Être heureux

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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bardamu
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Messagepar bardamu » 19 févr. 2008, 20:19

hokousai a écrit :(...)
L’esprit humain ne connait pas le corps humain( prop 19/2)
(...)
Dieu connaît le corps Humain mais l’esprit humain ne connaît pas le corps

Le corps humain serait simple , stable ,et n’aurait qu’une affection , une permanente , il connaîtrait le corps .
Ce n’est pas le cas .

Le corps complexe celui dont les actions dépendent de lui seul est celui d’un esprit apte à comprendre de manière distincte .
Mais pourquoi donc Spinoza ajoute- t-il « voila la raison qui fait que nous n’avons de notre corps qu’une idée très confuses ? »

Méditons là -dessus , textes à l’appui .( pro 13/2 et prop 19/2)

hokousai


PS """"""""""Une pierre aura ainsi une pensée de pierre."""""""""""""""""

le langage a ceci de merveilleux que les propositions n’ayant pas de sens sont aussi faciles a former que celles qui ont un sens .

Bonjour Hokousai,
l'esprit ne connaît pas le corps humain... lorsqu'il est dans l'ordre commun de la nature, c'est-à-dire selon le premier genre de connaissance. Mais il accède à cette connaissance selon le 2nd et le 3e genre.
En quoi l'idée qu'une pierre ait des affections selon l'ordre commun de la nature, c'est-à-dire ce qui correspond au premier genre de connaissance, vous choque-t-il ?
Quelle différence entre le somnambule et la pierre, entre le réflexe pavlovien et le rebond d'une balle de caoutchouc ?

Vous devriez préciser ce que vous entendez par "penser". A nouveau, si pour vous le terme "penser" ne s'applique qu'à une réflexion, alors la pierre ne pense pas. Mais chez Spinoza la pensée est aussi une mécanique sans réflexion.

Je vous propose un critère assez simple pour déterminer ce que vous entendez par "penser" : selon vous, y'a-t-il un stade dans son développement où l'humain accède à la pensée ?
Lorsqu'il n'est que la rencontre d'un spermatozoïde et d'un ovule, vous direz sans doute qu'il ne pense pas plus qu'une pierre. Et ensuite ? Sera-ce au 3e mois de grossesse, au stade du miroir, à un autre moment qu'il accèdera à la pensée ?

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hokousai
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Messagepar hokousai » 20 févr. 2008, 00:40

Je vous propose un critère assez simple pour déterminer ce que vous entendez par "penser" : selon vous, y'a-t-il un stade dans son développement où l'humain accède à la pensée ?


Je suis pas certain que ce soit un bon critère .Je pense ( excusez le mot ) même que c'est un assez mauvais critère .

Raison invoquée : pas plus que vous je ne peux répondre à la question en utilisant ce critère là .

hokusai

PS :je me suis attaché au commentaire de deux propositions (de l’ Ethique ) sur une question précise ( la connaissance du corps ), j'en ai tiré des conclusions , j aimerais qu 'on reste dans ce cadre .( pour le moment j’ y resterai )

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Louisa
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Messagepar Louisa » 20 févr. 2008, 01:09

Hokousai a écrit :Mais je ne suis pas d'accord avec la fin de votre message

Dieu n'a pas une idée du corps humain en tant qu'il constitue l 'esprit humain mais en tant qu'il a des idées de choses singulières en très grand nombre .(prop 19/2)

Pire la connaissance de l’esprit ne se rapporte pas non plus à Dieu en tant qu’ il constitue l’esprit humain .(pro 23/2) (donc l’esprit humain ne se connait pas lui-même pour les mêmes raison que l’ esprit humain ne connaît pas le corps .)


cher Hokousai,

à mon sens ce que vous écrivez est correct, mais ne vaut que pour les idées inadéquates contenues dans l'Esprit humain. Ces idées expliquent elles aussi Dieu, mais seulement en tant que Dieu connaît une infinité d'autres choses singulières.

Dans les cas des idées adéquates, en revanche, il s'agit d'idées qui s'expliquent par la nature de l'Esprit seule, et que dès lors n'expliquent Dieu qu'en tant qu'il constitue l'essence de notre Esprit seule, et non pas Dieu en tant qu'il a une infinité d'idées d'autres choses.

La preuve (à mes yeux): notamment (car le raisonnement revient régulièrement) l'E3P1, démo:

"Les idées d'un Esprit humain, quel qu'il soit, sont, les unes adéquates, les autres mutilées et confuses. Et les idées qui dans l'Esprit de quelqu'un sont adéquates sont adéquates en Dieu, en tant qu'il constitue l'essence de cet Esprit, et ensuite celles qui sont inadéquates dans l'Esprit sont elles aussi adéquates en Dieu, non en tant qu'il contient seulement l'essence de cet Esprit, mais aussi en tant qu'il contient en soi en même temps les Esprits d'autres choses."

Sachant que l'essence de l'Esprit a l'essence du Corps comme objet, Dieu connaît donc parfaitement l'essence du Corps de chaque chose, et cela en tant qu'il a une idée de cette essence (idée qui n'est rien d'autre que l'essence de l'Esprit de la chose). C'est ainsi qu'il connaît parfaitement les corps. Ce ne sont que les choses singulières qui ont des idées inadéquates, et en ce sens ne connaissent pas parfaitement leur corps.

Pour la même raison, l'Esprit se connaît lui-même dans la mesure où il a des idées adéquates. Il ne se connaît pas, ou plutôt confusément, lui-même, et cela seulement dans la mesure où il a des idées inadéquates.
Bien à vous,
louisa

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Essence de l'esprit, essence du corps...

Messagepar ShBJ » 20 févr. 2008, 10:59

A Louisa, salut !

Je n'ai nullement l'intention de revenir sur l'ensemble de la discussion relative à ce qui pense, ne pense pas, etc. ou ce que peut signifier dans les termes de Spinoza, ceci qu'une pierre pense. Dans l'ensemble, je m'accorde avec ce que tu as pu en dire (ou tecti), et relève la même équivoque que bardamu quant à l'usage du terme "pensée".

Une expression me pose cependant problème dans ta dernière intervention, qui soit est un lapsus, soit mérite explication, pour ce que je ne vois pas sur quel passage de l'Ethique elle pourrait s'appuyer, ni où elle nous mène, c'est à savoir que "l'essence de l'Esprit a l'essence du corps comme objet".

1) Je ne connais aucune référence explicite (ou ne me la rappelle pas), qui affirmerait une telle chose. Que l'esprit est l'idée du corps, et ce qui en découle (E, II, 11 et sq.), ça je l'ai lu.

2) Je ne saisis pas en quoi une essence, fût-elle celle de l'esprit, pourrait avoir une autre essence pour objet. Qu'une même essence singulière puisse être considérée selon l'attribut pensée et selon l'attribut étendue, ça je l'entends. Il semblerait que tu réintègres au sein même de l'essence considérée comme esprit le caractère intrinsèquement représentatif que Spinoza écarte pour les idées (E, II, 43, scolie).

3) Tu en tires la conclusion que Dieu connaît l'essence des corps singuliers par la médiation de la connaissance des esprits singuliers, c'est-à-dire en tant qu'il a l'idée de l'idée du corps singuliers, ou, dans tes propres termes, en tant qu'il a l'idée de l'essence qui a pour objet l'essence du corps. Je puis éventuellement t'accorder cette médiation, pour cette raison qu'il n'y a de différence que de raison entre l'idée et l'idée de l'idée, mais :

a) elle me semble inutile : l'entendement de Dieu a pour objet (idéat) l'étendue infinie, y compris en chacun de ses détails, et n'a pas besoin de passer par la connaissance des esprits singuliers pour en avoir l'idée adéquate...

b) je ne vois pas tu puisses légitimement conclure des essences singulières à la connaissance de Dieu précisément dans le domaine de l'adéquation - ça me paraît même aller à l'encontre de ce que tu entends démontrer à hokousai touchant la différence entre idées adéquates et idées indéquates : "Ce ne sont que des choses singulières qui ont des idées inadéquates, et en ce sens ne connaissent pas parfaitement leur corps". On pourrait dès lors en déduire que si Dieu a immédiatement une idée adéquate de la raison pourquoi tel esprit singulier a telle idée inadéquate (idée de la composition des deux corps), il n'a que médiatement l'idée de l'idée inadéquate (idée de la manière dont le corps A et le corps B sont affectés par leur rencontre). Derechef, je ne suis pas convaincu que ce soit utile (vide supra, a) mais ce serait à tout le moins cohérent - le "donc" dont tu uses serait davantage justifié, dans la mesure où il permettrait de montrer comment Dieu, qui pourtant n'est soumis à aucune passion, sait concrètement ce que c'est qu'être jaloux, orgueilleux, etc.

Je me suis ainsi efforcé d'exposer ce que je n'entends pas de ta formule, et souhaiterais de voir le malentendu (si c'en est un) levé.

Tiens-toi en joie.
Modifié en dernier par ShBJ le 23 févr. 2008, 15:33, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 20 févr. 2008, 15:53

à Louisa

Sachant que l'essence de l'Esprit a l'essence du Corps comme objet, Dieu connaît donc parfaitement l'essence du Corps de chaque chose, et cela en tant qu'il a une idée de cette essence (idée qui n'est rien d'autre que l'essence de l'Esprit de la chose).


Je dois avouer que cette partie du message de Louisa est peu claire .

Pourquoi parler d’ essence ? L’ esprit humain(son être actuel ) est l’idée du corps ( liée dune certaine chose singulière existant en acte )
L’esprit humain perçoit alors une chose de manière inadéquate ..

Conclusion le corps humain existe tel que nous le sentons .(ce qui signifie (à mes yeux )qu’ il n’existe pas tel que nous ne le sentons pas )

..........................................

Dieu connaît donc parfaitement l'essence du Corps de chaque chose, et cela en tant qu'il a une idée de cette essence (idée qui n'est rien d'autre que l'essence de l'Esprit de la chose)
(Louisa)

Dieu lui connait les corps humains mais non en tant qu’il constitue l’esprit humain . Ce qui signifie que pour Dieu le corps n’existe pas tel que nous le sentons mais tel que Dieu est affecté d’un très grand nombre d’ idées .

Ce qui signifie aussi que Dieu a un très grand nombre d’idées de corps qui n’ont pas d’ esprit .
Vous allez me dire que toute chose a un esprit ,ce qui est hors de ma compréhension des pierres . Une pierre fractionnée occasionnerait alors la naissance d’autant d’esprit que de fractions , je ne vois pas dans ce que Spinoza entend par "corps" il faille attribuer un esprit à chaque corps

(?).

hokousai

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Messagepar bardamu » 20 févr. 2008, 22:21

hokousai a écrit :PS :je me suis attaché au commentaire de deux propositions (de l’ Ethique ) sur une question précise ( la connaissance du corps ), j'en ai tiré des conclusions , j aimerais qu 'on reste dans ce cadre .( pour le moment j’ y resterai )

Ce qui signifie aussi que Dieu a un très grand nombre d’idées de corps qui n’ont pas d’ esprit .
Vous allez me dire que toute chose a un esprit ,ce qui est hors de ma compréhension des pierres . Une pierre fractionnée occasionnerait alors la naissance d’autant d’esprit que de fractions , je ne vois pas dans ce que Spinoza entend par "corps" il faille attribuer un esprit à chaque corps

Bonjour Hokousai,
pour ma part, je vois mal comment on peut en discuter alors qu'on ne sait pas ce que vous entendez par "penser" ou "esprit". Cela ne me semble pas être la même chose que Spinoza.
Mais peut-être que vous ne voyez pas en quoi on peut attribuer un esprit à chaque corps, parce qu'en fait il s'agit moins de corps que d'individu, c'est-à-dire d'un certain rapport vu de manière corporelle.

E2p13 : L'objet de l'idée qui constitue l'âme humaine, c'est le corps, en d'autres termes, un certain mode de l'étendue, lequel existe en acte et rien de plus.
(...)
Scolie : Ce qui précède fait comprendre, non seulement que l'âme humaine est unie au corps, mais aussi en quoi consiste cette union. Toutefois, on ne s'en formera une idée adéquate et distincte qu'à condition de connaître premièrement la nature de notre corps, tout ce qui a été exposé jusqu'à ce moment étant d'une application générale et ne se rapportant pas plus à l'homme qu'aux autres individus de la nature ; car tous à des degrés divers sont animés.


N'est-ce pas assez clair ?
La relation de l'esprit humain à son corps telle qu'expliquée jusqu'en E2p13 est d'une application générale et ne se rapporte pas plus à l'homme qu'aux autres individus de la nature. Donc, oui, on peut attribuer un esprit à tout autre individu de la nature, même si il reste à comprendre la différence entre le nôtre et celui d'autres êtres.

Quant au fait qu'une pierre fractionnée engendre autant d'esprits :

E2p15 : L'idée qui constitue l'être formel de l'âme humaine n'est pas simple, mais composée de plusieurs idées.
Démonstration : L'idée qui constitue l'être formel de l'âme humaine, c'est l'idée du corps (par la Prop. 13, partie 2), lequel est composé (par le Post. l) de plusieurs individus fort composés eux-mêmes. Or, l'idée de chacun des individus dont le corps est composé se trouve en Dieu (par le Corollaire de la Propos. 8, partie 2) ; donc (par la Propos. 7, partie 2) l'idée du corps humain est composée de toutes les idées des parties qui composent le corps humain. C. Q. F. D.


Pour bien cerner votre problème : si on passe au niveau d'un corps "social", de l'union de plusieurs humains, à quoi jugerez-vous légitime d'attribuer un esprit ?
Aux parties plutôt qu'au tout, je suppose.

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Messagepar hokousai » 21 févr. 2008, 00:25

à Bardamu


.
à quoi jugerez-vous légitime d'attribuer un esprit ?

Aux parties plutôt qu'au tout, je suppose.



Vous pouvez attribuer un esprit ""à tout autre individu de la nature"", certes, le problème est que je ne vois pas ce qu’esprit signifie hors de l’esprit humain ( que je connais ) et de l’esprit des animaux que je parviens à supposer un peu analogue au mien .
Le reste est conjecture assez confuse .
En l’absence d’une compréhension minimale de ce que pourrait bien être l’ esprit d’une chaise je m’ abstiens non seulement d’imaginer mais même de raisonner .

Apportez moi des éléments minimaux de compréhension de ce pourrait être l’idée de l’esprit d’une chaise .

Attribuer ce n’est pas le plus difficile .On peut attribuer l’ éternité à l’esprit des choses inertes après leur avoir attribué un esprit .On peut même leur attribuer une responsabilité morale , voir le pêché originel et l’espoir de rédemption .Car à ce niveau de confusion sur l’esprit des corps inertes on ne sait où poser de limites .

Votre idée de corps « social » ne m'apparait pas aussi clairement qu'elle semble vous apparaitre .

Vous me dites
N'est-ce pas assez clair ?
probablement pas assez .

hokousai

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Messagepar Louisa » 22 févr. 2008, 01:37

ShBJ a écrit :Une expression me pose cependant problème dans ta dernière intervention, qui soit est un lapsus, soit mérite explication, pour ce que je ne vois pas sur quel passage de l'Ethique elle pourrait s'appuyer, ni où elle nous mène, c'est à savoir que "l'essence de l'Esprit a l'essence du corps comme objet".

1) Je ne connais aucune référence explicite (ou ne me la rappelle pas), qui affirmerait une telle chose. Que l'esprit est l'idée du corps, et ce qui en découle (E, II, 11 et sq.), ça je l'ai lu.

2) Je ne saisis pas en quoi une essence, fût-elle celle de l'esprit, pourrait avoir une autre essence pour objet. Qu'une même essence singulière puisse être considérée selon l'attribut pensée et selon l'attribut étendue, ça je l'entends. Il semblerait que tu réintègres au sein même de l'essence considérée comme esprit le caractère intrinsèquement représentatif que Spinoza écarte pour les idées (E, II, 43, scolie).


Bonjour ShBJ!

merci beaucoup de ta remarque fort intéressante.

D'abord, après avoir vérifié je crois qu'on doit effectivement constater que jamais dans l'Ethique (à moins que j'aie raté le passage concerné) Spinoza ne parle d'une essence ayant une autre essence comme objet.

Pourtant, esprit et corps continuent à former une "union", que l'on voie la chose sous l'aspect de la durée ou sous l'aspect de l'éternité. La question du rapport entre les deux essences se pose dès lors. Comment Spinoza le désigne-t-il?

Je trouve principalement des indications dans l'E5. Exemples:

- E5P22: "En Dieu pourtant il y a nécessairement une idée qui exprime sous l'aspect de l'éternité l'essence de tel ou tel Corps humain."
La démo dit que l'essence du corps se conçoit par l'essence même de Dieu. Dieu a donc l'idée de l'essence du corps, en tant qu'il est essence pensante. En quoi serait-il alors erronné de parler d'une essence mentale/spirituelle ayant l'essence du corps comme objet (car avoir une idée de x n'est-ce pas la même chose que de dire que x est l'objet de l'idée en question?)? Il est vrai qu'on voit mal une essence avoir un objet, mais en Dieu il n'y a que des essences, et pas d'idées inadéquates. C'est ce qui oblige, je crois, de supposer que le propre des essences appartenant à l'attribut de la Pensée, c'est d'avoir un objet. Mais j'avoue que j'hésite, néanmoins.

- E5P23 sc: "Cette idée qui exprime l'essence du Corps sous l'aspect de l'éternité est, comme nous l'avons dit, une manière de penser précise, qui appartient à l'essence de l'Esprit". Le rapport de l'essence de l'Esprit et l'essence du Corps est donc un rapport d'EXPRESSION.

- E5P23 sc: "(...) notre Esprit, en tant qu'il enveloppe l'essence du Corps sous l'aspect de l'éternité, est éternel". Le rapport de l'essence de l'Esprit et l'essence du Corps est donc également un rapport d'ENVELOPPEMENT.

- E5P29 démo: "(...) il appartient aussi à la nature de l'Esprit de concevoir l'essence du Corps sous l'aspect de l'éternité". Or quand l'Esprit conçoit quelque chose (x, disons), il a x en tant qu'objet. Or cette idée, ayant l'essence du Corps comme objet, appartient, comme le dit E5P23, à l'essence de l'Esprit. Peut-on en conclure que l'objet de l'essence de l'Esprit est l'essence du Corps? Peut-être pas. Mais pourquoi pas? Je n'y vois pas encore très clair, c'est-à-dire je ne vois pas encore très clairement ce qu'on pourrait objecter à cela.

- TIE B33-34 semble en tout cas n'avoir aucun problème avec l'idée qu'une essence est objet d'une autre essence: "(...) l'idée, quant à son essence formelle, peut être l'objet d'une autre essence objective, et, en retour, cette autre essence objective, considérée en elle-même, sera aussi quelque chose de réel et d'intelligible, et ainsi indéfiniment."

ShBJ a écrit :3) Tu en tires la conclusion que Dieu connaît l'essence des corps singuliers par la médiation de la connaissance des esprits singuliers, c'est-à-dire en tant qu'il a l'idée de l'idée du corps singuliers, ou, dans tes propres termes, en tant qu'il a l'idée de l'essence qui a pour objet l'essence du corps.


en effet, dieu connaît l'essences des corps singuliers en connaissant les esprits singuliers. Sinon comment interpréter la proposition que je viens de citer? Que Dieu a l'idée de l'ESSENCE du corps singulier, n'est-ce pas exactement ce que l'E5P22 veut prouver? Seulement, je ne vois pas en quoi il faudrait parler de "médiation", puisque l'idée que Dieu a de l'essence de mon Corps n'est rien d'autre que l'idée qu'est mon Esprit lui-même.

Prenons aussi la démo de l'E5P23: "En Dieu il y a nécessairement un concept ou idée qui exprime l'essence du Corps humain, laquelle idée pour cette raison est nécessairement quelque chose qui appartient à l'essence de l'Esprit humain".

ShBJ a écrit : Je puis éventuellement t'accorder cette médiation, pour cette raison qu'il n'y a de différence que de raison entre l'idée et l'idée de l'idée, mais :


en effet, mais pour la même raison il n'y a PAS de médiation. L'idée en Dieu n'est pas l'idée ayant mon Esprit comme objet, Esprit qui est de nouveau une idée ayant mon Corps comme objet. L'idée qu'est l'essence de mon Esprit, C'EST l'idée qui est en Dieu. Dieu n'est rien d'autre que l'ensemble de toutes les idées qui existent, en tant qu'il est constitué par l'attribut de la Pensée. Dieu EST mon Esprit, il n'y a aucune médiation entre celui-ci et celui-là pensable, dans le spinozisme.

ShBJ a écrit :a) elle me semble inutile : l'entendement de Dieu a pour objet (idéat) l'étendue infinie, y compris en chacun de ses détails, et n'a pas besoin de passer par la connaissance des esprits singuliers pour en avoir l'idée adéquate...


Dieu ne "passe" effectivement pas par les esprits singuliers pour en avoir une idée adéquate, il EST, en tant qu'il est Pensée lui-même, l'ensemble de ces esprits. Voir par exemple l'E2P4 démo: "L'intellect infini de dieu n'embrasse rien d'autres que les attributs de Dieu et ses affections", et la démo de l'E2P1: "Les pensées singulières, autrement dit telle et telle pensée, sont des manières, qui expriment la nature de Dieu de manière précise et déterminé", sachant que l'Esprit n'est rien d'autre qu'une telle idée ou pensée singulière, car, dit la démo de l'E2P11, "(...) le premier à constituer l'essence de l'Esprit humain, c'est l'idée."

C'est dans le corollaire de la même proposition que Spinoza dit que "l'Esprit humain est une partie de l'intellect infini de Dieu", ce qui confirme le fait que notre Esprit n'est rien d'autre que l'idée que Dieu a de notre corps, qu'il n'y a pas deux idées différentes, donc l'une serait en Dieu et l'autre "hors" de lui (= celle qui constituerait notre Esprit).

C'est donc précisément parce qu'il n'y a aucune différence entre l'idée qui constitue l'essence de mon Esprit et cette même idée dans l'intellect de Dieu qu'il n'y a aucune médiation.

ShBJ a écrit :b) je ne vois pas tu puisses légitimement conclure des essences singulières à la connaissance de Dieu précisément dans le domaine de l'adéquation - ça me paraît même aller à l'encontre de ce que tu entends démontrer à hokousai touchant la différence entre idées adéquates et idées indéquates : "Ce ne sont que des choses singulières qui ont des idées inadéquates, et en ce sens ne connaissent pas parfaitement leur corps". On pourrait dès lors en déduire que si Dieu a immédiatement une idée adéquate de la raison pourquoi tel esprit singulier a telle idée inadéquate (idée de la composition des deux corps), il n'a que médiatement l'idée de l'idée inadéquate (idée de la manière dont le corps A et le corps B sont affectés par leur recontre). Derechef, je ne suis pas convaincu que ce soit utile (vide supra, a) mais ce serait à tout le moins cohérent - le "donc" dont tu uses serait davantage justifié, dans la mesure où il permettrait de montrer comment Dieu, qui pourtant n'est soumis à aucune passion, sait concrètement ce que c'est qu'être jaloux, orgueilleux, etc.


je ne comprends pas très bien quel problème tu veux signaler ici. Pourrais-tu peut-être reformuler autrement?
Porte-toi bien,
louisa

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Messagepar Louisa » 22 févr. 2008, 13:16

cher Hokousai,

Louisa:
Sachant que l'essence de l'Esprit a l'essence du Corps comme objet, Dieu connaît donc parfaitement l'essence du Corps de chaque chose, et cela en tant qu'il a une idée de cette essence (idée qui n'est rien d'autre que l'essence de l'Esprit de la chose).

Hokousai:
Je dois avouer que cette partie du message de Louisa est peu claire .

Pourquoi parler d’ essence ? L’ esprit humain(son être actuel ) est l’idée du corps ( liée dune certaine chose singulière existant en acte )
L’esprit humain perçoit alors une chose de manière inadéquate ..


il me semble que vous ne considérez l'Esprit humain qu'en tant qu'il a des idées inadéquates. Ces idées se caractérisent effectivement par le fait qu'elles ne se déduisent pas de notre nature seule. Mais cela n'empêche que nous avons également des idées adéquates, et là c'est Spinoza lui-même qui parle d'essence. Prenons par exemple la démo de l'E3P1:

"Et les idées qui dans l'Esprit de quelqu'un sont adéquates sont adéquates en Dieu en tant qu'il constitue l'essence de CET Esprit(...)"

Louisa:
Dieu connaît donc parfaitement l'essence du Corps de chaque chose, et cela en tant qu'il a une idée de cette essence (idée qui n'est rien d'autre que l'essence de l'Esprit de la chose)

Hokousai:
Dieu lui connait les corps humains mais non en tant qu’il constitue l’esprit humain .


j'espère vous avoir montré par la citation ci-dessus que vous vous trompez: le dieu spinoziste connaît bel et bien les corps humains en tant qu'il constitue l'esprit humain.

Hokousai a écrit :Ce qui signifie que pour Dieu le corps n’existe pas tel que nous le sentons mais tel que Dieu est affecté d’un très grand nombre d’ idées .


cela, c'est la deuxième partie de l'histoire. Comme le dit la même démo de l'E3P1:

"Les idées d'un Esprit humain, quel qu'il soit, sont les unes adéquates, les autres mutilées et confuses. (...) celles qui sont inadéquates dans l'Esprit sont elles aussi adéquates en Dieu, non en tant qu'il contient seulement l'essence de cet Esprit, mais aussi en tant qu'il contient en soi en même temps les Esprits d'autres choses."/

Pour Dieu le Corps existe donc:

- en tant qu'il a une idée adéquate de l'essence du Corps, idée qui est en même temps en notre Esprit adéquate, c'est-à-dire qui ne concerne que notre Corps et Esprit seuls, et aucune autre chose

- en tant qu'il a une idée adéquate de nos idées inadéquates, idée adéquate qu'il a parce qu'il a non seulement l'idée de l'essence de notre Corps mais également les idées des essences d'autres corps.

Hokousai a écrit :Ce qui signifie aussi que Dieu a un très grand nombre d’idées de corps qui n’ont pas d’ esprit .


Par quelle déduction arrivez-vous à cette conclusion?

Hokousai a écrit :Vous allez me dire que toute chose a un esprit ,ce qui est hors de ma compréhension des pierres . Une pierre fractionnée occasionnerait alors la naissance d’autant d’esprit que de fractions , je ne vois pas dans ce que Spinoza entend par "corps" il faille attribuer un esprit à chaque corps


pour les passages qui prouvent que chez Spinoza tout Individu a un esprit: voir la dernière réponse de Bardamu.

Que vous ayiez une conception du mot "pensée" telle que celui-ci n'est applicable aux humains à et certains animaux me semble être tout à fait compréhensible: c'est ce que le sens du langage ordinaire permet de concevoir. Seulement voilà, comme déjà dit, les philosophes sont des "travailleurs du concepts", ce qui implique qu'ils excellent dans l'art de CHANGER le sens des mots (nous permettant par là de concevoir AUTRE chose que ce que nous dicte le langage ordinaire)... . Le lecteur peut alors faire deux choses:

1) il ne comprend plus, en lisant un philosophe, ce que celui-ci veut dire car il en reste au niveau du sens propre au langage ordinaire

2) il va activement à la recherche des nouveaux sens des mots, sens que l'on ne trouve pas, "passivement", dans tout dictionnaire, mais que le philosophe a activement "fabriqué".

Il me semble que dans cette discussion concernant la pensée des pierres, vous vous en tenez au sens ordinaire du terme "pensée". A partir de ce moment-là, en effet, on ne peut que déclarer absurde l'énoncé de Spinoza que toutes les choses ont un esprit. Mais on peut faire cet exercice pour n'importe quel philosophe: prenez d'une part un dictionnaire, d'autre part un écrit philosophique, et sans exception le deuxième sera absurde, si on le lit par le biais du dictionnaire. En revanche, le tout deviendra déjà un peu plus compréhensible si l'on substitue un dictionnaire du langage ordinaire par un dictionnaire philosophique, ou un genre de "vocabulaire de Spinoza", par exemple.
Bien à vous,
louisa

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Messagepar hokousai » 22 févr. 2008, 17:01

à Louisa

[quote]pour les passages qui prouvent que chez Spinoza tout Individu a un esprit: etc....[.quote]

peut être !! mais pas pour moi

Je ne vois pas comme penser (adéquatement ) l 'esprit de mon balai brosse et surtout pas l'esprit du manche et l'esprit de la brosse quand je les sépare .
Tant que vous n'aurez pas répondu à ce genre de remarques je ne changerai pas d' avis .

Je ne peux ni parler ni comprendre un sabir qui m’est étranger . On ne se fabrique pas à l’avenant un langage .
Il n y a pas de langage privé .
Car ce n’est pas le dictionnaire à la main que j’ écris , c’est sur ma compréhension du langage qu’éventuellement je pourrais comprendre le dictionnaire en question .

Si l'énoncé de Spinoza que toutes les choses ont un esprit est pour moi un non sens ,c’est qu’il n'est pas de la grammaire des mots "chose" et "esprit "de coexister dans la même proposition.
Vous me diriez que les sons ont une couleur ou que vous entendez les couleurs , je vous répondrais la même chose .

Hokousai

Ps ( j 'émets de toutes façons bien des réserves sur ce que Spinoza entend par ""idées adéquates "")


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