Vanleers a écrit :1) S’il y a bien une distinction réelle entre les attributs, il n’y a qu’une distinction de raison entre les attributs et la Substance.
Oui. Spinoza fait tout pour rétablir la vérité, mais cela ne suffit pas pour rétablir la cohérence. Il reprend quand-même de Descartes (et de la scholastique, de mémoire) la distinction absolue entre Pensée et Étendue (E2P5-7), et cela ne tient pas (discussion
ici ; dès que l'on pose 2, du dénombrable, c'est foutu ; si les attributs sont absolument indépendants - ce que sont les attributs de Spinoza - il est impossible d'avoir une représentation de l'un dans l'autre. La réponse à la question / objection de Tschirnhaus fait s'effondrer l'équivalence des attributs, etc.) Je n'ai pas le moindre doute à ce sujet (et par ailleurs les contorsions de Spinoza par exemple pour passer de l'idée miroir du corps aux sensations comme base de la connaissance - comme l'indique le sens commun - en sont comme un symptôme), mais 1) Je n'ai pas d'exemple d'erreur faite par Spinoza sur la base de son modèle, incontestablement très supérieur à celui de Descartes ; surtout 2) Je ne connais pas d'alternative plus pertinente (il n'y en a très probablement pas : le mystère ne peut pas être dépassé là...)
En passant, je viens d'apprendre que deux petits jeunes qui débutent m'ont soufflé le scoop :
"La notion d'étendue soulève, chez Descartes, bien des problèmes d'ordre métaphysique, physique ou mathématique. Mais il en est un qui commande tous les autres, et qui pourtant n'a guère retenu l'attention des historiens, quoiqu'il ait été signalé par Gassendi et par Malebranche : comment peut-il y avoir une pensée de l'étendue ?"
http://www.jstor.org/discover/10.2307/41084322?uid=3738016&uid=2129&uid=2&uid=70&uid=4&sid=21102294414191
Vanleers a écrit :2) A propos de la démonstration d’E II 47, je note :
a) Une difficulté car Spinoza écrit : « L’Esprit humain a des idées (par E II 22), à partir desquelles (par E II 23) il se perçoit lui-même »
Or E II 23 a montré que l’Esprit humain ne se perçoit pas lui-même mais qu’il n’a que les idées des idées des affections du corps.
Pas tout à fait : Spinoza dit dans E2P23 que l'esprit n'a pas de connaissance de lui-même
autrement qu'en percevant les (en étant l'idée des) idées des affections du corps (fin de la démonstration.) Lui-même n'est en effet en première instance que l'idée d'une affection du corps (E2P19), ce qui est cohérent. Récapitulation avec E2P29C et S.
Vanleers a écrit :b) En supposant éclaircie cette question, nous constatons que la connaissance de l’essence éternelle et infinie de Dieu est adéquate en vertu de E II 46 qui elle-même fait référence à E II 38 et j’en déduis qu’il s’agit d’une connaissance de deuxième genre.
Je pose alors la question : n’y a-t-il pas une connaissance de troisième genre de l’essence éternelle et infinie de Dieu ?
Dieu est LA prémisse première, LA notion commune ; elle est intuitive et première. Elle est d'emblée dans le troisième genre...
Je pense que vous confondez la chose avec le retour - c'est peut-être quelque part cavalier, mais bon - que Spinoza fait sur la genèse de cette notion dans le cours de l'Ethique, alors qu'il est parti à fond dans... le couple sujet-objet...
Vanleers a écrit :S’il fallait parler d’« éveil » (ou d’« illumination »), je le placerais ici : réaliser que Dieu est « Se réjouir ».
Tout ceci est immédiat, simple et, je dirais même, d’une grande banalité.
Dieu est Amour, d'accord. Mais vous voyez-vous partir de là pour engager les diverses propositions de l'
Ethique ? De même - entre autres arguments, encore plus solides et évidents - que contre le prétendu "mystère miraculeux" du troisième genre de connaissance qui ferait voir les "essences singulières", j'avance que ce n'est pas du tout le genre de Spinoza de faire des "surprises", et qu'au contraire il va toujours droit au but, dans l'ordre, et insiste là où c'est crucial (même si vue sujet après sujet l'
Ethique est assez brève, en fait.)
Par ailleurs, je suis d'accord que l'eudémonisme - indiscutable selon moi - implique que le chemin de la joie est un guide possible (mais il y a l'orgueil, la pire des passions, qui est une joie...) Toutefois Spinoza n'en fait pas état dans ses mécanismes de progrès (E5P20S.)
De la grande banalité qui fait le sage spinozien très rare (E5P42) alors...
Pour moi, ce n'est pas du Spinoza dans l'axe, cela.
Connais-toi toi-même.