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COURT TRAITÉ
PARTIE I
CHAPITRE PREMIER
QUE DIEU EXISTE.
(1) L'existence de Dieu peut
être démontrée :
I. A priori.
1° Tout ce que nous concevons clairement et distinctement appartenir à
la nature d’une chose 1,
peut être, avec vérité, affirmé de cette chose.
Or l'existence appartient à la nature de Dieu. Donc... –
(2) 2° Les essences des choses sont de toute éternité
et demeureront immuables pendant toute éternité. Or l'existence
de Dieu est son essence. Donc... –
(3) II. A posteriori.
Si l'homme a l’idée de Dieu, Dieu doit exister formellement.
Or l'homme a l'idée de Dieu. Donc... 2
–
(4) Nous démontrons la majeure de cette manière
: Si l'idée de Dieu existe, sa cause doit exister formellement,
et il faut qu'elle contienne en soi tout ce que cette idée contient
objectivement. Mais l'idée de Dieu existe. Donc...
–
(5) Quant à la majeure de ce dernier syllogisme,
il faut, pour la démontrer, poser les règles suivantes :
1° Les choses connaissables sont en nombre infini.
2° Un entendement fini ne peut comprendre l’infini.
3° Un entendement, fini en lui-même, ne peut rien connaître
sans être déterminé par une cause extérieure,
parce que, n'ayant pas la puissance de tout connaître à la
fois, il n'a pas la puissance de commencer à connaître ceci
plutôt que cela. N'ayant ni l'une ni l'autre de ces deux puissances,
il ne peut rien par lui-même.
(6) Cela posé, la majeure en question se démontre
ainsi :
Si l'imagination de l'homme était la seule cause de son idée,
il ne pourrait comprendre quoi que ce soit. Or il peut comprendre quelque
chose. Donc, –
(7) Cette nouvelle majeure se démontre ainsi :
puisque par la première règle les choses connaissables sont
en nombre infini, que par la seconde un esprit fini ne peut comprendre
le tout (l’infini), et enfin que par la troisième il n'a pas la
puissance de comprendre ceci plutôt que cela, il serait impossible,
s'il n'était déterminé extérieurement, qu’il
fût en état de comprendre quelque chose 3.
(8) De tout cela il résulte la démonstration
de cette seconde proposition, à savoir que la cause de l'idée
que l'homme possède n'est pas sa propre imagination, mais une cause
extérieure quelconque, qui la détermine à connaître
ceci ou cela : et cette cause, c'est que ces choses existent réellement
et sont plus proches de lui que celles dont l'essence objective ne réside
que dans son entendement. Si donc l'homme a l'idée de Dieu, il
est évident que Dieu doit exister formellement, et non pas éminemment,
car, en dehors et au-dessus de lui, il n'y a rien de plus réel
et de plus parfait.
(9) Que l'homme ait l'idée de Dieu, c'est ce qui
résulte clairement de ce qu'il connaît les propriétés
4 de Dieu, lesquelles propriétés
ne peuvent être inventées par lui, puisqu’il est imparfait.
Or, qu'il connaisse ces propriétés, c’est ce qui est évident
: en effet, il sait, par exemple, que l'infini ne peut être formé
de diverses parties finies ; qu'il ne peut pas y avoir deux infinis, mais
un seul ; qu'il est parfait et immuable ; il sait aussi qu'aucune
chose par elle-même ne cherche sa propre destruction, et en même
temps que l'infini ne peut se changer 5 en
quelque chose de meilleur que lui-même, puisqu’il est parfait, ce
qu'alors il ne serait pas ; et encore qu’il ne peut être subordonné
à quelque autre chose, puisqu’il est tout-puissant, etc.
(10) On voit donc que Dieu peut être prouvé
a priori comme a posteriori, et même beaucoup mieux
a priori, car des choses prouvées a posteriori ne
le sont que par une cause extérieure à elles, ce qui est
en elles une évidente imperfection, puisqu’elles ne peuvent se
faire connaître par elles-mêmes, et seulement par des causes
extérieures. Dieu cependant, la première cause de toute
choses, et même la cause de lui-même, Dieu doit se faire connaître
lui-même par lui-même. C'est pourquoi le mot de Thomas d'Aquin
n'a pas grande valeur : à savoir que Dieu ne peut pas être
prouvé a priori, parce qu'il n'a pas de cause.
____________________
NOTES :
1. J'entends la nature déterminée
d'une chose, par laquelle elle est ce qu'elle est, et qui ne peut en aucune
façon être séparée d'elle sans que la chose
soit détruite par cela même : par exemple, il appartient
à l'essence de la montagne d'avoir une vallée ; ou, plus
brièvement, c'est là l’essence même de la montagne,
essence éternelle et immuable, et qui doit toujours être
contenue dans le concept d’une montagne, lors même qu’une telle
montagne n'existerait pas, ou n'eût jamais existé.
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2. De la définition de Dieu que
nous donnerons dans le chapitre suivant, à savoir que Dieu a des
attributs infinis, nous pouvons tirer la preuve de son existence de la
manière suivante :
Tout ce que nous voyons clairement et distinctement appartenir à
la nature d'une chose peut être affirmé avec vérité
de la chose elle-même.
Or, à la nature d'un être qui a des attributs infinis, appartient
aussi un attribut qui est son " être ". Donc...
–
Maintenant il serait faux de dire que cela n’est vrai que de l'idée
de la chose, mais non pas de la chose elle-même, car l'idée
de la propriété qui appartient à cet être n'existe
pas matériellement ; de sorte que ce qui est affirmé ne
l'est ni de la chose elle-même, ni de ce qui est affirmé
de la chose : si bien qu’entre l’idée et son idéal
(ce qui est représenté par l'idée) il y a une grande
différence, et c'est pourquoi ce qu'on affirme de la chose on ne
l'affirme pas de l’idée, et réciproquement.
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3. En outre, dire que cette idée
est une fiction est insoutenable, car il est impossible d'avoir cette
idée, si elle (son objet) n'existe pas, d'après ce qui vient
d'être démontré. A quoi nous ajoutons : il est bien
vrai que dans une idée qui, une première fois, nous est
venue d’une certaine chose, et est ensuite considérée par
nous en général in abstracto, nous pouvons, dans
la suite, penser séparément diverses parties, auxquelles
nous ajoutons fictivement d'autres propriétés empruntées
à d'autres objets. Mais c'est ce qu'il est impossible de faire,
si nous n'avons pas connu d'abord la chose même dont cette idée
est abstraite. Donc, supposez que cette idée (l’idée de
Dieu) soit une fiction, alors toutes les autres idées que nous
avons doivent être des fictions. S'il en est ainsi, d'où
vient donc la grande différence qui existe entre ces idées ?
Car nous voyons qu'il en est quelques-unes qui ne peuvent être réelles
: telles sont celles de tous les animaux fantastiques que l’on formerait
à l'aide de deux natures réunies : par exemple, celle d’un
animal qui serait à la fois un oiseau et un cheval, ou de tout
être de ce genre, qui n'ont pas de place dans la nature, laquelle
nous voyons composée toute différemment. Il est d'autres
idées qui sont possibles, sans que leur existence soit nécessaire,
mais dont l'essence néanmoins est nécessaire, quelle que
soit d’ailleurs la réalité de leur objet : par exemple,
l'idée du triangle, l'idée de l’amour dans l'âme sans
le corps ; ces idées sont telles que, tout en admettant que c’est
moi qui les ai créées, je suis forcé de dire qu'elles
sont et seraient toujours les mêmes, lors même que ni moi,
ni aucun homme n’y eût jamais pensé. Or, cela même
prouve qu'elles n'ont point été créées par
moi, et qu'elles doivent avoir, en dehors de moi, un sujet qui n’est pas
moi et sans lequel elles ne peuvent être. En outre, il est une troisième
idée, et celle-là est unique. Elle porte la nécessité
d'existence avec elle, et non pas seulement, comme les précédentes,
une existence possible ; car, pour celles-ci, leur essence était
bien nécessaire, mais non leur existence ; au contraire, pour celle
dont je parle, l'existence est aussi nécessaire que l’essence,
et rien n'est sans elle. Je vois donc qu'aucune chose ne tient de moi
vérité, essence ou existence. Car, comme nous l’avons montré
pour les idées de la seconde classe, elles sont ce qu'elles sont
sans moi, soit seulement quant à l'essence, soit quant à
l’essence et à l'existence tout ensemble. Il en est de même
et à plus forte raison de la troisième idée, qui
est seule de son espèce. Et non-seulement elle ne dépend
pas de moi, mais encore, au contraire, Dieu seul peut être le sujet
(réel) de ce que j’affirme de lui, de telle sorte que, s'il n'était
pas, je ne pourrais affirmer de lui absolument rien, tandis que je puis
toujours affirmer quelque chose des autres objets, même quand ils
n'existent pas réellement ; bien plus, il doit être
le sujet de toutes choses. En outre, quoiqu’il soit évident, par
ce que nous venons de dire jusqu'ici, que l'idée d'attributs infinis
dans un être parfait n'est pas une fiction, nous pouvons encore
ajouter ce qui suit. En réfléchissant sur la nature, nous
n'avons trouvé jusqu'à présent que deux propriétés
qui puissent convenir à cet être infiniment parfait. Mais
ces deux propriétés sont loin de nous suffire pour nous
donner à elles seules l’idée de l’être parfait ;
au contraire nous trouvons en nous quelque chose qui nous annonce non-seulement
plusieurs autres attributs, mais un nombre infini d'attributs infinis,
qui doivent appartenir à l’être parfait, afin qu'il puisse
être dit parfait. D'où vient donc cette idée de perfection ?
Elle ne peut être formée à l'aide des deux idées
mentionnées, car deux ne donnent que deux, et non un nombre infini.
D'où donc ? Non pas de moi certainement ; je devrais
donner ce que je n'ai pas. D'où enfin, si ce n'est des infinies
perfections elles-mêmes, qui nous disent qu'elles sont, sans nous
dire ce qu'elles sont ? car de deux seulement nous savons ce qu'elles
sont.
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4. Ses propriétés
- Mieux vaudrait dire : parce qu'il connaît ce qui est propre à
Dieu. Car ces choses, l’infinité, la perfection, l’immutabilité,
ne sont pas des propriétés (des attributs) de Dieu. Il est
bien vrai que sans elles il ne serait pas Dieu. Mais:ce n'est pas par
elles qu'il est Dieu, parce qu'elles ne nous font connaître rien
de substantiel ; ce ne sont que des adjectifs, qui demandent le substantif
pour être éclaircis.
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5. La cause d'un tel changement devrait
être en dehors de lui, ou en lui. Elle ne peut être en
dehors de lui, car aucune substance, existant par soi (comme est celle-ci),
ne dépend de quelque chose d'extérieur et n'est par conséquent
soumise à aucun changement ; ni en lui, car aucune chose,
et encore moins celle-ci ne veut sa propre altération ; toute altération
vient du dehors. En outre, qu’il ne puisse pas y avoir de substance limitée,
cela est évident ; puisqu'elle devrait alors avoir quelque
chose qui viendrait du néant, ce qui est impossible, car d'où
aurait-elle ce par quoi elle se distinguerait de Dieu ? Sans doute,
pas de Dieu, car celui-ci n'a rien d'imparfait, ni de limité. D’où
donc, si ce n'est du néant ?
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