mais précisément Spinoza ne le dit jamais
Donc dans ta lecture, tu es obligée de dire
a) les ex substances perdent leur inséité et leur causa sui en devenant des attributs
b) mais jamais il n'est dit que Dieu est causa sui
c) donc rien n'est causa sui !

ensuite, tu parles de récéption de l'existence par la substance.
Mais on avait convenu que Etre et Existence n etaient pas synonymes, je crois?
L existence c est ce qui apparaît quand une substance, du fait qu'elle n'est pas produite, se trouve investie d'une essence qui tout entière existe, est l'existence de cette essence de sorte que la liaison essence-existence est nécessaire et c'est cette nécessité que la causalité exprime.
on a donc:
les substances sont mais n'existent pas
elles ne sont pas produites, ni créées
donc elles EXISTENT, ce qui signifie: elles n'ont pas besoin d'autre chose pour développer leur essence dans l'immanence de leur être en soi, et ce développement est causal: causa sui

cela Spinoza le dit DES SUBSTANCES, qui deviendront des attributs.
Si maintenant tu dis que les attributs tiennent non seulement leur être, mais leur EXISTENCE de la substance absolue alors tu leur ôtes tout: l'essence, l'être, la nécessité d'exister, la causa sui, l'infinité
et donc derechef tu en fais des MODES !

En fait, moi je dis que la substance absolue est UNIQUE mais pas UNE, elle est intrinsèquement multiple,ce pourquoi Dieu n'est jamais qualifié qu'indirectement comme tu peux le remarquer.
Par ex Spinoza ne dit jamais: Dieu est infini, il dit: Dieu est l'ETre absolument infini, il prend un détour; et il précise: la nature de cet Etre est d'être constitué d'une infinité d'attributs.
Dieu n'est pas l'UN, il est unique en tant qu'infiniment multiple par lui même. Ou encore: son unicité est une conséquence de son infinie multiplicité.
Les attributs constituent la nature en Dieu, mais pas à mon sens la nature de Dieu (ou Dieu comme NAture, ce qui rejoint un autre post)
Les attributs conservent leurs propriétés de substances, mais ils sont relativisés par l'existence d'une infinité d'autres attrbuts, dont chacun ne sait. C'est donc au plan de cette multiplicité "extérieure" qu'ils sont relatifs, mais en eux mêmes, ils sont parfaitement "en soi", cause de soi, infinis, etc. Et Spinoza n héste pas à dire de la pensée qu'elle est absolue, notamment.
Bien sûr, l'attribut qui est en soi est par là meme en la substance; car, ce son être en soi exprime la force d'être de la substance. Le rapport de l attribut à la substance n 'est pas celui du mode à l'attribut.

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Messagepar alcore » 03 mai 2009, 11:03

Louisa a écrit :
en quoi la substance ne serait-elle pas une chose? J'aurais tendance à croire que pour Spinoza est chose tout ce qui a une essence. La chose singulière se définit par le fait d'avoir une essence "finie" (voir le début de l'E1P28). Dieu n'est certes pas une chose singulière, mais voici un passage où Spinoza semble tout de même parler de Dieu comme d'une chose (res):

"(...) étant donnée la définition d'une chose quelconque, l'intellect en conclut plusieurs propriétés, lesquells, en vérité, en découlent nécessairement (c'est-à-dire de l'essence même de la chose), et d'autant plus de propriétés que la définition de la chose exprime plus de réalité, c'est-à-dire que l'essence de la chose enveloppe plus de réalité. Et, comme la nature divine a des attributs en nombre absolument infini (...), dont chacun également exprime une essence infinie en son genre, de sa nécessité doivent donc nécessairement suivre une infinité de choses d'une infinité de manières (...)". (E1P16 démo)

Spinoza énonce ici d'abord une règle générale (plus la définition d'une chose exprime de réalité, plus elle a de propriétés), puis l'applique à la nature divine elle-même. Cela ne serait pas possible si cette nature divine n'était pas une chose, car alors le raisonnement de cette démo deviendrait invalide.


Je suis d'accord aussi qu'il y a une difficulté. Spinoza énonce une règle générale et dans cette règle il ne fait aucune distinction entre ce qui est substance et mode. En fait chose a un sens indéterminé: quoique ce soit, substance ou mode, sans plus de précision.
Ce que je veux dire c'est que les "choses" au sens de choses perçues n'apparaissent que dans la perception sensible et l'imagination et que si on dit que cette table est une chose, au sens ontologique, alors on en fait un en soi, une substance justement.
Mais oui il y a bien quelque chose de chosique dans cette table, c'est son essence et cette essence exprime l'essence de la substance.
Seulement Spinoza prend toujours soin d'utiliser des formulations indirectes en réduisant au minimum la référence aux choses, comme dans les définitions: CE QUI, CE DONT, etc. Il ne dit pas: la substance est une chose qui est en soi etc.. non,il pourrait,mais il ne le fait pas.
Cela implique une longue compréhension de ce qu'est Dieu. S'agit il d'une chose ? ou bien peut il être en toute chose justement parce qu'il n'en est pas une lui même ?
En tout cas il faut se libérer du réalisme perceptif même pour concevoir Dieu comme chose si on y tient.

Un autre point. Ce qui me gène dans cette notion de chose c'est qu'on perd l'essentiel: le dynamisme causal, l'expressivité. Dans l'idée de chose il y a l'idée d'un substrat indépendant, mais on ne voit pas comment un substrat pourrait être expressif. En Eth 5, on apprend également que Dieu est source d'amour ce qui à mon sens invite à surmonter complètement l'identification de Dieu avec une chose et reconnaître qu'ol y a dans l'ETRE même une dimension de joie; l'Etre s auto affecte de joie, d'amour intellectuel. Ce qui est incompréhensible si on fait de l'ETRe une chose.

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Messagepar alcore » 03 mai 2009, 11:21

Louisa a écrit :Sinon je suis bien d'accord avec toi pour dire qu'il y a quelque part un problème. Car les attributs expriment chacun une essence infinie en son genre, et non pas absolument infinie, alors que l'essence divine ou l'essence de la substance est quant à elle absolument infinie. Or on sait que les attributs sont éternels, ce qui selon l'E1Déf.7 signifie que leur existence ... doit suivre nécessairement de leur essence. Mais si leur existence suit nécessairement de leur essence, ne sont-ils tout de même pas des causa sui, c'est-à-dire n'ont-ils tout de même pas, comme tu l'appelles, une "existence substantielle"?

Pour l'instant, je dirais que la démo de l'E1P19 permet peut-être de résoudre le problème.

Par définition, un attribut constitue la substance. Cela signifie, dit cette démo, qu'un attribut exprime la substance. Et non pas n'importe quoi de la substance, non pas un mode de la substance par exemple, non, un attribut exprime l'essence même de la substance. Il exprime donc ce qui appartient en propre à cette substance. Il doit donc envelopper les propriétés de la substance. Or l'éternité est une propriété de la substance, l'éternité appartient à la nature de la substance. Donc tout attribut doit envelopper l'éternité. Ce n'est donc tout de même pas l'essence de l'attribut en tant que tel qui est éternelle, ce n'est qu'en tant que l'essence de l'attribut exprime l'essence de la substance (en son genre) qu'il enveloppe l'éternité (et donc l'existence nécessaire). Donc l'attribut n'a pas le même type d'existence que la substance qu'il constitue, car il "reçoit" son éternité de l'essence qu'il constitue, et qui est plus "large" que sa propre essence (puisque l'essence de la substance est absolument infinie, alors que l'essence de l'attribut n'est qu'infinie en son genre).


Je suis partiellement d'accord, mais ce qui me gêne c'est que tu dises que le type d'existence de l'attribut n'est pas le même que celui de la substance. Encore une fois, il n'existe rien hors de l'entendement sinon des substances et leurs modes ! La substance ne produit pas les attributs, les premieres propositions de l'Ethique servent aussi à le démontrer: chaque substance est incréée donc a fortiori quand elles deviennent des attributs, elles ne cessent pas d'être incréées !
Et Spinoza accorde à ces attributs le type d'existence de la substance, sans doute possible.
que se passe t il alors à partir de ETh1,9 ?
on assiste à une véritable révolution.
Ce que l'on nous présentait comme des substances sont en réalité des attrbuts. Mais j'attire ton attention sur des formulations étranges de SPinoza:
ETH,1,14 "puisque Dieu est l'être absolument infini, dont on ne peut nier aucun attribut exprimant l'essence d'UNE substance..."
13,cor "D'où suit que nulle substance, et en conséquence nulle SUBSTANCE CORPORELLE, en tant qu'elle est substance, n'est divisible"
Eth,1, 12 : " On ne peut concevoir en vérité nul attribut d'UNE SUBSTANCE d'om suivrait que la substance pourrait être divisée"

Comme tout ceci est étrange. Après avoir démontré l'unicité de Dieu Spinoza continue à employer substance au pluriel,pour désigner soit les attributs, soit même les substances corporelles, cad les modes !
Peut être considère t il que la substantialité de la substance se retrouve au niveau des attributs et aussi au niveau des modes.
Il faudrait donc penser selon deux mouvements: lemouvement qui exténue tout le fini et même l'attribut de tout inséité et le mouvement qui fait descendre la substance au niveau des attributs et des modes. Ce n'est qu'une hypothèse.
Quoi qu'il en soit, Spinoza ne se gêne pas pour continuer à parler des attributs comme de substances même après la démonstration de Dieu.

Ce que je crois c'est que l'attribut est en soi, qu'il ne sait rien des autres attributs, et n(a pas à en connaître, ce qui serait incompréhensible s'il était DANS la substance, comme le mode l'est. Donc l'attribut est en soi, enveloppé en soi, fermé sur soi.
Mais en même temps, ce qu'il a d'en soi est l'expression de l'inséité de la substance; mais cette substance n'est pas hors de lui. La substance "vit" en lui sous la forme de l'en soi qu'il est; la substance ne le relativise pas comme elle relativise les modes. Le mode, relativisé, perd toute inséité, pas l'attribut, car l'attribut n'est pas créé, produit. C'est à ce niveau que joue l'expressivité contre la production. La substance s'exprime dans les attributs sans les produire;

( je reviens sur ce que j'ai dit plus haut: Dieu est cause par soi et cause de soi (I,34) mais cela n'entame pas le fait que les substances étaient déjà causes de soi)

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Messagepar alcore » 03 mai 2009, 11:31

Louisa a écrit :ok. Mais comment supposer que dans le spinozisme il pourrait y avoir quelque chose comme une substance non absolue, puisqu'il n'y a qu'une seule substance, et que celle-ci par défintion est absolue?

...

si par "être" on entend "existence", je ne crois pas que c'est vrai (pour les raisons mentionnées ci-dessus). Mais tu as peut-être une bonne raison pour ne pas identifier à ce stade être et exister?


a) Dieu est absolu dans la mesure où il peut soutenir une infinité d'attributs dont chacun exprime l'inséité et le dynamisme de la substance; mais il ne faut pas s'imaginer qu'il y aurait une substance d'abord (absolue) et ensuite des attributs. Non, cela serait du créationnisme ou du processionisme. La substance coïncide avec les attributs.
Chaque attribut a les propriétés de la substance, sauf l'absoluité. De ce fait, ce qui se présentait d'abord comme un FACTUM (l être en soi, l'infinité, la causa sui, etc) se trouve déréalisé par et dans Dieu. Toutes ces propriétés nous comprenons maintenant qu'elles ne sont pas les propriétés d'une chose, mais des EXPRESSIONS. Etre infini, ce n'est pas ETRE infini, c'est EXPRIMER l'infini; être en soi, ce n'est pas ETRE en soi (à la façon d'une chose morte), c'est EXPRIMER l'être en soi absolu, non pas autre chose, mais je dirais en employant une métaphore que l'attribut ne vit plus son être, son infinité, etc. de la même façon: au lieu d'être, il exprime; il "vit" autrement ce qu'il "est".
Il ne cesse donc pas d'être, mais son être change de sens. A mon sens il ne faut pas comprendre que l'attribut est purement et simplement dépouillé de tout, de tout ce qui en faisait une substance, parce qu'alors il devient un mode.
je pense qu'il vaut mieux dire que chaque attribut vit fermé sur soi, mais pas à la façon d'atomes séparés, mais de telle sorte que leur être "en soi" soit expressif d'un même dynamisme que dans tous les autres attributs, comme s'il se produisait une résonnance de chaque attribut avec tous les autres, sans que l'un connaisse les autres, ce qui serait impossible si chacun ETAIT en soi sur le mode d'une chose.
Justement les attributs ne sont pas des choses, pas des qualités, mais des EXPRESSIONS;
certes c'est pas simple, et je trouve que DEleuze ne clarifie rien de tout ça. Il passe complètement à côté de la notion d'expression qu'il faudraitr saisir sur le vif ici.

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Messagepar alcore » 03 mai 2009, 11:48

Louisa a écrit :je suis d'accord pour dire que Spinoza ne parle pas lui-même de qualité. Dire des attributs que ce sont des qualités, c'est donc interpréter le texte. Seulement, pour l'instant le raisonnement de ceux parmi les commentateurs qui décident de l'interpréter ainsi m'a plus ou moins convaincu. Or dans ce cas il est clair qu'il faut changer le sens du terme "qualité", car si on le comprend de manière aristotélicienne, on n'obtient que des contresens. Autrement dit, si l'on veut appeler les attributs spinozistes des "qualités", il faut dire aussi que Spinoza a révolutionné l'idée de qualité, sinon on peut effectivement croire qu'il n'y a pas de différence entre un attribut et un mode, alors que la différence y est très nettement maintenue (d'ailleurs, comme déjà dit, la révolution a déjà commencé par Descartes, qui refuse de considérer les qualités comme des choses qui existent "en soi" (ce sont les fameuses "qualités occultes"), et les intègre déjà dans la substance qu'elles qualifient).


Sur la qualité. La plupart du temps les commentateurs en effet ne s'appuient pas sur Aristote mais plutôt sur Hegel (comme Ramond) ou KAnt. Ils croient trouver dans l'attribut le renversement de la quantité en qualité que l'on trouve dans la logique de Hegel. Pourquoi pas.

Le souci que ca me pose est le suivant.
Je n'arrive pas à comprendre comment une qualité, fût-elle infinie, peut être expressive.
Quand je dis: Socrate est blanc, je vois bien que "blanc" ne peut pas se diviser, que c 'est pas une quantité (extensive), mais je vois bien aussi qu elle n exprime rien de la substance, et même n exprime rien du tout !
même si lon dit: Socrate blémit, on introduit le mouvement dans la qualité et on retrouve les grandeurs intensives de Kant: la blancheur ne se divise pas, mais elle s'accroît selon une progression intérieure non de parties à parties, mais du tout aux parties; en conséquence il faut que quelque chose soit donné comme un tout pour qu'on puisse graduer sur une échelle ses variations d'intensité qualitative. Mais là encore je vois mal le caractère expressif et surtout je ne vois pas comment on raccorde cette idée à l'infini.
Où Kant dit il que l'infini est susceptible de donner lieu à des grandeurs intensives ? Cela signifierait que l'infini est un tout, ce qu'il n'est peut être pas. Une force a des degrés, parce qu'elle est finie; la lumière est plus ou pmoins intense parce que sa vitesse est finie, quoiqu'absolue; etc.
Or les attributs à mes yeux ne sont pas des choses, ni des qualités parce que ce sont des EXPRESSIONS et qu'une qualité n'a rien d'expressif. La qualité on la trouve au niveau des modes, du fini.
Ce qui fonde l' indivisibilité de l Etendue ce n'est pas son caractère qualitatif, c est son caractère substantiel et c'est très différent.
La substance est PAR NATURE antérieure à ses affections, et cela suffit à justifier deux façons d'exister complètement différentes, celles de la substance (et ses attributs) et celles des modes.
Donc c est sur cette façon d'exister que se fonde le rejet de la divisibilité.

Maintenant que l'on dise que cette substantialité donne lieu à une qualité ABSOLUE de l'attribut, pourquoi pas, mais cela n 'ajoute rien au fait que c'est le dynamisme expressif qui est prioritaire, non la nature qualtitative.

Louisa a écrit :
alcore a écrit :En réalité les attributs sont des EXPRESSIONS de la substance, cad selon moi des modulations de l'AGIR de la substance.


puisque Spinoza ne parle pas de "modulations": que veux-tu dire par là?


oui c'est une métaphore, comme parallélisme par ex que les commentateurs emploient à tour de bras sans réfléchir une seule seconde.
modulation: terme musical qui exprime l'idée d'un passage, dans un même morceau, d'une gamme à une autre. Voir Bach en ses fugues, par ex.
Je veux dire que la même structure nucléaire, musicale, ce qu'on appelle un "sujet" en musique peut se retrouver dans plusieurs gammes sans perdre sa forme; le même sujet se déploie en fam puis DoM par ex...
ainsi la substance divine peut se "jouer" en pensée ou étendue ou autre chose, mais c est toujours le même thème ou sujet.
le sujet "joué" bien sur, pas seulement noté; il faut du mouvement, un dynamisme expressif des notes etde la musicalité.

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Messagepar alcore » 03 mai 2009, 12:10

Louisa a écrit :
de quelle liaison parles-tu? Je veux dire: quels sont les deux termes liés, et en quoi consiste la liaison?

Sinon tu as raison de souligner qu'effectivement, Spinoza à cet endroit parle d'être, et non pas d'existence. C'est donc moi qui fais ici le pari que lors des axiomes de l'E1, Spinoza identifie "être" avec "existence", et à mon avis il le fait jusqu'au moment où, plus tard, il introduira deux sens différents de l'existence actuelle (là ce ne sera plus qu'un des deux sens qui s'identifie à ce que la tradition appelle "être", l'autre désignant une existence éternelle en Dieu, ce qui est encore autre chose).


De l'ax 1 on peut déduire que les substances sont, mais non qu'elles existent. L'existence apparaît avec la nécessité et la causalité intrinsèques à la substance.n Sur ce point je ne te suis pas. Ni la définition de la substance, nni celle du mode, ni celle de l'attribut ne mentionnent l 'existence.
L'existence se trouve référée à : la causa sui, l'éternité.
de fait on peut concevoir qu'une substance SOIT, et qu'elle soit CREEE auquel cas elle ne sera pas éternelle ni cause de soi.
Ainsi pour DEscartes je peux concevoir que quelque chose ESt sans avoir une complète assurance que ce que je me représente comme ETANt n'est pas en réalité produit par un Dieu trompeur, n 'est pas un artefact. La simple certitude naturelle, de fait, pr Descartes, n interdit pas la conception d'un Diable qui fabriquerait de l'en soi et me le ferait apparaître tel !
L'existence c'est donc l'être avec toute son essence, sans possibilité qu'il soit fabriqué d'aucune façon. Ce qui n'est possible que si l'être dont question est infini; ms l'infinité ne suffit pas non plus ! car comme il y en a plusieurs, on pourrait penser que l'un produit l'autre, ou même que la substance se produise par hasard !
l'existence n'apparait donc qu'avec l'élimination d'une possibilité production de la substance; la preuve s'appuie sur l'impossibilité d'une causalité entre substances d(attributs distincts (je ne vois pas pourquoi Gueroult veut à tt prix qu'une substance n'ait qu'un attribut!)
Donc d'emblée on voit que Spinoza lie existence et inexistence à la causalité. C'est la causalité qui décide non de l'être mais de l'existence.

Or puisque les substances ont une essence (leur ou leurs attributs) et puisqu'elles nesont pas produites (ni par les modes, ni par d'autres substances, ce qui ne signifie pas qu'il y en a pas d'autres) il s'ensuit que son essence, cad ses attributs, ce qui constitue son être en soi n'est ni par hasard, ni par autre chose et enveloppe donc l'existence. L'existence est ainsi la position de tout l'être et de toute l'essence de la substance; cette position est nécessaire. On ne veut pas dire que l'existence soit dérivée de l'essence ou du concept (preuve ontologique); Spinoza veut dire: vous voyez, l'être et les attributs, tout cela n'a pas le type d'être des choses finies qui simplement SONT; la substance EXsiste, cad pose, expose ce qu'elle est, non seulement QU elle est, mais aussi CE QU'elle est (son essence).
La nécessité est l'unité de cette position et elle s'exprime dans le nexus causal.
Avant d'exister la substance était déjà en soi, mais elle aurait pu être produite de façon contingente, par hasard, ou créée. Maintenant c 'est impossible, donc toute la causalité (c 'est évident il y en a) doit être intégrée à la substance elle meme, sinon à quoi d'autre ?
Sauf que la causalité ne doit pas être rapportée à la substance comme si elle existait déjà.
C'est simultanément que la substance acquiert l'existence et la causalité.
Comme son essence et son être ne sont pas dérivables d'autre chose, être et essence (attributs) sont posés ensemble, d'un coup, et c'est cela l'existence, mais aussi la causalité.

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Messagepar alcore » 03 mai 2009, 12:14

Ou Spinoza parle t il de substances à un unique attribut ?


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