Louisa a écrit :Si le thomisme prétend démontrer des thèses à partir de quelques principes de sens commun et de faits d'expériences élémentaires, ce qu'il comprend, dans ce cas, par 'démontrer' ne peut qu'être très différent d'une démonstration scientifique, il me semble. Car en sciences, il faut d'abord inventer et créer un dispositif expérimental, puis modifier le phénomène naturel que vous voulez étudier de telle sorte que l'artefact ainsi produit puisse interagir avec le dispositif. Encore faut-il que cette interaction permette au chercheur de faire activement varier des variables bien précises et indépendantes l'une de l'autre, pour ensuite tenter de formuler une loi, une fonction contenant toutes ces variables, et qui correspond exactement aux données issues de cette variation (correspondance qui peut être vérifiée et confirmée par tous les collègues compétents).
On est loin, là, du sens commun ou de quelques faits d'expériences élémentaires. On est en plein dans l'artifice, utilisant un savoir tout sauf 'commun' (savoir mathématique, lois scientifiques déjà établies, ...).
Donc s'il est vrai que dans le passé, beaucoup de métaphysiciens se servaient de termes comme 'vérité', 'démonstration' etc, j'ai tout de même l'impression qu'il est très important de tenir compte de la différence énorme entre ce qui fait une démonstration pour un métaphysicien, et ce qui fait une démonstration pour un scientifique. Cela n'enlève rien à la valeur de la démonstration proprement métaphysique. Les problèmes ne commencent que quand on croît qu'il s'agit du même type de réalité, du même type de vérité.
C'est pourtant une démonstration au sens large du terme. On fait dériver nécessairement des conclusions de prémisses tenues pour valables, soit qu'on les croie vraies, soit qu'on croie qu'elles sont nécessaires ou utiles pour une raison ou une autre. La conclusion suit nécessairement des prémisses selon les règles de la logique formelle et le degré de certitude de la conclusion équivaut au degré de certitude des prémisses.
Il n'a pas à savoir si les atomes existent 'réellement', car cela est une question philosophique qui a à voir avec les différentes possibilités de concevoir la notion d'existence réelle. Pour un chercheur, il suffit de savoir ce qu'on peut FAIRE avec ce qu'on appelle des 'atomes', pour, dans ce sens précis, supposer qu'ils existent. Mais ce n'est pas cette supposition d'existence qui est importante, en science. C'est tout ce qu'on peut faire avec ce qu'on appelle des atomes qui compte, si vous comprenez ce que je veux dire?
Justement, voilà: la démonstration scientifique cherche aussi à faire dériver des conclusions de prémisses tenues comme valables, valables en raison de leur utilité. La métaphysique classique dirait plutôt que les prémisses sont valables en raison de leur certitude.
Vous avez donc raison: science et métaphysique diffèrent sur la démonstration. Et pourtant on reconnaît en métaphysique une authentique démonstration.
J'avoue que personnellement, quand un scientifique lance un énoncé très proche des grandes thèses métaphysiques (comme la création à partir du néant), je me méfie toujours déjà un peu de la 'scientificité' de tels énoncés. Et cela seulement parce que la chance qu'un scientifique REUSSIT à traduire ces thèses métaphysiques en des propositions scientifiques vérifiables et reproductibles me semble être assez minime.
Oui mais c'est très frustrant de lire de la vulgarisation qui contient des thèses métaphysiques grandioses avec les mêmes concepts que ceux qui sont utilisés classiquement en philosophie, alors qu'on ne sait pas exactement comment on en est arrivés à de telles conclusions.
Il ne peut en donner un commentaire métaphysique, et rien d'autre. Il n'a pas les compétences requises pour donner un avis proprement 'scientifique' sur ce que disent les scientifiques. Mais si un scientifique commence à défendre des idées comme la création à partir de rien, le métaphysicien a ... 2500 ans de bagage derrière lui, qui peuvent le permettre d'au moins demander quelques précisions au scientifique. Car le concept de la 'création à partir de rien' a été développé de façons assez différentes, en fonction du philosophe qui voulait le penser. De quel type de création ex nihilo Hawkings parle-t-il? Souvent, j'ai l'impression que quand on essaie de poser ce genre de question, on ne peut que constater qu'en fait, la façon dont ce scientifique brandit ce concept philosophique tout de même très compliqué est tellement imprécis que jamais cela ne peut correspondre à de la 'bonne science'.
Encore une fois je dis ma frustration face aux vulgarisations qui mélangent philosophie et science. Vous vous rendez compte? Il me faudrait à peu près 10 ans d'études continues pour acquérir une formation solide en physique quantique. Et ce n'est même pas sûr que je suis assez intelligent pour ça. Mais comment autrement COMPRENDRE les erreurs des vulgarisations? Tout ce qu'on peut faire c'est lire d'autres vulgarisations rassurantes qui nous mettent en garde contre des mauvaises vulgarisations, mais là il faut toujours avoir FOI en ces vulgarisations.
Même si Bardamu venait me dire que la physique ne parle pas réellement d'ontologie, ce serait seulement un avis parmi d'autres qui sont proposés à ma foi.
Or ... il se fait que précisément Spinoza a créé un concept de détermination qui ne s'oppose pas du tout à la liberté. Si quelque scientifique avait identifié Spinoza au déterminisme, il avait compris par 'déterminisme' tout simplement ce que le sens commun occidental au XXe siècle comprend par déterminisme: absence de liberté. Qu'il comprend le déterminisme dans ce sens précis devient assez vite clair, si on lit de tels énoncés. Dès que c'est le cas, on peut en déduire sans problème, je crois, qu'ici le scientifique a quitté le domaine de ce qui est scientifiquement démontré, pour y projeter quelques notions communes appartenant au sens commun de son époque et culture (qu'il partage), notions qui du coup ont l'air de recevoir un statut scientifique ET philosophique, mais sans que cela soit fondé dans la réalité (scientifique et philosophique).
Eh bien moi je ne suis pas compatibiliste. Je pense que le déterminisme est réellement l'absence de liberté. La liberté c'est le pouvoir de participer consciemment à la détermination de la nature de notre avenir.
Cordialement