hokousai a écrit :Aldo a écrit :À part ça, je ne sais pas où tu vas avec ton : "Deleuze prend conscience du plan d'immanence, cela change sa manière de penser".
je réponds pourtant à
Donc instaurer un plan d'immanence est une tâche de la philosophie
Instaurer me parait beaucoup plus juste que construire.
La philosophie pour Deleuze consiste à comprendre.
La transcendance n'explique rien.
LE plan philosophique ne peut donc être qu'un plan d'immanence.
Ceci posé, ce n'est pas tout d'affirmer cela, il faut encore le mettre en pratique : être capable de philosopher sur le seul sol de l'immanence. Or la pensée est sans cesse incitée à introduire de la transcendance (pour faire tenir les choses ensembles, pour meubler les approximations de nos raisonnements, les préjugés etc), donc c'est très difficile d'échapper à la transcendance (il y a un passage bien intéressant dans
Qu'est-ce que la Philosophie qui tente de faire l'historique de l'immanence en philosophie).
Échapper à la transcendance, c'est aussi difficile que d'échapper à nos conditionnements...
Donc si le plan est à
instaurer en philosophie (en tant qu'incontournable), il est à
construire pour chacun d'entre nous, et bien sûr chaque philosophe.
(
par exemple, Deleuze passe son temps à modifier ses concepts, jusqu'à en abandonner certains qu'il juge devenus caducs de par sa production de nouveaux concepts : le plan est une construction permanente).
Reprenons ce que dit Montebello et vérifions : "
le plan d'immanence (...) ne manifeste pas une relativité du vrai mais "la vérité de la relativité", dès lors qu'un plan absolu est érigé, sans centre, sans point fixe".
(ce à que je traduis en disant : ce n'est qu'en faisant sens au sein d'un plan d'immanence subjectif qu'un concept peut prendre une valeur au sein d'un champ de vérité)
J'espère que c'est plus clair...
Donc il n'y a pas de prise de conscience du plan. Deleuze ne
découvre pas l'existence de l'immanence dans la pensée ou je-ne-sais quoi du même ordre : si prise de conscience il y a, c'est bien celle qui lui fait trouver de la transcendance partout, nichée jusqu'aux meilleures volontés (philosophiques) d'immanence.
hokousai a écrit :Je crois que Deleuze estimait son image de la pensée plus conforme à la réalité de la pensée.
Je crois qu'il estimait que tous les philosophes sont dans un plan d immanence mais qu'ils n' en n'ont pas conscience. C c'est à dire qu'ils pensent mais ne savent pas comment il pensent.
A mon avis Deleuze n'est pas relativiste il ne dit pas "moi je pense et les autres ne pensent pas".
Il dit plutôt moi je pense bien et les autres mal .
Les autres sont tout comme moi dans un plan d immanence mais il ne le savent pas.
Peut-être que Deleuze estime que certains philosophes ne sont pas conscients de l'image de la pensée qui présuppose leur philosophie. Quant à son image à lui ("
qui serait plus conforme à la réalité de la pensée"), il me semble qu'elle consiste essentiellement à mettre
le sens au cœur de la philosophie, en lieu et place du
savoir (récent) et de l'ancienne idée du
vrai.
Chacun jugera de ce qu'il en pense...
Ça ne veut pas dire qu'il mépriserait une image de la pensée dépendant du vrai ou du savoir (
et encore moins quiconque philosopherait autour), mais j'imagine qu'il pense qu'aujourd'hui, c'est le problème du sens qui nous est directement posé (qui fait sens donc)... et que sans doute il répond mieux à la réalité de nos interrogations.
Je pense oui, que penser
le sens des choses est pour lui une meilleure image de la pensée que penser en terme de vérité ou de savoir.
hokousai a écrit :Je reprends le commentaire cité en lien
.
Le plan de consistance ou d'immanence ne connaît au contraire que des éléments non formés, (particules ou molécules emportées par des flux) et des processus de subjectivation, qui deviennent dans un temps flottant aux directions multiples, et dans un espace toujours ouvert sur le dehors et sur les rencontres auxquelles il ne
cesse de donner lieu. Ici il n'y a plus de formes, mais des rapports entre éléments non formés, il n'y
a plus de sujets mais des subjectivations sans sujet qui constituent des agencements collectifs et
qui dessinent des cartes des vitesses et des intensités, mouvements imprédictibles et imperceptibles
Ce que je veux dire est que je ne vois pas comment certains philosophes
seraient exclus de ce plan là . C'est un plan objectif, une réalité objective. Pas une réalité
qu'on choisit.
C'est vite dit. C'est-à-dire qu'on aurait beau jeu d'invoquer des émotions et autres circuits intérieurs de la pensée en disant que tout philosophe les éprouverait, sans doute mais. Mais il faudrait être sûr de ne pas réduire ce qui est dit à une vague idée générale, et bien tenir compte des termes employés et du sens et de la valeur que Deleuze leur donne :
formes, flux, agencements collectifs, vitesses, intensités etc... tout ça n'a rien d'anodin dès qu'on commence à penser avec ce genre de concepts).
hokousai a écrit :Il distingue assez finement
un plan d' organisationLe plan d'organisation dispose toujours d'une dimension supplémentaire et transcendante, d'un principe de composition plus ou moins caché, d'un dessein ou d'une Loi (humains ou divins) qui organisent et orientent
l'évolution des formes et le développement des sujets.
Et il s' emploie donc à favoriser le plan d' immanence contre
le plan d' organisation .
MoI je crois que
le plan d 'organisation pose un problème essentiel.
Et qu'il n'est pas question pour moi de l' éliminer sans procès.
En gros il est question de s'affranchir au mieux des quadrillages imposés par nombre d'organisations très diverses, allant des institutions sociales à l'image de la pensée etc (il y a une idée de "laisser couler les flux", d'accompagner le mouvement, de débloquer les rigidités etc).
Mais pas question pour autant "
d'éliminer quoi que ce soit sans procès" : Deleuze martèle justement les dangers de la table rase et du chaos qui pourrait s'ensuivre. Il dit que c'est bien du réel (de l'
actuel en fait) qu'il faut partir pour retrouver le mouvement des choses (
on n'a pas le choix)
... ou encore et de la même façon, qu'il n'est pas question de supprimer les
concepts de la représentation par exemple, mais plutôt de les envisager comme approximatifs, de les sortir de leur gangue identitaire : bref de ne s'en servir qu'en terme de
repères. Il est toujours question de partir du réel, du concret, des situations, du "milieu des choses" (
sans extrapoler sur les origines et les fins).
C'est pourquoi il évite le terme de "système" pour parler du plan d'immanence, et pourquoi je parle de
valoir et non de
faire système.
Valoir système, ça veut dire que c'est bien la cohérence d'un plan d'immanence et elle seule qui fait sens, et non on-ne-sait quel concept ou logique implacable qui du coup aurait valeur de transcendance (
ou pourrait lui donner un air de transcendance).