Je ne sais pas si "véritable spinoziste" appelle à beaucoup de réponses...
Je pense que ce qu'en a dit Faun est juste. La question me semble néanmoins mériter d'être posée.
En premier lieu, me semble-t-il, la démarche de Spinoza consiste à décrire rigoureusement la psycho-logie, d'une façon que je considère scientifique dans l'esprit (mais avec un objet qui ne se teste pas en laboratoire - quoique l'observation des comportements extérieurs ne soit pas sans valeur -, mais au premier chef en soi.)
Dans ce cadre, il n'y a que de l'être : l'état de fait et les lois, le tout dans la substance. Le "devoir être" est lui-même une loi, qui s'exprime dans les modes actuels, en leur état (qui fixe leur perception de cette loi, de façon imparfaite, en quasi-équilibre : la recherche de puissance est à la fois le moteur et le boulet, suivant le degré d'imagination qui s'y associe.) Il n'y a donc aucune opposition : seul l'être est. La loi de recherche de puissance et les désirs qui en découlent dans l'individu tel qu'il est en font partie...
Pour autant, quoique fondamentalement descriptive, la démarche de Spinoza trace un chemin, et ce dans son esprit même :
Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :Dernier scholie, E5P42S : J’ai épuisé tout ce que je m’étais proposé d’expliquer touchant la puissance de l’âme sur ses passions et la liberté de l’homme. Les principes que j’ai établis font voir clairement l’excellence du sage et sa supériorité sur l’ignorant que l’aveugle passion conduit. Celui-ci, outre qu’il est agité en mille sens divers par les causes extérieures, et ne possède jamais la véritable paix de l’âme, vit dans l’oubli de soi-même, et de Dieu, et de toutes choses ; et pour lui, cesser de pâtir, c’est cesser d’être. Au contraire, l’âme du sage peut à peine être troublée. Possédant par une sorte de nécessité éternelle la conscience de soi-même et de Dieu et des choses, jamais il ne cesse d’être ; et la véritable paix de l’âme, il la possède pour toujours. La voie que j’ai montrée pour atteindre jusque-là paraîtra pénible sans doute, mais il suffit qu’il ne soit pas impossible de la trouver. Et certes, j’avoue qu’un but si rarement atteint doit être bien difficile à poursuivre ; car autrement, comment se pourrait-il faire, si le salut était si près de nous, s’il pouvait être atteint sans un grand labeur, qu’il fût ainsi négligé de tout le monde ? Mais tout ce qui est beau est aussi difficile que rare.
On peut associer cela, entre autres, aux deux "natures" de l'individu humain qui transparaissent dans le texte de Spinoza : 1) La "nature de fait", dans laquelle il est soumis aux passions, et donc partiellement fondu dans le reste du monde modal par la mémoire / imagination (ce qui en fait un "individu" dans un sens relatif seulement.) 2) La "vraie nature", où il s'exprime dans ce qui se comprend par lui-même, étant ainsi réellement "individué", du moins autant que possible.
On pourrait penser que le terme de "voie" réintroduit une part de libre arbitre. Mais comme ceci est totalement anti-spinoziste, ce qui reste c'est qu'une description juste des lois permet l'élucidation à ceux qui y entrent et peuvent s'interroger en profondeur en conséquence sur ce que cela recouvre de réel en soi, et accessoirement chez les autres (passage du deuxième genre au troisième, avec cette réserve que le troisième n'existe pas pour une tristesse en cours.) Ceci comme en tout en vertu de la situation de fait et des lois de la Nature (qui font en fait partie de la situation de fait.)
En conclusion, je dirais que rien ne s'oppose à l'être chez Spinoza, qui est toute réalité. Le "devoir être" est une notion qui me semble discutable, à cheval qu'elle est entre le couple "volonté de puissance" / "puissance", qui est une loi active en permanence, s'exprimant dans l'état de fait, et l'"idéal de puissance", qui est associé à cette loi, mais ne s'exprime de fait que dans l'être exceptionnel, asymptotiquement, et est donc à ce titre un "être de raison" pour le commun des mortels.
Amicalement
Serge
Connais-toi toi-même.