hokousai a écrit :
Ce que je vois comme une illlusion( au contraire de vous, de Spinoza et de tous les croyants en Dieu ) c'est la substance.
Henrique reprend souvent l'exemple du visage et de ses expressions. Pour moi un visage sans expressions ça n existe pas . Disons que le visage est un être de raison , une fiction utile.
Quand j'en ai parlé une ou deux fois, il me semble bien que j'ai précisé aussi qu'il n'y a pas de visage sans expression, de même qu'il n'y a pas de nature naturante sans nature naturée. Même dans le repos complet, un visage exprime cette façon d'être. Mais je dis bien en effet que si le visage n'existait pas, il n'y aurait pas d'expression : il reste antérieur logiquement à ses affections. Vous dites Hokousai qu'il n'y a que des expressions, que le visage n'est qu'une fiction utile que vous ramenez à un être de raison.
Pour commencer, je vous invite à relire le
chap. I des Pensées métaphysiques. Spinoza y distingue l'être forgé ou fiction de l'être de raison. L'être forgé n'existe pas en dehors de l'esprit et n'a donc pas de réalité si par ce dernier mot on entend ce qui est reconnu comme existant nécessairement ou pouvant exister positivement hors de l'esprit. Une sirène est par exemple une fiction où on joint "par la volonté" sans nécessité deux termes renvoyant à des êtres pensés comme réels : la femme et le poisson. Mais de la même façon, je peux penser conjointement "Président de la Vème république française" et "communiste", ce ne sera qu'une fiction mais peut être réel par accident. Aussi un être forgé ou une fiction peuvent être vrais ou faux dans la mesure où ils affirment quelque chose.
Au contraire un être de raison ne peut être dit vrai ou faux car il ne correspond à rien de réel, il ne peut avoir aucune réalité car il n'existe positivement que dans la pensée, même s'il s'impose nécessairement à la raison, car il repose sur la négation alors que la réalité est affirmation. Par ex. la notion de cécité n'est qu'un être de raison, l'homme qu'on dit privé de la vue n'est ainsi désigné que par comparaison avec ce qu'on connaît déjà habituellement : les hommes privés de beaucoup de choses mais pas de la vue. On n'a rien de ce qu'est positivement un homme quand on l'a défini comme aveugle. Ainsi la cécité n'existe pas, puisque ce terme ne recoupe que la négation de la vue, il n'y a d'existence que du positif. De même encore l'ignorance comme absence de savoir n'est qu'un être de raison qui n'explique rien par lui-même : un chauffard grille un feu rouge, il se fait arrêter et dit qu'il ne l'avait pas vu mais ce qui l'a fait griller le feu n'est pas la non vue du feu mais son impulsion d'avancer rapidement et de se sentir fort au volant de sa voiture. "S'il avait vu le feu, il se serait arrêté" mais justement "il s'est arrêté" n'est pas plus réel ici que "il a vu le feu".
Dire maintenant que le visage n'est qu'un être de raison (car je suppose maintenant que vous avez assez compris qu'il n'y a de fiction que lorsqu'on joint des idées d'objets réels pour en former de nouvelles), ce serait dire qu'il n'est qu'une pure négation, mais de quoi ? L'extrémité de la ligne est un être de raison : ce n'est qu'une négation de sa continuation, l'extrémité n'a pas d'existence autrement que par comparaison avec d'autres choses. De même l'homme bipède sans plumes : l'homme n'est pas une poule et la déf. Mais de quoi le visage serait-il la négation s'il n'était qu'un être de raison ?
Ensuite, vous dites que les expressions sont seules réelles puisque le visage ne serait qu'un être de raison. Mais comment pourraient-elles être expressions d'un non-être ? De quoi les expressions du visage sont elles l'expression si le visage n'existe pas ? De même, de quoi les corps sont-ils les affections, si ce ne sont pas des substances (leur essence n'enveloppe pas l'existence) et si la substance n'existe pas ?