sescho a écrit :Mais c'est bien ce qui m'est venu à l'esprit en l'écrivant, mais comme tu t'obstinais - et c'est encore le cas ici - à "réfuter" Spinoza sur des inventions de ton cru, et que tu n'as pas vraiment répondu antérieurement sur le "résumé" que j'en ai fait par deux fois, je ne voyais pas d'autre moyen de te conduire à dire où tu trouves un problème, dans ce que dit Spinoza (pas dans ton imagination). Mais c'est encore raté...
Donc, je t'en prie directement : où, précisément, et de façon argumentée selon la "pure logique", tu trouve dans le texte même de Spinoza pris à la lettre quelque chose de contestable. Sinon on n'en finira jamais...
Le problème, vois-tu, c'est que Spinoza donne plusieurs démonstrations de l'existence de Dieu, et que nous passons sans arrêt de l'une à l'autre.
Mais soit ! Je me concentre directement sur ce que tu cites :
Spinoza, dans son délire, a écrit :PROPOSITION VII
L’existence appartient à la nature de la substance.
Démonstration : La production de la substance est chose impossible (en vertu du Coroll. de la Propos. précéd.). La substance est donc cause de soi, et ainsi (par la Déf. 1) son essence enveloppe l’existence, ou bien l’existence appartient à sa nature. C. Q. F. D.
"La production de la substance est chose impossible" --> OK
"La substance est donc cause de soi" --> Faux. Je m'explique.
Tout le piège est dans l'ambiguité de l'expression "cause de soi". La définition de Spinoza dit : "ce dont l'essence enveloppe l'existence". La substance est-elle cause de soi, autrement dit : son essence enveloppe-t-elle son existence ?
- Si on entend par essence la définition, alors je nie que les substances (ou la substance) soient causes d'elles-mêmes (autrement dit, que leur définition implique leur existence). En effet, le déterminisme n'a pas à s'appliquer au Tout (que constitue pour moi l'Etendue) ; il est donc tout à fait hasardeux de croire que l'Etendue aurait besoin d'une cause, et que cette cause serait dans sa définition. Personne n'a jamais prouvé une chose pareille.
- Si on entend par essence "le fait d'exister et d'être ce qu'on est", alors oui, il existe au moins une substance, une substance particulière : celle qui nous contient, et elle est bien "cause de soi", mais seulement en ce sens.
PROPOSITION XI
Dieu, c’est-à-dire une substance constituée par une infinité d’attributs dont chacun exprime une essence éternelle est infinie, existe nécessairement.
Démonstration : Si vous niez Dieu, concevez, s’il est possible, que Dieu n’existe pas. Son essence n’envelopperait donc pas l’existence (par l’Axiome 7). Mais cela est absurde (par la Propos. 7). Donc Dieu existe nécessairement. C. Q. F. D.
Nous avons vu que la proposition 7, invoquée ici, peut se comprendre de deux façons.
- Si on entend par essence la définition, alors cette démonstration ne tient pas debout, car je viens de nier que la définition d'une substance enveloppe son existence.
- Dans le second cas, l'essence de la substance enveloppe effectivement son existence, mais seulement parce que l'essence n'est pas la définition. Par conséquent, la définition de Dieu ne prouve pas son existence. Pour le dire autrement : la substance (ce qui existe) n'a aucune raison d'avoir les propriétés de Dieu. On dira : puisque Dieu est défini comme substance, et puisque la substance existe, alors Dieu existe. Erreur : j'ai admis l'existence d'une substance (puisque quelque chose existe), mais pas toute substance. Or Spinoza colle à Dieu des propriétés supplémentaires (un être qui a une infinité d'attributs, qui est chose pensante, etc.). Dieu n'est donc pas défini comme "ce qui existe", mais comme "ce qui existe et qui possède une infinité d'attributs". Or comment savoir si "ce qui existe" a une infinité d'attributs ? Revenir à la définition serait vain, puisque nous sommes dans le cas où la substance n'est pas une chose dont la définition implique l'existence.
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Voilà le point de "pure logique", surtout visible chez Descartes, bien qu'on trouve aussi ce problème, un peu déguisé, chez Spinoza :
La définition ne prouve pas l'existence car l'existence qu'on met dans la définition n'est pas la même chose que l'existence réelle. Sauf si on veut dire que Dieu est "ce qui existe", auquel cas il existe effectivement, sans qu'on puisse toutefois prouver qu'il est un dieu.
"La montagne est inséparable de la vallée." Ca veut dire que s'il existe une montagne, alors l'existence d'une vallée est vraie.
"Dieu est inséparable de l'existence de Dieu." Ca veut dire que s'il existe un Dieu, alors l'existence de Dieu est vraie.
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L'autre démonstration, souvent utilisée par Henrique, est un petit peu plus difficile à réfuter. En fait, j'aimerais que vous me disiez si le résumé que j'en fais est valable ou non :
1°/ Le concept de Dieu n'est pas un bricolage (comme celui de "bidule"), c'est une idée adéquate : il se comprend par lui-même, sans aucune référence à des conditions extérieures, et sans aucune contradiction interne.
2°/ Or toute idée de ce type ne peut comporter aucune erreur (puisque l'erreur n'est qu'une privation de vérité, privation impossible ici) : elle est parfaite, dans le sens de "complète".
3°/ Or toute idée parfaite est vraie.
4°/ Or le concept de Dieu contient l'existence.
5°/ Donc Dieu existe.
Admettons les points 1°/ et 2°/ : rien d'intérieur au concept de Dieu ne l'empêche d'exister (contrairement à un cercle carré, comme dit Spinoza), et rien d'extérieur non plus. L'ambiguité vient à partir du point 3°/. Que l'idée de Dieu soit cohérente (pas de contradiction) et parfaite (dans le sens où son objet ne dépend de rien d'extérieur), c'est une chose. Mais ni l'absence de contradiction, ni l'absence de contraintes extérieures ne prouve que Dieu existe. Quant à l'existence qui est contenue dans le concept de Dieu, ce n'est pas la même que l'existence réelle (ou supposée telle) de Dieu.
bardamu a écrit :Tout existe mais ce que nous avons en pensée n'existe pas forcément en Etendue.
Les 3 dimensions spatiales que nous connaissons par les sens n'interdisent pas une infinité de dimensions spatiales que nous connaissons par la raison et je dis donc aussi qu'il existe une infinité de dimensions spatiales.
Il est possible que je t'aie mal compris sur ce point. Ma question est : existe-t-il une infinité de dimensions spatiales dans l'Etendue ? Mais de toute façon c'est parfaitement secondaire.