Pourquoipas a écrit :Louisa a écrit :
[...] à moins que Pourquoipas puisse nous montrer que d'un point de vue spinoziste l'homme est bel et bien immortel). [...]
Je n'ai jamais prétendu quelque chose de tel : j'ai simplement dit que je n'ai pas vu chez Spinoza aucune preuve fondée en raison, en intellect, qu'il soit inéluctable, nécessaire, qu'un quelconque objet de la nature rencontre un jour ce qui va le détruire. Comme on (et ici et ailleurs) l'a souvent remarqué, je ne pense pas qu'il y ait quelque part chez lui de pensée de l'évolution, de l'usure, du vieillissement. D'où probablement vient la fameuse question de l'essence individuelle (que tu évoques souvent), qu'on pourrait dire en gros qu'elle est celle de la continuité et/ou discontinuité d'un individu dans l'existence (je laisse ici de côté celle, redoutable, des essences dans les attributs de Dieu : les rectangles compris dans le cercle) : voir le fameux scolie du "poète espagnol", celui sur le suicide (le IV 20 S, vers la fin quand Spinoza parle de "causes extérieures cachées" qui changeraient la nature du corps d'une façon telle, "contraire à la première", que l'idée ne pourrait s'en trouver dans l'âme : passage très mystérieux pour moi, car pourquoi l'âme ne changerait-elle pas de nature elle aussi simultanément à celle du corps ?), etc.
En fait, je ne peux croire que Spinoza puisse penser qu'un individu change d'essence comme de chemise (et même beaucoup plus souvent !)...
Salve caesar Curnon,
d'abord merci pour l'aperçu des occurrences de la méditation. Cela me permettra de vérifier mon hypothèse à ce sujet (ce qui ne sera plus pour aujourd'hui).
Merci aussi d'avoir mentionné l'E4P20 scolie, je n'avais pas encore fait attention au fait qu'il y parle de causes extérieures "cachées" ou de "méditation".
Sinon je pense que "mourir" chez Spinoza c'est précisément cela: changer de nature. Et je ne vois pas pourquoi il faudrait dire, comme tu le suggères, qu'il serait possible d'avoir un tel changement au niveau de l'Esprit et non pas au niveau du Corps ... ? A mon sens il s'opère toujours parallèlement dans l'un et dans l'autre, non?
Quant à la preuve de la durée limitée de chaque existence temporelle d'un mode fini: il est vrai que je ne sais pas immédiatement comment la démontrer, donc la question mérite d'être posée.
Or Spinoza admet l'idée de suicide. Ce serait quoi le suicide, si ce n'était la mort, donc la fin de l'existence dans un temps et un lieu précis, de celui qui se suicide .. ? Lorsqu'il dit que "l'un se tue parce que l'autre l'y force", ne faut-il pas dire qu'il s'agit d'une reconnaissance explicite de la mort ... ?
A mon sens (à vérifier) il faut dire que pour Spinoza la vie c'est la conservation de la forme c'est-à-dire le maintien dans le temps et l'espace, pour un mode de l'attribut de l'Etendue, d'un certain rapport déterminé de mouvement et de repos. La mort, en revanche, c'est la destruction de cette forme, ce qui signifie qu'on passe à un autre rapport de mouvement et de rapport. Comme Spinoza le dit en l'E4P39 démo:
Spinoza a écrit :Ensuite, ce qui fait que les parties du Corps humain reçoivent un autre rapport de repos et de mouvement, fait aussi que le Corps humain revêt une autre forme, c'est-à-dire (comme il va de soi, et comme nous l'avons fait remarquer à la fin de la préface à cette partie) fait que le Corps humain est détruit (...).
Dans le scolie qui suit cette démonstration il dira en effet que la mort c'est cela: la destruction d'une forme, ou plutôt la destruction d'un Corps, qui passe ainsi à une autre forme. Bien sûr, changer de forme n'est pas exactement la même chose que de changer de chemise. Mais si le changement de forme, comme il l'affirme dans le scolie, revient à mourir, qu'est-ce qui te fait penser que chez Spinoza la mort n'existe pas ... ?
Valete ... cur non?
L.
PS: difficile de ne pas aimer Georges de La Tour .. .