sescho a écrit :zerioughfe a écrit :La substance, "cause de soi", c'est ce qui existe sans raison extérieure. Je dis qu'il y a deux manières de comprendre ce truc : ou bien la cause de l'existence de la substance est contenue dans sa définition, ou bien cette cause n'existe pas.
Je n'accepte que la deuxième possibilité, et apparemment c'est aussi celle que tu choisis, contrairement à d'autres sur ce forum (et, selon toute logique, à Spinoza lui-même)... Mais dans ce cas, on ne peut plus rien prouver du tout (ni l'infinité d'attributs, ni, partant, l'existence de l'attribut Pensée, ni le fait que la nature pense en dehors de l'homme, ni rien du tout) puisque la définition n'implique plus l'existence.
L’existence (hypothétique) d’une substance, laquelle est en soi, n’a pas de cause, donc sa cause n’existe pas… dans la mesure où on ne pose pas avant que tout doit avoir une cause pour exister. Sinon, on dit qu’elle est « cause de soi », ce qui est exactement la même chose.
Non, car cet artifice de langage provoque un malentendu sur lequel il est facile de jouer pour démontrer l'existence de Dieu.
Donc tu dis – si j’ai bien compris – que si la définition ne pose pas l’existence, on ne peut rien prouver à ce sujet. Donc, pour faire court, tu dis simplement qu’une existence ne peut pas se démontrer.
Ce que tu ne comprends pas, c'est que je ne pars pas aveuglément d'un principe qui voudrait qu'une existence ne puisse pas se démontrer. Je dis qu'il ne suffit pas de définir une chose comme existante pour la faire exister. "Autant vouloir définir la richesse pour s'enrichir", comme dit Comte-Sponville.
zerioughfe a écrit :Il n'y a pas de contradiction si l'on veut dire que les substances qui existent existent nécessairement. Si l'on prétend que les substances existent seulement parce qu'elles ont été définies comme substances, alors je ne sais pas si c'est contradictoire mais je conteste les preuves de leur existence.
Donc, là, tu dis en fait que tu ne sais pas si une existence peut se démontrer, mais que tu contestes les preuves. Ou quoi ?
Non, tu ne comprends pas. Je dis que :
- si la substance est définie comme "ce qui existe", alors il est bien clair qu'elle existe. Cependant, ce n'est pas ma définition qui la fait exister : c'est au contraire son existence qui m'autorise à la définir ainsi. Donc ma définition, en toute rigueur, ne prouve pas son existence.
- Quand bien même la définition de la substance prouverait son existence, on ne serait pas plus avancé dans la démonstration de l'existence de Dieu.
Si c’est bien le cas, et si tu admets que E1D1 et E1D3 ne définissent bien que des êtres de Raison (et il n’y a donc aucune raison de poser le problème de l’existence à ce stade), alors il faut trouver la faille plus loin.
Oui : dans la démonstration de la proposition XI notamment.
Je veux bien croire que tu as une idée assez précise de ce que tu n’acceptes pas, mais je ne vois encore et toujours pas ce que tu contestes précisément dans le développement de Spinoza.
C'est dommage : si nous pouvions discuter oralement, nous arriverions peut-être à nous mettre d'accord...
Ou alors tu dis : « une existence ne peut pas se démontrer » et tu le justifies.
Même si je partais aveuglément de ce principe (ce que je ne fais pas !), cela suffirait à faire s'écrouler les preuves de Spinoza (en tant que preuves certaines), du moment que personne ne peut prouver que ce principe est faux. En effet, il suffit de trouver un seul point faible dans une démonstration pour qu'elle perde sa prétention à la certitude.
Concernant la « preuve ontologique » il faudrait déjà bien la reproduire ; en général, elle part comme prémisse de l’idée claire et distincte (donc vraie) de l’Être parfait. Donc, dans ces conditions, ce n’est pas la preuve que l’on conteste mais la prémisse : on n’a pas soi-même l’idée claire et distincte de l’Être parfait. Rien ne peut être ajouté dans ces conditions.
Idée claire et distincte tant que tu voudras, mais une idée claire et distincte d'une chose hypothétique n'en a jamais fait une chose certaine.
« On constate », « on constate »… On constate qu’il y a quelque chose et non pas rien, c’est tout. La Substance c’est autre chose… J’ai peur que tu la confondes un peu avec une notion générale… quoique, d’un autre côté, tu retiens « La Matière » comme une réalité en soi.
C'est peut-être là qu'est le malentendu, alors. Je me fiche de "la Matière" ! La substance, c'est ce qui existe, et peu importe sa vraie nature.
Quant aux « mille lieues », j’attends de voir ce que tu contestes précisément dans la démarche même de Spinoza.
Je me tue à l'expliquer...
Heu… l’Étendue, en tant que dimension de l’Être, est infinie (il ne s’agit pas de l’occupation de l’espace, je crois) …
Et comment sais-tu que l'étendue est infinie ?...
Ce n’est pas parce que je ne vois pas la démonstration d’un point (ce sur quoi je peux d’ailleurs très bien être repris par Henrique, par exemple) que je conteste l’ensemble sans discernement
D'accord, mais alors explique-moi au moins comment tu démontres l'existence et l'infinité de l'attribut Pensée si tu n'admets pas l'absolue infinité de la substance ?...
et je trouve, moi, que tu n’es pas ici très loin de Spinoza.
Comment cela ?
zerioughfe a écrit :Où est la faille ?
Tout simplement dans le double-sens des mots "substance", "cause de soi"... En conviens-tu ?
Je ne vois tout simplement pas de quoi tu parles…


D’abord, l’Homme est un animal qui n’est donc pas seul à penser (et, en passant, on concède volontiers que les autres animaux sont limités dans ce cadre,… ce qui s’étend naturellement à l’Homme…).
Est-ce qu'une lame de rasoir pense ?
Ensuite, quand on prétend expliquer la pensée par des phénomènes électriques, je ne vois pas pourquoi on n’appellerait pas « pensée », aussi rudimentaire soit-elle, tout phénomène électrique, en particulier au sein des atomes, ceux des pierres ou d’autre chose.
- Quand on prétend expliquer un logiciel d'échecs par des phénomènes électriques, tout phénomène électrique devrait s'appeler "logiciel d'échecs"...
- Je ne prétends pas expliquer la pensée par la matière : je dis que je crois que la pensée s'explique par la matière.
- Je ne crois vraiment pas que la pensée se résume à des phénomènes électriques.
- Si on croit que les idées existent indépendamment de ma pensée, et qu'elles sont elles-mêmes des "pensées", alors il faut en tirer les conclusions : ma brosse à dents pense, la planète Jupiter pense, les anneaux de Saturne pensent, et pourquoi pas aussi le théorème de l'énergie cinétique... Où alors il faut limiter la faculté de penser à l'homme (ou aux animaux), auquel cas on se retrouve avec le problème des idées non pensantes qui, ensemble, pensent.
Ensuite, « la Nature indépendamment de l’Homme » (et des autres animaux), cela n’a pas de sens.
Alors là il va falloir m'expliquer !! Si une pluie de météorites s'abat sur la terre et tue toutes les espèces vivantes, la nature va disparaître ?!...
Je ne crois pas au parallélisme des attributs, mais je répète que prétendre expliquer la Pensée par la Matière est se gonfler de vide, car il est (non pas temporairement mais absolument) impossible à l’Homme de savoir exactement ce qu’est la Matière ; expliquer la Pensée par la Matière, quand on ne sait pas ce qu’est la Matière, c’est une escroquerie qu’on se fait à soi-même
- Expliquer l'informatique par la matière, quand on ne sait pas exactement ce qu'est la matière, est-ce une "escroquerie" ?
- Quand bien même il nous serait définitivement interdit de comprendre comment la pensée (comme la vie) peut émerger de la matière inanimée, cela ne prouverait pas que cette émergence n'existe pas. Spinoza : "on ne sait pas ce que peut le corps".
et ce faisant, on risque la banalisation psychologique la plus totale : le rabais du sublime au petit savoir : l’Enfer sur terre… le vrai…
Tu me fais peur ! Que veux-tu dire ?
Mais Spinoza ne considère pas la connaissance par ouï-dire comme adéquate… ; ceci vaut aussi, par exemple, pour l’idée que je vais mourir : c’est du ouï-dire ; absolument rien dans mon esprit ne le pose par soi.
C'est pourtant beaucoup plus certain que l'existence de Dieu !

zerioughfe a écrit :Si tu rejettes l'absolue infinité de Dieu, tu n'as plus aucun moyen de prouver que la Pensée est un attribut. Tu ne peux que l'admettre, et c'est ce que je ne fais pas (quoique j'en perçoive toute la beauté). Peut-être serons-nous d'accord sur nos désaccords ?
Les spiritualistes pourraient dire que l’Étendue passe par nos sens, et donc notre pensée, et donc n’est rien qu’une production de l’Esprit, et donc qu’il n’y a que l’attribut « Pensée » et que l’attribut « Étendue » n’est rien ou presque… Le problème c’est que Spiritualisme et Matérialisme ne sont que les deux revers d’une même médaille (fausse). La Pensée est un mode d’existence dans la Nature parce que mon entendement n’est absolument pas capable de le réduire à autre chose, quoiqu’affirment les imaginations et croyances de certains.
Tu ne réponds pas à la question. Et il y a une énorme différence entre l'immatérialisme et le matérialisme, car nous vivons visiblement dans un monde où seuls les animaux, qui sont un épiphénomène de l'Univers, ressentent quelque chose.