Messagepar Vanleers » 16 janv. 2014, 11:43
A Avinash
Vous écrivez :
« Il me semble aussi que dans l'Ethique Spinoza s'adresse à un sujet dans sa solitude et que l'objet de l'Ethique est par conséquent : que peut faire un sujet pour arriver à la liberté ? »
La notion de « sujet » est-elle pertinente dans l’Ethique ?
Spinoza niant le libre arbitre et la volonté comme faculté, je dirai que non, rejoignant ainsi Lordon et son commentateur Fischbach.
Il n’y a que des individus, toujours déterminés par l’extérieur (hétérodéterminés), c’est-à-dire dont les œuvres et les pensées s’expliquent toujours par des causes extérieures.
Dans un message posté sur un autre fil mais que je vous ai déjà signalé, je soutenais (me référant à Sévérac), qu’être libre c’est être actif.
Un individu est actif, au sens de Spinoza, lorsque ses œuvres et ses pensées (qui s’expliquent TOUJOURS par des causes extérieures) peuvent s’expliquer AUSSI par lui seul.
Permettez-moi d’imager ce point par une référence au calcul matriciel.
A étant une matrice et X un vecteur, l’application de la matrice A au vecteur X est un vecteur Y et on écrit Y = AX.
Déterminé par une cause extérieure représentée par la direction d’un vecteur X, un individu, représenté par une matrice A, produit un effet représenté par la direction d’un vecteur Y avec Y = AX.
L’effet, représenté par la direction de Y, s’explique par la conjonction de A, qui représente l’individu, et de la cause extérieure, représentée par la direction de X.
Pour un individu donné, ce qu’il produit s’explique toujours par une cause extérieure : si A est donné, la direction de Y s’explique TOUJOURS par la direction de X.
Indiquons maintenant que l’on démontre qu’il existe des « vecteurs propres » d’une matrice. Si P est un vecteur propre et si X = P, alors Y = kP, k étant un scalaire.
Autrement dit, dans ce cas, Y a la même direction que X.
Supposons donc que la cause extérieure qui détermine un individu soit représentée par la direction d’un vecteur propre P.
Déterminé par cette cause, l’individu représenté par A produira un effet représenté par un vecteur ayant la même direction que P.
Dans ce cas, la direction de Y peut s’expliquer AUSSI par A uniquement.
Ceci représente la situation d’un individu actif au sens de Spinoza : ce qu’il produit (œuvre, pensée) peut s’expliquer par lui seul.
Les vecteurs Y et X ayant même direction imagent l’idée que l’individu fait cause commune avec la cause extérieure qui le détermine.
Dès lors, devenir libre, c’est-à-dire devenir actif, ce sera faire le plus possible cause commune avec les causes extérieures qui nous déterminent.
On peut représenter cela en disant que les vecteurs X doivent être le plus possible des vecteurs P (propres).
Comme je l’ai déjà écrit, ceci nous permet de mieux comprendre pourquoi Deleuze écrit que la raison se définit de deux façons (Spinoza Philosophie pratique – entrée : Notions communes).
C’est que la raison peut se définir comme la connaissance par notions communes (E II 40 sc. 2) mais aussi comme « un effort pour sélectionner et organiser les bonnes rencontres », autrement dit les rencontres dans lesquelles nous serons en capacité de faire cause commune avec la chose rencontrée.
Vous vous posiez la question : « Que peut faire un sujet pour arriver à la liberté ? »
Pour Spinoza, il n’y a pas de sujets mais des individus hétérodéterminés qui peuvent se libérer en devenant actifs, c’est-à-dire en suivant la raison et, comme le dit Deleuze, deux voies s’offrent à eux.
Vous parlez de Krishnamurti et moi de mathématiques, nous risquons d’avoir du mal à nous comprendre !
Bien à vous