recherche a écrit :(...)
Le troisième genre de connaissance justifie-t-il, sorte de "sur-rationnalité" dont il ne dit presque rien, se pose comme une science "intuitive", dont le sens se trouve laissé à l'appréciation de tout un chacun.
"Parce qu'au-delà des commentaires qu'on peut en faire, saisir les essences singuilières, croyez-moi..."
(...)
Ah, l'éternel débat...
Il est à craindre que ce soit une question d'expérience pour ce qui est des affects.
Pour le reste, pour ma part, j'ai tendance à rapprocher la science intuitive des "Eureka !". Quand Einstein, tout d'un coup, se dit que gravitation et accélération, c'est la même chose, ce n'est pas une déduction mais ça donne la relativité générale.
De manière plus générale, je rapprocherais ce type de connaissance de cette aptitude à décider l'indécidable au sens de la
décidabilité algorithmique ou à savoir qu'une chose est vraie bien qu'indémontrable (cf la différence montrée par Gödel entre vérité et démontrabilité).
Je ne sais pas si il faut appeler ça "sur-rationalité", mais le fait est que quand un mathématicien pose son système d'axiome en se disant que c'est ce qu'il lui faut pour ses déductions, quand un physicien a l'intuition que c'est comme ceci plutôt que comme cela qu'il faut décrire les choses, ça ne passe pas par la démarche "algorithmique" d'une démonstration mais ce n'est pas non plus une simple hypothèse posée sans raison.
Il a ces idées parce qu'il connaît son domaine.
Pour moi, c'est la production de vérité sans le passage par la conscience réflexive, c'est une synthèse qui se fait "toute seule", la dynamique spontanée de la pensée qui s'applique sur des vérités, sur des idées de 2nd genre. Dans le premier genre de connaissance, des idées fausses s'enchaînent toutes seules, dans le second genre on effectue un travail conscient de construction ordonnée et dans le troisième genre, ça se déroule à nouveau tout seul, sans effort conscient, mais sur des idées vraies, on a compris, on sait, intuitivement.
On fait automatiquement "2+2=4", et ça se passe pareil pour des domaines plus complexes mais qu'on comprend vraiment.
Ca, ce serait pour la partie formelle, la manière dont peut marcher une "science intuitive". Pour que ça touche pleinement à l'"amour intellectuel de Dieu", il faut que la matière de ces idées soit en lien avec l'idée de Dieu, que la joie de l'"Eureka !" porte avec elle des aspects existentiels qui touchent à l'intime, des affects particuliers liés aux idées de Tout, de nécessité, un sentiment que tout est à sa place, vivant, parfait. Voir une pierre, un oiseau, une personne, n'importe quoi, c'est la saisir comme un être-là vivant dans l'ordre infini et nécessaire des choses. Comprendre non pas les aspects analytiques, le fait qu'une pierre soit faite de tel ou tel minéral ou se demander si elle est réelle, si c'est juste une apparence etc., mais saisir un état de présence singulière qui exprime tout un monde, manière d'être découlant directement de la nécessité d'un être infini (E1p16). Ne plus réfléchir parce qu'on sait déjà, voir "Dieu en tant que..".
Il y a dans cette synthèse immédiate, à la fois la pensée "cosmique" et les distinctions les plus triviales qui nous font dire "moi", "une pierre", "un nuage" etc., il y a à la fois l'unité d'un Tout et sa multiplicité, un Tout sans réduction à l'Un, sans perte du rapport à des choses particulières.
Pas évident de traduire ce type d'expérience affectivo-intellectuelle, ces affects mêlant conscience claire et joie, et certains se demandent si c'est encore de la philosophie. Il n'y a plus là de débat, d'argumentation, de preuve, de démonstration, c'est une chose à expérimenter, on ne peut que dire qu'on connaît ça, et qu'en l'occurrence, on pense que c'est de ça dont parle Spinoza. A la limite, de nos jours, c'est plus du côté des méditants et autres pratiquants d'exercices spirituel qu'on retrouverait la connaissance de ces états que les bouddhistes appelleront peut-être "Eveil".
Ceci étant, les bouddhistes comme Spinoza disent que c'est une question de pratique, qu'on peut s'y exercer pour y parvenir. Et puis, ça ne doit pas être si poétique ou abstrait que ça puisque les neurobiologistes commencent à voir
à quel état physique ça pourrait correspondre...
Extrait du lien :
Dans une étude publiée en 2001, ce sont des moines tibétains pratiquant la méditation bouddhiste, un rituel destiné à atteindre certains états spirituels dont " une unité avec l'univers ", qui ont accepté de méditer dans les scanners de d'Aquili et Newberg. Au moment d'atteindre le pic de leur transe méditative, l'étude rapporte que le cerveau des sujet montrait une augmentation d'activité dans le lobe préfrontal droit ainsi qu'une diminution d'activité dans une région du lobe pariétal.
Pour Newberg et d'Aquili, ce pattern d'activité est cohérent avec le caractère subjectif particulier de ce type de méditation. En effet, le lobe frontal est impliqué, entre autres choses, dans la planification et l'attention. L'augmentation de son activité pourrait donc refléter, d'une part, l'aspect volontaire de la démarche et, d'autre part, la nécessité, dans la méditation bouddhiste, de se concentrer intensément sur une pensée ou un objet.
Quant au lobe pariétal, l'une de ses fonctions importantes est de permettre à l'individu de s'orienter dans l'espace, d'évaluer les distances et les positions relatives, bref de nous permettre de nous situer et d'évoluer dans l'espace. Son silence anormal lors de la méditation serait donc en accord avec le sentiment de dissolution du " moi " et d'unité avec le reste de l'univers rapporté par les sujets. Enfin, l'augmentation d'activité observée dans le système limbique, fortement lié aux émotions, contribuerait au sentiment de bien-être associé à ce sentiment d'unité cosmique.
Dans une ontologie de la séparation sujet-objet, on dira que ce n'est qu'un état subjectif, dans une ontologie unitaire, on dira que c'est l'accès au réel.
Ou si on inverse l'ordre des causes : quand on vit des états d'unité soi-chose-"Dieu", on a du mal à considérer que la réalité la plus profonde est celle des états de séparation et on produit une ontologie correspondant aux états qu'on juge les plus "éveillés".