Bonjour,
Je vous soumets un article à réflexion, en rapport avec l'actualité:
L'enterrement de l'idée de nature par les institutions internationales
A l’heure de la globalisation du commerce, la technoscience souhaite définitivement enterrer l’idée de nature en institutionnalisant l’artificialité des techniques agricoles et en plaçant au même niveau les organismes naturels et les dérivés de processus artificiels.
1-Biotechnologies et transgenèse
Les nouvelles technologies associées au vivant, dites biotechnologies, sont sources d’espoir et d’inquiétudes pour de nombreux citoyens européens et de la société civile mondiale. Ces technologies développées par les grandes firmes agrochimiques reposent sur la technique de la transgenèse (1), en permettant d’incorporer des gènes de spécificité ou d’inhibition à des cellules animales ou végétales tout en s’affranchissant des barrières des espèces.
Cette technique est utilisée pour modifier génétiquement des végétaux, des animaux, mais aussi pour produire des molécules spécifiques dans le cadre des thérapies géniques, ce qui se fait depuis de nombreuses années dans les laboratoires. Les carburants dits "verts" ou "biocarburants" sont majoritairement issus eux aussi de plants génétiquement modifiés, mais ne sont pas spécifiques de l’utilisation de la technique de la transgenèse, les carburants à base végétale existant depuis de nombreuses années.
2-Processus naturels et processus artificiels
La commercialisation des OGM repose sur l’idée simple, reprise par les institutions internationales (UPOV, Conseil européen), que les variétés végétales (2) ne sont ni naturelles, ni artificielles, mais qu’elles peuvent être les deux à la fois, comme le quanton peut à la fois être particule et onde. Un amalgame savant est entretenu par les spécialistes en communication technique afin de convaincre que les OGM sont dans la lignée des améliorations génétiques des cultures agricoles traditionnelles. Les techniques d’hybridation, qui ont permis le développement et l’amélioration génétique sur le long terme des plantations, reposent sur des processus naturels, encouragés et favorisés par l’homme, en utilisant ses connaissances des mécanismes de reproduction des espèces. L’utilisation de la transgénèse, quant à elle, est un processus artificiel, dont les conséquences n’ont jamais été étudiées sur un long terme, à tous les niveaux. Nul ne sait quel sera l’impact de la dissémination d’organismes artificiellement modifés dans l’environnement, impact écologique, humain et sanitaire.
3- Un développement technique non mesuré face à d’importantes lacunes théoriques
En l’état actuel des connaissances, les théories biologiques à la base de la technique de la transgénèse sont jugées scientifiquement faibles, et les concepts de spécificité et de programme génétique sont considérés comme posant problème au rationalisme scientifique. Les nouvelles approches endodarwiniennes (3) du vivant montrent que l’expression génétique dans les relations intercellulaires est soumise à la prépondérance de dynamiques probabilistes ou stochastiques, et laisse place à des phénomènes totalement imprévisibles au sein du génome des organismes. De ce fait, les organismes génétiquement modifiés ne sont pas stables fondamentalement, instabilité favorisée par le caractère même de la transgenèse (4) , dont les effets perturbants sur l’autonomie biologique (5) de la cellule réceptrice n’ont jamais été étudiés, tout comme les phénomènes épigénétiques générés par de telles techniques sur les plantes.
4-Les défaillances et les risques de la dissémination industrielle d’OGM
L’exemple des pays utilisant les organismes dérivés de cette technique en agriculture montre que la coexistence invoquée par les institutions européennes est trompeuse, car celle-ci ne permet pas de protéger les cultures conventionnelles et biologiques des disséminations entre cultures (transferts verticaux de gènes). D’ailleurs, aucune compagnie d’assurances au monde ne couvre ce genre de risque, la contamination des cultures étant un fait indubitable et non maîtrisable à grande échelle. Un fonds d’indemnisation pour les exploitants agricoles lésés par cette pollution serait tout simplement insuffisant pour couvrir tous les litiges et dédommager les agriculteurs d’un point de vue financier, sans compter la pression psychologique et la blessure morale des agriculteurs dont le travail est menacé à chaque récolte d’une éventuelle dévaluation.
Le but avoué des multinationales développant ces technologies est l’appropriation de tous les marchés existants et le développement d’une agriculture transgénique globale. Les mesures invoquées par des hommes politiques afin de calmer l’opinion publique consistent à proposer de protéger le patrimoine : certains territoires comme les zones Natura2000, les territoires où sont cultivés les produits AOC et IPG, et de reléguer l’agriculture biologique ou organique à de petites zones agricoles confinées.
Les industriels émettent l’argument que l’utilisation d’organismes dérivés de la transgenèse améliorera les conditions environnementales grâce à la spécificité donnée à certains végétaux, et permettra de résoudre les problèmes alimentaires dans le monde. Là encore, de telles affirmations sont totalement gratuites, contrairement aux coûts imposés par l’utilisation de telles technologies. Il est illusoire de croire que ces technologies vont régler les problèmes qui concernent avant tout la gestion globale des ressources planétaires, et l’autonomie alimentaire des peuples en particulier.
Face à l’instabilité, en quelques générations, des organismes génétiquement modifiés, pour contrer les petits paysans qui sont nombreux à récupérer leurs semences de façon illégale afin de reconduire leurs activités d’une saison sur l’autre, et par crainte de dérives avec les organismes dégénérés, les industriels ont décidé de créer des semences stériles (technologies de type GURT) permettant de rendre ces pratiques de survie impossibles. Le caractère instable de ces plantes est alors éludé et passe inaperçu, les paysans ne peuvent plus "frauder" et deviennent entièrement contrôlables, et enfin, les industriels des biotechnologies se positionnent en défenseurs de l’environnement en évitant des contaminations grâce à la stérilité de ces semences.
Or, des transferts horizontaux de gènes ont été observés à de nombreuses reprises dans les milieux confinés des laboratoires, ce qui indique que ce type de transfert est loin d’être négligeable dans des conditions de cultures en plein champ, et en tenant compte de l’immense diversité des micro-organismes dont la plupart nous sont inconnus comme le sont leurs relations dans un écosystème. L’introduction d’organismes stériles dans l’environnement est donc contraire à la promotion de la biodiversité, qui est un besoin fondamental pour l’être humain souhaitant vivre dans un environnement permettant à chaque peuple de se développer au sein de la pluralité humaine. Il apparaît donc urgent de créer un centre de ressources mondial pour la recherche en écologie globale, et d’annuler tous les brevets liés à des organismes rendus stériles. L’agriculture mondiale ne peut s’engager dans une voie d’autonomie alimentaire pour les peuples qu’en redonnant aux petits paysans le droit de resemer le fruit de leur travail, et donc de cultiver des plants de lignées saines.
D’autre part, la transparence sur ces technologies n’est pas garantie, notamment à cause des secrets industriels ; et les citoyens souhaitant soutenir l’agriculture de leur choix ne pourront le faire en ce qui concerne les productions animales, seule l’agriculture biologique ou organique certifiant la non-présence de fourrages ou d’aliments transgéniques dans les élevages.
5- Objections philosophiques et éthiques
L’imposition des biotechnologies agricoles aux populations, par la propriétarisation accentuée des semences (brevets), et par l’accréditation dans les plus hautes sphères institutionnelles d’une agriculture contre nature, ne va pas sans poser problème en regard des considérations culturelles des différents peuples de la planète. Au-delà de l’aspect anti-démocratique de la dissémination de ces organismes, l’artificialisation de la vie et l’imposition par des biais économiques d’une agriculture de plus en plus uniformisée à l’échelle planétaire est une atteinte à la diversité culturelle des peuples, à leur représentation même du vivant, et s’apparente de plus en plus à un véritable génocide culturel orchestré par de puissants groupes financiers transétatiques.
(1) OGM infos
(2) Règlement (CE) n° 2100/94
(3) Thèse de doctorat INRA Paris-Grignon de Mr Heams
Approche endodarwinienne de la variabilité intercellulaire de l’expression génétique
(4) Instabilité des transgènes Ch 2 Plaidoyer ISP (Independant Science Panel)
(5) Autonomie biologique (chap. 2) in Thèse "Théorie de la connaissance et autonomie biologique"par Jean-Claude Tabary
en miroir sur Agora Vox
L'enterrement de l'idée de nature par les institutions
Règles du forum
Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.
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Re: L'enterrement de l'idée de nature par les institutions
aurelien a écrit :(...)
L’imposition des biotechnologies agricoles aux populations, par la propriétarisation accentuée des semences (brevets), et par l’accréditation dans les plus hautes sphères institutionnelles d’une agriculture contre nature, ne va pas sans poser problème en regard des considérations culturelles des différents peuples de la planète. Au-delà de l’aspect anti-démocratique de la dissémination de ces organismes, l’artificialisation de la vie et l’imposition par des biais économiques d’une agriculture de plus en plus uniformisée à l’échelle planétaire est une atteinte à la diversité culturelle des peuples, à leur représentation même du vivant, et s’apparente de plus en plus à un véritable génocide culturel orchestré par de puissants groupes financiers transétatiques.
Salut,
une agriculture contre-nature, pour moi, ça n'existe pas plus qu'un homme contre-nature et les inquiétudes exagérées au prétexte qu'on ne sait pas tout, ne me touchent guère.
Du coup, le seul problème que je vois aux productions d'OGM, c'est l'usage économique qui en est fait par les semenciers pour contrôler les marchés.
Et il faut dire que je n'aime pas trop les discours diabolisant à coup de "génocide culturel", "artificialisation de la vie", "puissants groupes financiers transétatiques", "agriculture contre nature"...
Bonjour Bardamu,
Y a-t-il un lien entre la poppérisation croissante du monde et la paupérisation croissante du monde ?
...
Qu'entendez-vous par nature ?
Une manipulation génétique telle que la transgénèse est pour moi quelque chose de contre-nature, c'est-à-dire qui ne va pas dans le sens naturel des choses, c'est une manipulation artificielle, au coeur du vivant. Je ne diabolise pas cette technique, mais sa généralisation à l'ensemble de l'espace vital par des biais financiers me semble incorrecte. De nombreuses autres alternatives existent, écologiques par surcroît, et non polluantes. Faire un avec la nature, ce n'est pas la modifier selon ses propres concepts, qui ne peuvent être que limités. Les végétaux existaient bien avant l'homme, la vie n'est pas née avec l'apparition de la conscience humaine.
Y a-t-il un lien entre la poppérisation croissante du monde et la paupérisation croissante du monde ?
...
Qu'entendez-vous par nature ?
Une manipulation génétique telle que la transgénèse est pour moi quelque chose de contre-nature, c'est-à-dire qui ne va pas dans le sens naturel des choses, c'est une manipulation artificielle, au coeur du vivant. Je ne diabolise pas cette technique, mais sa généralisation à l'ensemble de l'espace vital par des biais financiers me semble incorrecte. De nombreuses autres alternatives existent, écologiques par surcroît, et non polluantes. Faire un avec la nature, ce n'est pas la modifier selon ses propres concepts, qui ne peuvent être que limités. Les végétaux existaient bien avant l'homme, la vie n'est pas née avec l'apparition de la conscience humaine.
aurelien a écrit :Bonjour Bardamu,
Y a-t-il un lien entre la poppérisation croissante du monde et la paupérisation croissante du monde ?
...
Qu'entendez-vous par nature ?
Une manipulation génétique telle que la transgénèse est pour moi quelque chose de contre-nature, c'est-à-dire qui ne va pas dans le sens naturel des choses, c'est une manipulation artificielle, au coeur du vivant. Je ne diabolise pas cette technique, mais sa généralisation à l'ensemble de l'espace vital par des biais financiers me semble incorrecte. De nombreuses autres alternatives existent, écologiques par surcroît, et non polluantes. Faire un avec la nature, ce n'est pas la modifier selon ses propres concepts, qui ne peuvent être que limités. Les végétaux existaient bien avant l'homme, la vie n'est pas née avec l'apparition de la conscience humaine.
Salut,
je ne sais pas dans quelle mesure tu (je préfères le tutoiement...) connais Spinoza, mais tu sembles plutôt axé sur une sorte d'image rousseauiste de la nature qui n'est pas celle de Spinoza.
L'idée que l'homme soit "un empire dans un empire", que ce qu'il fasse soit non-naturel est étranger à la pensée de Spinoza. Parler de "sens naturel" pour ce qui échappe à nos interventions technologiques, c'est pour moi inadéquat.
Qu'on fasse une gestion raisonnable des richesses, qu'on cultive une certaine diversité de l'écosystème, qu'en fait, on mène une politique adéquate par rapport à la gestion de notre environnement et des relations humaines, c'est bien compréhensible, qu'on passe à une sorte de sacralisation de la "nature", qu'on croit que "faire un avec la nature" signifie une sorte de bienveillance envers toute chose me semble inadéquat.
Il n'y a pas, de manière essentielle, de différence entre faire de l'élevage de pommiers et de brebis, ou faire des expériences avec des plantes transgéniques, il n'y a pas plus de brutalité à détruire une plante en la mangeant qu'à modifier son patrimoine génétique, et si il faut de la prudence dans l'usage de notre pouvoir, je ne vois pas de crispation particulière à avoir au sujet des plantes transgéniques, surtout au nom d'un "sens naturel" à respecter.
Et pour préciser ce qui me dérange dans ces discours, c'est l'usage étrange, pour ne pas dire sophistique, d'arguments se voulant scientifiques, l'axe catastrophiste jouant sur les basses passions (peur) et le mélange entre le sujet politico-pragmatique et une "éthique", c'est-à-dire en fait une certaine morale correspondant à une certaine vision du monde.
Les dinosaures ont disparus, sans doute violemment tués par la nature, et c'est tant mieux pour nous, le virus de la variole semble avoir été éradiqué par l'homme et je ne sais pas qui s'en plaindrait.
Donc, pour moi tout ceci n'est pas une question de principe mais une question de pragmatique, faut voir au cas par cas.
C’est une question intéressante. Mais elle me paraît plus politique que purement philosophique. Que d’un point de vue spinoziste rien ne puisse être «contre nature », cela me paraît évident : il n’y a rien qui soit hors de la nature. L’homme ne transcende pas la nature. Les productions de l’homme non plus, quelque artificielles qu’elles puissent être. Si, par une quelconque technologie diabolique, l’homme disparaissait, cela serait totalement indifférent à la nature.
La question n’est donc pas là mais concerne l’usage et les avantages des technologies pour les hommes. Et cela est une question politique car force est de constater que les technologies sont produites, possédées et utilisées par certains seulement, dans un régime politique précis, et par conséquent en faveur d’intérêts privés contre d’autres hommes (OGM, déchets (Abidjan), etc… sans compter la technologie militaire. Les décisions technologiques sont très souvent militaires et ce sont les militaires qui profitent en premier des nouvelles technologies. Internet lui-même). La décision de l’usage des technologies n’est pas démocratique. Ni même leur production qui dépend fatalement de la rentabilité plutôt que de leurs effets. La recherche elle-même est dépendante des investissements et des traditions de laboratoire. Et cela est aussi une perspective spinozienne car pour Spinoza aucune production humaine ne peut être considérée comme en dehors de la communauté humaine. Affirmer le contraire est aussi absurde que de considérer l’homme en dehors de la nature. La question est donc selon moi politique avant d'être "pragmatique" (pragmatique pour qui ?)
Bon : maintenant si l’on continue il est clair qu’on va se disputer pour des questions politiques. Henrique comme on sait est socialisant tandis que Bardamu est un néolibéral. Quant à moi je suis plus à gauche encore qu’Henrique. Et je ne suis pas sûr que s’engueuler en matière politique puisse nous apporter quelque chose. Sans doute faudrait-il auparavant discuter des positions politiques de Spinoza. Au moins on aurait une base objective avec les textes.
Je voudrais enfin demander à Bardamu si, d’après lui, son avis sur ce genre de question ne relève pas de l’habitude, au sens spinozien, c’est à dire d’une sorte de déformation professionnelle de son mental. Je veux parler d'une sorte d'idéologie scientiste et technocratisante qui semble considérer les sciences comme indépendantes des relations interhumaines.
Bien à vous.
Miam
La question n’est donc pas là mais concerne l’usage et les avantages des technologies pour les hommes. Et cela est une question politique car force est de constater que les technologies sont produites, possédées et utilisées par certains seulement, dans un régime politique précis, et par conséquent en faveur d’intérêts privés contre d’autres hommes (OGM, déchets (Abidjan), etc… sans compter la technologie militaire. Les décisions technologiques sont très souvent militaires et ce sont les militaires qui profitent en premier des nouvelles technologies. Internet lui-même). La décision de l’usage des technologies n’est pas démocratique. Ni même leur production qui dépend fatalement de la rentabilité plutôt que de leurs effets. La recherche elle-même est dépendante des investissements et des traditions de laboratoire. Et cela est aussi une perspective spinozienne car pour Spinoza aucune production humaine ne peut être considérée comme en dehors de la communauté humaine. Affirmer le contraire est aussi absurde que de considérer l’homme en dehors de la nature. La question est donc selon moi politique avant d'être "pragmatique" (pragmatique pour qui ?)
Bon : maintenant si l’on continue il est clair qu’on va se disputer pour des questions politiques. Henrique comme on sait est socialisant tandis que Bardamu est un néolibéral. Quant à moi je suis plus à gauche encore qu’Henrique. Et je ne suis pas sûr que s’engueuler en matière politique puisse nous apporter quelque chose. Sans doute faudrait-il auparavant discuter des positions politiques de Spinoza. Au moins on aurait une base objective avec les textes.
Je voudrais enfin demander à Bardamu si, d’après lui, son avis sur ce genre de question ne relève pas de l’habitude, au sens spinozien, c’est à dire d’une sorte de déformation professionnelle de son mental. Je veux parler d'une sorte d'idéologie scientiste et technocratisante qui semble considérer les sciences comme indépendantes des relations interhumaines.
Bien à vous.
Miam
Bonsoir,
Et merci pour vos réponses. Je ne souhaite pas débattre de politique, et je ne pense pas que la politique soit une mise en avant intéressante de la pensée réflexive.
Est-il possible d'investiguer, et non de réagir, sur des sujets aussi complexes et concrets, sans avoir recours à nos propres croyances, nos propres préjugés, nos propres attirances, politiques ou autres ?
L'homme n'est pas "un empire dans un empire"... Est-il possible de comprendre cette expression sans l'interpréter, sans projeter son propre arrière-plan sur les propos de ce penseur ?
S'il n'y a rien qui soit hors de la nature, croire que sa propre pensée raisonnante soit au même niveau que ce flux unifiant me semble être bien illusoire et présomptueux.
De même, tirer des conclusions idéologiques et fragmentaires des principes expérimentés et traduits par Spinoza est réduire la portée de cette pensée.
Je pense qu'il est faux d'invoquer Spinoza pour justifier ses propres croyances en regard d'un tel questionnement, et c'est là toute la question de l'autorité (qui a été le sujet d'un topic dans ce même forum).
Maintenant, ma question initiale était:
Qu'entendez-vous par nature ?
Pourriez-vous y répondre afin d'avancer dans la discussion ?
Merci.
Et merci pour vos réponses. Je ne souhaite pas débattre de politique, et je ne pense pas que la politique soit une mise en avant intéressante de la pensée réflexive.
Est-il possible d'investiguer, et non de réagir, sur des sujets aussi complexes et concrets, sans avoir recours à nos propres croyances, nos propres préjugés, nos propres attirances, politiques ou autres ?
L'homme n'est pas "un empire dans un empire"... Est-il possible de comprendre cette expression sans l'interpréter, sans projeter son propre arrière-plan sur les propos de ce penseur ?
S'il n'y a rien qui soit hors de la nature, croire que sa propre pensée raisonnante soit au même niveau que ce flux unifiant me semble être bien illusoire et présomptueux.
De même, tirer des conclusions idéologiques et fragmentaires des principes expérimentés et traduits par Spinoza est réduire la portée de cette pensée.
Je pense qu'il est faux d'invoquer Spinoza pour justifier ses propres croyances en regard d'un tel questionnement, et c'est là toute la question de l'autorité (qui a été le sujet d'un topic dans ce même forum).
Maintenant, ma question initiale était:
Qu'entendez-vous par nature ?
Pourriez-vous y répondre afin d'avancer dans la discussion ?
Merci.
Miam a écrit :(...) Bardamu est un néolibéral.
Va falloir un jour que j'établisse ma politique, pour autant que je puisse, parce que "néolibéral", je ne sais pas trop ce que tu entends par là, mais si c'est du genre "le Marché est bien comme il est, laissons le faire", c'est pas vraiment mon truc.
En quelques mots, mes priorités ça serait : lucidité d'abord et donc pas de suivisme même pour Sauver l'Humanité, puis action individuelle, y compris le fait de se pendre si on pense que ça sera mieux pour soi, et à part ça, mes goûts vont au cosmopolitisme (du coup, avec l'étatisme, j'ai du mal) et à l'ascèse (la propriété c'est un poids à défaut de vol).
On dit souvent Spinoza démocrate, mais il semble l'être par dépit de voir une humanité de sages ou l'idée même de "gouvernement" n'aurait pas tellement de sens. Anarchie ?
Mais bon :
il est digne d'un homme sage de supporter avec calme les injustices de ses semblables et de montrer du zèle pour leur service, parce que tout cela sert à établir entre eux la concorde et l'amitié.
Miam a écrit :Je voudrais enfin demander à Bardamu si, d’après lui, son avis sur ce genre de question ne relève pas de l’habitude, au sens spinozien, c’est à dire d’une sorte de déformation professionnelle de son mental. Je veux parler d'une sorte d'idéologie scientiste et technocratisante qui semble considérer les sciences comme indépendantes des relations interhumaines.
Non, du tout.
Il y a seulement qu'entre la propagande des industriels chez qui tout est magnifique, et la propagande de divers courants qui abandonnent parfois la réalité des faits au nom de leur défense d'intérêts supérieurs (?), il y a des réalités à trouver.
Quand je lis le paragraphe 3, je vois qu'on dit dans le même temps que les connaissances théoriques sur la transgénèse sont faibles mais que pourtant les OGM ne seraient pas stables fondamentalement. Comment sait-on ce qu'il en est fondamentalement si on n'a pas la connaissance adéquate ? Les techniques évoluent, la stabilité est variable selon les variétés d'OGM et rien n'interdit a priori d'obtenir des transgènes stables vus qu'on en trouve dans des génomes naturels, dans des "OGM" naturels où se sont "implantés" des séquences virales ou autre.
D'autre part, l'instabilité des transgènes nuît à l'autonomie des cultivateurs qui sont obligés de se ré-approvisionner chez le semencier même si la lignée n'est pas stérile, mais d'un autre côté, elle limite les effets des disséminations, les gènes instables ne se conservant pas plus par dissémination transversale que dans les lignées souches.
Donc, pour moi, il y a une orientation de l'information dans un but politique, qui aussi louable soit-il ne correspond pas à ma conception de la lucidité. On est pour moi face à un problème de gestion de risque, pas à une catastrophe à prophétiser.
aurelien a écrit :Qu'entendez-vous par nature ?
Pour Aurélien :
la Nature, chez Spinoza, n'est pas loin de la notion de Réel et donc ça ne s'oppose pas à l'homme, tout est la nature même une bombe à Hiroshima.
Pour la "nature", comme on l'emploie généralement dans les pensées écologistes, je préfère le terme de "environnement".
Milieu de vie, écosystème, environnement etc., ça fait assez bien comprendre que c'est un cadre dans lequel l'homme a à se placer, et qu'il ne faut pas trop jouer avec si on ne veut pas vivre dans un dépotoir ou une vaste étendue de béton (quoiqu'il y ait des citadins ne supportant pas la campagne...).
Pour les relations à la "nature", Spinoza ne me semble pas franchement dans l'ambiance "peace and love".
Appendice Ethique partie IV, chapitre XXVI :
Excepté l'homme, nous ne connaissons dans la nature aucun être particulier dont l'âme nous puisse rendre heureux, et avec l'amitié nous puisse unir, ou tout autre lien de même espèce. Par conséquent la loi de notre intérêt ne nous ordonne point de conserver quelque être que ce soit, excepté l'homme ; elle nous dit au contraire de conserver ou de détruire les autres êtres à notre gré, selon l'usage que nous en voulons faire, et en général, de les approprier de toutes façons à notre service.
Je ne suis sans doute pas aussi humaniste que Spinoza et donc j'aurais tendance à considérer que le caractère humain/non-humain ne s'établit pas de manière simple. Mais je comprends qu'à un niveau assez général, l'humain se privilégie et instrumentalise ce qu'on appelle communément le non-humain (animaux, plantes etc.), qu'il "l'améliore" pour son usage, veuille faire de la Terre un calme jardin parce qu'il n'aime pas les tempêtes ou les volcans, par exemple.
Bonsoir Bardamu,
Il n'existe aucune étude sérieuse sur la variabilité de la spécificité de gm obtenus par transgénèse. Dans un même champs gm, par exemple, pour un maïs bt, les concentrations en bt peuvent être très différentes entre chaque pousse. C'est une certitude, liée au caractère même de la technique employée. Une moyenne statistique manipulée peut très bien faire croire que tous les gm sont semblables: ce n'est pas vrai, et au sein même d'une seule variété modifiée.
Concernant votre citation de Spinoza, elle semble refléter l'attitude biblique de domination de la nature par l'homme telle que présentée dans la Génèse et telle qu'elle est approfondie par Descartes quand il parle de "rendre l'homme comme maître et possesseur de la nature".
Il n'existe aucune étude sérieuse sur la variabilité de la spécificité de gm obtenus par transgénèse. Dans un même champs gm, par exemple, pour un maïs bt, les concentrations en bt peuvent être très différentes entre chaque pousse. C'est une certitude, liée au caractère même de la technique employée. Une moyenne statistique manipulée peut très bien faire croire que tous les gm sont semblables: ce n'est pas vrai, et au sein même d'une seule variété modifiée.
Concernant votre citation de Spinoza, elle semble refléter l'attitude biblique de domination de la nature par l'homme telle que présentée dans la Génèse et telle qu'elle est approfondie par Descartes quand il parle de "rendre l'homme comme maître et possesseur de la nature".
Salut Bardamu
"Il y a seulement qu'entre la propagande des industriels chez qui tout est magnifique, et la propagande de divers courants qui abandonnent parfois la réalité des faits au nom de leur défense d'intérêts supérieurs (?), il y a des réalités à trouver."
Dans ce cas nous sommes d'accord. D'ailleurs dans mon précédent message, sur le fond j'étais d'accord avec toi puisque, comme toi, je ne conçois pas un homme transcendant la nature. Mais dans ce cas il n'est pas question que l'expérimentation de la stabilité des OGM se fasse au détriment d'autres. On appelle cela le principe de précaution je crois. C'est une première chose. Une deuxième est le constat de l'effet désastreux de l'usage des OGM en Amérique du sud. Et je ne parle même pas là des effets sur les plantations voisines, mais sur les planteurs d'OGM eux-mêmes dans la mesure ou ça ne marche pas, ou du moins pas partout. Il leur faut toujours user de pesticides alors qu'en principe ils auraient pu s'en passer. Ils achètent donc plus cher des OGM en espérant pouvoir éviter d'acheter des pesticides. Mais cela ne marche pas (du moins là). Résultat ils doivent acheter les deux et s'appauvrissent encore plus qu'auparavant. Encore une fois il s'agit là d'une expérimentation (par procuration) au détriment d'autres.
Je répète que c'est une question politique. La preuve en est que les plantations d'OGM sont interdites en Belgique et non en France.
Enfin, je ne vois pas pourquoi tu réagis autant au terme "néo-libéral". C'est pourtant cela que tu défendais lors de la discussion sur la constitution européenne. Si tu as peur du mot, trouves-en un autre. La signification demeurera la même.
A Aurélien
"croire que sa propre pensée raisonnante soit au même niveau que ce flux unifiant me semble être bien illusoire et présomptueux"
Peux-tu développer cela ? Est-ce là (je le subodore par le vocabulaire) une position de phénoménologue ?
"De même, tirer des conclusions idéologiques et fragmentaires des principes expérimentés et traduits par Spinoza est réduire la portée de cette pensée"
Peux-tu m'expliquer ce que cela signifie ? Cela signifie-t-il que selon toi la philosophie de Spinoza n'a pas de portée politique ? Ou qu'une "véritable philosophie" (qui se voudrait scientifique par exemple) serait si objective qu'elle dépasserait tout problème politique ? Puisque tu écris "je ne pense pas que la politique soit une mise en avant intéressante de la pensée réflexive" (ce qui fait encore très "phénoménologue"). Mais Spinoza n'a-t-il pas écrit un Traité politique ? Cela ne veut-il pas dire précisément que toute philosophie est immédiatement politique (y compris la phénoménologie) ? "Objectivité" est un terme qui me fait rire.
"Concernant votre citation de Spinoza, elle semble refléter l'attitude biblique de domination de la nature par l'homme telle que présentée dans la Génèse et telle qu'elle est approfondie par Descartes quand il parle de "rendre l'homme comme maître et possesseur de la nature"."
Non. Pas du tout. C'est mal connaître Spinoza. C'est là seulement distinguer les "notions communes à tous les hommes" des notions communes que les hommes ont derechef avec les autres espèces. Cela ne veut pas dire qu'on peut faire n'importe quoi des autres espèces mais seulement un usage adéquat pour l'homme. Or le problème actuel, ce n'est pas la distinction entre la communauté humaine et la communauté naturelle, mais le fait qu'un usage non adéquat de la communauté naturelle peut se retourner contre l'homme. Autrement dit "l'homme est la mesure de toute chose" ne veut pas dire que l'homme transcende la nature, sans quoi il faudrait attribuer une conception chrétienne de la transcendance à Protagoras.
Miam
"Il y a seulement qu'entre la propagande des industriels chez qui tout est magnifique, et la propagande de divers courants qui abandonnent parfois la réalité des faits au nom de leur défense d'intérêts supérieurs (?), il y a des réalités à trouver."
Dans ce cas nous sommes d'accord. D'ailleurs dans mon précédent message, sur le fond j'étais d'accord avec toi puisque, comme toi, je ne conçois pas un homme transcendant la nature. Mais dans ce cas il n'est pas question que l'expérimentation de la stabilité des OGM se fasse au détriment d'autres. On appelle cela le principe de précaution je crois. C'est une première chose. Une deuxième est le constat de l'effet désastreux de l'usage des OGM en Amérique du sud. Et je ne parle même pas là des effets sur les plantations voisines, mais sur les planteurs d'OGM eux-mêmes dans la mesure ou ça ne marche pas, ou du moins pas partout. Il leur faut toujours user de pesticides alors qu'en principe ils auraient pu s'en passer. Ils achètent donc plus cher des OGM en espérant pouvoir éviter d'acheter des pesticides. Mais cela ne marche pas (du moins là). Résultat ils doivent acheter les deux et s'appauvrissent encore plus qu'auparavant. Encore une fois il s'agit là d'une expérimentation (par procuration) au détriment d'autres.
Je répète que c'est une question politique. La preuve en est que les plantations d'OGM sont interdites en Belgique et non en France.
Enfin, je ne vois pas pourquoi tu réagis autant au terme "néo-libéral". C'est pourtant cela que tu défendais lors de la discussion sur la constitution européenne. Si tu as peur du mot, trouves-en un autre. La signification demeurera la même.
A Aurélien
"croire que sa propre pensée raisonnante soit au même niveau que ce flux unifiant me semble être bien illusoire et présomptueux"
Peux-tu développer cela ? Est-ce là (je le subodore par le vocabulaire) une position de phénoménologue ?
"De même, tirer des conclusions idéologiques et fragmentaires des principes expérimentés et traduits par Spinoza est réduire la portée de cette pensée"
Peux-tu m'expliquer ce que cela signifie ? Cela signifie-t-il que selon toi la philosophie de Spinoza n'a pas de portée politique ? Ou qu'une "véritable philosophie" (qui se voudrait scientifique par exemple) serait si objective qu'elle dépasserait tout problème politique ? Puisque tu écris "je ne pense pas que la politique soit une mise en avant intéressante de la pensée réflexive" (ce qui fait encore très "phénoménologue"). Mais Spinoza n'a-t-il pas écrit un Traité politique ? Cela ne veut-il pas dire précisément que toute philosophie est immédiatement politique (y compris la phénoménologie) ? "Objectivité" est un terme qui me fait rire.
"Concernant votre citation de Spinoza, elle semble refléter l'attitude biblique de domination de la nature par l'homme telle que présentée dans la Génèse et telle qu'elle est approfondie par Descartes quand il parle de "rendre l'homme comme maître et possesseur de la nature"."
Non. Pas du tout. C'est mal connaître Spinoza. C'est là seulement distinguer les "notions communes à tous les hommes" des notions communes que les hommes ont derechef avec les autres espèces. Cela ne veut pas dire qu'on peut faire n'importe quoi des autres espèces mais seulement un usage adéquat pour l'homme. Or le problème actuel, ce n'est pas la distinction entre la communauté humaine et la communauté naturelle, mais le fait qu'un usage non adéquat de la communauté naturelle peut se retourner contre l'homme. Autrement dit "l'homme est la mesure de toute chose" ne veut pas dire que l'homme transcende la nature, sans quoi il faudrait attribuer une conception chrétienne de la transcendance à Protagoras.
Miam
aurelien a écrit :Bonsoir Bardamu,
Il n'existe aucune étude sérieuse sur la variabilité de la spécificité de gm obtenus par transgénèse. Dans un même champs gm, par exemple, pour un maïs bt, les concentrations en bt peuvent être très différentes entre chaque pousse. C'est une certitude, liée au caractère même de la technique employée. Une moyenne statistique manipulée peut très bien faire croire que tous les gm sont semblables: ce n'est pas vrai, et au sein même d'une seule variété modifiée.
Salut,
la question est même plus complexe puisqu'il y a un problème d'expression des gènes y compris dans les différentes parties de la plante. Si on n'y fait pas attention, il est assez facile pour un industriel de biaiser les études en se concentrant sur des parties de plante qui vont dans le sens qui l'arrange.
Mais pour moi, tout cela est plus général, il s'agit de la question de la privatisation des ressources naturelles, d'autant plus sensible que ces ressources sont vitales. Les beaux discours libéraux sur l'équilibre "naturel" qui s'instaureraient par l'échange, cache dans les faits un système permettant une dictature du déclaré propriétaire, cache une acceptation sous-jacente d'une forme d'esclavage par l'instauration d'un droit sacralisant la propriété.
aurelien a écrit :Concernant votre citation de Spinoza, elle semble refléter l'attitude biblique de domination de la nature par l'homme telle que présentée dans la Génèse et telle qu'elle est approfondie par Descartes quand il parle de "rendre l'homme comme maître et possesseur de la nature".
Pas vraiment.
Pour Spinoza, l'homme a les mêmes droits sur les autres êtres que ceux-ci ont sur lui. Les virus ne demandent pas de permission pour nous rendre malade et les requins ne se sentent pas particulièrement coupable quand il mange un steack d'humain. En d'autres termes, il ne s'agit pas d'un droit contractuel mais de relations de pouvoir privilégiant le proche, soi-même d'abord, puis les congénères, puis les commensaux etc. jusqu'à la prédation la plus violente.
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