Teilhard et Spinoza

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 30 sept. 2007, 23:46

à Henrique

En ce sens, le terme d'arrêt que vous avez indiqué est le bon pour distinguer le dynamisme du conatus d'un finalisme des êtres vivants : dans le finalisme, il y a un arrêt fixé dans l'essence même de l'objet, un terme précis à atteindre, ramenant l'être censé atteindre cette fin à un simple moyen au service de cette finalité, ce qui en fait une finalité finie ; dans le dynamisme, il n'y a pas d'arrêt, c'est à la limite une finalité sans fin.


IL me semble que le christianisme participe des deux régistres .

reprenons votre texte

L'essence même de l'objet, un terme précis à atteindre, ramenant l'être censé atteindre cette fin à un simple moyen au service de cette finalité, ce qui en fait une finalité finie
.
Dans le christianisme l' objet est l' esprit (ou l 'âme peu importe ) le terme précis à atteindre est un terme infini .
C est du moins ainsi qu'il est conçu par l'esprit ( ou intuitionné peu importe )
C'est un cas de figure( et je prends le christianisme comme paradigme ) extrêmement fréquent dans l'espèce humaine .

Disons que c'est l'esprit religieux .

En quoi pensez vous que Spinoza s 'en distingue ?

hokousai

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Messagepar Henrique » 01 oct. 2007, 00:20

Cher Hokousai,
Comme vous disiez qu'il y a toutes sortes de bouddhismes, il y a aussi toutes sortes de christianismes, certains faisant preuve d'une grande liberté intellectuelle par rapport aux dogmes classiques. Mais dans le christianisme paulinien disons de base, qui a donné essentiellement les christianismes romains et protestants, avec selon les époques et les mouvements des nuances évangéliques importantes il est vrai, l'homme existe sur terre pour rendre un culte à Dieu : la raison d'être finale des hommes, c'est qu'ils adorent un Dieu conçu comme un monarque. Les hommes seraient ainsi des moyens au service de la satisfaction divine. On peut à la limite concevoir cette fin là comme indéfinie une fois atteinte, les hommes peuvent bien adorer Dieu jusqu'aux calendes grecques, mais elle est justement ce que j'appelais une fin finie parce qu'elle réduit ce qui atteint cette fin à l'état de moyen, elle est en l'occurrence extrinsèque par rapport au vivant censé l'atteindre.
Amicalement,
Henrique

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Messagepar hokousai » 01 oct. 2007, 22:50

à Henrique


une fin finie parce qu'elle réduit ce qui atteint cette fin à l'état de moyen, elle est en l'occurrence extrinsèque par rapport au vivant censé l'atteindre.



ST Augustin cite les mots de l’Hortensius du païen
Cicéron : « Nous qui, jour et nuit, méditons ces choses, qui aiguisons notre
intelligence, vive pointe de l’âme, et qui veillons à ce qu’elle ne vienne pas à
s’émousser, autrement dit, nous qui vivons en philosophe, nous avons une
grande espérance : ou nos opinions et nos connaissances sont mortelles et
caduques, et alors la mort nous sera douce, à nous qui aurons accompli notre
tâche d’homme, et nous nous éteindrons sans regrets : ce sera comme le repos
de la vie ; ou, comme le pensaient les anciens philosophes, et parmi eux les
plus grands et de beaucoup les plus illustres, nous avons une âme éternelle et
divine
, et alors nous devons penser que plus un homme aura agi sans se détourner
de sa voie, c’est-à-dire conformément à la raison et au désir d’approfondir ses
recherches, et moins il sera mêlé et aura pris part aux vices et aux égarements
des hommes, plus l’ascension et le retour au ciel lui seront facile.
»

Mais(nolens volens ) cela me parait représentatif de la foi ordinaire des chrétiens (peut être pas de l’ordinaire de leur philosophie ).

Il me semble que chez Spinoza l’esprit atteint une idée de l’éternité de quelque chose de lui même .(esprit humain )
Ce quelque chose d éternel ne semble pas en revanche chez Spinoza être individué en une âme qui serait celle que chacun de nous aurait en particulier .
Ce quelque chose semble néanmoins chez Spinoza comme extrinsèque au vivant censé l’ atteindre .

La connaissance de ce quelque chose est en l'occurrence extrinsèque par rapport au vivant censé l'atteindre .Mais elle est valorisée par Spinoza .

hokousai

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Messagepar Henrique » 02 oct. 2007, 15:37

Mais non, accéder à la connaissance de l'éternité de son mental (comme de son corps, E5P22) n'est d'abord pas chez Spinoza une fin imposée de l'extérieur par la nature ; c'est pour parfaire son persévérer dans l'être qu'un vivant se donne cette fin à lui-même, à condition qu'il ait suffisamment développé la raison pour que cette puissance s'exerce. La fin est alors intrinsèque au vivant, c'est-à-dire qu'elle suit de son essence même et non de l'essence d'autre chose.

Par ailleurs, il s'agit justement de connaître comment en son essence même notre corps ou son idée sont éternels. Il n'y a là nul objectif tendant à un terme qui serait extérieur à soi : nous sommes déjà éternels, seulement nous ne le savons pas spontanément. Enfin, cette fin n'a par définition aucun terme dans la durée, puisqu'elle dépasse toute durée : elle ne peut donc en aucun cas faire de mon existence présente le moyen d'atteindre un but qui la dépasserait comme la chaussure n'a de raison d'être que pour éviter aux pieds d'être blessés, elle n'est qu'un moyen pour un but qui est hors d'elle-même.

Dans le finalisme, l'objectif fini à atteindre pour un vivant est fixé extérieurement à son essence, réduisant celle-ci à un simple moyen pour satisfaire une fin qui le dépasse. Ainsi les arbres n'existeraient que parce que Dieu aurait voulu donner aux hommes un moyen de s'abriter et de fabriquer des maisons ; les femmes, à en croire l'apôtre Paul, n'existeraient que pour servir l'homme et l'homme quant à lui n'existerait que pour servir Dieu (I Corinthiens 11).

Dans une vision non finaliste de la vie, chaque corps n'existe que pour lui-même : il se trouve que les arbres, comme les globules blancs, ou même ses yeux ont une utilité pour l'homme, mais il n'en est ainsi que par une rencontre heureuse et, pour le dire de façon un peu simpliste, cette rencontre n'est maintenue que parce que chaque individu se trouve renforcé par cette rencontre. C'est ainsi l'organe qui crée la fonction et non l'inverse.

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Messagepar hokousai » 02 oct. 2007, 17:31

à Henrique


n'est d'abord pas chez Spinoza une fin imposée de l'extérieur par la nature



la situation est ambigüe
l'ambigüité réside dans cette donation de la chose à elle même
Est libre la chose qui se détermine par soi seule à agir .
IL semble alors qu'un vivant se donnant cette fin à lui-même soit libre .( pour Spinoza cette liberté est problématique )
.................................................

Je vous disais """La connaissance de ce quelque chose est en l'occurrence extrinsèque par rapport au vivant censé l'atteindre ."""

J 'admets que ce qui se conçoit avec une certaine nécessité éternelle par l'essence même de Dieu peut être compris comme de l'essence de l'esprit humain et comme vous le dîtes """Il n'y a là nul objectif tendant à un terme qui serait extérieur à soi """"

La question n'est donc pas celle de l'objectif ou de la finalité mais celle de l'essence de l'esprit humain .
Je veux bien que le terme d'extrinsèque ne convienne pas bien mais il me semble que Durée et Eternité ne soit pas du même régistre .

Notre esprit ne peut être dit durer qu'en tant qu' existence actuelle , la connaissance qu'il a de son éternité est extrinsèque à l'existence actuelle .

Pour tout dire ce n'est pas de l'idée de la durée que je tire l 'idée d'éternité .

hokousai

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Messagepar Henrique » 03 oct. 2007, 12:02

Hokousai, votre question si j'ai bien compris revient finalement à savoir si durée et éternité ne seraient pas deux ordres de réalité se transcendant mutuellement. Ainsi, passer de la durée à l'éternité constituerait une fin extrinsèque, la durée n'étant que le moyen d'accéder à l'éternité.

Dans le cadre des pensées chrétiennes occidentales orthodoxes, on comprend bien qu'il en soit ainsi : l'éternité serait ce à quoi on accède une fois que notre âme serait libérée du corps, intriqué quant à lui dans la durée, et ce au moyen de la mort - que ce soit pour accéder à une éternité de joie dans le Paradis ou une éternité de souffrance en Enfer.

Chez Spinoza, vous savez bien qu'il n'en est rien : c'est dans cette vie même que nous pouvons accéder à la connaissance de notre éternité, parce que notre corps comme notre mental sont déjà éternels. Et en dehors de la durée de notre corps, Dieu a de toute éternité l'idée de celui-ci dans son intellect infini or comme cette idée même constitue notre mental ou conscience de nous-mêmes, cette constitution de notre conscience précède et survit à la durée de notre corps, sans qu'il soit pour autant question le moins du monde de réincarnation ou de résurrection des corps (chaque corps produit par la Nature est absolument unique et donc aussi chaque mental, qui n'en est que l'idée).

Et pour cause, l'éternité est immanente à la durée : Dieu est éternel, or tout ce qui est, est en Dieu, donc tout ce qui est, y compris ce qui dure, se comprend d'abord comme éternel ! L'éternité en effet, c'est l'existence même d'une chose, en tant qu'elle dérive nécessairement d'une chose qui n'a ni commencement ni fin : l'éternité, ce n'est pas une durée sans commencement ni fin, c'est l'existence même d'une chose en tant qu'elle n'a n'a ni commencement ni fin, dès lors qu'elle dérive de l'essence de Dieu.

En Dieu, votre corps existe déjà de toute éternité, puisque tout ce qui est possible en Dieu, est déjà déployé, actualisé et que votre corps est une possibilité découlant de l'essence même de Dieu. La durée, c'est la continuation de l'existence d'une chose : cette seule définition nous montre déjà l'intrication chez Spinoza de la durée et de l'éternité. L'existence d'un corps se continue à partir d'autres corps et tant que d'autres corps ne le détruisent pas : cette continuité a donc un commencement et une fin mais pour autant, cette existence même, indépendamment de sa continuité plus ou moins grande, demeure nécessaire en Dieu, ce qui la rend éternelle.

En ce sens, on peut considérer un corps du point de vue de sa durée seule, si on fait abstraction de Dieu, c'est-à-dire de la nature totale en laquelle une chose existe, naturante et naturée. Mais une telle abstraction ne signifie en aucun cas que Dieu ou la nature cessent d'exister réellement, donc l'éternité d'un corps est connaissable dès cette vie, parce qu'elle est immanente à la durée, un peu comme le cercle A est immanent au rayon B que l'on conçoit à partir de ce cercle : le rayon se comprend d'abord comme partie de ce tout qu'est le cercle et ne peut adéquatement se déterminer comme étant de telle ou telle longueur qu'à titre de partie de ce tout.

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Messagepar hokousai » 03 oct. 2007, 13:38

cher Henrique


donc l'éternité d'un corps est connaissable dès cette vie, parce qu'elle est immanente à la durée
,

C’est effectivement l'explication que donne en premier Spinoza (partie 5).Il y a une idée qui exprime sous une espèce d éternité l’essence de tel corps humain .
C’est cette idée de l’essence du corps qui est le déterminant de l’idée d espèce d éternité .(en ce sens ce n’est pas de la durée que nous tirerions l’ éternité mais de l’idée d’essence du corps , je ne vois pas immanence de la durée à l éternité je ne parle pas de transcendance mais d hétérogénéité des registres ,hétérogénéité logique ou intelligée …. d’ où mon extrinsèque )

Spinoza semble alors tourner son regard vers l’esprit (prop 22 et 23 partie 5)

Ce à quoi nous n’attribuons aucune durée qui puisse se définir par le temps c’est alors autant l’esprit que le corps . C est ainsi que Spinoza dit de l’esprit que quelque chose appartient à son essence et qui est nécessairement éternel
Il ne le dit pas (ou plus ) du corps .

C’est pourquoi je le sens plus proche de la religiosité ( sus indiquée )que vous ne semblez le penser .

(la prop 23 part 5 est symptomatique )

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Messagepar Faun » 03 oct. 2007, 17:57

Il y aurait bien comme un but à atteindre pour toute âme chez Spinoza, ce but est ce qui la sauve, et c'est d'aimer Dieu.

"Mais, si d'autres corps agissent sur le nôtre si puissamment que la proportion 1 à 3 de son mouvement ne puisse subsister, c'est alors la mort et un anéantissement de l'âme, en tant qu'elle est seulement une idée, ou connaissance, etc., de tel corps possédant telle proportion de mouvement et de repos.
Cependant, puisque l'âme est un mode de la substance pensante, elle a pu aussi la connaître et l'aimer en même temps que ce mode de l'étendue et, en s'unissant aux substances qui demeurent toujours les mêmes, se rendre elle-même éternelle."

Court traité, deuxième partie, note de la préface.

Pour ce qui est de la finalité de la planète Terre qui serait d'évoluer afin de produire notre Seigneur Jésus Christ, comme tente de le démontrer Chardin, cela me semble absurde.

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Messagepar hokousai » 03 oct. 2007, 19:15

cher Faun

puisque le fil porte sur Teilhard autant le citer[

« Aussitôt que dans St. Paul et St. Jean, nous lisons que créer, accomplir et purifier le monde c'est, pour Dieu, l'unifier en l'unissant organiquement avec lui-même. Comment l'unifie-t-il ? En s'immergeant partiellement dans les choses, en devenant ' élément ', et puis, de cette position avantageuse au coeur de la matière, en assumant le contrôle et la direction de ce que nous appelons l'Évolution. Le Christ, principe de la vitalité universelle s'étant manifesté comme Homme parmi les hommes, s'est mis dans la position (toujours maintenue) d'envoûter sous lui-même l'ascension générale des consciences dans lesquelles il s'est inséré. Par l'acte perpétuel de communion et de sublimation, il agrège à lui-même le psychisme total de la Terre. Et quand il aura tout rassemblé et tout transformé, il se resserrera sur lui-même et ses conquêtes pour rejoindre enfin, dans une geste finale, le foyer divin qu'il n'a jamais quitté. Puis, comme St. Paul nous a dit, Dieu sera Tout en tous. C'est l'expectation d'une unité parfaite, plongé dans laquelle chaque élément atteindra sa consommation au même temps que l'Univers. ""

on ne peut pas dire que ce soit absolument clair .!!!

quelques remarques

1) que le christ n'est pas symbolique chez Teilhard . ce n 'est pas une personne ordinaire élevé par le travail des successeurs à la divinité .IL ya manifestation réelle de Dieu .Ce qui ne semble absurde qu 'au non croyants .

2) le christ est comme le pôle unificateur et intégrateur des consciences lesquelles ne forment plus qu'une

3) Ce pôle agit continûment

4) il y a rédemption obligée du monde ce qui semble être la signification de l'évolution (plutôt que d'une stagnation dans des formes stables) .

5)C'est l' évolution qui justifie l 'estimation que les formes antérieures sont impures .

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Messagepar Korto » 05 oct. 2007, 06:19

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