Le spinozisme est-il une philosophie de la Vie ?

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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NaOh
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Re: Le spinozisme est-il une philosophie de la Vie ?

Messagepar NaOh » 02 janv. 2016, 23:25

E1 P8 scolie 2

Je ne doute pas que pour ceux qui jugent avec confusion de toutes choses et ne sont pas accoutumés à les connaître par leurs premiers principes, il n'y ait de la difficulté à comprendre la démonstration de la proposition 7, par cette raison surtout qu'ils ne distinguent pas entre les modifications des substances et les substances elles-mêmes, et ne savent pas comment s'opère la production des êtres. Et c'est pourquoi, voyant que les choses de la nature commencent d'exister ils s'imaginent qu'il en est de même pour les substances. Quand on ignore en effet les véritables causes des Êtres, on confond tout ; on fait parler indifféremment des arbres et des hommes, sans la moindre difficulté ; que ce soient des pierres ou de la semence qui servent à engendrer des hommes, peu importe, et l'on s'imagine qu'une forme quelle qu'elle soit se peut changer en une autre forme quelconque. C'est encore ainsi que, confondant ensemble la nature divine et la nature humaine, on attribue à Dieu les affects de l'humanité, surtout quand on ne sait pas encore comment se forment dans l'âme les affects.

C'est moi qui souligne (où ça parle de "métamorphose").

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Re: Le spinozisme est-il une philosophie de la Vie ?

Messagepar Henrique » 03 janv. 2016, 09:52

NaOh a écrit :a) Je pense que vous avez fait une coquille : "distinguer l'après et l'après qui relèvent de l'imagination" ou alors je ne comprends pas.


Oui, c'était l'avant et l'après. Je dis que la vie n'a pas besoin de l'avant et de l'après pour exister comme production de puissance nouvelle de persévérer dans l'être mais seulement de l'antérieur et du postérieur.

b) Sub specie aeternitatis, la cause diffère de ses effets, non pas tellement selon "l'antérieur et le posterieur"
(qui n'est jamais que la perception que nous en avons sub specie durationis) mais selon le rapport de contenant à contenu, ou mieux: suivant le rapport où l'effet n'est qu'une façon de s'exprimer de la cause.


Si l'effet n'est "qu'une façon de s'exprimer de la cause", il n'est pas très différent d'elle, si ?
Enfin, la cause reste antérieure à son effet comme la substance prime sur ses affections (E1P1) : il s'agit d'ordre logique et non chronologique.

La différence est que du point de vue de l'imagination, quand on était le 25 décembre dernier, le 1er janvier 2016 était ce qui devait arriver après, avec beaucoup de contingence dans son contenu, tandis qu'à partir du 2 janvier, le 1er janvier se métamorphose en quelque chose qui s'est passé avant ce nouveau moment présent qu'est devenu aujourd'hui, quelque chose qu'on ne peut plus changer et qui nous apparaît ainsi comme nécessaire. Quand on y réfléchit, c'est très illogique : ce qui avait le statut d'après contingent se transforme en son contraire en acquérant le statut d'avant nécessaire.

Mais selon l'antérieur et le postérieur, le 25 décembre 2015 a toujours été et sera toujours antérieur au 1er janvier 2016 tandis qu'inversement le 1er janviers sera toujours postérieur : dans ce cadre, on n'est plus dans la durée qui est continuation indéfinie de l'existence mais dans l'éternité en tant qu'existence infinie (Pm II,1) : ce n'est que par comparaison avec aujourd'hui et donc par imagination que le 25 décembre 2015 a cessé d'être ; du point de vue de la raison le 25 décembre 2015 existe infiniment et de façon également nécessaire comme antérieur aux dates qui en découlent autant que comme postérieur aux dates qui précèdent. Et comme par ailleurs tout ce qui se produit concrètement ce jour là (qui est ce qui intéresse l'éthique) découle d'un ordre nécessaire infini et par conséquent éternel, alors tout ce qui se produit à cette date comme aux autres est éternel, puisqu'est éternel ce dont l'existence découle nécessairement d'une chose éternelle (E1D8).
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Re: Le spinozisme est-il une philosophie de la Vie ?

Messagepar NaOh » 03 janv. 2016, 09:58

Henrique,

Je n'avais pas pensé à tourner les choses comme vous le faites. Je vais y réfléchir.

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Re: Le spinozisme est-il une philosophie de la Vie ?

Messagepar Vanleers » 03 janv. 2016, 10:57

La question posée sur ce fil est : « Le spinozisme est-il une philosophie de la Vie ? »

Au point où nous en sommes des débats, il apparaît que la réponse était évidente, dès le départ.
Oui, le spinozisme est une philosophie de la Vie si on entend par vie ce qu’entend Spinoza dans les Pensées Métaphysiques, à savoir « la force par laquelle les choses persévèrent dans leur être », et en ajoutant que « la force par laquelle Dieu persévère dans son être n’[étant] rien d’autre que son essence », Vie est un autre nom de Dieu.
Autrement dit, la proposition « Le spinozisme est une philosophie de la Vie » est nécessairement vraie lorsque nous la traduisons dans la langue spinozienne.

J’ai parlé de « célébration de la Vie » et il convient, ici aussi, de traduire cette expression en spinozien. Célébrer la Vie (célébrer Dieu), c’est, en spinozien « Aimer Dieu » qui, dans l’Ethique, prend deux formes : l’amor erga Deum auquel aboutit la première moitié de la partie V qui met en œuvre des procédures de rationalisation de l’imagination et l’amor intellectualis Dei qui, dans la deuxième moitié, naît de la science intuitive.

Par ailleurs, Bruno Giuliani écrit que« nous vivons intellectuellement dans la confusion et affectivement dans la frustration ». Spinoza va évidemment plus loin et démontre que si nous sommes affectivement dans la frustration, c’est parce que nous sommes intellectuellement dans la confusion. On remédiera donc aux affects en clarifiant nos idées et en amendant notre intellect. Un moyen d’y arriver sera de lire Spinoza, c’est-à-dire d’apprendre une nouvelle langue.

En effet, c’est en redéfinissant un certain nombre de notions importantes que Spinoza pose les problèmes de telle façon que l’on puisse leur trouver une solution.
De même que les mathématiques sont la langue indispensable de la physique, le spinozien est la langue privilégiée de l’éthique. C’est une langue précise dont l’apprentissage exige un effort de rigueur et de précision, par exemple, en ne se contentant de voir, « en gros », l’esprit d’une démonstration mais en s’attachant à la lettre du texte. Contrairement à l’adage classique, ici, c’est la lettre qui vivifie et l’esprit qui tue.

L’effort qui est demandé sera donc, non pas de traduire le spinozien en langue vulgaire mais, à l’inverse, de traduire la langue vulgaire en spinozien ;
Comme l’écrit François Zourabichvili (déjà cité sur un autre fil) :

« Il est certes légitime et rassurant pour le débutant de se voir proposer des versions, mais la pédagogie spinozienne procède à l’inverse, dans le sens du thème : « lorsque nous disons que… <parler vulgaire>, nous ne disons rien d’autre que… <parler spinozien> (E II 11 cor.) ».

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Re: Le spinozisme est-il une philosophie de la Vie ?

Messagepar Henrique » 03 janv. 2016, 11:24

aldo a écrit :Réponse subsidiaire d'abord, à la deuxième partie de ce que vous dites. Je remarque avec votre exemple de mortier qu'on est en plein processus mécaniste (et meilleurs vœux au BTP en passant :? ).
... ce qui peut faire transition pour la suite : à savoir que la nouveauté dont je parle, ce n'est justement pas celle qui se reproduit (si quelque chose, un procédé associatif amène toujours au même résultat, on est finalement dans la cadre d'une simple mécanisme). La vraie nouveauté, celle de type métamorphose que j'essaie d'introduire, réside ailleurs, et justement quand le processus n'est pas reproductible (ce qui équivaut à dire qu'il n'est pas prévisible).
Non reproductible, non prévisible, c'est bien à ce type de condition qu'on peut parler de " création" (en tous cas, c'est ainsi que je l'entends).


Cette nouveauté là suppose une contingence ontologique qui elle-même supposerait une introduction de non-être dans la plénitude de l'être. D'où viendrait cette absolue nouveauté si ce n'est des conditions antérieures et donc a priori reproductibles de son existence, si on pouvait les rassembler à nouveau ? Pas de ces choses sinon, il n'y aurait pas absolue nouveauté. Donc de rien. Mais si vous dites que rien produit quelque chose, vous dites que rien c'est quelque chose. C'est absurde.

Ce n'est pas parce qu'on ne peut prévoir quelque chose en raison de notre ignorance de l'état complet des causes en présence que cela ne découle pas nécessairement de ces causes. Aucun homme probablement ne pouvait savoir, avant qu'ils se produisent, avec une absolue certitude que les attentats de Paris allaient avoir lieu le 13 novembre 2015, (pas même ceux qui les ont commis : ils ne pouvaient prévoir tous les obstacles possibles) ; il n'empêche que parce que la police française n'avait pas suffisamment de moyens pour déjouer ces attentats et que l'Etat n'a pas trouvé les moyens de les démotiver et un certain nombre d'autres conditions réelles plutôt qu'imaginaires, ils ne pouvaient évités.

C'est pourquoi quand vous parlez de ce que la vie a de principe créateur (de l'œuf au poussin etc), ça ne me satisfait pas. Ça n'explique pas ni ne suffit à recouvrir le problème que soulève l'apparition du "nouveau" tel que je (tel que Deleuze) le définis. Parce que ce qui est introduit ici, c'est justement le pouvoir de la rencontre dont vous dites certes un mot, mais pour parler aussitôt d'autre chose (de la Vie, peut-être). Alors vous dites quoi : "c'était écrit" ? Ben non, pas s'il y a production de nouveauté.
Or il y a production de nouveauté puisque toute rencontre est unique, n'est pas reproductible, pas plus que n'a de conséquences prévisibles. Sinon où est-il question de rencontre ?


Apparemment Deleuze est resté bien plus bergsonien que spinoziste...
En tout cas, il me semble que vous confondez ici essentiellement l'ordre humain et donc en grande partie mutilé des idées sur les choses et l'ordre même des choses. Le ciment, l'eau, le sable et les cailloux que j'ai utilisé cet été pour fabriquer le béton de ma terrasse étaient uniques et ont constitué une rencontre que je ne saurais reproduire à l'identique absolu, sachant que je ne sais pas avec certitude s'il va mieux résister aux intempéries que le précédent. Étant entendu que la nature est infinie comme vous le rappelait Naoh et qu'ainsi, comme il le disait "les modes sont infiniment variés en tant que configurations inédites et singulières de la même étendue éternelle", alors la répétition absolue est tout aussi impossible que la nouveauté absolue.

On ne sait pas de quoi demain sera fait, mais cela n'introduit pas de possibilité ou de contingence réelle dans l'être. Il n'y a pas de livre où tout serait écrit, la nature n'en a pas besoin mais tout ce qui existe postérieurement à un mode donné de la nature est ontologiquement inscrit dans ce qui existe antérieurement à ce mode. Comme chaque mode de la nature est une expression singulière et donc unique de l'essence infinie de la nature, alors il y a bien nouveauté, mais pour un entendement infini (qui ne serait pas le calculateur infini qu'on pourrait envisager avec Heisenberg), ce serait non seulement prévisible mais c'est déjà connu puisque l'infinité des modes lui est donnée simultanément, sans qu'il y ait d'avant ni d'après.

Ce que cela change pour nous est que la béatitude comme connaissance voire seulement reconnaissance de notre éternité est possible. L'angoisse sartrienne de savoir si j'ai fait les bons choix alors que j'aurais pu soit disant en faire d'autres apparaît comme un état de celui qui reste dominé par l'imagination. La vie reste création de nouvelles formes de puissance par combinaison non intentionnelle le plus souvent (sérendipité) et intentionnelle quelques fois, quand c'est assez simple pour être reproduit grosso modo.

La joie dont parle Bergson à la fin de Conscience et vie se trouve surtout dans l'accomplissement d'un projet faisant progresser la vie alors même que son issue était incertaine. Cela suppose qu'on ne tire pas de joie de ce qui nous paraît certain : réussir mon café fait un peu progresser la vie, mais c'est tellement habituel que j'ai tendance à croire que c'était acquis avant même d'avoir commencé à le faire. Tout l'intérêt de Spinoza me semble-t-il est de nous apprendre à vivre avec la conscience qu'aucune habitude n'est absolument justifiée car il n'y a pas de répétition absolue tout en étant capable de percevoir chaque moment de notre existence comme accomplissement éternel et cependant unique et irremplaçable de notre perfection même qui est de pouvoir être affecté autrement dit d'être perfectible.

Et quand on y réfléchit, vivre en se disant qu'on pourra faire mieux la prochaine fois et que l'échec passé n'est plus tandis que l'avenir est lourd des promesses de l'inaccompli, c'est vivre de façon beaucoup plus oublieuse et inattentive à la dignité de chaque moment de l'existence que lorsqu'on se dit non seulement que chacun de ces moments est unique mais aussi qu'au regard de la nature, c'est-à-dire de la perception qu'on peut en avoir quand on raisonne (car nous ne sentons pas moins les choses en les comprenant qu'en les imaginant (E5P23S), il persévère infiniment dans son être. Plus fort que l'éternel retour de Nietzsche, pour savoir si on est capable de vivre intensément chaque moment de son existence : l'éternel présence de tous ces moments.
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Re: Le spinozisme est-il une philosophie de la Vie ?

Messagepar hokousai » 03 janv. 2016, 14:23

à Henrique

Il faut expliquer la singularité des choses. Le déroulement tel que ... ainsi et pas autrement.
Disons leur exceptionnalité.

Ce que dit Jankelevich ?
Jankelevich a écrit : Ce qui est arrivé est unique dans l'histoire et sans doute ne se reproduira jamais, car il n'en est pas d'autres exemples depuis que le monde est monde
il le dit certes à propos d'un événement.
Mais cela est généralisable à tous les événements.
Cela précisément se passe.
Que ce soit cela et pas autre chose, cela a- t -il un sens ?

Le spinozisme ne répond pas. :?:

Et je ne parle pas même de la flèche du temps.
Car quel que soit le sens de la flèche tel événement se produit et pas d'autres.
Je parle pas hors de l'éternité ou de l'éternalisme.
Car dans l'éternité même, il y a tel événements et pas un autre.

Sauf à dissoudre les événements.

Je ne parle ni du temsp ni de l'éternité ni même de la durée mais de la singularité.

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Re: Le spinozisme est-il une philosophie de la Vie ?

Messagepar Henrique » 03 janv. 2016, 15:47

A Hokousai,
La singularité qu'on constate dans la nature poserait problème dans une nature finie et même très limitée. Dans un système où "une variété infinie de modes (c'est-à-dire tout ce qui peut tomber sous un entendement infini) doivent suivre de la nécessité de la nature divine", il ne peut y avoir autre chose que de la singularité. Concrètement, comment voulez vous qu'un événement donné dans l'histoire comme n'importe quel mode de la nature puisse se reproduire à l'identique étant donné que les causes en jeu se seront nécessairement modifiées d'une époque à l'autre ?

Le principe "les mêmes causes produisent les mêmes effets" est juste et parfaitement logique mais il n'est guère applicable dans la vie courante car les causes en présence ne sont jamais les mêmes, d'où des effets différents. Ce principe est surtout utile en laboratoire où on s'efforce de réduire suffisamment la multiplicité naturelle des causes en présence dans un phénomène donné pour en comprendre ce qui nous semble l'essentiel. Par exemple la pluie est un "phénomène observable" pour le physicien, il l'explique en en reproduisant à volonté l'image commune en laboratoire. Mais qu'il pleuve en ce moment est un événement au sens rigoureux, c'est-à-dire quelque chose qui ne se produit qu'une seule fois de cette façon, selon le rapport de mouvement et de repos précis qui le caractérise. Aussi comme on n'est pas en laboratoire, les météorologues sont bien en peine de le prévoir exactement et précisément.

De même, ce n'est pas parce que le contexte économique des années 30 explique en partie l'accès au pouvoir du régime nazi qu'un contexte économique similaire 80 ans plus tard devrait ramener le pouvoir nazi. Il n'en demeure pas moins qu'on peut prévoir que dans un contexte économique ou politique difficile où la peur du lendemain devient très forte, cela n'incite pas les populations à la générosité et à une grande lucidité mais plutôt à l'aveuglement et au repli sur soi. De même aussi, on peut prévoir avec certitude que si une personne est effectivement excitée par l'espoir d'un bien qu'une autre lui paraît détenir, elle se rendra dépendante de la seconde. Mais même s'il y a des invariants, aucune dictature, aucune guerre, aucune dépendance ne saurait être identique à une autre.

Ce serait plutôt à l'indéterminisme d'expliquer comment il se fait qu'il n'existe absolument pas d'événement ou de chose absolument identique à une autre. Car si tout n'était pas absolument déterminé, on devrait pouvoir produire deux choses identiques puisque rien ne nous déterminerait absolument à produire de la différence ou de l'identité. Prenez deux voitures qui ont été fabriquées à la chaîne selon des normes très rigoureuses, malgré leur apparence d'identité, elle présenteront des différences de fonctionnement de plus en plus manifestes à mesure qu'elles continueront davantage d'exister (étant entendu qu'une continuité définie d'existence équivaut à une continuité infinie d'existence du point de vue de la raison, c'est-à-dire à l'éternité comme je l'ai indiqué plus haut ; c'est la continuité indéfinie de l'existence que Spinoza appelle durée et qui relève de l'imagination).
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Re: Le spinozisme est-il une philosophie de la Vie ?

Messagepar hokousai » 03 janv. 2016, 16:36

henrique a écrit :il ne peut y avoir autre chose que de la singularité.


Ce qui m'explique quantitativement qu'il ne peut pas ne pas y avoir des singuliers, mais qui ne m'explique pas pourquoi celui ci ou celui là (ce qui serait du qualitatif si l'on veut).
Je veux dire que il est "précisément" tel plutôt qu'un autre.

Je ne me penche pas sur la question que nécessairement un événement prend la place d' un autre et n'est identique à aucun autre .
Mon problème n'est pas que chacun soit non identique mais qu'il soit ce qu' il est. Ce qu'il est ne peut seulement se définir par une nécessité ontologique à exister(sans préciser plus).

Ce n'est pas qu'il y ait une suite d'événement historiques non identiques le problème, c'est que chaque événement ait une couleur propre à lui même.
C' est que dans la suite, je sache les identifier, les nommer un par un dans leur spécificité.
........................
Il y a bien sûr ce que l'on peut prévoir par habitude par calcul voir par prémonition.

En bonne logique des cause à effet il nous faudrait un savoir de l 'infinité des causes pour tout pré-voir.
Ce qui nous renvoie à un nuage d' inconnaissance sur ce qui pourrait justifier de la spécificité de tel et tel événement (non identique avec aucun autre évidemment).

Reste donc que l'infinité des causes a tel effet singulier.
On n'est guère avancé sur le sens attribuable à cette mécanique infinie.
.............................

Ce qui à mon avis ne relève pas de l'imagination est que le tableau de la nature ne soit pas tel ou tel. Il est précisément tel ou tel.
Cela est-il hasardeux ou bien quoi ?
Si ce n'est pas hasardeux il est clair que l'on doive opter pour un sens (une signification quelconque).

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Re: Le spinozisme est-il une philosophie de la Vie ?

Messagepar Vanleers » 03 janv. 2016, 16:58

Si la célébration de la Vie, c’est-à-dire l’amour envers Dieu est ce « en quoi consiste notre salut, autrement dit béatitude, autrement dit Liberté » (E V 36 sc.), alors les pratiques corporelles qui célèbrent la vie prennent tout leur sens lorsqu’on les replace dans le cadre spinoziste.
C’est le cas, par exemple, de la Biodanza dont Bruno Giuliani dit qu’elle est la plus merveilleuse pratique qui soit de l’Ethique.
Il est vrai que Spinoza privilégie la voie de l’esprit par rapport à la voie du corps mais la remarque d’Avinash est tout à fait pertinente :

« Si on ne vit que dans son intellect c'est sclérosant, il me semble. »

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Re: Le spinozisme est-il une philosophie de la Vie ?

Messagepar Henrique » 03 janv. 2016, 19:25

Hokousai,
La physique ou encore la dioptrique nous montrent que l'expérience de la couleur peut se ramener à une répartition de l'intensité de la lumière en rapport avec la longueur d'onde. La qualité perçue par l'imagination comme singularité reste bien une singularité quantitative que la raison peut comprendre. Certes, il arrive bien souvent qu'entre deux objets que nous ne connaissons que par imagination, nous ne voyions pas la différence mais l'entendement nous permet de comprendre la nécessité de cette singularité avec l'Ethique, que nous la percevions ou non.

Mais votre opposition de la quantité à la qualité, comme Aldo de la mécanique à la vie, c'est encore une façon d'opposer l'étendue et la puissance, comme si la vie était du côté de la qualité pensée par opposition à la quantité d'étendue. Si vous demandez à Spinoza d'expliquer non plus l'expérience commune de la singularité mais votre idée spiritualiste de la singularité vivante, ça ne risque pas marcher.

Après je passe sur ce dont je ne vois pas le rapport avec la question de savoir si le spinozisme peut être qualifié de philosophie de la vie et ce que cela peut signifier, même si une question donnée peut légitimement en amener une autre.

---------------
Vanleers a écrit :Il est vrai que Spinoza privilégie la voie de l’esprit par rapport à la voie du corps


Je ne pense pas, l'esprit et le corps sont une seule et même chose. Certes, il y a E5P23 qui me semble mal compris par beaucoup de commentateurs, ce qui demanderait toute une explication qui nous sortirait du sujet, mais il ne faut pas oublier E5P30 : "Notre âme, en tant qu'elle connaît son corps et soi-même sous le caractère de l'éternité, possède nécessairement la connaissance de Dieu, et sait qu'elle est en Dieu et est conçue par Dieu." et E5P39 : "Celui dont le corps est propre à un grand nombre d'aptitudes a une âme dont la plus grande partie est éternelle." Ainsi, augmenter la puissance de se mouvoir et d'être affecté de son corps, c'est faire en sorte d'augmenter l'importance de l'entendement et de la raison par rapport à l'imagination, et ainsi d'avoir davantage conscience de son éternité.
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