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COURT TRAITÉ
PARTIE II
CHAPITRE XXIV
DE L'AMOUR DE DIEU POUR L’HOMME.
(1) Nous croyons
avoir suffisamment montré jusqu'ici ce que c'est que notre amour
envers Dieu, et la conséquence qui en résulte, à
savoir notre éternité. Nous ne croyons pas nécessaire
de parler des autres choses, telles que la joie en Dieu, la tranquillité
de l'âme, parce qu'il est facile de voir, d'après ce que
nous avons dit, en quoi elles consistent et ce qu’il faut en dire.
(2) Il nous reste à nous demander
si, de même qu’il y a un amour de nous à Dieu, il y a un
amour de Dieu à nous, c'est-à-dire si Dieu aime les hommes,
en retour de l’amour que les hommes ont pour lui. Or, puisque nous avons
dit qu’il n'y a en Dieu aucun autre mode que ceux des créatures
elles-mêmes, il s’ensuit qu’on ne peut pas dire que Dieu aime les
hommes, et bien moins encore qu'il aime ceux qui l'aiment, et qu’il hait
ceux qui le haïssent. Car alors il faudrait supposer que les hommes
sont capables de faire quelque chose librement et qu'ils ne dépendent
pas de la première cause : ce que nous avons démontré
être faux. En outre, ce serait attribuer en Dieu une grande mutabilité,
s'il pouvait commencer à aimer ou à haïr, déterminé
ou influencé par quelque chose hors de lui. Ce qui serait l'absurdité
même.
(3) Mais, quand nous disons que Dieu
n'aime pas les hommes, nous ne voulons pas dire qu’il les abandonne à
eux-mêmes (séparés de lui), mais au contraire que
l'homme, ainsi que tout ce qui existe, est en Dieu, de telle sorte que
Dieu réside en toutes ces choses et qu'il ne peut à proprement
parler y avoir en lui d'amour pour autre chose que lui-même, puisque
tout est en lui.
(4) Il suit encore de là que Dieu
ne donne pas des lois aux hommes pour les récompenser quand ils
y obéissent ; ou, pour parler plus clairement, que les lois de
Dieu ne sont pas de telle nature que l'on puisse les transgresser. Car
les règles posées dans la nature par Dieu, suivant lesquelles
toutes choses naissent et durent (si on peut les appeler des lois), sont
telles que nous ne pouvons les transgresser ; par exemple, que le plus
faible doit céder au plus fort ; qu'aucune cause ne peut produire
plus qu'elle n'a en elle-même ; et autres de cette nature, qui sont
telles qu'elles ne changent pas, ne commencent pas, et que tout leur est
soumis et subordonné.
(5) En un mot, toutes les lois que nous
ne pouvons pas transgresser sont des lois divines, par cette raison que
tout ce qui se fait se fait non pas contre, mais selon le décret
de Dieu. Toutes les lois que nous pouvons transgresser sont des lois humaines,
parce que, portées par les hommes, elles ne tendent qu'an bonheur
des hommes et non au bien du tout, et même tendent souvent au contraire
à la destruction de beaucoup d'autres choses.
(6) Les lois divines sont la fin suprême
pour laquelle toutes choses sont faites ; et elles ne sont pas subordonnées.
Il n'en est pas de même des lois humaines ; car,
lorsque les lois de la nature sont plus puissantes que les lois des hommes,
celles-ci sont détruites.
Quoique les hommes fassent des lois pour leur bonheur
et n'aient d'autre but que d'augmenter leur bonheur, cependant ce but
(en tant que subordonné à d'autres buts, aperçu par
un être supérieur, qui les ferait agir comme partie de la
nature), ce but, dis-je, peut servir à les faire agir d’accord
avec les lois éternelles, qui ont été portées
par Dieu de toute éternité, et les aide ainsi à coopères
avec le tout. Car, quoique les abeilles, par exemple, dans leur travail
et le bon ordre qu'elles observent entre elles, n'aient d'autre but que
de conserver pour l'hiver quelque provision, l'homme, qui leur est supérieur,
en les soutenant et les surveillant, se propose un tout autre but, qui
est de se procurer du miel. De même, l'homme, comme chose particulière,
n'a pas d'autre fin que d'atteindre son essence finie ; mais, comme il
est en même temps partie et instrument de toute la nature, cette
fin de l'homme ne peut être la dernière fin de la nature,
puisqu'elle est infinie, et qu'elle doit se servir de lui, ainsi que de
toutes choses, comme d'un instrument.
(7) Voilà pour les lois portées
par Dieu. Quant à l'homme, il perçoit en lui-même
une double loi : j'entends l'homme qui fait usage de son entendement et
s'est élevé à. la connaissance de Dieu : or, ces
deux lois sont causées :
1° La première, par l'union qu'il a avec Dieu ;
2° La seconde, par l'union avec les modes de la nature.
(8) De ces deux lois, la première
est nécessaire ; l'autre ne l'est pas, car pour ce qui concerne
la loi qui naît de l'union avec Dieu, comme il ne peut jamais cesser
d'être uni avec lui, il doit avoir devant les yeux les lois suivant
lesquelles il lui faut vivre pour Dieu et avec Dieu. Au contraire, quant
à la loi qui naît de la communion avec les modes, il peut
s'en délivrer, parce qu'il peut s’isoler des hommes.
(9) Puisque donc nous établissons
une telle union entre Dieu et les hommes, il serait permis de se demander
comment Dieu se fait connaître aux hommes, et si cela arrive ou
peut arriver par des paroles, ou immédiatement et sans aucun intermédiaire.
(10) Pour ce qui est des paroles, nous
répondons absolument : non ; car autrement l’homme aurait du connaître
la signification de ces paroles avant qu’elles lui fussent énoncées.
Par exemple, si Dieu avait dit aux Israélites : " Je suis
Jéhovah, votre Dieu, " il aurait fallu qu’ils sussent
déjà dans ces paroles qu'il y a un Dieu, avant de pouvoir
apprendre par ces paroles mêmes que c'était lui qui était
Dieu. Ils ne pouvaient pas savoir en effet que cette voix accompagnée
de la foudre était Dieu, même lorsque la voix le disait.
Ce que nous disons des paroles, on peut le dire de tous les signes externes
; et c'est pourquoi nous tenons pour impossible que Dieu se fasse connaître
aux hommes par des signes extérieurs,
(11) et en même temps nous jugeons
inutile de supposer pour cette connaissance autre chose que l'essence
de Dieu et l'entendement de l'homme : car ce qui, en nous, doit connaître
Dieu, étant l'entendement, qui est uni si immédiatement
à lui, qu'il ne peut exister ni être cause sans lui, il est
indubitable qu'aucun objet ne peut être lié à l'entendement
d'une manière plus intime que Dieu lui-même,
(12) car cette chose devrait être
plus claire que Dieu : ce qui est absolument contraire à tout ce
que nous avons montré jusqu'ici, à savoir que Dieu est la
cause de notre connaissance et de toute essence des choses particulières,
dont aucune ne peut ni exister ni même être conçue
sans lui. Bien plus, toute chose particulière dont l'essence est
nécessairement finie, nous fût-elle plus connue que Dieu,
nous ne pouvons pas cependant par elle arriver à la connaissance
de Dieu, car comment pourrait-il se faire que, d'une chose finie, on pût
conclure à une chose infinie et illimitée ?
(13) Et quand même nous verrions
dans la nature quelque action, ou effet, dont la cause nous fût
inconnue, il serait impossible d'en conclure que, pour produire cet effet,
il faut une cause infinie et illimitée. Comment pourrions-nous
savoir si, pour produire ces effets, plusieurs causes sont nécessaires,
ou si une seule suffit ? Qui nous le dirait ? Pour conclure, Dieu,
pour se faire connaître aux hommes, ne peut ni ne doit se servir
de paroles et de miracles, ni d'aucun autre intermédiaire créé,
mais ne peut et ne doit se servir nécessairement que de lui-même.
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