J'ai un problème existentiel. Les axiomes de mon système de pensée m'amènent, semble-t-il, à poser un univers cyclique, et je suis horrifié. Je ne veux pas de cet univers cyclique où je repasserai éternellement par les mêmes épreuves et souffrances.
Je m'explique:
Je refuse 1) l'infini actuel 2) la création ex nihilo. Le refus combiné de ces deux choses m'amène à conclure que l'univers ne peut être que cyclique.
Je refuse l'infini actuel, parce que l'infini me semble inapte à exister en tant qu'entité unifiée. Ce qui donne à un être son unité, et donc sa capacité à exister, ce sont ses limites. Si on pose qu'un être est infini, on lui enlève toute possibilité d'unité. Un être infini serait infiniment dispersé et incapable d'existence unifiée, incapable d'être un «centre» d'où émanent des attributs.
Quant à la création ex nihilo, elle n'explique pas l'orgine de l'être. L'être ne vient pas du néant, puisque le néant ne peut rien fournir. Il ne vient pas de Dieu non plus, puisque Dieu n'a rien fourni de sa substance dans le processus. Donc l'être doit être éternel et incréé.
Donc l'univers est éternel et fini. Comment suit-il de là que l'univers est cyclique? Acceptons le constat de Nietzsche: si l'univers avait un but, il l'aurait déjà atteint, de toute éternité. Le fait que l'univers soit encore en mouvement prouve qu'il n'a pas atteint son but, ou qu'il a été créé dans le temps, mais nous avons rejeté cette dernière possibilité.
Maintenant, dire que l'univers a un but revient à dire que son mouvement est unidirectionnel, donc linéaire. L'univers doit aller quelque part. Mais si l'univers n'a pas de but, son mouvement ne peut être linéaire, il doit être non linéaire, c'est-à-dire cyclique. L'univers fait donc un éternel mouvement d'aller-retour.
L'univers cyclique
- Alexandre_VI
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L'infini d'infini
Il y a au début de l'Ethique la notion d'infini d'infini. Si tu comprends cela, il est possible, à mon avis, d'éviter le sentiment d'horreur nietzschéen.
De même, l'éternité est a - temporelle, au contraire du cycle qui est une manière d'envisager la sempiternité comme retour.
De même, l'éternité est a - temporelle, au contraire du cycle qui est une manière d'envisager la sempiternité comme retour.
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Bonjour Augustindercrois,
Tu as raison de parler de sentiment d'horreur nietzschéen. La plupart des gens, je crois, ne voudraient pas revenir sur Terre si on leur disait qu'ils revivraient leur vie exactement de la même façon, sans possibilité de profiter de leur expérience.
J'ai lu toute l'Éthique et je n'ai pas été convaincu par les démonstrations de Spinoza. Celui-ci dit qu'un être est infini s'il n'y a rien en dehors de lui pour le limiter. Mais en fait, un être peut être intrinsèquement limité, limité de par sa structure et non parce qu'un autre être le bloque.
Prenons le soleil par exemple. Il n'est pas infini, parce qu'il n'a qu'une quantité limitée de matière en lui, et non parce que d'autres corps célestes autour de lui le contraindraient à être fini.
Tu as raison de parler de sentiment d'horreur nietzschéen. La plupart des gens, je crois, ne voudraient pas revenir sur Terre si on leur disait qu'ils revivraient leur vie exactement de la même façon, sans possibilité de profiter de leur expérience.
J'ai lu toute l'Éthique et je n'ai pas été convaincu par les démonstrations de Spinoza. Celui-ci dit qu'un être est infini s'il n'y a rien en dehors de lui pour le limiter. Mais en fait, un être peut être intrinsèquement limité, limité de par sa structure et non parce qu'un autre être le bloque.
Prenons le soleil par exemple. Il n'est pas infini, parce qu'il n'a qu'une quantité limitée de matière en lui, et non parce que d'autres corps célestes autour de lui le contraindraient à être fini.
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Bonjour,
J'ai bien relu la scolie, et je n'ai pas trouvé de réponse à mes questions. J'ai toujours l'idée qu'une quantité infinie est impossible, et ce même si Spinoza dirait que je n'arrive pas à concevoir la quantité comme substance.
Je conçois une substance étendue, mais non l'étendue comme substance. L'étendue est une propriété, mais n'est pas la totalité de l'essence d'une chose, enfin je crois.
Dans la proposition VIII, Spinoza affirme qu'une substance ne peut être finie que si elle est limitée par une autre de même nature. Or, j'affirme qu'une substance peut être intrinsèquement finie, et non pas finie par contrainte, pour ainsi dire. Je pense même que la finitude est une condition sine qua non de la capacité à exister.
J'ai bien relu la scolie, et je n'ai pas trouvé de réponse à mes questions. J'ai toujours l'idée qu'une quantité infinie est impossible, et ce même si Spinoza dirait que je n'arrive pas à concevoir la quantité comme substance.
Je conçois une substance étendue, mais non l'étendue comme substance. L'étendue est une propriété, mais n'est pas la totalité de l'essence d'une chose, enfin je crois.
Dans la proposition VIII, Spinoza affirme qu'une substance ne peut être finie que si elle est limitée par une autre de même nature. Or, j'affirme qu'une substance peut être intrinsèquement finie, et non pas finie par contrainte, pour ainsi dire. Je pense même que la finitude est une condition sine qua non de la capacité à exister.
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La substance n'est pas une quantité.
Sans quoi elle ne serait pas substance.
Tu peux le relire encore, je crois.
Tu peux le relire encore, je crois.
Pourtant le mode dit "fini" est limité en extension. Il est cependant traversé d'infini en trois sens au moins :
1° Physiquement. Il n'est qu'une partie d'un autre individu qui est une partie d'un autre individu, etc... ad infinitum et possède des parties individuelles qui elles-mêmes contiennent des parties, etc... à l'infini (Voir le scolie du Lemme 7, partie II)
2° Existentiellement. Comme le singulier n'est pas définissable comme le sont les choses universelles chez les aristotéliciens et cartésiens, il ne peut l'être que par sa production. Or la production du singulier ne se différencie pas de son existence au cours de laquelle il est infiniment affecté. De même pour Leibniz : l'individu est défini par la série infinie des évènements qui le produisent. C'est du reste un point de vue tout à fait moderne et commun.
3° Essentiellement. L'effort pour persévérer dans l'être (conatus) est l'essence des choses singulières (et donc finies), mais cet effort n'est qu'un degré de la puissance infinie de Dieu. Autrement dit chaque chose a le conatus (la puissance) qu'elle a et elle est plus ou moins puissante qu'une autre. Mais la puissance individuelle prise en elle-même - c'est à dire compte non tenu de tout ce qui peut la contraindre - est tout à fait infinie.
L'éternel retour chez Nietzsche n'est une horreur que pour l'"esprit de pesanteur" (Voir "la vision et l'énigme" et "les sept sceaux" dans Ainsi parlait Zarathoustra). C'est une "doctrine sélective" qui a pour but d'annihiler toute personne du ressentiment. Par contre pour une personne affirmative, c'est un stimulant qui allie la plus grande innocence à la plus grande responsabilité puisque chacun de ses actes sera éternel sans qu'il y ait ni enfer ni paradis. Il en va en quelque manière de même pour Spinoza puisque tout ce que nous faisons et pensons est a priori contenu dans un attribut éternel.
On peut bien sûr préférer être fini et espérer une vie infinie dans un arrière-monde en fonction des oeuvres que l'on produit alors pour cette seule raison. Mais alors on troque la culpabilité contre l'innocence et l'irresponsabilité à l'égard de ce monde-ci pour le seul espoir d'un autre monde...
1° Physiquement. Il n'est qu'une partie d'un autre individu qui est une partie d'un autre individu, etc... ad infinitum et possède des parties individuelles qui elles-mêmes contiennent des parties, etc... à l'infini (Voir le scolie du Lemme 7, partie II)
2° Existentiellement. Comme le singulier n'est pas définissable comme le sont les choses universelles chez les aristotéliciens et cartésiens, il ne peut l'être que par sa production. Or la production du singulier ne se différencie pas de son existence au cours de laquelle il est infiniment affecté. De même pour Leibniz : l'individu est défini par la série infinie des évènements qui le produisent. C'est du reste un point de vue tout à fait moderne et commun.
3° Essentiellement. L'effort pour persévérer dans l'être (conatus) est l'essence des choses singulières (et donc finies), mais cet effort n'est qu'un degré de la puissance infinie de Dieu. Autrement dit chaque chose a le conatus (la puissance) qu'elle a et elle est plus ou moins puissante qu'une autre. Mais la puissance individuelle prise en elle-même - c'est à dire compte non tenu de tout ce qui peut la contraindre - est tout à fait infinie.
L'éternel retour chez Nietzsche n'est une horreur que pour l'"esprit de pesanteur" (Voir "la vision et l'énigme" et "les sept sceaux" dans Ainsi parlait Zarathoustra). C'est une "doctrine sélective" qui a pour but d'annihiler toute personne du ressentiment. Par contre pour une personne affirmative, c'est un stimulant qui allie la plus grande innocence à la plus grande responsabilité puisque chacun de ses actes sera éternel sans qu'il y ait ni enfer ni paradis. Il en va en quelque manière de même pour Spinoza puisque tout ce que nous faisons et pensons est a priori contenu dans un attribut éternel.
On peut bien sûr préférer être fini et espérer une vie infinie dans un arrière-monde en fonction des oeuvres que l'on produit alors pour cette seule raison. Mais alors on troque la culpabilité contre l'innocence et l'irresponsabilité à l'égard de ce monde-ci pour le seul espoir d'un autre monde...
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La diiférence entre Nietzsche Spinoza
@Miam: Nietzsche; c'est quand même le corps sans l'esprit non, le corps, rien que le corps?
Or, le corps c'est l'esprit et l'esprit c'est le corps, chez Spinoza.
D'ailleurs, en définitive, nous ne pouvons rien alléguer. Comment existons - nous dans l'infinité des autres attributs de Dieu?
Or, le corps c'est l'esprit et l'esprit c'est le corps, chez Spinoza.
D'ailleurs, en définitive, nous ne pouvons rien alléguer. Comment existons - nous dans l'infinité des autres attributs de Dieu?
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Je ne sais pas ce que ce serait un esprit illimité. Je ne suis pas sûr que cela ait un sens. Notre esprit est limité dans sa profondeur par le cerveau. Un esprit sans cerveau, à quoi cela ressemblerait-il? Des expérienceurs de NDE ont dit qu'ils avaient acquis l'omniscience durant leur sortie du corps, puis qu'ils l'avaient perdue en réintégrant le corps. Ce qui pose la question, à supposer qu'on prenne au sérieux deux secondes ce genre de témoignages: comment sait-on que l'on sait tout?
Salut Emmanuel,
Peu importent les différences entre Spinoza et Nietzsche quant à leurs compréhensions du corps et du mental. L'important est que tous deux tournent le dos à la conception traditionnelle de l'éternité comme sempiternité et à la position d'un arrière-monde créé par le ressentiment. Par ailleurs, l'esprit que critique Nietzshe, c'est le spiritus, pas la mens. Et l'exigence d'une spiritualisation n'est pas étrangère à Nietzsche. Pas plus que l'exigence d'aptitudes corporelles n'est absente de la pensée spinozienne.
Et puis quoi ? Le Christ nous parle-t-il d'innocence et de responsabilité ou de culpabilité ? La parole christique n'était-elle pas libératrice avant qu'on l'exploite politiquement sous la forme d'une contagion de crainte et d'espoir ?
Peu importent les différences entre Spinoza et Nietzsche quant à leurs compréhensions du corps et du mental. L'important est que tous deux tournent le dos à la conception traditionnelle de l'éternité comme sempiternité et à la position d'un arrière-monde créé par le ressentiment. Par ailleurs, l'esprit que critique Nietzshe, c'est le spiritus, pas la mens. Et l'exigence d'une spiritualisation n'est pas étrangère à Nietzsche. Pas plus que l'exigence d'aptitudes corporelles n'est absente de la pensée spinozienne.
Et puis quoi ? Le Christ nous parle-t-il d'innocence et de responsabilité ou de culpabilité ? La parole christique n'était-elle pas libératrice avant qu'on l'exploite politiquement sous la forme d'une contagion de crainte et d'espoir ?
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