Soit le 2ème axiome de l'Ethique : "ce qui ne peut se concevoir par autre chose doit se concevoir par soi". Ce faisant il énonce le principe selon lequel toute chose doit avoir une cause positive, externe ou interne. En lui-même un tel principe ne peut être démontré et en fait, j'oserai le dire : pour une personne de bonne foi, il n'a pas besoin de l'être, du moins après un peu de réflexion pour bien comprendre ce que ce principe signifie.
Il me semble qu'on risque ici de dériver vers ce que j'appelle des réductions psychologiques.
Quand on discute des fondements d'un système avec quelqu'un, fondements que l'on trouve évidents mais que l'autre conteste, on risque de s'attaquer à la psychologie de l'autre. On peut le trouver de mauvaise foi. On peut dire qu'il a l'esprit gâté. On peut dire qu'il n'a pas toute sa raison. On peut dire que son esprit est obscurci par les préjugés ou les passions. Autant de mécanismes de défense qu'on brandit pour nous rassurer sur la solidité de nos évidences.
Puisque l'article que j'ai lu portait justement sur la falsifiabilité, les réductions psychologiques me paraissent être des énoncés irréfutables. Ce sont des solutions ad hoc que l'on apporte quand les fondements de notre système grandiose de métaphysique sont menacés par le scepticisme étranger. L'autre n'est pas de notre avis? Mais sa raison doit être défectueuse! Il doit y avoir des facteurs psychologiques qui entravent sa réflexion!
Je me méfie donc des formules du genre: «toute personne de bonne foi croit en ceci ou cela». Il faudrait que celui qui dit cela propose un critère indépendant pour discerner qui est de bonne foi. Mais la chose me paraît impossible non seulement de facto, mais aussi de jure. En effet, ce critère devrait apparaître comme évident, mais il faudrait spécifier: «évident aux gens de bonne foi». Donc on serait pris dans une régression à l'infini.
La métaphysique est à la recherche de l'impossible accord de tous les gens raisonnables sur quelques principes. La science réalise cet accord, mais la science n'est que l'extension d'une certaine perspective métaphysique, et ses fondements ne sont pas immunisés contre le scepticisme.
Finalement je pense que celui qui rejette par principe le petit jeu douteux des réductions psychologiques ne peut être que sceptique.