Messagepar Henrique » 18 nov. 2003, 14:47
Spinoza disait, dans le passage que tu citais, il y a l'idée du cercle et il y a le cercle qui sont deux choses différentes. L'idée du cercle n'a aucune étendue tandis que le cercle doit bien avoir une étendue. En effet, si à l'idée de cercle ne correspondait aucune réalité étendue, l'idée du cercle ne serait pas idée de quelque chose, ce ne serait donc pas une véritable idée.
Si notre professeur de géométrie dessine au moyen d'un compas ce que tu appelles un ensemble d'atomes évoquant l'idée de cercle, n'y a-t-il pas dans l'objet physique que tu as décrit la figure du cercle à savoir "une figure décrite par toute ligne dont une extrémité est fixe et l'autre mobile" ? Que la réalité physique que tu as décrite soit infiniment plus riche que l'objet à deux dimensions correspondant à l'idée que je viens de définir n'est pas douteux. Mais qui peut le plus peut le moins oserais-je dire. Que la réalité dont tu as parlé ait trois dimensions n'empêche pas qu'y soit contenu la figure à deux dimensions.
Maintenant, si tu veux seulement dire que la réalité intelligible, telle qu'elle vient d'être définie n'est pas dans l'étendue, Spinoza ne dit pas le contraire : "Étant différente de son objet, l'idée sera par elle-même quelque chose d'intelligible ; je veux dire que l'idée, considérée dans son essence formelle, peut être l'objet d'une autre essence objective ; et à son tour cette autre essence objective, vue en elle-même, sera quelque chose de réel et d'intelligible, et ainsi indéfiniment. " L'intelligibilité, c'est du domaine de la pensée, elle relie des idées entre elles par la pensée - tandis que le mouvement du compas relie les objets entre eux par l'étendue en dernière analyse.
Dire que le cercle dessiné n'est pas un vrai cercle aurait du sens, s'il y avait moins dans la réalité étendue que dans l'idée elle-même. Or il y a plus. Le cercle dessiné au compas est donc en partie un vrai cercle et autre chose également.
Nous ne sommes pas ici dans le platonisme qui veut que la réalité sensible ne soit qu'une dégradation de la réalité intelligible. Nous ne sommes pas non plus dans l'empirisme qui veut que la réalité intelligible ne soit jamais qu'une dégradation de la réalité sensible. Chez Spinoza, l'intelligible et le sensible coexistent.
Il est vrai cependant qu'il y a une difficulté particulière avec les objets géométriques. Les idées d'objets géométriques sont ce que Spinoza appelle des abstractions, càd des idées partielles de la réalité. Mais ce sont les seules abstractions qui ont la propriété de pouvoir être adéquates : par leur simplicité, elles peuvent constituer une totalité autosuffisante et donc adéquate. Il est donc naturel qu'en un sens, on ne rencontre pas dans la nature étendue de sphère formée comme la géométrie peut la former, un demi-cercle en rotation. Mais il n'en existe pas moins des sphères ou des globes dans la nature étendue, même si par exemple le globe terrestre est bien plus qu'une simple figure géométrique.
Je n'ai pas le temps de répondre à ta dernière question, mais peut-être le pourras tu à partir de ce qui précède et de la distinction entre notions communes qui ont une unité de communauté, et idées intuitives qui ont une unité singulière.
Amicalement,
Henrique